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Assemblée nationale.

Muguet, au nom des comités réunis de constitution, des recherches, diplomatique, etc., fit, le 13, un rapport sur la fuite du roi. Il conclut en disant que ce n'était pas un délit constitutionnel; que d'ailleurs le principe de l'inviolabilité ne permettait pas de mettre Louis XVI en cause. Il proposa que Bouillé, ses complices et ses adhérens, fussent traduits à la haute-cour nationale. Une partie de la gauche demanda l'ajournement, dans le but de laisser à la France le temps de manifester son vœu sur le parti que l'assemblée devait prendre à l'occasion de Louis XVI. Dandré s'y opposa, afin, dit-il, de faire cesser la lutte des factieux contre l'intérêt public. Robespierre vota pour l'ajournement. Charles Lameth lui répondit, et l'assemblée ayant adopté ses conclusions, on entra sur-le-champ en discussion. Les orateurs entendus pendant les séances des 15, 14 et 15, furent, contre l'inviolabilité, MM. Pétion, Putraink, Vadier, Robespierre, Prieur, Grégoire et Buzot.-Pour: MM, Larochefoucault Liancourt, Prugnon, Duport, Goupil de Préfeln, Salles et Barnave. Nous citerons trois opinions contre, et trois pour. Nous avons choisi, d'un côté, celles de MM. Vadier, Robespierre et Grégoire. Vadier parlait pour la première fois. Nous ferons suivre son discours d'un article assez curieux de Marat. De l'autre côté, nous avons pris les opinions de MM. Goupil, Salles et Barnave.

A la fin de la séance du 14, le président annonça une pétition, signée de cent personnes, sur l'objet de la discussion. Barnave en fit envoyer la lecture au lendemain. Cette adresse, dont nous indiquerons ailleurs l'origine, fut lue en effet au commencement de la séance du 15. Voici cette pièce :

sur

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< C'est pour lui donner une constitution, et non pour établir le trône un chef traître à ses sermens, que la nation vous a envoyés. Justement alarmés des dispositions du projet qui vous est présenté par vos comités, nous venons vous inviter à dissiper nos inquiétudes. Lorsque les Romains voyaient la patrie en danger, ils se rassemblaient comme peuple, et les sénateurs ve

naient parmi eux pour recueillir leur vœeu. C'est avec ce caractère, que nous tenons des Romains, que nous venons vous prier de ne rien statuer jusqu'à ce que le vœu de toutes les communes du royaume se soit manifesté. Craignez de couronner les atroces perfidies de nos ennemis ; et n'oubliez pas que tout décret qui ne se renfermerait pas dans les bornes du pouvoir qui vous est confié, est, par-là même, frappé de nullité.

Suivent 100 signatures.

Les tribunes applaudissent.

Signé, LE PEUPLE.>

M. le président rappelle aux tribunes le respect qu'elles doivent à l'assemblée, et leur défend de donner aucun signe d'approbation ou d'improbation. L'assemblée du jour.]

passe

Opinion de Vadier. SÉANCE DU 13.

à l'ordre

[M. Vadier. Le décret que vous allez rendre décidera du salut ou de la subversion de l'empire. Un grand crime a été commis; il existe de grands coupables: l'univers vous regarde, et la postérité vous attend. Vous pouvez en un instant perdre ou consolider vos travaux. Il est, selon moi, une question préliminaire à celle de l'inviolabilité: c'est celle de savoir si un roi parjure qui déserte son poste, qui emmène avec lui l'héritier présomptif de la couronne, qui se jette dans les bras d'un général perfide qui veut assassiner sa patrie, qui répand un manifeste où il déchire la constitution; si, dis-je, un tel homme peut ensuite être qualifié du titre de roi des Français: l'inviolabilité ne réside plus sur sa tête depuis qu'il a abdiqué sa couronne. (Quelques membres de la partie gauche et les tribunes applaudissent.) Aucun de nous a-t-il pu entendre qu'un brigand couronné......... (La grande majorité de la partie gauche murmure. Quelques applaudissemens se font entendre dans la salle et les tribunes. — Plusieurs membres de la partie droite se lèvent avec précipitation et menacent l'opinant.)

---

Aucun de nous a-t-il pu croire qu'un brigand couronné pût impunément massacrer, incendier, appeler dans le royaume des

satellites étrangers? Une telle monstruosité enfanterait bientôt des Nérons et des Caligulas. (On entend des applaudissemens.) Je fais une question à ceux qui proposent de remettre le roi sur le trône: lorsqu'il s'agira de l'exécution de vos lois contre les traîtres à la patrie, sera-ce au nom d'un transfuge, d'un parjure, que vous la réclamerez? sera-ce au nom d'un homme qui les a si ouvertement violées? Jamais une nation régénérée, jamais les Français ne s'accoutumeront à un pareil genre d'ignominie. N'est-ce donc pas assez d'avoir acquitté les déprédations de sa faiblesse, d'avoir sauvé son règne d'une infâme banqueroute? Ses valets, dont le faste contraste tant avec le régime de l'égalité, nous accusent encore de parcimonie. (Les applaudissemens recommencent.) La sueur et le sang de plusieurs millions d'hommes ne peut suffire à sa subsistance. Je ne veux pas vous rappeler ici les circonstances de son règne, cette séance royale, ces soldats envoyés pour entourer l'enceinte où vous étiez rassemblés; en un mot, la guerre et la famine dont on voulait en même temps affliger le royaume. Jetons sur tous ces désastres un voile religieux. (L'agitation se manifeste dans diverses parties de la salle.) On m'accuse de parler comme Marat: je fréquenté peu la tribune. (Plusieurs voix s'élèvent dans la partie droite: Tant mieux, monsieur, tant mieux.) Je n'ai d'autre éloquence que celle du coeur, je dois mon opinion à mes commettans; je la déclarerai mêmé au peril de ma vie. La nation vous a revêtus de sa confiance; vous connaissez son vou, ne tergiversez pas, ou bien empressez-vous de rendre aux corps électoraux l'activité que vous leur avez ôtée. Mais n'allez pas vous, charger d'une absolution qui ne peut que flétrir votre gloire. (Nouveaux applaudissemens.) Je conclus à ce que les complices, fauteurs et adhérens de la fuite du roi, soient renvoyés à la cour provisoire séante à Orléans; que l'activité soit rendue aux corps électoraux pour choisir vos successeurs, et qu'il soit nommé une convention nationale pour prononcer sur la déchéance de la couronne que Louis XVI a encourue. (Les applaudissemens de quelques membres de la partie gauche et des tribunes recommencent.)]

Voici maintenant les réflexions de Marat sur le discours qu'on vient de lire: Parmi les orateurs qui se sont distingués à combattre le projet infâme et désastreux des sept comités, de réhabiliter Louis, le fourbe et le conspirateur, était le sieur Vadier, député de Pamiers. A l'ouïe de son discours, plusieurs voix se sont écriées dans l'assemblée: C'est Marat, c'est Marat. Bientôt ce discours à circulé dans le public, et les lecteurs de sens se demandaient comment un orateur de cette trempe s'était si longtemps caché sous le boisseau. Si l'on prend la peine d'examinér ce beau discours, on verra qu'il est tissu de phrases pillées dans les feuilles patriotiques, surtout de l'Ami du peuple, dont on a sur-le-champ reconnu la doctrine. Et puis fût-il sorti tout entier de la tête de l'orateur, la matière qui en fait l'objet n'était rien moins que difficile à traiter. Après ces remarques préliminaires, je dois informer mes lecteurs qu'avant que le décret fût passé, le sieur Vadier, emporté par un mouvement de vanité, m'a fait adresser, par l'un de mes anciens éditeurs, son discours pour être inséré dans ma feuille. Je me contentai de louer l'énergie qu'il y a déployée. Aujourd'hui qu'il l'a démentie par la plus lâche adhésion (1) au décret de réhabilitation, je me fais un devoir de faire ressortir toute la platitude de la conduite du député de Pamiers, en publiant en entier son discours énergique: contraste frappant dont je donnerai la clef.» (Suit le discours de Vadier.) Márat raconte ensuite la conduite de Vadier, le 16; puis il ajoute:

» C'est ainsi qu'au lieu de protester contre un décret atroce, ce lâche a mis un genou en terre, et présenté la tête au joug comme un esclave. A l'ouïe de cette rétractation, il n'est pas un lecteur honnête qui ne se soit écrié : Oh! l'infâme! Il fallait s'écrier: Ah! le fripon! Citoyens crédules, apprenez donc que Vadier n'a pas eu plutôt tonné contre Louis le conspirateur, que les émissaires de la cour lui ont fait des propositions, et qu'il

(1) Le 16, Vadier déclara que, bien qu'il eût combattu le projet des comités, il détestait néanmoins le système républicain, et défendrait les décrets. (Note des autears.)

s'est vendu comme un gueux: voilà la raison de l'amende honorable qu'il vient de faire.

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Apprenez aussi qu'un des grands motifs des pères conscrits de suspendre les élections pour la seconde législature et se perpétuer, est l'envie que les opineurs de la culotte portent aux péroreurs qui ont fait leurs orges, Jaloux de l'opulence des Chapelier, des Dandré, des Target, des Emmery, des Barnave, assez gorgés d'or pour mettre dix mille écus sur une carte, et perdre cent mille livres dans une soirée, ces infâmes ne veulent pas désemparer qu'ils ne soient gorgés de même. Or, ils seront gorgés, et ils ne désempareront pas que la cour qui les achète, ne soit au comble de ses vœux, et qu'ils n'aient décrété le rétablis sement du despotisme.» (L'Ami du peuple, du 15 juillet.)

Opinion de Robespierre. SÉANCE DU 14 JUILLET.

Messieurs, je ne veux pas répondre à certain reproche de républicanisme qu'on voudrait attacher à la cause de la justice et de la vérité; je ne veux pas non plus provoquer une décision sévère contre un individu; mais je viens combattre des opinions dures et cruelles, pour y substituer des mesures douces et salutaires à la cause publique : je viens surtout défendre les principes sacrés de la liberté, non pas contre de vaines calomnies, qui sont des hommages, mais contre une doctrine machiavélique dont les progrès semblent la menacer d'une entière subversion. Je n'examinerai donc pas s'il est vrai que la fuite de Louis XVI soit le crime de M. Bouillé, de quelques aides-de-camp, de quelques gardes-du-corps et de la gouvernante du fils du roi; je n'examinerai pas si le roi a fui volontairement de lui-même, ou si, de l'extrémité des frontières, un citoyen l'a enlevé par la force de ses conseils ; je n'examinerai pas si les peuples en sont encore aujourd'hui au point de croire qu'on enlève les rois comme les femmes. (On rit; on murmure.) Je n'examinerai pas non plus si, comme l'a pensé M. le rapporteur, le départ du roi n'était qu'un voyage sans sujet, une absence indifférente, ou s'il faut le lier à tous les événemens qui ont précédé; s'il était la

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