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6 Juillet, le Souverain Pontife était enlevé de Rome et conduit à Ancône.

La brillante campagne de 1809, terminée par la paix de Vienne qui avait encore reculé les frontières de l'Empire, fut la dernière complètement glorieuse et complètement heureuse pour nos armes, et Napoléon pouvait dire plus tard qu'après Wagram et la paix de Vienne « il avait posé le pied sur un abîme recouvert de fleurs. » Cependant tout le Continent se liguait avec lui contre l'Angleterre; la fin de l'année 1809 était marquée par les mesures de la Suède contre son ancienne alliée, conséquences de sa paix avec la Russie et le Danemark.

Dès le début de l'année 1810, Napoléon, comprenant que pour atteindre l'Angleterre et la contraindre à la paix il lui fallait aller en personne diriger la guerre d'Espagne, prit ses dispositions pour s'y rendre. Mais avant il voulut amener le Blocus Continental au dernier degré de rigueur. C'est alors que, pour fermer plus hermétiquement les côtes de son Empire et mieux tracer ses frontières, il en arriva avec la Hollande à cette querelle que nous avons racontée, et qui amena la réunion de ce pays à l'Empire. Nous avons ajouté qu'il avait tenté de se servir des premières menaces de réunion pour traiter indirectement de la paix avec l'Angleterre. Le stratageme employé consistait à faire envoyer en Angleterre par le Conseil des Ministres hollandais un intermédiaire non officiel qui s'assurerait si l'appréhension de la réunion de la Hollande ne déterminerait pas le Gouvernement britannique à entrer en pourparlers pour la paix. M. Labouchère, banquier hollandais, fut chargé de cette mission. Un projet de note, dicté par Napoléon et remis au Baron

Roell, fut confié à cet envoyé. Il y était dit entre autres choses:

Jusqu'en 1807 le droit maritime de l'Angleterre était sans doute combattu par la France et repoussé par les Neutres, mais il n'excluait pas toute navigation et laissait encore une sorte d'indépendance aux nations maritimes....

La quatrième coalition a détruit cet état de choses. L'Angleterre, parvenue à réunir contre la France la Russie, la Prusse et la Suède, ne s'est plus vue obligée à tant de ménagements; c'est alors qu'abusant et des mots et des choses elle a élevé la prétention de faire taire et disparaître tous les droits des Neutres devant un simple décret de blocus. L'Empereur s'est vu forcé d'user de représailles, et, à son arrivée à Berlin, il a répondu au blocus de la France par la déclaration du blocus des Iles Britanniques. Les Neutres et surtout les Américains demandèrent des explications sur cette mesure. Il leur fut répondu que quoique l'absurde système de bloquer un Etat tout entier fut une usurpation intolérable, l'Empereur se bornerait à arrêter sur le Continent le commerce des Anglais; que le pavillon neutre serait respecté sur mer; et que ses bâtiments de guerre et ses corsaires ne troubleraient point la navigation des Neutres, le décret ne devant avoir d'exécution que sur terre....

La paix de Tilsitt eut lieu. L'Empereur de Russie, provoqué par les outrages que l'Angleterre avait faits à son pavillon pendant qu'il combattait pour elle, et indigné de l'horrible attentat de Copenhague, fit cause commune avec la France.

La France espéra alors que l'Angleterre verrait désormais l'inutilité d'une plus longue lutte et qu'elle entendrait à des paroles d'accommodement; mais ces espérances s'évanouirent bientôt. En même temps qu'elles s'évanouissaient l'Angleterre, comme si l'expédition de Copenhague lui eût oté toute pudeur et eût brisé tous les freins, mettait ses projets à découvert et publiait son ordre du Conseil de Novembre 1807, acte arbitraire et tyrannique qui a indigné l'Europe. Par cet acte elle se rendait maîtresse de la navigation universelle, ne reconnaissait plus aucune nation maritime comme indépendante, rendait tous les peuples ses tributaires, les assujettissait à ses lois, ne leur permettait de commercer que pour son profit, fondait ses revenus sur l'industrie des nations et sur les produits de leur territoire, et se déclarait la souveraine de l'Océan, dont elle disposait comme chaque gouvernement dispose des rivières qui sont sous sa domination.

A l'aspect de cette législation qui n'était autre chose que la proclamation de la souveraineté universelle et qui étendait sur tout le globe la juridiction du Parlement britannique, l'Empereur sentit

qu'il était obligé de prendre un parti extrême et qu'il fallait tout employer plutôt que de laisser le monde se courber sous le joug qui lui était imposé. Il rendit son décret de Milan qui déclare dénationalisés les bâtiments qui ont payé à l'Angleterre le tribut qui était imposé....

.... Le succès des vues de l'Empereur dépendait surtout de l'exécution universelle et sans exception de ses Décrets....

Sa Majesté désire la paix avec l'Angleterre. Elle a fait à Tilsitt des démarches pour y parvenir; elles ont été sans résultat. Celles qu'il avait concertées avec son allié à Erfurt n'ont pas eu plus de succès. La guerre sera donc longue puisque toutes les démarches tentées pour arriver à la paix ont été inutiles. La proposition même d'envoyer des Commissaires à Morlaix pour traiter de l'échange des prisonniers, quoique provoquée par l'Angleterre, est restée sans effet, lorsqu'on a craint qu'elle pût amener un rapprochement.

L'Angleterre, en s'arrogeant par ses ordres du Conseil de 1807 la souveraineté universelle et en adoptant le principe d'une guerre perpétuelle, a tout brisé et a rendu légitimes tous les moyens de re pousser ses prétentions.

M. Labouchère se rendit plusieurs fois en Angleterre; une fois même au nom du Roi de Hollande. Ces ouvertures ne furent pas accueillies. Le premier Ministre, M. Perceval, de l'école de Pitt, ne voulait aucune paix avec la France; et le Marquis de Wellesley, qui inclinait à la paix, craignit d'agiter l'opinion par une négociation qui ne fût pas sérieuse. Cette négociation tombait donc d'elle-même lorsque le Préfet de police, Fouché, la reprit dans ses mains. néfastes, y mêla l'ex-banquier Ouvrard, compromit M. Labouchère, et, bien plus, compromit Napoléon lui-même par des menées et des propositions intempestives et criminelles aussi payâ-t-il de sa place ces manœuvres secrètes dont le résultat si fàcheux pour lui devait en faire un ennemi personnel de Napoléon et l'un des acteurs les plus actifs et les plus bas de la chute de ce Souverain.

Ne pouvant plus compter sur la Hollande comme prix de la paix avec l'Angleterre, Napoléon la réunit

à l'Empire le 9 Juillet. Mais, avant de fermer définitivement ce débouché à l'Angleterre, il avait renforcé sa position en Autriche par son mariage avec Marie-Louise, et d'autre part blessé la Russie par cette question du mariage et par celle de la Convention concernant la Pologne. Le moment semblait donc mal choisi pour prescrire de nouvelles mesures de rigueur. Néanmoins Napoléon, que rien n'arrêtait, donna des ordres pour saisir les navires grecs et américains qui s'étaient faits les intermédiaires du commerce britannique.

Les Grecs et les navires qui naviguaient sous pavillon ottoman purent être reçus provisoirement dans les ports, mais l'on devait envoyer leurs papiers à Paris pour y être vérifiés. Quant aux Américains il ne se borna pas à leur fermer les ports: il en ordonna la saisie dans les ports français ou dépendants, et la réclama partout ailleurs, cherchant à démontrer que tous ces batiments ne pouvaient être que de faux américains en raison du bill d'embargo, ou de faux Neutres vivant de fraudes et de contrebande ou naviguant avec des licences anglaises.

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Les rigueurs du Blocus Continental avaient causé partout des souffrances et contrarié les intérêts, les

goûts et les penchants non seulement des peuples de l'Empire mais encore de ceux du monde entier. Malgré la surveillance extrême apportée partout où Napoléon pouvait établir ses cordons de douaniers, malgré la pression qu'il exerçait sur les points où il ne commandait pas, la contrebande se donnait carrière les peuples, les populations des côtes ou des frontières aidaient les contrebandiers, les secondaient de toutes manières, facilitaient les débarquements clandestins, se jetaient avec les fraudeurs sur les douaniers pour les désarmer ou les tuer, ou se mettaient en frais pour les séduire.

Il y avait tout d'abord cette quantité de faux Neutres, américains pour la plupart, restés en aventuriers sur les mers contrairement aux bills d'embargo et de non intercourse. Ils allaient en Angleterre, prenaient des licences, et, sous la protection de petites divisions anglaises qui les convoyaient soit sur les côtes de la Hollande, soit dans la Baltique à Stralsund, à Riga, à Revel, à Cronstadt, ils se présentaient comme Neutres et étaient crus à peu près partout, car l'on ne demandait qu'à être trompé. D'ailleurs les Anglais cédaient leurs denrées aux contrebandiers avec 40 ou 50 pour cent de perte, tellement était grand l'avilissement des valeurs accumulées dans leurs entrepôts. Ils avaient établi d'immenses entrepôts de marchandises à Héligoland, à Gothenbourg avec la participation frauduleuse de la Suède, et en avaient même installé sur le Continent, dans le Holstein et dans la Poméranie. Les bénéfices à réaliser étaient tellement importants. que les contrebandiers n'hésitaient pas à risquer leur vie pour arriver à se constituer de réelles fortunes en très peu de temps. Tout d'ailleurs était mis

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