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Le roi reçut l'acte constitutionnel, et fit à la députation la réponse suivante, qu'il m'a remise écrite de sa main :

« Je reçois la constitution que me présente l'assemblée nationale. Je lui ferai part de ma résolution dans le plus court délai qu'exige l'examen d'un objet si important. JE ME SUIS DÉCIDÉ A RESTER A PARIS. Je donnerai mes ordres au commandant général de la garde nationale parisienne pour le service de ma garde. > Le roi montra toujours un air satisfait. Nous revînmes à la salle de vos séances, dans le même ordre dans lequel nous étions partis; comme plusieurs de nós collègues s'y trouvaient, ainsi qu'un grand nombre de citoyens, je me suis fait un devoir de les instruire de ces faits, afin de leur donner la plus prompte publicité. Par ce que nous avons vu et entendu, tout nous pronostique que l'achèvement de la constitution sera aussi le terme de la révolution. (L'assemblée et les tribunes applaudissent à plusieurs reprises.) Je vais remettre sur le bureau la réponse signée de la main du roi.]

SÉANCE DU 13 SEPTEMBRE.
Message du roi.

[M. le président. Voici la teneur du message que vient de me remettre le ministre de la justice:

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• Messieurs, j'ai examiné attentivement l'acte constitutionnel que vous avez présenté à mon acceptation. Je l'accepte, et je le ferai exécuter. Cette déclaration eût pu suffire dans un autre temps; aujourd'hui je dois aux intérêts de la nation, je me dois à moi-même de faire connaître mes motifs. Dès le commencement de mon règne, j'ai désiré la réforme des abus, et dans tous les actes du gouvernement, j'ai aimé à prendre pour règle l'opinion publique. Diverses causes, au nombre desquelles on doit placer la situation des finances à mon avènement au trône, et les frais immenses d'une guerre honorable, soutenue long-temps sans accroissement d'impôts, avaient établi une disproportion considérable entre les revenus et les dépenses de l'Etat. Frappé de la grandeur du mal, je n'ai pas sculement cherché les moyens d'y

porter remède ; j'ai senti la nécessité d'en prévenir le retour; j'ai conçu le projet d'assurer le bonheur du peuple sur des bases constantes, et d'assujétir à des règles invariables l'autorité même dont j'étais dépositaire. J'ai appelé autour de moi la nation pour l'exécuter. Dans le cours des événemens de la révolution, mes intentions n'ont jamais varié. Lorsqu'après avoir réformé les anciennes institutions, vous avez commencé à mettre à leur place les premiers essais de votre ouvrage, je n'ai point attendu, pour y donner mon assentiment, que la constitution entière me fût connue. J'ai favorisé l'établissement de ses parties avant même d'avoir pu en juger l'ensemble; et si les désordres qui ont accompagné presque toutes les époques de la révolution venaient trop souvent affliger mon cœur, j'espérais que la loi reprendrait de la force entre les mains des nouvelles autorités, et qu'en approchant du terme de vos travaux, chaque jour lui rendrait ce respect sans lequel le peuple ne peut avoir ni liberté, ni bonheur.

› J'ai persisté long-temps dans cette espérance, et ma résolution n'a changé qu'au moment où elle m'a abandonné. Que chacun se rappelle le moment où je me suis éloigné de Paris; la constitution était prête à s'achever, et cependant l'autorité des lois semblait s'affaiblir chaque jour. L'opinion, loin de se fixer, se subdivisait en une multitude de partis. Les avis les plus exagérés semblaient seuls obtenir de la faveur; la licence des écrits était au comble; aucun pouvoir n'était respecté. Je ne pouvais plus reconnaître le caractère de la volonté générale dans des lois que je voyais partout sans force et sans exécution. Alors, je dois le dire, si vous m'eussiez présenté la constitution, je n'aurais pas cru que l'intérêt du peuple (règle constante et unique de ma conduite) me permît de l'accepter. Je n'avais qu'un sentiment, je ne formai qu'un seul projet: je voulus m'isoler de tous les partis, et savoir quel était véritablement le vœu de la nation.

< Les motifs qui me dirigeaient ne subsistent plus aujourd'hui; depuis lors les inconvéniens et les maux dont je me plaignais vous ont frappés comme moi; vous avez manifesté la volonté de rétablir l'ordre; vous avez porté vos regards sur l'indiscipline de

l'armée; vous avez connu la nécessité de réprimer les abus de la presse. La révision de votre travail a mis au nombre des lois réglementaires plusieurs articles qui m'avaient été présentés comme constitutionnels. Vous avez établi des formes légales pour la révision de ceux que vous avez placés dans la constitution. Enfin, le vœu du peuple n'est plus douteux pour moi; je l'ai vu se mánifester à la fois, et par son adhésion à votre courage, et par son attachement au maintien du gouvernement monarchique.

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› J'accepte donc la constitution. Je prends l'engagement de la maintenir au-dedans, de la défendre contre les attaques du dehors, et de la faire exécuter par tous les moyens qu'elle met en mon pouvoir. Je déclare qu'instruit de l'adhésion que la grande majorité du peuple donne à la constitution, je renonce au concours que j'avais réclamé dans ce travail, et que n'étant responsable qu'à la nation, nul autre, lorsque j'y renonce, n'aurait le droit de s'en plaindre. (La partie gauche et toutes les tribunes retentissent d'applaudissemens.) Je manquerais cependant à la vérité si je disais que j'ai aperçu dans les moyens d'exécution et d'administration toute l'énergie qui serait nécessaire pour imprimer le mouvement et pour conserver l'unité dans toutes les parties d'un si vaste empire: mais puisque les opinions sont aujourd'hui divisées sur ces objets, je consens que l'expérience seule en demeure juge. Lorsque j'aurai fait agir avec loyauté tous les moyens qui m'ont été remis, aucun reproche ne pourra m'être adressé, et la nation, dont l'intérêt seul doit servir de règle, s'expliquera par les moyens que la constitution lui a réservés. (Nouveaux applaudissemens.)

› Mais, Messieurs, pour l'affermissement de la liberté, pour la stabilité de la constitution, pour le bonheur individuel de tous les Français, il est des intérêts sur lesquels un devoir impérieux nous prescrit de réunir tous nos efforts. Ces intérêts sont le respect des lois, le rétablissement de l'ordre, et la réunion de tous les citoyens. Aujourd'hui que la constitution est définitivement arrêtée, des Français vivant sous les mêmes lois, ne doivent connaître d'ennemis que ceux qui les enfreignent; la discorde et

l'anarchie, voilà nos ennemis communs. Je les combattrai de tout mon pouvoir : il importe que vous et vos successeurs me secondiez avec énergie; que, sans vouloir dominer la pensée, la loi protège également tous ceux qui lui soumettent leurs actions. Que ceux que la crainte des persécutions et des troubles auraient éloignés de leur patrie, soient certains de trouver, en y rentrant, la sûreté et la tranquillité. Et pour éteindre les haines, pour adoucir les maux qu'une grande révolution entraîne toujours à sa suite, pour que la loi puisse d'aujourd'hui commencer à recevoir une pleine exécution, consentons à l'oubli du passé. (La partie gauche et les tribunes retentissent d'applaudissemens.) Que les accusations et les poursuites qui n'ont pour principes que les événemens de la révolution, soient éteintes dans une réconciliation générale.

› Je ne parle pas de ceux qui n'ont été déterminés que par leur attachement pour moi: pourriez-vous y voir des coupables? Quant à ceux qui, par des excès où je pourrais apercevoir des injures personnelles, ont attiré sur eux la poursuite des lois, j'éprouve à leur égard que je suis le roi de tous les Français.

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P. S. J'ai pensé, Messieurs, que c'était dans le lieu même où la constitution a été formée, que je devais en prononcer l'acceptation solennelle. Je me rendrai en conséquence demain, à midi, à l'assemblée nationale. >

M. La Fayette. Je croirais, Messieurs, faire tort aux sentimens qui viennent d'associer l'assemblée au vœu que le roi nous a témoigné, si je ne me bornais, pour la régularité de la délibération, à proposer le décret suivant :

< L'assemblée nationale, après avoir entendu la lecture du message du roi, qui accepte l'acte constitutionnel, s'associant aux sentimens que le roi a témoignés sur la cessation de toutes poursuites relatives aux événemens de la révolution, décrète ce qui suit :

1° Toutes personnes constituées en état d'arrestation ou d'ac

cusation, relativement au départ du roi, seront sur-le-champ remises en liberté, et toute poursuite cessera à leur égard.

2o Les comités de constitution et de jurisprudence criminelle présenteront demain, à l'ouverture de la séance, un projet de décret qui abolisse immédiatement toute procédure relative aux événéméns de la révolution.

3o Il sera également présenté demain un projet de décret qui abolisse l'usage des passeports, et anéantisse les gênes momentanées apportées à la liberté que la constitution assure à tous les citoyens français 'd'aller et de venir, tant au dedans qu'au dehors du royaume.

Toute la partie gauche, une partie du côté droit et les tribunes retentissent d'applaudissemens.

L'assemblée adopte par acclamation le projet de décret présenté par M. La Fayette.

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M. Goupil. Je demande qu'une députation de soixante mem

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bres se rende sur-le-champ chez le roi pour lui présenter le décret qui vient d'être rendu (Quelques voix s'élèvent dans la partie gauche : L'assemblée en corps.)

L'assemblée adopte la proposition de M. Goupil.

SÉANCE ROYALE DU MERCREDI 14 SEPTEMBRE.

M. Dandré. Je rappelle à l'assemblée que, lorsque le roi est présent, il ne doit être pris aucune délibération, et je demande que le président soit investi de toute l'autorité nécessaire pour empêcher aucun membre de prendre la parole, le roi présent. L'assemblée décide qu'aucune motion ne sera faite en présence du roi.

M. le Chapelier. Je prie l'assemblée de m'accorder un moment d'attention pour que je lui rende compte de la députation envoyée hier chez le roi. Nous avons rempli auprès du roi la mission que vous nous aviez donnée, de remettre à sa majesté le décret que vous veniez de rendre. En lui remettant ce décret, nous avons exprimé au roi la sensation qu'avait excitée dans l'assemblée son message, nous lui avons dit :

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