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consommé leur plan et dicté une paix avouée par la sagesse, posée sur des fondemens solides, qui ne renferme aucune semence de discorde et de guerres nouvelles.

V.

Bases possibles et raisonnables de la paix. QUELLES peuvent être les conditions de cette paix, les bases possibles et raisonnables d'une fédération générale européenne, propre à la garantir?

Cette grande et importante question, qui fourniroit seule le sujet de longues et graves méditations et d'un traité complet de politique, ne peut être discutée à fond dans ce mémoire. Nous allons offrir seulement quelques idées qui s'y rapportent, en parcourant les différens états destinés à former les anneaux d'une chaîne étroite et indissoluble dont se composera la fédération ou ligue européenne, établie pour le maintien de la paix.

1. RUSSIE. Le premier besoin de la Russie est d'accélérer et de perfectionner la civilisation de ses vastes états. Une paix générale peut seule lui fournir les moyens de consommer ce grand ouvrage, commencé par Pierre-le-Grand, con

tinué par les deux Catherine, et que l'empereur Alexandre, dès la première année de son règne, s'est montré digne de poursuivre avec succès et avec gloire. Cette noble entreprise, digne d'un siècle et d'un prince éclairés, exige toute son attention, tous ses soins, et lui méritera la re connoissance et l'admiration de ses contemporains et de la postérité.

La modération, le désintéressement conviennent à une puissance aussi influente que la Russie. Elle n'avoit rien fait qui pût motiver la guerre dirigée contre elle; cette guerre est devenue l'occasion de la délivrance de l'Europe. La Russie, qui paroissoit d'abord n'avoir à combattre que pour sa défense légitime, s'est trouvée armée pour les libertés du continent. Elle doit conserver toute la noblesse du rôle qui lui est assigné. Aucune vue d'ambition personnelle et d'agrandissement ne doit corrompre sa politique, déshonorer ses triomphes, et fournir des prétextes aux calomnies qui lui ont fait supposer des projets envahisseurs.

II. POLOGNE. L'auteur du présent mémoire ose compter assez sur la magnanimité de la Russie et de son jeune et auguste souverain, pour lui proposer de consentir à la renaissance de la Pologne. Que cette nation malheureuse lui soit

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redevable d'une nouvelle existence ; qu'elle soit reconstituée comme un état indépendant, administrée par un gouvernement monarchique tempéré (dont le chef pourroit être un prince de la maison impériale de Russie), sous la protection spéciale de cette puissance, et sous la garantie de la Prusse, de l'Autriche et de la Turquie.

III. PRUSSE. La Prusse ne pourra cicatriser que par une longue paix les plaies profondes des guerres successives qui ont ravagé ses provinces. Elle doit se serrer fortement contre la Russie et concourir généreusement au rétablissement de la Pologne, en recevant, s'il y a lieu, des indemnités du côté de la Westphalie.

Peut-être seroit-il convenable et utile d'établir une confédération particulière du nord, composée de la Russie, de la Pologne, de la Prusse, dans laquelle on pourroit faire entrer la Suède et le Danemarck.

IV. CORPS GERMANIQUE ET AUTRICHE. Le Corps Germanique, dont les liens, usés par le temps et par les circonstances, avoient perdu leur solidité, a besoin d'être réorganisé de manière à jouir de l'union et de la tranquillité intérieures, et à ne point menacer au dehors la sûreté de ses voisins.

L'empereur d'Autriche et d'Allemagne paroîtroit devoir être le chef naturel de la confédération germanique. Les différens états qui en feroient partie, devroient conserver leur indépendance fortément garantie, et n'être obligés de prendre les armes que pour une guerre défensive, évidemment nécessaire. Ils ne pourroient se faire la guerre entre eux; mais, tous leurs différends seroient soumis à un tribunal suprême, dont les membres formeroient une sorte de congrès.

L'un des traits principaux de la civilisation a été l'établissement des cours de justice, substi. tuées à ces combats singuliers et à ces épreuves qui faisoient triompher, non la cause la plus juste, mais le droit du plus fort ou les fourberies du plus rusé. Un progrès plus important de la civilisation doit consister dans l'adoption solennelle, consacrée par les souverains, des moyens les plus propres à garantir les différens états du fléau de la guerre, et à faire soumettre les objets de litige qui surviennent entre eux à une discussion publique et impartiale, à un arbitrage pacifique, à une décision supérieure et suprême d'un congrès établi et reconnu par les parties intéressées.

Les membres du corps germanique ne devroient pouvoir s'engager individuellement dans

aucune guerre offensive au dehors, sans l'aveu du congrès.

Plus les rois se lieront les mains dans toutes les choses qui sont évidemment nuisibles à la félicité de leurs peuples, comme la guerre, plus ils augmenteront et affermiront leur puissance de faire le bien, la seule dont ils doivent être jaloux.

Une réunion de savans publicistes et d'habiles jurisconsultes, versés dans la connoissance de l'ancien droit public allemand, et de quelques hommes d'état éclairés, bien pénétrés des vrais besoins de l'Allemagne et de l'Europe, pourroit mûrir les bases et combiner les élémens de la nouvelle Confédération Germanique : on y feroit entrer, comme parties contractantes, l'Autriche, la Bavière, le Wurtemberg, la Saxe, les grands-duchés de Wurtzbourg, de Francfort et de Bade, etc., la Westphalie, dont le territoire fourniroit des indemnités aux princes qui pourroient y avoir des droits, et les Villes Anséatiques. (Celles-ci pourroient faire partie de la confédération du nord, dont il a été fait mention.)

Une question délicate et importante, sur laquelle nous ne pouvons rien préjuger, sera celle de savoir, si, pour l'intérêt même de l'Angleterre et du continent, il convient que le

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