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dont l'or des agens russes achète l'insertion dans quelques journaux, la réponse générale est dégoût et mépris. Le ministère qui vient de tomber, et dont le président réel est, assure-t-on, l'ami personnel de l'empereur Nicolas, aurait été lui-même forcé de marcher dans la voie politique que lui traçait l'honneur national. Il en existe une preuve matérielle, irrécusable.

The Quarterly Review, organe des principes torys, dans un article consacré à l'analyse de l'écrit qu'on va lire, et qui parut à une époque où les idées exprimées dans ce recueil devaient nécessairement être en parfaite harmonie avec celle que tendait à réaliser le gouvernement, donne les plus grands éloges aux connaissances et au talent de notre auteur. Le journaliste applaudit aux vues politiques du publiciste; il fonde tous ses raisonnemens sur de nombreuses citations dont se compose presque en entier son article; il rembrunit enfin s'il est possible, en le reproduisant, le tableau déjà si menaçant sous la plume de notre auteur des progrès toujours croissans que fait la Russie, avec de bien faibles moyens sans doute, mais avec un ensemble incroyable d'activité, de tact et d'intrigue.

Mais ici une observation d'utilité pratique. Le rédacteur de la Revue et notre auteur lui-même nous semblent attacher trop peu d'importance à la disposition générale des esprits dans presque toute l'Europe, relativement à la question turque, et surtout au sentiment politique et moral qui se manifeste chez les peuples voisins de la Russie, que la conquête ou des chaînes magiques attachent à son char triomphal; ressorts puissans que les gouvernemens de France et d'Angleterre, dignes aussi des plus grands reproches à cet égard, connaissent si mal et paraissent même ne pas se soucier de connaître, et qui pourtant, le cas échéant, donneraient une force invincible à leurs mouvemens contre la Russie. Sait-on bien ce que désirent, ce que méditent, ce que peuvent les peuples du Caucase, les

Mahometans de la Crimée, les Valaques, la Pologne, la Finlande, la Suède? Récemment un ambassadeur suédois ayant reçu la mission d'aller assister à l'érection d'un monument peu flatteur pour la France, cette ambassade n'at-elle pas été l'objet d'une attaque sérieuse de la part des représentans de la Suède? N'est-ce là qu'une anecdote sans enseignement actuel et pratique, sans résultat possible? Oublions-nous qu'un gouverneur russe, espèce d'ours moscovite, chargé de civiliser la Valachie, y trouva naguère une mort un peu subite? Oublions-nous que la lutte la plus nationale, la plus juste, la plus solennelle, la plus terrible qui ait ébranlé l'Europe depuis Napoléon, se livrait hier dans ce même pays que notre auteur appelle aujourd'hui un désert politique?

La Pologne, un désert!!! Oui, pour ses oppresseurs; car ils n'y trouveront jamais une seule source de vie ; oui, car à quoi tenait-il que, nouvelle Abyssinie, elle n'engloutît jusqu'aux traces, les armées du nouveau Cambyse? Un désert à la bonne heure; mais peuplé, convenez-en, de quelques millions d'anachorètes-martyrs, qui professent la foi du vrai Dieu, et que ni le terrorisme impérial ni la pusillanimité européenne n'empêcheront jamais de se dévouer aux succès de la sainte cause qu'ils servent. Désert mystérieux, où la vengeance dans le cœur des vivans, et la croix muette sur le tombeau des braves, forment cette chaîne invisible qui retient le czar victorieux auquel notre coupable faiblesse offre des proies si faciles.

Entraînée par la force des choses à prendre une part décisive dans les affaires d'Orient, où l'appellent les vœux de tant de peuples, et le drapeau qui déjà flotte au vent de la marine anglaise, l'heure du combat venant à sonner, que ferait donc la France? Répudierions-nous l'alliance de l'Angleterre? Irions-nous au camp de Calish complimenter Nicolas et lui annoncer le désarmement? Puis, fatigués du chemin et de l'adoration diplomatique, reprendrions-nous

notre long sommeil d'imprévoyance et de peur, là, dans les tentes russes, ayant pour lit le hamac du cosaque, pour oreiller la foi de l'empereur? Puis, réveillés en sursaut par le kalmouk armé qui gardait notre repos, passerions-nous sous les fourches caudines métamorphosées par nous en arc de triomphe? Puis monterions-nous au Capitole pour remercier les dieux immortels? Monterions-nous à la tribune de la Liberté pour dire à la face du monde: Messieurs, › l'ordre règne à Constantinople? ›

Non, non ce n'est qu'un rêve. Des accens dignes du peuple français nous réveillent. « Le premier élément de › la puissance d'un pays, c'est l'opinion que se forme le › monde de sa fermeté, de son courage, de sa résolution; › c'est là un élément de force qui vaut beaucoup de forces › matérielles, qui surpasse même quelquefois la force ma- térielle; de très petits pays ont acquis une grande importance politique, uniquement par la considération dont ils jouissaient dans le monde, par l'opinion généralement répandue qu'ils avaient une pensée ferme, une volonté > ferme, et qu'ils étaient prêts à faire de grands sacrifices › pour les faire triompher (1).

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Ministres de France! ce langage sied au grand peuple dont vous êtes les organes. Les déserts de Sahara et le Mont-Atlas seront, nous n'en doutons pas, émus de vos paroles. Mais il est, convenez-en, des contrées vis-à-vis desquelles il serait plus méritoire de proclamer de pareils principes. Il est un autre Atlas de nos jours qui se vante de porter le monde. Le coq gaulois se dresse, il agite ses ailes... Si vous alliez, avant qu'il ait chanté, rétracter trois fois vos paroles !!!

(1) Discours de M. le ministre de l'instruction publique, au sujet d'Alger, séance du 20 mai 1835.

EMPRUNT RUSSO-POLONAIS.

La feuille officielle de Varsovie (1) annonce que le gouvernement du royaume de Pologne vient de contracter, par l'entremise des maisons de commerce S. A. Fraenkel et Joseph Epstein, un emprunt de 150 millions de florins de Pologne (90,000,000 de francs), lequel emprunt, au dire de ce journal, doit être employé au paiement d'autres dettes de ce pays, et à couvrir les dépenses de son budget extraordinaire. Cette dette sera remboursée dans l'espace de quarante ans et demi, au moyen d'un paiement semestriel de 2,376,600 francs. A cet effet, on émettra 300,000 obligations au porteur de 300 fr. chacune. Sur ce nombre, celles qui seront tirées au sort pendant les premières dix années gagneront des primes de 450 fr. jusqu'à 720,000 fr. Après dix ans révolus, ces effets porteront 4 p. 1% d'intérêt, et de plus ceux qui seront favorisés par le tirage jouiront d'une prime de 120 fr.; de manière qu'un propriétaire d'obligation gagnante aura 420 fr. au lieu de 300 qu'il aura donné primitivement pour l'acquérir. Ce plan, ajoute la même feuille, a été très favorablement accueilli dans l'étranger, et le cours des obligations non émises encore a déjà atteint à Berlin et à Francfort le chiffre de 324. Telle est l'annonce que nous communique le journal officiel. Nous nous empressons de faire part à nos lecteurs des considérations qu'il fait naître et des conclusions que nous en tirons.

Plusieurs genres d'emploi se présentent dans l'ordre financier à ceux qui ont des capitaux à faire valoir. Ils peuvent néanmoins se rapporter à trois séries d'opérations

(1) Voir le Dz. Pow. N° 175 du 20 juin 1835.

principales, savoir le négoce des effets publics, la participation plus ou moins immédiate aux emprunts, et une participation semblable aux entreprises commerciales et industrielles.

1. Négoce des Effets publics.

Ce premier emploi, surtout le négoce à terme, est récemment devenu le point de mire de la plupart des capitalistes. Le fréquent revirement des systèmes politiques et financiers qui, depuis la chute du grand empire, a si souvent changé la face des affaires, a imprimé à ce négoce un mouvement extraordinaire. Les papiers français, hollandais, autrichiens, ceux de don Miguel, les papiers américains enfin, et surtout ceux d'Espagne, ont successivement tenté l'avidité et délié les bourses de nos hommes d'argent. Des fortunes considérables ont été créées de cette manière, beaucoup d'autres ont été fortement ébranlées, et il y en a eu même de bouleversées. Ce négoce surtout, et principalement le négoce à terme, toujours dangereux, toujours accompagné de périls et de chances qui échappent à la prévision et aux calculs les plus fondés, a frappé les imprudens aussi bien que les circonspects; surtout quand des décisions législatives vagues, incertaines et même contradictoires, sont venues, comme les dernières mesures du gouvernement espagnol, déranger les plans les mieux conçus et confondre les spéculations les plus habiles. Aussi voyons-nous, au grand mouvement, à la grande activité des bourses, succéder un calme plat, fruit de la défiance qui va placer cet emploi de fonds parmi ceux qu'il faut craindre, éviter, sinon abandonner entièrement.

2. Participation aux Emprunts publics.

Ce second emploi de fonds a également et fréquemment été exploité dans ces derniers temps. Moins dangereux que

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