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tribuée, en l'an X, que pour les choses, et qui fût réservée expressément pour les personnes aux tribunaux ordinaires, par l'article 114 du décret du 16 décembre 1811 (Coll. Duvergier, XVIII, p. 89).

« Comment donc, à l'époque de la loi du 28 pluviôse an VIII, l'autorité administrative, qui n'avait pas la juridiction en matière de grande voirie, qui n'en avait aucune en matière correctionnelle, aurait-elle pu apprécier les consé quences d'un crime ou d'un délit commis par un entrepreneur? N'est-on pas fondé à soutenir que nulle part on ne trouve la trace de cette prétendue volonté du législateur de créer pour les tribunaux administratifs la compétence absolue et exclusive, dont parlaient le préfet et le ministre des travaux publics?

<< En terminant, permettez-nous, Messieurs, un rapprochement. La compétence administrative, admise sans contestation en matière de dommages temporaires, ne l'a été qu'après de longs débats en matière de dommages permanents. Mais quand il s'agit d'expropriation, c'est-à-dire de la privation totale et définitive de la chose, le législateur veut qu'elle s'opère par autorité de justice. A-t-il voulu qu'il en fût autrement lorsque ce qui est en jeu, ce n'est plus une chose, un objet matériel, mais l'homme lui-même et son existence?

« Nous concluons à l'annulation du conflit. >>

Napoléon, etc.,

Vu l'arrêté, en date du 10 juillet 1865, par lequel le préfet de la Seine a élevé le conflit d'attribution dans une instance pendante devant notre cour de Paris entre la dame veuve Boisseau, d'une part, et d'autre part, la compagnie concessionnaire du chemin de fer du Nord, par suite de l'appel interjeté devant ladite cour d'un jugement rendu par le tribunal civil de la Seine le 5 juin 1862;

Vu l'exploit introductif d'instance, en date du 12 décembre 1861, par lequel la dame Virginie Mignan, veuve du sieur Alexandre Boisseau, tant en son nom personnel qu'au nom de ses trois enfants mineurs, a fait donner assignation à la compagnie du chemin de fer du Nord, dont le siége est à Paris, pour s'entendre condamner à lui payer une somme de 125 000 francs à répartir dans les proportions qui seraient indiquées par le tribunal entre elle et ses enfants, et ce à titre d'indemnité en raison du décès de son mari, arrivé par suite de la chute, dans la nuit du 6 septembre 1861, d'une voiture qu'il conduisait et qui aurait été précipitée dans une tranchée ouverte pour l'exécution de la voie ferrée de Senlis à Chantilly, et dont les abords n'auraient été ni éclairés, ni défendus par des obstacles suffisants;

Vu le jugement, en date du 5 juin 1862, par lequel le tribunal du département de la Seine a condamné la compagnie du chemin de fer du Nord à payer à la dame veuve Boisseau ès-noms la somme de 60 000 francs;

Vu l'acte signifié, le 12 juillet 1862, à la requête de la compagnie

du chemin de fer du Nord, et par lequel elle déclare interjeter appel du jugement ci-dessus visé;

Vu le déclinatoire proposé par le préfet de la Seine devant notre cour de Paris, le 26 mars 1863, et tendant à ce que la cour se déclare incompétente, attendu: 1° qu'il était nécessaire d'examiner si l'accident était dû à l'inobservation des prescriptions, soit du cahier des charges de la concession, soit des règlements généraux sur l'exécution des travaux publics, et que cette question préjudicielle était de la compétence de l'autorité administrative; 2° que, d'ailleurs, les travaux du chemin de fer de Senlis à Chantilly dont la compagnie du Nord est concessionnaire avaient le caractère de travaux publics, et que la loi du 28 pluviôse an VIII attribue aux conseils de préfecture, d'une manière générale et absolue, la connaissance des dommages, de quelque nature qu'ils soient, qui proviennent du fait des entrepreneurs de travaux publics;

Vu les conclusions par lesquelles la compagnie a déclaré, en ce qui touche le déclinatoire, s'en rapporter à justice;

Vu les conclusions du ministère public, tendantes à ce que la cour, sans s'arrêter au déclinatoire proposé, se déclare incompétente;

Vu le jugement par lequel le tribunal correctionnel de l'arrondissement de Senlis a renvoyé le sieur Farina des poursuites dirigées contre lui, à raison de l'accident qui aurait causé la mort du sieur Boisseau;

Vu l'arrêt, en date du 22 novembre 1861, par lequel notre cour d'Amiens a infirmé le jugement ci-dessus visé, condamné le sieur Farina à un mois d'emprisonnement comme coupable d'homicide par imprudence, et dit qu'il n'y avait pas lieu à déclarer la compagnie du chemin de fer du Nord civilement responsable des dépens;

Vu la loi des 11-16 septembre 1791;

Vu la loi du 28 pluviose an VIII;

Vu l'article 1384 du Code Napoléon et l'article 74 du Code pénal; Vu l'ordonnance du 21 mars 1831;

Vu notre décret du 25 juillet 1863, portant fixation des vacances de notre conseil d'état;

Considérant que l'action portée devant le tribunal de la Seine par la dame Boisseau tend à faire condamner la compagnie concessionnaire du chemin de fer du Nord à lui payer une indemnité à raison du préjudice que lui a causé la mort de son mari, par suite de la chute qu'il a faite dans une tranchée ouverte pour l'établissement du chemin de fer de Senlis à Chantilly;

Considérant que le sieur Farina, entrepreneur des travaux pour le compte de la compagnie du Nord, a été condamné correctionnellement comme coupable d'homicide par imprudence, à raison de l'accident qui a causé la mort du sieur Boisseau; qu'ainsi la demande de la dame Boisseau a pour objet de faire condamner la compagnie du chemin de fer du Nord, comme responsable de la négligence et de la faute du sieur Farina; que cette contestation n'est pas de celles qui peuvent être décidées par application des clauses du cahier des charges de l'entreprise, et dont il appartient aux conseils de préfecture de connaître en vertu de l'article 4 de la loi du 28 pluviose an VIII; qu'ainsi c'est à tort que le conflit d'attribution a été élevé;

Art. 1er. L'arrêté de conflit ci-dessus visé est annulé.

(N° 895)

22 novembre 1863.]

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Architecte; marché passé au nom et pour le compte des entrepreneurs avec un sous-traitant; conflit. (Zeppenfeld.) L'autorité administrative est incompétente pour déterminer quelles obligations peuvent résulter pour les entrepreneurs d'un ouvrage public et pour l'architecte qui a traité en leur nom (et non en sa qualité de mandataire et d'agent de l'autorité administrative) d'une convention passée avec un sous-traitant pour l'exécution d'une partie de cet ouvrage.

Napoléon, etc.,

Vu l'arrêté, en date du 7 août 1863, par lequel le préfet du Gers élève le conflit d'attribution dans une instance engagée, devant le tribunal civil de l'arrondissement d'Auch, entre le sieur Zeppenfeld, sculpteur, d'une part, et les sieurs Gentil, architecte, Pader et Labenère, entrepreneurs des travaux du palais de justice, d'autre part; ledit arrêté ayant pour objet de revendiquer la connaissance de cette instance pour l'autorité administrative en ce qui concerne le sieur Gentil;

Vu la requête, en date du 17 juin 1863, adressée au président du tribunal civil de l'arrondissement d'Auch, par le sieur Édouard

Zeppenfeld, sculpteur, à l'effet d'être autorisé à assigner à bref délai les sieurs Gentil, Pader et Labenère, et dans laquelle il expose que, dans le cours du mois de mars précédent, le sieur Gentil, architecte, tant pour lui que pour les entrepreneurs précités, a traité avec le requérant de l'exécution de sculptures à faire au fronton du palais de justice, moyennant la somme de 1 000 francs qui devait être payée par les sieurs Pader et Labenère comme les autres sculptures faites par le même artiste au même palais; qu'il était sur le point de terminer son travail, consistant en une tête de la Justice, lorsque, soit le sieur Gentil, soit les sieurs Pader et Labenère le firent contremander sous les plus vains prétextes; qu'il entend réclamer l'exécution des conventions passées avec lui; qu'en conséquence, il demande qu'à défaut par les sieurs Gentil, Pader et Labenère d'exécuter ces conventions, ils seront tous trois condamnés solidairement à lui payer avec l'intérêt légal la somme de ooo francs, prix convenu pour le travail dont il s'agit;

Vu l'ordonnance, en date du 17 juin 1863, par laquelle le président du tribunal civil de l'arrondissement d'Auch autorise le sieur Zeppenfeld à assigner les sieurs Gentil, Pader et Labenère pour l'audience du 22 juin courant;

Vu le jugement, en date du 1er juillet 1863, par lequel le tribunal civil de l'arrondissement d'Auch rejette l'exception d'incompétence proposée par le sieur Gentil;

Vu le mémoire, en date du 11 juillet 1863, par lequel le préfet du Gers décline la compétence du tribunal en ce qui concerne l'action dirigée contre le sieur Gentil, attendu que celui-ci se serait borné, en sa qualité d'architecte du département, a agréer le sous-traité passé entre le sieur Zeppenfeld et les sieurs Padère et Labenère, et que, dans tous les cas, s'il avait fait un traité, ce traité devait être considéré comme un marché de travaux publics, de l'exécution duquel l'autorité administrative devrait connaître, aux termes de l'article 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII;

Vu les conclusions du ministère public tendantes au rejet du déclinatoire ;

Vu le jugement, en date du 20 juillet 1863, par lequel le tribunal prononce le rejet du déclinatoire;

Vu la loi des 16-24 août 1790;

Vu les lois des 7 et 11 septembre 1790, du 28 pluviose an VIII et du 16 septembre 1807;

Vu les ordonnances royales du 1er juin 1828 et du 12 mars 1831; Vu le décret du 25 janvier 1852 et celui du 23 juillet 1863, article 4;

Considérant qu'il ne s'agit pas d'apprécier les effets d'un marché qui aurait été passé, pour l'exécution d'un travail public, entre le sieur Zeppenfeld, sculpteur, et le sieur Gentil, en sa qualité de mandataire et d'agent de l'autorité administrative; que l'instance engagée devant le tribunal civil de l'arrondissement d'Auch, par le sieur Zeppenfeld, a pour but de faire décider que le sieur Gentil est tenu solidairement avec les sieurs Pader et Labenère, pour le compte desquels il a traité de l'exécution de certains ouvrages de sculpture avec ledit sieur Zeppenfeld, de procurer à celui-ci l'exécution de son traité ou de l'indemniser de l'interruption de son travail; que cette contestation ne peut être considérée comme un litige entre l'administration et un entrepreneur de travaux publics, sur lequel il appartiendrait à l'autorité administrative de prononcer en vertu de l'article 4 de la loi du 28 pluviose an VIII; qu'il s'agit de déterminer quelles obligations peuvent résulter, pour les entrepreneurs d'un ouvrage public et pour l'architecte qui a traité en leur nom, d'une convention passée avec un sous-traitant pour l'exécution d'une partie de cet ouvrage; que cette appréciation d'un contrat de droit commun appartient à l'autorité judiciaire; que, dès lors, c'est à tort que le conflit d'attribution a été élevé ;

Art. 1. Est annulé l'arrêté de conflit ci-dessus visé pris par le préfet du Gers, à la date du 7 août 18€3.

(N° 896)

[26 novembre 1863.]

Cours d'eau non navigables; demande en établissement de barrage; enquête obligatoire. — (Rallier.) - Les demandes formées à l'effet d'obtenir l'autorisation d'établir des barrages doivent être soumises à une enquête de vingt jours, avant que les ingénieurs et les administrations départementale et communale soient appelés à donner leur avis (*). Annulation, pour excès de

() Voir 12 janvier 1860, Pujo (3a série, X, 452) et 28 novembre 1861, Maréchal (4 série, II, 236).

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