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Bien plus, dans le courant de l'année 1811, les Anglais firent savoir à Napoléon qu'ils consentiraient à recevoir du vin en échange de sucre dans la proportion d'un tonneau de vin pour douze quintaux de sucre. Immédiatement Napoléon ne songea plus qu'à les tromper sur l'exportation du vin en accordant des Licences à des bâtiments et équipages français sous pavillon simulé et en divisant l'opération par dixième, car il ne s'agissait pas moins que de l'importation de 120 000 quintaux de sucre brut contre 10 000 tonneaux de vin. Grâce à cette division, les bâtiments ne pouvant être complètement chargés, il y avait place pour que la moitié ou le tiers de la cargaison se composât d'objets que l'Angleterre ne se souciait pas de recevoir; par contre, la cargaison officielle de retour n'étant pas complète, il y avait place pour le chargement clandestin de laines, cuirs, potasse, médicaments, quinquina, cuivres bruts nécessaires en France.

Afin de favoriser les ports les plus importants de l'Empire des Licences furent délivrées à Bordeaux, au Havre, à Ostende, Rotterdam et Amsterdam d'après une répartition faite à l'avance et après fixation du rapport qui devait composer les chargements.

Ainsi que nous l'avons dit au début, ce système de Licences devait naturellement encourager la contrebande. Napoléon le reconnaissait et disait plus tard le Système des Licences était vicieux sans doute! Dieu me garde de l'avoir posé comme principe. Il était de l'invention des Anglais; pour moi ce n'était qu'une ressource du moment. Le Système Continental lui-même dans son étendue et sa rigueur n'était, dans mon opinion, qu'une mesure de guerre et de circonstance.... La souffrance et l'anéantis

sement du commerce extérieur, sous mon règne, étaient dans la force des choses, dans les accidents du temps'.... » Comme les matières que, soit en France, soit en Angleterre, l'on obligeait les Capitaines à charger en sus de la cargaison officielle, n'auraient pu être déchargées ouvertement aux ports d'arrivée, le déchargement de ces marchandises s'opérait en pleine mer avec le concours des smugglers, et le reste de la cargaison arrivait comme matières permises.

Napoléon avait mis à la disposition du Ministre de la police une certaine quantité de Licences destinées à récompenser des services secrets. Avec ces Licences il se commettait des tripotages extraordinaires. Assurées de l'impunité, certaines que les agents ne contrôleraient pas les Licences données par la police, les maisons qui les avaient obtenues importaient mais n'exportaient pas pour des sommes égales. Il était entré ainsi pour 2 800 000 francs de marchandises à Dunkerque, pour 500 000 à Ostende et pour des sommes plus considérables encore à Boulogne. Napoléon retira toutes les Licences de la police et n'en voulut plus d'autres que celles qui seraient revêtues de sa propre signature.

Cependant le système des Licences ne devait pas empêcher les matières premières et le sucre de passer en fraude sur le Continent. On verra plus loin. de quels expédients se servit Napoléon soit en imposant des tarifs d'entrée, soit en faisant vendre par les douanes les matières coloniales séquestrées. Pour en finir avec cette question des Licences nous allons examiner les dernières mesures prises par Napoléon avant la campagne de 1812.

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En Italie et en France le sucre était à un prix exhorbitant; il était déjà moins cher dans les pays de la Confédération, et il était à un prix raisonnable partout ailleurs ce qui prouvait que les lois du blocus étaient parfaitement exécutées en Italie et dans l'Empire; qu'elles l'étaient moins dans la Confédération; qu'elles l'étaient fort peu dans tous les autres pays. Pour remédier à cette situation et ne pas faire payer aux seuls peuples de l'Empire les frais de la guerre, Napoléon se décida à accorder des Licences pour faire entrer 450 000 quintaux de sucre brut, du café, des cuirs de Buénos-Ayres, de l'indigo, du thé, du coton, des bois de teinture, en échange d'une exportation de produits français. Quant aux moyens d'exécution, et nous ferons encore mieux comprendre le système des Licences, voici quels ils furent :

Il ne fut plus donné que deux espèces de Licences: les Licences de la première espèce servaient pour importer des blés, riz, tout ce qui tenait aux circonstances de l'année; elles n'étaient soumises à aucune condition. Les Licences de la seconde espèce renfermaient la permission d'importer telles quantités de sucre, café, etc., à Nantes et à Bordeaux contre les vins et les eaux-de-vie, et dans le Nord contre de la soie pour un tiers, les toiles de Cambrai, les linons et autres marchandises de cette espèce pour les autres tiers. Chaque Licence était pour un voyage, mais un négociant pouvait en prendre deux ou trois s'il le voulait parce que l'ensemble des Licences distribuées comprenait la totalité des denrées reconue nécessaire.

Pour la France et l'Italie les matières devaient être soumises aux droits perçus par les douanes

françaises et italiennes; pour les Princes de la Confédération, on s'était proposé d'exiger d'eux qu'ils ne reçussent rien ni de l'Autriche ni de la Prusse et de leur faire une bonification sur les droits par le canal des douanes françaises, ce qui devait leur donner un bénéfice considérable. Napoléon avait même songé à approvisionner l'Autriche en permettant le transit par Trieste et en mettant un droit de transit tel qu'il égalât le droit continental: ainsi ce droit étant de 30 sous, Napoléon voulait faire passer le sucre à l'Autriche en percevant pour lui-même Io sous et en obligeant l'Autriche à percevoir un droit de 20 sous. On comprend que, par ce système, les peuples de l'Autriche cussent payé le sucre aussi cher que ceux de l'Empire, et qu'en procédant ainsi pour tous les pays, en supposant, bien entendu, la contrebande éteinte, le prix du sucre fût devenu partout à peu près égal.

Quant aux deux espèces de Licences elles furent réparties en séries.

Hambourg, Brême, Lubeck formèrent une série ; Amsterdam, une autre; Ostende, Dunkerque, une troisième le Havre, Caen, une quatrième; Grandville, Saint-Malo, Morlaix, Redon, Quimper, une cinquième; Nantes, La Rochelle, Bordeaux, Bayonne, une sixième; Marseille, Cette, Nice, une septième; Savone et Gênes, une huitième; Livourne, Civita-Vecchia, une neuvième; Trieste, une dixième; le royaume d'Italie avec Venise et Ancône, une onzième; le royaume de Naples, une douzième ; Mecklembourg, Rostock et Wismar, une treizième; la Prusse, la dernière série. Pour les trois dernières séries on devait attendre que ces pays réclamassent des Licences. Quant à Dantzig, ce port était destiné

à fournir des denrées coloniales à la Pologne, et à recevoir ses bois de construction et ses blés.

Si l'Empereur accordait des Licences pour l'exportation des denrées d'Allemagne et des Villes Hanséatiques, les navires ne devaient rien rapporter d'Angleterre, mais revenir sur lest en France pour y prendre des marchandises françaises et les exporter dans le Nord.

SECTION IV

LA GUERRE MARITIME

Projets de Napoléon. Immobilisation des Escadres.

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Agrandissement
Tactique navale

Barres. Plan des constructions navales. Situation de la marine française. Construction de canaux. des ports et rades. Education des matelots. de Napoléon.

tium.

Situation probable des Anglais.

Bataille d'Ac

En même temps que la guerre commerciale, la guerre maritime. Les Anglais étaient les maîtres sur mer. Napoléon crut devoir établir ses plans d'après cette situation, et renonça, autant par nécessité que par calcul, à toutes croisières, à toutes opérations lointaines dans lesquelles ses navires pouvaient courir trop de hasards. En 1807 et en 1808, il avait cependant songé à une expédition dans l'Inde, et avait cherché à attirer la Perse dans son alliance. Mais, par la suite, il se décida à la stricte défensive jusqu'à ce qu'il en eut fini avec les affaires du Continent et que ses forces maritimes accumulées lui permissent de frapper plus tard des coups redoutables. Il retint donc tous ses bâtiments dans les ports, activa ses

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