III. CLASSE. A N. 411. fe font expofez pour l'éviter; fans compter que quand ils l'auroient évitée dans ce moment, & qu'ils feroient revenus en fanté, la vie qu'ils auroient achetée au prix de tant de douleurs n'auroit pas laiffé de finir, parce qu'enfin c'est une vie mortelle, & qui ne fçauroit même beaucoup durer, puifque les plus longues font tres-courtes; & que n'ayant pas un feul jour d'affeuré, nous ne fçaurions jouir qu'en tremblant de ce petit nombre de jours dont ce que nous appellons nôtre vie eft compofé. 3. Mais le plus grand mal, & qui fait le plus d'horreur de tous ceux qui font il va même des fuites de l'amour exceffif que l'on a jufqu'à nous jetter dans pour cette miserable vie, c'est que pour le peché pour l'allonger tant foit peu on ne craint point la pralande déplaire à Dieu, qui eft la fource de la gera veritable vie ; & qu'ainfi par une crainte vaine & inutile, d'une mort qu'il faut fubir tôt ou tard, on fe ferme l'entrée du bien-heureux féjour, où l'on poffede une vie qui ne finit point. Mais d'ailleurs quand une vie miferable, comme celle que nous menons icy bas, pourroit toûjours durer, elle ne feroit nullement comparable à une vie heureufe, quelque courte qu'elle pût étre. Cependant l'amour de cette vie, aulli courte que miferable, fait que l'on perd une vie, non feulement heureufe, AN. 411. mais éternelle,quoique dans celle-même que l'on aime malheureusement, on ne cherche que ce que l'on auroit feurement dans l'autre,& que l'amour de celle-cy fait perdre. Car qu'aime - t'on quand on aime cette vie fi courte & fi miserable? Ce n'eft ny fa mifere, puifl'on veut étre heureux, ny fa brieveté, puifqu'on craint de la voir finir. On ne l'aime donc que parce qu'elle eft vie; & cela feul fait qu'on l'aime de telle forte, toute courte & miferable qu'elle eft, que cet amour fait perdre tres-fouvent celle où l'on feroit à jamais heureux. que 4. Quiconque aura fait reflexion à ce que nous venons de dire, trouvera-t'il que ce foit trop, que la vie éternelle veüille étre cherie de fes amateurs, comme celle-cy l'eft des fiens? N'eft-ce pas la chose du monde la plus injufte & la plus visiblement contraire au bon fens, qu'au lieu que pour allonger tant foit peu cette vie qui aprés tout ne fçauroit toûjours durer, on méprife tout ce qu'il y a d'agreable dans le monde, l'acquisition de la vie qui fait vivre éternellement dans celuy qui a fait le iii. CLASSE. III. CLASSE. AN. 411. monde, ne foit pas capable de nous faire mépriser le monde? * Sac de Rome par les Dans la defolation de cette grande ville où le Siege de l'Empire eft établi, Gots an 410. & qui vient d'etre faccagée par les Barbares, combien de ces amateurs de cette vie paffagere, pour la pouvoir traîner un peu plus long-temps, & encore dans la mifere & dans la pauvreté, ont été réduits à donner non feulement tout ce qui en faifoit l'aifance & la dignité, mais même le fonds de la fimple subsistance? Les amans donnent à celles qu'ils aiment pour fe les conferver : mais au moins ils les enrichiffent par ce qu'il leur en coûte: ceux-cy au contraire auroient perdu la vie qu'ils aimoient s'ils ne l'avoient renduë pauvre, & bien loin de l'enrichir, il a fallu luy ôter tout, de peur que l'ennemy ne la leur ôtât. Et en cela je ne les blâme pas; puifque s'ils n'avoient perdu tout ce qu'ils tenoient en referve pour le foûtien de leur vie, ils l'auroient perduë elle-méme, quoique les Barbares aprés avoir commencé par ôter les biens à quelques-uns, leur ayent enfuite ôté la vie ; & qu'ils ayent même commencé par l'ôter à d'autres qui étoient prests de tout don ner pour la rachepter. Mais enfin cela nous doit faire voir jufqu'à quel point AN 411. nous devons aimer la vie éternelle, & que ce n'eft pas trop que de méprifer pour elle tout ce que nous avons de fuperflu, puifque l'amour de cette vie paffagere va jufqu'à faire mépriser ce qui feroit neceffaire pour la foûtenir. 5. C'est ce qui ne peut jamais arriver aux amateurs de la veritable vie, & l'envie de la conferver ne fçauroit nous réduire à perdre ce qui eft neceffaire pour la foûtenir. Mais comme celle-cy n'eft qu'un moyen pour y arriver, nous la traitons comme une fervante, d'autant plus en état de rendre service à fa maîtreffe qu'elle eft plus libre & plus debarraffée. C'eft ce que nous faifons lorfque nous la dépêtrons de l'amour des fuperfluitez, qui font comme des parures inutiles & embaraffantes, & que nous la déchargeons des follicitudes de ce fiecle, qui font comme des fardeaux accablans, & que nous écoutons la voix du Seigneur qui nous anime à la recherche de cette heureuse vie pour gage de laquelle il nous donne la fidelité inviolable de fes promesfes, lorfqu'il s'écrie comme ayant autour de luy tous les hommes affemblez, Ve III. CLASSE. vie presen te n'eft qu'un moriver à l'an yen pour ar tre. tr AN. 411. & 29. nez à moy vous tous qui étes dans les travaux & dans les peines, & qui gemiffez Mat.11.28. fous le faix des tribulations, & je vous foulageray. Mettez-vous à porter monjoug, &apprenez de moy que je fuis doux & bumble de cœur, & vous trouverez le repos de vos ames; car mon jong eft doux & mon fardeau eft leger. de la vie. Cette leçon de pieté & d'humilité chaffe de nos ames, & éteint en nous cette cupidité turbulente & inquiete qui nous rend avides de tout ce qui n'eft point en nôtre pouvoir. Car ON EST neceffairement dans la peine inquiétudes & dans le travail, lorfqu'on aime & qu'on recherche cette foule de chofes qu'il ne fuffit pas de defirer pour les avoir, parce que ce qui feroit neceffaire pour cela n'eft point au pouvoir de la volonté. La juftice & la bonne vie, ne font pas de ce nombre-là: dés que nous la voulons, nous l'avons; puifque la vouloir d'une volonté pleine & entiere, c'est étre jufte, & que pour accomplir la juftice, il ne faut que cette plenitude de volonté. Or jugez ce que coûtent les chofes où il n'y a qu'à vou loir ? C'eft pour cela qu'il nous a été Luc. 2.14. dit d'enhaut, paix aux hommes de bonne volonté. Car IL N'Y A de repos, que III: CLASSE, Source generale des |