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nouvel éveque, qui n'a pas encore pris possession, ou bien à l'ancien ?

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1. Ils ont tous deux encouru la censure, puisqu'elle est attachée au péché qu'ils ont commis en se frappant; 2o elle n'est pas réservée au pape, parce que comme il n'y a ni mutilation, ni œil, ou dent arrachée, ni plaie considérable, ce n'est point là ce qu'on appelle percussio atrox. D'ailleurs le fait est occulte, et on ne peut dire qu'il ait été porté au for contentieux, vu qu'une simple plainte ne suffit pas pour cela, ni même une assignation, et qu'il faut contestatio litis; 3° Pascase et Paul doivent s'adresser à l'ancien évêque car puisqu'il n'a été dépossédé de l'exercice de sa juridiction épiscopale, ni par le chapitre, ni par le nouvel évêque, il est en droit de donner l'absolution aux coupables par lui-même ou par tel autre prêtre qu'il voudra commettre à cet effet; 4 comme Paul a porté sa plainte au juge contre Pascase, el que dans la suite il pourrait peutétre la relever et le poursuivre en justice, il est de la prudence que Pascase tire un certificat de son absolution.

- La discipline sur la réserve de cette censure n'est pas la même dans tous les diocèses. Il y en a plusieurs où il n'y a point de réserve, quand ceux qui ont été frappés ne sont pas in sacris. Il faut bien retenir ces deux maximes, 1° que ce péché, quoique public, n'est jamais réservé, quand la percussion, quoique mortelle, n'est pas considérable; 2° que lors même qu'elle est atroce, il n'est pas réservé, pourvu qu'il soit occulte.

CAS V. François ayant frappé publiquement un prêtre, et étant actuellement poursuivi en justice pour être nommément excommunié, demande cependant à être reçu à la participation de la pénitence et de l'eucharistie, avant que le procès soit terminé; et promet de faire au prêtre, à l'Eglise et au public toute la satisfaction qu'il plaira à l'évêque de lui ordonner. Peut-on lui accorder la grâce qu'il demande?

R. 1 On ne peut recevoir François à la participation des sacrements, avant qu'il ait reçu l'absolution de l'excommunication qu'il a encourue par l'outrage qu'il a fait au prétre; 2 il peut néanmoins en être absous par l'autorité du pape, avant le jugement définitif du procès qu'on lui a intenté; 3° et alors il pourra être admis à la participation des sacrements, puisqu'il donne toutes les marques d'un homme véritablement pénitent, par les offres qu'il fait d'accepter et d'exécu ier toutes les satisfactions convenables qui lui ont été ou qui lui seront imposées Voy. le ch. 10 et 12. de sent. excom.

CAS VI. Hermodore ayant rencontré Junien, sous-di cre, qu'il savait être nommément et publiquement excommunié, l'a frappé de plusieurs coups de bâton, persuadé qu'il le pouvait faire sans être excommunié. A-t-il encouru l'excommunication par cette action?

R. I l'a encourue, 1° parce qu'un clerc excommunié ne perd pas le rang qu'il a

dans l'Eglise, quoiqu'il n'en puisse faire usage; 2° parce que le privilége n'a pas été accordé principalement en faveur de l'ecclésiastique outragé, mais en faveur de tout l'ordre clérical, contre lequel pèche celui qui outrage un des membres qui le composent. Cum ille canon non tam in favorem clerici ordinati, quam in favorem ordinis clericalis fuerit promulgatus, dit Innocent I:1, c. 36, de Sent. excom. ; 3° parce que c'est l'opinion commune des docteurs, comme le dit saint Antonin et comme on le voit dans Fagnan, in cap. Ecclesiæ, 10, de Immunit. Eccles. n. 2.

CAS VII. Phocion, homme de qualité, s'étant trouvé offensé par une parole que lui a dite un ermite, lui a donné deux ou trois coups de canue. A-t-il encouru l'excommunication?

R. Il l'a encourue, si cet ermite est du nombre de ceux qui, quoiqu'ils ne soient pas clercs, sont attachés à une règle approuvée par l'Eglise et sous un supérieur légitime; parce qu'alors il est véritable ment religieux. Mais si cet ermite ne l'est que par dévotion et par son habit, sans être altaché à aucune règle approuvée par l'Eglise, Phocion n'a pas encouru l'ex communication, un tel ermite ne jouissant pas du privilége de la cléricature.

-Des ermites qui, de leur propre choix, vivraient ensemble comme frères, ne joairaient pas du privilége du canon. Mais s'ils faisaient des vœux simples sous la direction de l'évêque, il est probable qu'ils en jouiraient. Voyez Gibert, Usage de l'Eglise, etc., pag. 203.

ČAS VIII. Diomède et Raoul, gentilshommes, se sont battus en duel et ont pris chacun un second. Aucun des quatre n'a été tué; mais deux ont été légèrement blessés. S'étant présentés à leur curé pour se confe ser à Pâques, il a refusé de les entendre, el leur a dit qu'ils avaient encouru l'excommunication majeure dont il n'avait pas pouvoir de les absoudre. Ce curé ne s'est-il point trompé en cela?

R. Un grand nombre de conciles ont excommunié ceux qui se battent en duel, et ont traité ceux qui y ont été tués comme homicides d'eux-mêmes, défendant de fire aucune oblation ni prière pour eux, et même d'accorder à leurs cadavres la sépulture chrétienne. L'assemb ée générale du clergé de France, tenue à Paris en 1654, fit aussi un mandement contre tous ceux qui se baltent en duel, qui y provoquent, ou qui en font ou portent le défi, et les évêques se réservent l'absolution de l'excommunication portée par ce mandement, de sorte qu'aujourd'hui celte censure s'encourt ipso facto dans tous les diocèses où ce mandement ou autre pareil a été publié. Si donc la paroisse de ces duellistes est située dans quelqu'un de ces diocèses, ils ont encouru l'excommunication ipso facto; et par conséquent leur curé, quand même il aurait le pouvoir d'absoudre des cas réservés, a eu raison de les renvoyer au supérieur majeur pour en être

absous, avant qu'il pût les entendre en confession.

CAS IX. Cassien a commis un crime auquel il savait ben que l'excommunication ipso facto était attachée par un statut synodal. On l'a poursuivi en justice, et il a été déclaré excommunié par l'official. Etait-il excommunié dès avant la sentence prononcée, en sorte qu'il ne pût pas participer aux sacrements, avant que d'avoir été absous de celte censure?

R. Il était excommunié, parce que dès lors il était contumace; et il était contumace, parce qu'on l'est en péchant avec connaissance contre le statut ou la loi qui défend l'action sous cette peine, et qui est portée per modum sententiæ. Tout ce qu'ajoute donc la sentence du juge ecclésiastique à l'égard du coupable, c'est, qu'étant déclaré nommément excommunié, on est obligé de l'éviter comme tel; et que, s'il mourait en cet état, on ne pourrait lui donner la sépulture ecclésiastique Au reste on doit dire la même chose de ceux qui, après les trois mouitions publiées, ne vont révéler sur un monitoire que lorsque la sentence a été prononcée par Pofficial contre les réfractaires : car, quoiqu'ils aillent révéler après, ils ne laissent pas d'avoir véritablement encouru l'excommunication portée par la sentence.

CAS X. Zénon, bon catholique, mais trèstimide, étant en Angleterre dans le temps qu'on y persécutait les catholiques, a feint, pour éviter la prison, qu'il était presbytérien, et a fait publiquement au temple les actes de la religion calviniste, en conservant néanmoins dans son cœur la foi catholique. At-il encouru l'excommunication décernée contre les héré iques, tant dans le for intérieur que dans le for extérieur?

R. Cet homme a péché très-grièvement; mais comme il a toujours conservé la foi dans son cœur, il n'a pas encouru dans le for intérieur les peines portées contre les hérétiques, encore que dans le for extérieur, ubi juris præsumptiones attenduntur, il soit regarde comme excommunié; parce que l'Eglise qui, comme dit le concile de Trente, ne peut juger de l'intérieur que par les seules actions extérieures, présume, quoique par erreur, qu'il a pensé comme ceux à la religion desquels il s'est associé.

CAS XI. Gauthier n'a pas obéi à un monitoire qui menaçait d'excommunication ceux qui, ayant connaissance d'un vol, ne déclareraient pas ce qu'ils en savaient. A-t-il encouru l'excommunication majeure en ne révélant pas?

R. Si ce monitoire ne contenait qu'une menace d'excommunication, Gauthier n'a pas été excommunié, à moins qu'il ne soit intervenu une sentence d'excommunication avant qu'il eût révélé. Mais si le supérieur s'y est exprimé en ces termes : Nous les excommunions, ou bien, nous les déclarons excommuniés, ou en d'autres équivalents, alors comme ces sortes de monitoires portent la peine d'excommunication, sans qu'il soit besoin d'une nouvelle sentence; le temps fixé

étant passé sans qu'on soit venu à révélation, on encourt aussitôt cette censure, quoi-: que le juge ecclésiastique ne rende aucune autre sentence.

-CAS XII. Félix a connaissance d'un fait au sujet duquel on pub ie un monitoire en sa paroisse. Il ne peut aller à révélation sans un danger certain d'être notablement maltraité en sa personne ou en ses biens, parce que ce monitoire se publie cont: e le seigneur du lieu, qui est un homme violent, et à qui FéIx doit presque tout ce qu'i a de bien. Cet homme est-il, nonobstant cela, obligé à révéler ce qu'il sait; et, ne le faisant pas, tomberait-il dans l'excommunication qui serait fulminée?

R. Si le fait dont il s'agit dans le monitire regarde le bien public, et est d'une importance considérable, comme s'il s'agit d'une révolte contre l'Eglise ou cont e l'Etat, du pillage d'une ville ou d'autres semblables excès, tout particulier est oblizé à révéler ce qu'il en connaît; el sans cela il encourt la censure, parce qu'on est toujours tenu de préférer le bien public à son bien particulier. Mais s'il ne s'agit que du bien de quelque particulier, Félix n'est pas tenu de révéler ce qu'il sait, puisqu'il ne le peut faire sans s'exposer à un dommage fort considérable, l'intention de l'Eglise n'étant pas d'obliger per onne à révéler sur un monitoire dans de telles circonstances, puisque personne n'est tenu de s'exposer au danger évident de souffrir une grande perte, pour procurer le b en temporel d'autrui.

Il en est de même des proches parents, comme sin les pères; les mères et les cufants, et même (en cas de danger de mort ou d'une infamie notable) les frères, les sœurs, les oncles, les tantes, les neveux et les cousins ge mains; comme aussi de ceux dont on a pris conseil, l'Egl se dispensant ces sortes de pe. sonnes de révéler, pour ne pas blesser le droit naturel. Voyez EVEILLON, Traité des Excommunications, chap. xxш,

art. 2.

CAS XIII. Nicéphore. ayant u de mauvais livres, est tombé dans l'erreur au sujet de l'efficacité du sacrement de pénitence. A-t-il aussitôt encouru par là l'excommunication?

R. Si les livres qu'il a lus étaient défendus sous peine d'excommunication à lui connue, il l'a encourue. S'ils ne l'étaient pas, ou il n'a erré que par ignorance, et en ce cas il n'est pas véritablement héré ique ou il a erré opiniâtrément, et il est tombé dans la censure, parce qu'il est devenu formellement hérétique. C'est la décision de saint Thomas, lect. 2, in cap. 1, Ep. ad Galat. Voyez le titre LIVRES DÉFENDUS.

CAS XIV. Anthime, demeurant à Paris, et qui a coutume de vaquer aux spectacles les dimanches et les fêtes, a our le curé qui, dans son prône, déclarait excommuniés tous les fa ceurs et ceux qui vaquaient aux spectacles de ces gens-là; ce qui l'a frappé de crainte. Il demande s'il est effectivement excommunié, ou si ce n'est seulement qu'une menace de l'Eglise?

R. S'il a vaqué a res jeux les dimanches et les fêt s hors le temps de l'office divin, il n'est pas excommunié; mais s'il y a assisté pendant le temps qu'on célèbre le service divin, il a encouru l'excommunication portée par le Rituel de Paris, où il est dit: Nous dénonçons pour excommuniés tous ceux qui, durant le service divin, vaquent aux jeux et spectacles des furceurs. Telle manière de gens demeureront maudits et excommuniés, jusqu'à ce qu'ils viennent à amendement et soient absous de l'Eglise. Mais comme celle censure n'est pas réservée, il en peut être validement absous par le premier prêtre approuvé, pourvu que ce prêtre ait sur lui une juridiction suffisante. Au reste, si Anthime était dans un diocèse où une telle censuro ne fût pas sta'uée, il ne l'aurait pas en

courue.

CAS XV. Tétradius, qui demeure à Tortone ou à Plaisance, ayant dangereusement blessé un bourgeois de Tortone, s'est aussitôt sauvé à Vicence. L'évêque de Tortone, informé de ce crime, a fait procéder contre le coupable; et, après toutes les formalités requises, il l'a déclaré excommunié, quoiqu'absent. Tétradius est-il lié par la senlence d'excommunication qui a été portée contre lui?

R. Pour répondre à ce cas, qui en France. ne regarde que la juridiction séculière, il faut savoir si Tetra ius est habitant de Tortone, ou s'il l'est de Plaisance. Car, s'il demeure à Tortone, il est soumis à la jurisic tion de l'évêque de cette ville-là. Si au contraire il a son domicile ordinaire à Plaisance, l'évêque de Tortone n'a aucune juridiction sur lui, puisqu'il n'est plus dans son diocèse. Cela posé, nous dirons que l'excommunication, comme toute autre censure, ne peut en aucun cas être portée par aucun supérieur ecclésiastique, que contre ceux qui sont ac uellement soumis à sa juridiction, selon cette maxime de l'un et l'autre droit: Extra territorium jus dicenti non paretur impune. Mais quand même Tétradius eût eu son dom cile à Tortone, son évêque ne serait pas en droit de prononcer contre lui l'excommunication, parce que, dans notre hypothèse, il a renoncé à son domicile, et s'est soustrait par sa fuite à la juridiction de son prélat. Néanmoins si Tétradius était domicilié du diocèse de Tortone, et que l'évêque ou l'official eût commencé contre lui les poursuites, et qu'il l'eût cité avant sa fuite, il serait véritablement lié de l'excommunication prononcée contre lui, parce qu'en ce cas il serait devenu par son crime justiciable de son évêque, qui par conséquent aurait pu le faire citer et procéder contre lui, suivant la maxime reçue, Ubi delictum, ibi forum; de sorte que s'il refusait de comparaître en justice, il deviendrait contumace, et pourrait être puni comme tel: autrement, il serait impossible de punir les malfaiteurs qui, pour éluder les peines canoniques, n'auraient qu'à se retirer dans un autre diocèse, dès qu'on aurait commencé la procédure contre eux; puisque l'évêque du nouveau diocèse

où ils iraient établir leur domicile n'aurait aucun pouvoir de les punir pour un crime qu'ils auraient commis ailleurs, comme nous le disons dans une aut e décision.

Il est bon d'ajouter que, lorsqu'un crime est, par fiction de droit, commis dans un lieu, parce qu'il y a fait tort, l'évêque de ce lieu peut le punir sur un homme absent de son territoire. Ainsi, lorsqu'un curé de Nantes réside à Paris, l'évêque de Nantes peut le frapper de censures.

Quand le coupable a pris la fuite avant que l'évêque du lieu où il a malversé ait agi contre lui, il doit prier l'évêque du lieu où il s'est retiré, de le citer et de l'obliger à réparer sa faute; sans cela les peines canoniques seraient aussi aisées à éluder dans le premier cas que dans celui d'une procédure commencée. Il semble même qu'on pourrait dire que le coupable refusant de satisfaire au lieu où il a péché, est censé y continuer son injustice et, par conséquent, y être présent fictione juris.

CAS XVI. Sergius a été excommunié par son évêque pour un péché que ce prélat croyait mortel, mais qui, dans la vérité, n'é ait que véniel. Cet homme est il néanmoins effectivement excommunié?

R. L'excommunication étant la plus terrible et la plus grande peine dont l'Eglise puisse se servir pour la punition des pécheurs, qua pœna in Ecclesia nulla major est, dit saint Augustin, elle ne peut jamais être infligée que pour un péché mortel, et lorsqu'on ne peut autrement corrier le pécheur, selon cet ancien canon: Anathema est æternæ mortis damnatio, et nonnisi pro mortali debet imponi crimine, et illi qui aliter non potuerit corrigi. Puis donc que le péché de Sergius n'était que véniel, l'excommunication prononcée contre lui est nulle devant Dieu; et il n'est aucunement obligé d'y déférer dans le for de la conscience, quoique par rapport au for extérieur il soit tenu de s'ab tenir de tout ce qui pourrait causer du scandale à cette occasion.

Reste à savoir qui de l'évêque ou de Sergius connaît mieux ce qui est ou n'est pas péché mortel. Mais enfia on suppose ici que Sergius a raison.

CAS XVII. Théodore étant assuré que l'excommunication qu'on a fulminée contre lui est nulle par défaut de matière, ou de juri diction, ou des formalités essentielles, peutil continuer de célébrer et de faire ses autres fonctions comme auparavant ?

R. Cet homme peut faire ses fonctions en secret; parce que, comme dit le pape Gelase, can. 46, xi, q. 3: Apud Deum et Ecclesiam ejus neminem potest iniqua gravare sententia. Mais il ne peut les faire publiquement; car quoiqu'a ors il n'encourûl ni irrégularité, ni aucune autre peine canonique, il ne laisserait pas de pécher très-griévement, à cause du scandale qui en arriverail, s'il le faisait dans un lieu où il fût connu, et où il passât pour excommunié. II doit donc s'abstenir de l'exercice de son mi

nistère en public, ne, etsi injuste l'gatus est culpa quæ non erat, fiat, ainsi que parle saint Grégoire, Hom. 26 in Erang.Cependant, s'il démontrait évidemment la nullité de la sentence portée contre lui, il pourrait faire toutes ses fonctions même en public, sans aucun péché, comme l'enseignent saint Antonin, Sylvestre, Biel, Avila, e'c.

- Il peut arriver aisément qu'on croie avoir démontré ce qu'on n'a pas même prouvé. Les pélagiens, Luther et une infinité d'autres ont c. u avo'r montré invinciblement que les sentences portées contre eux étaient nulles de toute nullité. Leurs partisans en 'étaient convaincus comme eux. Avaient-ils raison?

CAS XVIII. Curtius, homme sans bien, ayant volé 230 écus à Mævius, et les ayant dissipés, s'en est confessé et en a reçu l'absolution, b en résolu d'en faire la restitution dès qu'il le pourra Mævius ayant su le vol qu'on lui avait fait, a fait publier un monitoire, qui a été fulminé contre le coupable. Curtius a-t-il encouru l'excommunication dans cette hypothèse ?

R. Il ne l'a pas encourue; parce qu'il n'est ni en péché mortel, ni contumace, puisqu'il ne peut actuellement restituer, et qu'il est dans la sincère résolution de le faire. Il ne l'encourrait pas non plus, si Mævius, avant la sentence prononcée, l'avait dispensé de la restitution, ou qu'il eût prorogé le terme fixé par la sentence; parce que le juge n'a pas intention de rien accorder au demandeur au delà de ses conclusions. Voyez les Conf. d'Angers du mois de mai 1711, q. 2.

CAS XIX. Acace ayant volé secrètement une pistole à Bertin, homme riche, celui-ci a faussement supposé qu'on lui avait volé plus de 20 pistoles, et a obtenu un monitoire qu'il a ensuite fait fulminer contre le coupable, et contre ceux qui, ayant connaissance du vol, manqueraient à révéler ce qu'ils en sauraient. Pierre étant assuré qu'Acace n'avait volé qu'une pistole, a cru qu'il n'était pas obligé d'aller à révélation pour un fort d'une si petite conséquence. Acace et Pierre ont-ils encouru l'excommunication, le premier, pour n'avoir pas restitué le vol, le second, pour n'avoir pas révélé ?

R. Non parce qu'il n'y a d'excommuniés que ceux contre qui le juge a eu intention de prononcer la censure. Or il n'est point de juge raisonnable qui ait intention de punir, par la plus formidable de toutes les peines, un homme qui n'est coupable que d'un tort fort léger fait au prochain; puisqu'il agirait visiblement contre l'esprit de l'Eglise, et contre les ordonnances du pince, qui défendent, comme on le prouvera ailleurs, de décerner aucunes excommunications que pour des péchés très-griefs et scandaleux. Puis donc que selon le droit : Quæ contra jus fiunt, debent urique pro infectis haberi; et que la sentence dont il s'agit, a été surprise contre la loi du concile de Trente et plusieurs conciles de France, qui défendent

étroitement d'user d'excommunication, si ce n'est dans les cas fort importants, et quand il s'agit d'un dommage extraordinaire, pro re non vulgari, on ne doit compter pour rien l'excommunication frauduleusement obtenue par Bertin.

CAS XX. L'évêque de Murcie ayant, par une ordonnance, défendu, sous peine d'excommunication, à tous ses diocésains, d'assister comme témoins aux mariages clandestins; Geofroi qui a assis é à un, pour faire plaisir à son ami, a-t-il encouru cette censure?

R. Si cette censure est ferendæ Sententiæ, par exemple, si l'ordonnance de l'évêque porte seulement, Sub pœna excommunicationis, ou, Sub interminatione anathematis, ou, Decernimus excommunicandum, ou enfin, Excommunicabitur, Geofroi ne l'a pas encourue; quoique l'évêque puisse l'en frapper nommément, sans être obligé à lui faire aucune monition, ni particulière, ni publique. Mais si l'ordonnance de l'évêque portail ces termes Sub pœna excommunicationis ipso facto incurrenda; ou ces autres: Sit anathema; ou enfin ceux-ci : Absque ulla alia declaratione sit excommunicatus ; ou Noverit se excommunicatum; ou Incurrat excommunicationem; ou Habeatur pro excommunicato, Geofroi l'a certainement encourue. Il faut raisonner de même de la suspense el de l'interdit.

- Il y a d'habiles gens qui croient avec Navarre et Babin que ces mots anathema sit n'expriment qu'une censure ferendæ Sententiæ. Le sentiment de l'auteur paraît plus juste. Voyez mon Traité des Censures, part. 1, ch. 1.

CAS XXI. L'évêque de Munster a fait un statut qui défend le cabaret aux prêtres de sn diocèse, sous peine d'excommunication, laquelle est conçue en ces termes : Pres!yter qui tabernam frequentarerit, excommunicetur ou subjiciatur excommunicationi. Un prêtre qui a violé ce statut doit-il être censé excommunié ipso facto?

R. Ces expressions sont équivoques; et dès lors, à moins que l'intention de l'évêque ne s'entende par ce qui précède ou ce qui suit, il faut les expliquer dans le sens le plus doux, selon cette règle 49 in 6: In pœnis benignior est interpretatio facienda

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Cette décision est de Cabassut, lib. v, c. 10, n. 6; et Gibert la confirme. Cependant l'anathema sit dont se servent les conciles, et l'anathematis vinculo subjaceat, du fameux Canon: Si quis, suadente diabolo, qui ne semblent pas différer d'excommunicetur, s'entendent ordinairement d'une censure encourue par le seul fait. Les évêques ne peuvent jamais parler trop clairement; et on pourrait les attaquer ici par cette autre règle de droit Contra eum qui legem potuit dicere apertius est interpretatio faciendu.

CAS XXII. Etienne étant fortement soup.çonné de vivre dans la débauche avec une femme de qualité, et l'évêque lui ayant fait défense dans les formes de la fréquenter, sous peine d'excommunication ipso facto, s'il

continuait à la voir, il a obéi pendant quelques mois; mais l'évêque étant mort, il a recommencé le même train. A-t-il encouru l'excommunication?

R. Non, parce que la consure contre un ou plusieurs particuliers n'est pas portée par l'évêque comme législateur, mais comme juge. Or le pouvoir d'un juge finit par sa mort ou par sa destitution. Donc, quand on n'a pas encouru de son vivant la censure qu'il avait portée, on ne l'encourt plus quand il a cessé d'être en place. Voyez les Prænotata.

CAS XXIII. Alphonse, qui a été excommunié pour un assassinat, peut-il l'être derechef pour le même crime ou pour un autre qu'il a commis depuis ?

R. I le peut être dans l'un et l'autre cas; parce qu'une nouvelle censure peut le couvrir d'une plus grande confusion, et le porter à résipiscence. C'est la doctrine de saint Thomas, in 4, dist. 18, q. 2, a. 3.

M. Eveillon n'aimait pas les aggraves et réaggraves, et Habert dit qu'il croit que bien des officiaux en usent sans les trop bien entendre.

CAS XXIV. Baudoin, clerc tonsuré, est excommunié d'une excommunication majeure; mais il n'a pas été dénoncé publiquement pour tel. Devient-il par là incapable d'être pourvu d'aucun nouveau bénéfice, ou de posséder une pension cléricale qu'il aurait?

R. Un excommunié, même toléré, est incapable d'être pourvu par collation, élection, permutation, etc. d'un bénéfice, ainsi que le décide Innocent III, cap. 7, de Clerico excom., etc. S'il avait été pourvu avant la censure, et qu'il l'eût encourue avant l'acceptation ou la prise de possession du bénéfice, la collation, ou provision tiendrait, et il suffirait qu'il se fit absoudre avant que d'accepter le bénéfice, ou d'en prendre possession. A l'égard de la pension qu'il possédait déjà, il n'y a aucun canon qui l'en déclare privé. Il est même des auteurs, comme Avila, qui estiment que l'excommunication qui précède ne rend pas un clerc inhabile à jouir d'une pension; ce que Cabassut assure être probable, lib. v, cap. 11, n. 8.

- MM. Babín, Gohard et Pontas luimême, Voy. SUSPENSE, cas XXI, sont du sentiment d'Avila. Ils se fondent sur ce que dans les choses pénales on ne doit pas faire d'extension d'une espèce à l'autre ; et que la pension n'est pas un bénéfice. Cependant il est sûr que la pension suit en bien des cas le sort du bénéfice : car, 1° elle est comme lui éteinte par le mariage et la profession religicuse; 2° elle est nulle, quand on l'obtient par simonie. J'aimerais donc mieux prendre le parti le plus sûr, et me faire pourvoir de nouveau, à moins que l'usage contraire n'eût prévalu dans le lieu.

CAS XXV. Palamède, prieur, ayant été déclaré excommunié par une sentence juridique, devient-il privé de son bénéfice par celte censure?

R. Non: 1° parce qu'il n'y a aucun canon

qui lui impose cette peine; parce qu'lanocent III, cap. 7, de Clerico excom., etc., dit seulement: Sunt ecclesiasticis beneficiis spoliandi: s'ils doivent être privés, il ne le sont donc pas encore; 3° parce que c'est ainsi que le juge la Rote chez Cabassut, lib. V, cap. 11, n. 8.

Si un homme avait été excommunié pour un crime qui opérât par lui-même la vacance du bénéfice, il en serait privé, non par la censure, mais par la nature même de son délit.

CAS XXVI. Rigaud, ayant résigné à pension un prieuré à Jacques, qui depuis à été déclaré nommément excommunié; et Jacques n'ayant point payé la pension depuis deux ans, Rigaud pour en obtenir le payement, lui a écrit une lettre qu'il a finie à l'ordinaire en ces termes : Je suis de tout mon cœur votre très-humble et très-obéissant serviteur. Rigaud a-t-il encouru par là l'excommunication mineure?

R. Comme le juge d'église n'a voulu ni empêcher qu'un homme demandât ce qui lai est dû, ni qu'en le demandant il se servit de paroles contraires à l'usage, il n'y a point d'apparence que Rigaud ait encouru l'excommunication mineure. Et cela est bien plus sûr encore, s'il n'a employé des terines honnêtes que pour gagner son affection el le ramener peu à peu aux sentiers de la juste soumission qu'il do:t à l'Eglise.

CAS XXVII. Chelidin a encouru l'excommunication par un crime qu'il a commis à la vue de toute une nombreuse communauté. Est-il nécessaire en ce cas qu'il intervienne une sentence qui le déclare nommément excommunié, avant qu'on soit obligé de l'éviter comme tel?

R. La notorié é publique suffisait avant le concile de Constance, sans qu'il fût besoin d'aucune sentence déclaratoire; mais depuis ce concile il faut une sentence. Il est vrai qu'il excepte le cas où quelqu'un aurait notoirement frappé un ecclésiastique mais cette exception, quoiqu'insérée dans le concordat, n'a pas lieu en France, où l'usage contraire y a dérogé.

CAS XXVIII. Nérée, marguillier de l'église de N., ayant volé une somme de 600 livres qui appartenait à la fabrique, et en ayant é é juridiquement convaincu par trois témoins, a été déclaré excommunié en pleine audience par le juge ecclésiastique, sur le refus qu'il a fait de les restituer, etc. Est-on obligé, sous peine d'excommunication mineure, à l'éviter; et est-il tenu à s'abstenir des sacrements?

R. Nérée étant véritablement excommunié, doit s'abstenir des sacrements tant qu'il sera dans cet état. Mais on n'est pas tenu à l'éviter comme excommunié, jusqu'à ce que la sentence ait été publiée, soit au prône de la messe de paroisse, ou dans une autre assemblée du peuple, ou bien qu'elle ait été affichée dans les lieux publics; sans cela on est en droit de présumer que le juge s'abstient de ces formalités dans la vue de ménager le coupable au moins pour un temps.

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