dire; entendez-vous bien? Tout !... tout ce que vous avez fait. HENRI (A part) Oh! men Dicu, mon Dieu ! LE CONSEILLER N'allez pas croire que vous puissiez m'abuser. Ce que vous avez fait... je le sais ; mais je tiens à expiation pour vous que vous m'en fassiez le récit. HENRI Oh! jamais je ne pourrai !... LE CONSEILLER Vous êtes sorti ce matin à six heures, et tandis qu'une partie de la maison était à l'Universi.é, vous êtes rentré sans vous laisser voir de votre sœur... de personne. Puis, subrepticement, vous avez escaladé le mur mitoyen qui sépare notre cour de celle des Béchard. Sur de ne les pas rencontrer, vous Vous êtes introduit comme un vil malfaiteur dans leur maison... Est-ce cela? et suis-je bien renseigné ? Ce que vous avez osé faire, vous devez l'oser dire. HENRI Mon père... une dette... LE CONSEILLER Une delle ?.. Après ?.. Mille écus ?... Après ?.. Après ?.. Mais parlez donc. HENRI Je les avais perdus, poussé par Etienne... LE CONSEILLER Par Etienne ! ( A part ) Toujours çe misérable! ( haut) Alors ? HENRI (S'animant un peu ) Alors fou, désespéré, ne sachant où me donner ni à qui m'adresser pour avoir cette A votre mère, à Georgette, à de Préville... que sais-je encore?... Après ?... HENRI Je songeais à Etienne. Mais lui semblait acharné à ma perte, car il vint me proposer une nouvelle partie et m'avertit qu'il avait de l'argent... pas assez pour m'en préter... mille écus... LE CONSEILLER L'infâme! HENRI C'est alors qu'une pensée... coupable... LE CONSEILLER Malheureux ! HENRI Je... je résolus d'aller pren tre cette somme..... me promettant bien de la rendre au plus tôt. LE CONSEILLER Voilà donc ce qui vous amenait chez les Béchard !... Continuez. Qui, l'un de ceux que notre cousin avait fait monter dans ma chambre. Eicn. Continucz. LE CONSEILLER HENRI Armé de ce pistolet, je m'introduisis dans la chambre d'Etienne... ct puis... Et puis ?... LE CONSEILLER HENRI. Et puis je... je me sauvai... emportant l'argent... Mais, poursuivi par le chien de la maison, je fus affreusement mordu au bras, au moment où j'escaladais le mur. La douleur me fit jeter un cri et làcher mon pistolet. Je tombai de ce côté et gagnai la maison en courant. Sur le seuil, je me trouvai face à face avec Georgette. Elle paraissait épouvantée... «Henri, d'où viens-tu ? me dit-elle. Je n'entendis pas le reste et, reprenant mon élan, je me précipitai dans l'escalier... Quand j'arrivai dans ma chambre, il était temps: mes jambes tremblantes se dérobaient sous moi.... Je voulus me retenir à une chaise et l'entrainai dans ma châte..... je m'évanouis.... LE CONSEILLER (A part. ) L'infortuné ! HENRI Il me sembla cntendre comme en un rêve frapper à la porte... puis l'appel d'une voix, la voix de Georgette... puis le silence se fit... Quand je repris mes sens... oh! mon père, comment vous dire ce que j'éprouvai quand je me retrouvai seul avec mon crime, qui m'apparut alors énorme, monstrueux, irrémédiable !... Etait-il bien possible! Eh quoi ! c'était moi, le fils du Conseiller Delord, qui avais pu commettre ce forfait ! j'avais volé !.. oui, volé pour payer une dette de jeu !! Ainsi le jeu avait eu raison dé tous les principes d'honneur... ò honte ! !.. Et je n'étais pas mort !.. Comme j'ai souffert, mon Dieu!.. (avec accablement ) Comme je souffre !!... LE CONSEILLER Malheureux enfant !.. ( Un'silence où l'on entend les sanglots de Henri) Et... qu'avez-vous fait de l'argent... de l'argent volé ? HENRI (au mot voLÉ fait un mouvement ) Je... je me suis acquitté en allant à l'Université. LE CONSEILLER Cet argent sera rendu aux Béchard... (Une pause) Ainsi vous voilà déshonoré, monsieur! Car, ne vous le dissimulez pas, ces Béchard vont spéculer sur votre misère et chercher dans votre crime à vous l'atténuation de leur crime à eux!.. Vous êtes perdu !... Þérdu sans retour!... Ainsi vous, mon fils, mon seul fils vous en qui j'avais placé tout mon espoir; vous pour qui j'eusse donné, certes, tout ce que j'ai de plus précieux avec ma vie; vous mon sang, Vous un Delord enfin, vous avez commis cette chose inouïe de voler!! Vous êtes désormais un criminel, et la société doit vous renier et vous chasser de son sein !(il marche) Plus de famille, plus d'avenir, plus rien !.. Plus rien, sinon la honte ! la honte avec son cortège de mépris et de bassesses dégoûtantes !.. ( Une pause ) Insensé qui commet le crime et n'en prévoit pas les conséquences!. Eh! quoi, misérable enfant, ne vous êtes-vous pas dit que toute cette boue qu'allait remuer votre conduite infâme rejaillirait sur votre sœur, votre mère... sur moi, sur la famille entière ? HENRI. (Tombant à genoux ). Gràce, mon père ! LE CONSEILLER ( Poursuivant )... Ne vous êtes-vous pas dit qu'en toute occurrence mieux vaut la mort plutôt qu'une souillure ?... HENRI (Toujours à genoux et la tête basse). Grâce! Grâce! LE CONSEILLER. (Il contemple un moment l'attitude pleine de détresse de son fils et s'attendrit un peu. A part). L'accabler davantage serait une cruauté !... (Court silence ). Dix-neuf ans ! . . . Pauvre enfant ! Mais ... peut-il survivre à son crime? ... Et comment le sauver!.. (Courte pause.-- Haut ). Allez, relevez-vous, monsieur. Regagnez votre chambre et. . . n'en sortez sans mon ordre. (Il suit d'un œil apitoyé son fils qui s'en va ) HENRI. (Au moment de sortir s'arrête et se retourne en larmes vers le Conseiller. ) Mon père !!! LE CONSEILLER. (I hésite un moment, puis, d'un geste de la main ). Allez !!! HENRI (sort.) |