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- Le 25 de ce mois, jour anniversaire de la glorieuse bataille de Grochow, les Polonais, présens à Paris, se sont réunis dans l'église Saint-Germain-des-Près, auprès du tombeau de Jean-Casimir roi de Pologne, pour y assister à la cérémonie funèbre, afin d'honorer la mémoire de M. Vincent Niemoiowski, membre du gouvernement pendant la révolution, et qui, condamné à mort, ayant eu sa peine commuée en celle des travaux forcés, vient de mourir à Moscou au moment où il allait être, pour le reste de ses jours, transporté en Sibérie.

C'est ainsi que les Polonais ont cru devoir répondre aux calomnies répandues dans les journaux allemands et russes, contre l'illustre martyr, par l'ordre de Nicolas, qui, non content d'avoir exercé, pendant dix ans, toute sorte de vengeances sur cette victime de sa tyrannie, cherche encore, après sa mort, de déshonorer sa mémoire jusque parmi ses concitoyens et ses amis. « Niemoïowki (disent les journaux stipendiés) exprima sur son lit de mort un « profond repentir de la part qu'il avait prise aux troubles de sa patrie. Les révélations faites par lui sont de la plus haute impor«tance politique: elles dévoilent toutes les intrigues secrètes, qui « ont précédé et accompagné l'insurrection polonaise, et qui ont été dirigées par le parti révolutionnaire. »

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Nous nous réservons de publier, dans le prochain Numéro, une biographie détaillée de notre vertueux concitoyen: c'est dans sa noble vie, dans les preuves d'un courage constant, qui ne l'avait abandonné en aucune occasion pendant sa carrière orageuse; c'est enfin, dans sa détermination inébranlable, à subir avec résignation toutes les persécutions de la tyrannie, plutôt que de manquer à l'honneur, que nous puiserons nos argumens pour confondre les mensonges du geolier de la Pologne.

NOUVELLES DIVERSES.

D'après les derniers journaux allemands, les occupations de l'ambassade russe à Paris sont si variées, que chaque ministère de la Russie y a son agent spécial, et que deux juifs polonais, MM. Łabendzki, ont la direction particulière des affaires. D'ailleurs, la place d'ambassadeur est toujours vacante, et le comte de Médem n'exercera que les fonctions d'un chargé d'affaires.

- Les réfugiés en Angleterre continuent à jouir de son hospitalité. L'année des subsides, votée par le dernier parlement, va expirer au mois de juin; espérons donc que la nouvelle Chambre saura aussi bien apprécier que l'ancienne, la position des réfugiés, et ne se montrera pas moins bienveillante à leur égard. Les Polonais demeurant à Portsmouth ont surtout besoin de secours; ils sont dépourvus des choses les plus indispensables, et forcés de coucher par terre, ils n'ont pour se couvrir que leurs vêtemens.

En Belgique, le gouvernement fit dernièrement quelques difficultés pour admettre des réfugiés polonais, qui y arrivaient de l'Angleterre. Quelques uns même furent arrêtés. Nous ne doutons pas que ces mesures sévères cesseront bientôt, et que la Belgique ne voudra point donner l'exemple d'inhospitalité.

Nous avons fait mention dans notre dernière livraison, d'un nouveau transport pour l'Amérique septentrionale, des réfugiés arrêtés en Autriche, et des scènes sanglantes qui devaient se passer à Trieste. Voici les détails que donue une lettre de cette ville, en date du 30 décembre :

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Notre ville vient d'être témoin d'une horrible scène, qui rappelle les mas acres des Polonais à Elbing et à Fischau. Hier, à dix heures, un Polonais, nommé Zoltowski, retenu « au cachot, parvint à s'échopper, et se réfugia dans une caserne occupée par vingt de ses compatriotes, destinés à être embarqués pour l'Amerique. L'instant d'après, arrive dans cette caserne un commissaire, qui exige qu'on lui livre le détenu. Les Polonais répondent qu'ils sont prêts à le rendre, mais qu'ils désirent savoir quel sort lui est réservé, et quels ordres autorisent le commissaire à le réclamer. Celui-ci, au lieu de montrer son mandat, va chercher la garde, et revient, suivi de chasseurs à pied qui se ruent sur les Polonais, dont la plupart étaient livrés au sommeil, et qui tous étaient désarmés. Des baïonnettes sont plongées dans - leurs poitrines; tous vont être massacrés sans la pitié de quelques sergens- majors, qui arrêtent la fureur des officiers « et des soldats. Trois Polonais viennent d'expirerdes suites de « leurs blessures; on espère en sauver sept autres blessés griè•vement. Le malheureux Zoltowski a été remis dans les fers, et un rapport sur cet effroyable assassinat a été expédié à Vienne.

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La douleur que nous cause ce triste événement, s'augmente encore par les nouvelles qui nous parviennent d'Amérique, touchant les Polonais qui y furent déportés. Plusieurs y sont morts de misère; les autres ne pouvant trouver de moyens d'existence, manquant de tout, cherchent les moyens de retourner en Europe, qu'ils n'avaient quittée qu'à regret et de force.

Les préparatifs pour une revue des troupes russes et prussiennes aux environs de Kalisz se poursuivent avec ardeur. D'après le Mercure de Souabe, elle réunira jusqu'à quatrevingt mille hommes de troupes. Ainsi donc nous pourrons y voir quelque chose de plus qu'une simple revue.

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-La Gazette d'Etat de Prusse, du 19 février, contient, sous la rubrique de Pétersbourg, un ukase de l'empereur Nicolas, de la teneur suivante :

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Ayant rappelé le comte de Pozzo di Borgo, notre am.bassadeur et ministre plénipotentiaire près la cour de . France, nous lui ordonnons de rester dans la même qualité ■ près la cour de Sa Majesté le roi de la Grande-Bretagne, et lui accordons le traitement de cinquante mille roubles, fixé « pour cette charge, ainsi que deux mille roubles par an, "pour les frais de postes, lui comptant un rouble à deux centcinquante cents des Pays-Bas, un écu douze gros de Prusse; " en outre, d'autres sommes lui sont allouées dans le budget de 1831; et pour frais de voyage et d'installation, le trésor lui paiera une fois pour toutes, dix mille roubles, comptés ⚫ également à deux-cent-cinquante cents des Pays-Bas.

-Nous voyons avec un vif sentiment de joie que les réfu-giés s'identifieut de plus en plus dans leurs travaux avec les habitans du pays, et suppléent ainsi aux faibles secours qu'on leur accorde. Un des plus beaux traits à citer est sans contredit celui que nous offre le prince Oginski, qui vient de fonder un atelier polonais de reliure (rue Saint-Honoré, no 347), où travaillent d'excellens ouvriers. Cet atelier est établi dans le but de créer un moyen d'existence pour les réfugiés qui voudraient s'exercer dans ce métier d'une si grande utilité. Outre cette entreprise, il y en a d'autres qui ne peuvent qu'exciter un grand intérêt, comme celle de MM. Pusłowski et du colonel Borzęcki, qui s'occupent de l'exploitation de la vente des chevaux. Ils ont établi leurs écuries et leurs remises dans la rue Ville-l'Évêque, no 20. M. le comte Jelski, par l'extension qu'il a donné à sa banque, a beaucoup contribué à fournir des moyens d'existence à ses compatriotes. Il en est de même du colonel Radziszewski et de M. Chodzko, qui emploient un certain nombre de Polonais dans leur vaste atelier de dessins destinés aux différens tissus (rue Faubourg-Montmartre, no 13). D'autres entreprises se sont encore formées. Nous nous bornerons à citer l'agence polonaise de librairie de M. Januszkiewicz, quai Voltaire, no 11, qui par son utilité mérite un grand encouragement.

D'après l'Écho de Rouen, le gouvernement français a pris la décision de ne plus donner de subsides, depuis le 1er juillet 1835, qu'à ceux des réfugiés qui se trouveraient dans l'impossibilité de travailler.

-Malgré les entraves de tout genre qui s'opposent à la circulation du Polonais, dans la plus grande partie de l'Allemagne, ce journal a pénétré à Hambourg, ainsi que le prouve le Correspondant d'Hambourg, qui lui consacre un article critique dans son numéro du 17 février.

ATHENEUM

SUR L'AVENIR DE LA RUSSIE ET DE L'EUROPE.

(4 et dernier article.)

que

Dans notre premier article, nous croyons avoir montré comment le genre d'existence s'est donné la Russie, l'essence même de sa vie sociale ne lui permettait de s'arrêter nulle part, de se contenter de ce qu'elle possédait déjà, et obligeait son gouvernement avec la force, pour ainsi dire de la fatalité, après chaque acquisition consommée, à tramer immédiatement des empiétemens ultérieurs et à se lancer dans de nouvelles entreprises. Cela posé, l'objet de notre article suivant a été de dévoiler, autant que possible, et dans leur plus grand développement, les projets divers de cette puissance sur l'Orient. Le troisième article enfin avait pour objet de démêler sa politique et ses vues, relativement à l'Europe occidentale.

Mais notre tâche n'est pas terminée : une dernière obligation semble nous être imposée. La plupart de nos lecteurs, s'ils ont eu la patience de parcourir notre travail, nous adressent probablement dans leurs pensées les paroles suivantes : « Ce n'est pas tout que de prophétiser des maux, « l'on doit encore en indiquer le remède. Que faut-il donc « faire pour éviter les malheurs dont vous croyez l'Europe « et sa civilisation menacée ? Comment s'y prendre pour « arrêter cette terrible Russie dans sa course progressive ? « comment délivrer, une bonne fois, les nations de ce cau«< chemar qui les tient dans des alarmes continuelles, et leur « ate jusqu'à l'espoir de respirer jamais avec pleine sécu«rité, et de jouir à l'aise et en réalité des bienfaits d'une paix véritable?

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AVRIL 1835.

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Nous ne nierons pas que l'engagement de répondre à ces questions se trouve en toutes lettres au commencement de notre premier article. Cependant, après plus mûre réflexion, nous craignons de l'avoir pris imprudemment et sans avoir bien considéré s'il était de notre compétence d'y satisfaire convenablement. Lorsque les habitans d'une côte dangereuse ont fait connaître les écueils, les rochers à fleur d'eau, les courans dangereux ; lorsqu'ils ont averti de l'approche d'une tempête équinoxiale, ils ont fait tout ce qui dépendait d'eux ; c'est alors aux équipages des vaisseaux menacés, et surtout à leurs capitaines, à se tirer aussi bien qu'ils peuvent des mauvaises passes où ils se sont engagés.

Voilà notre cas. En dénonçant les projets, les buts prochains et éloignés de la Russie, la marche évidente de sa politique, en criant comme une sentinelle zélée de toutes nos forces à l'Europe entière, sans exception, Garde à vous! nous croyons avoir rempli notre mission.

Pour ce qui est des résolutions à prendre, des remèdes héroïques, des mesures de salut à employer, afin de conjurer les dangers imminens et les orages éloignés, c'est aux gouvernemens intéressés d'y aviser.

Personne, s'ils ne savent prendre conseil d'eux-mêmes, ne peut leur enseigner par principes la marche pratique qu'ils ont à suivre; personne n'est en possession des informations et ne connaît les moyens dont ils disposent. Prétendre donc leur souffler leur rôle, c'est s'exposer à faire un travail incomplet et inutile qui ne peut contenir que des généralités, toujours faciles à critiquer et à rejeter.

Néanmoins, tout en protestant de notre insuffisance obligée à remplir, comme nous le voudrions, un engagement pris peut-être trop légèrement, il ne sera pas dit que nous ne l'ayons pas tenu. Nous allons nous en acquitter le mieux qu'il nous sera possible, sans détours, avec clarté, sincérité, et d'après notre conviction la plus consciencieuse.

Nous l'avons déjà dit, il y a beaucoup de magie noire et

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