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doit jamais oublier qu'une extrême indulgence est une extréme justice. Une sorte de nécessité inévitable, qui les a opprimés, est leur ex

cuse.

XIV. FRANCE. La France, quoiqu'elle ait été déjà victime de l'égoïsme et des atroces calculs du dominateur, doit descendre du rang de suprématie (incompatible avec la sûrejé et la tranquillité de l'Europe et avec les vrais intérêts et la félicité de la nation françoise), ́ ́ que son chef avoit voulu s'arroger à lui seul, aux dépens du peuple qu'il sacrifioit. Elle doit rentrer dans les limites que la nature elle-même semble lui avoir fixées : d'un côté, le cours du Rhin, qui la sépare de l'Allemagne et de la Hollande; de l'autre, l'Océan; puis les remparts des Pyrénées, la mer Méditerranée, la chaîne des Alpes et la Suisse (i).

(1) Cette doctrine politique des limites naturelles de la France, étoit généralement reconnue en Europe au moment où ce Mémoire a été écrit, et avoit été consacrée par plusieurs traités comme pouvant établir un juste équilibre entre la France et les autres puissances. Elle n'a été désavouée qu'à l'époque où l'ambition démesurée de Buonaparte, ne connoissant aucunes bornes à ses plans d'envahissement et de conquêtes, et voulant agrandir au delà de toute proportion son gigantesque empire, a disposé les cabinets européens à user de re

Il seroit à désirer, pour la tranquillité de l'Europe, et même pour la prospérité intérieure de la France, afin que cette nation guerrière, et trop facilement docile au joug, ne fût pas, une seconde fois, dans les mains d'un chef ambitieux, un instrument de conquête et de destruction, qu'on pût, en conservant l'indépendance, l'unité et l'intégrité du territoire françois, organiser cette grande contrée en union fédérative, sous le gouvernement de l'impératrice régente, assistée d'un conseil de régence, qui distribueroit de grands gouvernemens militaires, ou provinces, aux premiers personnages de l'état, chargés d'y tenir les rênes de l'administration publique, avec l'assistance de conseils ou d'etats provinciaux.

Ainsi seroit résolu le double problème :

1o. Conserver la monarchie et la patrie fran

présailles envers la nation, devenue l'instrument et la victime de ce nouveau fléau de Dieu, et à faire rentrer la France dans ses anciennes limites, par la crainte qu'un chef habile et guerrier n'abusât une seconde fois de sa puissance pour troubler les états voisins. Les souverains alliés sentiront néanmoins que la France, régulièrement constituée, succédant au colosse impérial, doit obtenir d'eux plus de confiance; et qu'il importe à la garantie respective des autres états, qu'elle conserve une extension de territoire proportionnée à celle qu'ils ent acquise eux-mêmes. (Note de l'auteur en 1814.)

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çoises intactes, divisées en portions assez puissantes par elles-mêmes pour résister à l'influence dominatrice et malfaisante d'un seul chef, qui voudroit entraîner l'état dans des guerres d'ambition et de conquête; empêcher la capitale de la France d'absorber tout l'Empire, qui se trouve ainsi toujours à la merci d'une révolution d'état et d'un coup de main dans une seule ville.

2o. Ménager à l'autorité suprême, en France, des moyens faciles de satisfaire l'ambition et de récompenser les services des principaux personnages de l'état, qui, après l'agitation d'une vie publique livrée à de grands intérêts, conserveroient un caractère turbulent et inquiet, s'ils étoient condamnés à la nullité d'une existence absolument privée, oisive et obscure, sans considération, sans influence et sans gloire.

Quant au chef actuel des François, il est impossible, pour l'honneur et pour le bonheur de la France, victime de la folie et de l'extravagance de ses plans, et pour la sûreté de l'Europe, de lui laisser aucune part dans le gouvernement. Il a prouvé, depuis dix ans, son incapacité absolue de gouverner sagement un état. Il a englouti, sans but raisonnable et sans aucun résultat, plus d'hommes et de millions qu'aucun des conquérans dévastateurs qui ont désolé la terre.

Un grand exemple, qui sera le plus juste châtiment de cette ambition criminelle et insensée à laquelle il a sacrifié la population françoise et toute l'Europe, doit le condamner à une entière nullité. L'île de Corse, sa patrie, pourroit lui servir d'asile, si elle ne rejette pas de son scin avec indignation celui dont la postérité la plus reculée lui reprochera la naissance, qui est devenue pour le monde entier une source de calamités. Sinon, qu'il aille chercher un asile sur le même sol de l'Amérique, où il avoit forcé le brave et estimable général Moreau d'aller ensevelir sa destinée. D'autres rois contemporains, ceux de Suède, d'Espagne, de Hollande, lui ont appris qu'on peut descendre du trône et vivre en homme privé. La morale publique et la dignité des souverains, cruellement outragées par sa conduite et par ses succès, ont besoin d'être vengées. On lui laissera la vie, pour qu'il puisse méditer sur les crimes qui ont mis un terme à son usurpation, qu'il auroit pu légitimer et affermir par une conduite sage et modérée. Le tableau et le contraste du mal immense qu'il a fait, du bien immense qu'il auroit pu faire, en profitant des circonstances favorables, et uniques peut-être, dont il a si étrangement abusé, formeront un morceau d'histoire digne d'exercer

la plume d'un Tacite ou d'un Robertson.

XV. ANGLETERRE. C'est l'Angleterre, il faut l'avouer, qui a été le boulevard et la conservatrice de la civilisation européenne. Elle doit cet avantage à la sagesse de sa constitution, à la force de son esprit public, à l'énergie de son gouvernement et de la nation. Il importe à son honneur, à sa liberté, à son existence politique, de conserver ce noble caractère. L'Angleterre jugera digne d'elle dé donner l'exemple de la modération aux puissances du continent. Elle doit être assez généreuse pour restituer une partie de leurs colonies à la Hollande, à l'Espagne, et même à la France. Une répartition proportionnelle et bien combinée des possessions coloniales entre les principales puissances de l'Europe, suivant leur influence commerciale respective, formeroit le sujet d'un vaste et utile travail, pour lequel l'auteur du présent mémoire n'a point les lumières ni les renseignemens nécessaires.

Il seroit également digne de l'Angleterre et des souverains de l'Europe de mettre à exécution le projet réparateur de la population et des finances, d'opérer une réduction proportionnelle convenue dans l'état militaire des diffé

TOME IX.

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