LETTRE CXIX. * Confentius propofe à Saint Augustin diverfes queftions fur la Trinité. CONSENTIus faluë fon tres-honoré GUSTIN. Avois déja fait entendre en peu de mots à vôtre faint frere, le tres - venerable Evêque Alipe ce que je defire de vous, efperant qu'il fe rendroit mon interceffeur, & qu'il appuyeroit la priere que j'avois à vous faire. Mais comme je me fuis trouvé obligé d'aller à la campagne,& que je me voy privé par-là de l'efperance que j'avois de vous voir, j'ay mieux aimé vous expofer par cette lettre ce que j'ay à vous demander, que de demeurer plus long-temps en fufpens fur ce que je puis attendre de vous; & j'ay pris ce parti- là d'autant plus volontiers, que j'ay crû que fi vous jugiez à propos de m'accorder ce que je I. a. Ce CONSENTIus doit fans doute étre le même que celuy à qui la lettre 205. eft addreffée : c'étoit vrayfemblablement un Laïque qui s'appliquoit à l'étude dans la retraite, & compofoit même quelques ouvrages, dont faint Auguftin fait cas, auffi bien que de fa maniere d'écrire, qui eft affeurement plus polie & plus railonnable que celle que nous voyons d'ordinaire dans > vous demande, le repas de la folitude où vous étes prefentement,rendroit vôtre efprit encore plus capable de penetrer la profondeur des myfteres fur lefquels je defire que vous m'inftruifiez. J'ay toûjours crû, comme une maxime conftante la foy, plûtôt › que c'est par que par la raifon, que nous devons atteindre la verité des chofes de Dieu; car fi l'on ne parvenoit à la foy de l'Eglife que par les difcuffions & les raisonnemens, & non pas par une humble & pieufe credulité, le bonheur éternel ne feroit que pour les Orateurs & les Philofophes. Mais puifque celuy qui a choifi ce qu'il y a de plus foible dans le mon- 1.Cor.1 27. de pour confondre tout ce qu'il y a de plus fort, a jugé à propos de faire de la folie de la predication l'inftrument Ibid. v. 21. du falut de ceux qui croiroient; il vaut mieux fuivre avec foûmiffion l'authorité des Saints, que de s'attacher à demander raifon des chofes de Dieu. En effet, les Arriens qui veulent les Autheurs du fiecle & du païs où il vivoit. Car il y a grande apparence qu'il étoit de quelqu'une des Ifles Baleares qu'on nomme aujourd'huy Majorque & Minorque, à ce qu'on en peut juger par ce qu'il en dit luymême dans cette lettre. C'eft à luy que faint Auguftin addreffe le Livre contre le menfonge. Ce Livre eft traduit & imprimé à Paris chez Pralard, avec quelques autres traitez du même Saint. II. CLASSE. AN. 1. 410. 11. CLASSE. A.N. 410. que le Fils foit moindre que le Pere, de qui nous croyons qu'il eft engendré, n'auroient jamais perfifté dans cette impieté, ny les Macedoniens dans celle qui leur fait nier la divinité du faint Efprit, que nous croyons qui n'eft ny de luy - même, ny engendré, fi les uns & les autres avoient voulu en croire les Ecritures plûtôt que leurs raisonne mens. 2. Neanmoins puifque nôtre Pere celefte, qui feul poffede le fecret des mysteres, & qui tient la clef de David en Apoc. 3. 7. fa puiffance, vous a rendu capable de penetrer, par la pureté de vôtre œil interieur, jufques dans le fanctuaire du Ciel, & d'y voir à découvert la gloire du Seigneur, ne laiffez pas, ô homme admirable, de nous expliquer, autant que cela fe peut par des paroles, & que celuy qui vous a éclairé interieurement vous donnera moyen de nous communiquer des chofes fi élevées, ne laiffez pas, dis-je, de nous donner quelque idée de la nature ineffable de Dieu, & de cette image vivante du pere qui l'exprime fi parfaitement. Car à moins de vous avoir pour guide dans cette recherche, nos efprits n'oferoient s'élever jufques-là; & ños yeux font trop foibles Quelle opinion on avoit de la fuffifance de faint Augufrin dés fon vivant. foûtenir l'éclat d'une fi vive lupour miere. Entrez donc dans cette nuée ob-. fcure des myfteres,que nos yeux ne fçauroient percer: redreffez-moy fur ce que j'ay dit de mal dans la refolution des queftions que je vous envoye, & corrigez même ce que j'en ay écrit. Car j'aime bien mieux fuivre avec foûmiffion & avec foy l'authorité de vôtre fainteté, que de m'égarer en fuivant la fauffe lueur de mes penfées. duit 3. J'ay toûjours écouté & crû, avec toute la fimplicité & la circonfpection que la foy demande,ce que l'Ecriture dit du Fils de Dieu, dans ces paroles du Pfeaume, Annoncez celuy par lequel Dieu Pfal. 95.2. vous fauve, & qui eft comme un jour propar un autre jour; & dans ces autres de la Sageffe, Il est la fplendeur de la lumiere éternelle ; & fur cela je croyois, Sap. 7. 26. fans pouvoir neanmoins élever ma foy à rien de proportionné à la grandeur & à l'excellence de fon objet, que Dieu étoit une certaine lumiere incomprehenfible d'une étenduë infinie, & dont l'efprit humain, quelque haut qu'il put élever fes penfees, n'étoit pas capable ny de concevoir l'excellence, ny furer la grandeur, ny de fe figurer la beauté; mais qu'enfin quoy que ce pût de me II. CLASSE. II. CLAS SE. A N. 410. Je dis vers la fin du premier livre, comme je croy que vous vous en souvenez, qu'encore que nôtre Seigneur Jefus-Christ, c'eft à dire l'homme auquel Dieu s'eft uni, foit entré par fa refurrection en poffeffion de la toutepuiffance de Dieu, ce qu'il y a cu de materiel dans le corps qu'il a pris, fubfifte encore, fans que dans les entrailles de la terre, où il a été trois jours, il en ait perdu autre chofe que ce qu'il avoit d'infirme, de paffible & de mortel; & "fur cela, on m'a fait cette objection. Si " cet homme auquel le Fils de Dieu s'est "uni cft changé en Dieu, il n'eft plus de nature à étre contenu dans un licu par»ticulier. D'où vient donc que Jefus " Chrift n'a pas laiffé de dire à la Made"leine aprés fa refurrection, Ne me touchez pas, car je ne fuis pas encore monté à mon " » Pere? در étre que cette lumiere, c'étoit une chofe d'une beauté & d'un éclat incomprehenfible, & qui étoit vifible aux yeux même du corps, finon à ceux de tous les Saints, au moins à ceux de JefusChrift. در 4. Pour tâcher donc de prouver que Jefus-Chrift eft par tout par fa puiffance, & felon fa divinité, quoiqu'elle n'opere |