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ENQUÊTE.-DÉPOSITION.-NULLITÉ.-NOUVELLE AUDITION.—Délai. · Lorsque l'audition des premiers témoins est nulle, le délai de huitaine dans lequel l'enquête doit être terminée, doit-il néanmoins courir à partir de cette même audition? Rés. aff.

En d'autres termes: Le juge-commissaire peut-il, après avoir ouï les pre-` miers témoins dont l'audition est nulle, délivrer une ordonnance pour permettre d'en faire assigner de nouveaux, si le jour de cette nouvelle audition est dans la huitaine de la première ? Rés. aff.

Par arrêt interlocutoire de la Cour royale de Caen, du 31 mai 1813, le sieur Pauthin Beauchamp a été admis à faire la preuve des faits qu'il avait articulés à l'appui d'une action qu'il avait intentée contre les sieurs Moisson frères et Leroy, pour les obliger à réparer un chemin qui borde leurs propriétés, et sur lequel il prétendait avoir un droit d'usage.

Cet arrêt fut signifié le 22 mai suivant.

Le 25, une première ordonnance du conseiller-commissaire, permet d'assigner les témoins, pour être entendus le 29.

Le même jour 25, autre ordonnance qui déclare le procès-verbal d'enquête ouvert.

Le 29, les témoins assignés ont été entendus; mais les sieurs Moisson et Leroy n'ayant pas été assignés dans les délais, pour être présens à l'enquête, le sieur Pauthin Beauchamp, pour parer aux suites de cette nullité, demanda, par requête, au conseiller-commissaire, la permission de faire assigner de nouveaux témoins.

Par ordonnance du 1er juin, le commissaire accorda cette permission, et fixa au 5 du même mois l'audition des nouveaux témoins. Cette audition eut lieu, en effet, au jour indiqué.

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Les frères Moisson et le sieur Leroy ont demandé la nullité de l'audition 29 et de celle du 5 juin; de la première, parce que l'assignation pour assister ne leur ayant été signifiée que le 26, il n'y avait pas eu les trois jours exigés, à peine de nullité, par l'art. 261 du Code de procédure; de celle du 5 juin, parce que, d'une part, elle avait eu lieu après le délai de huitaine, à dater de la signification à avoué de l'arrêt interlocutoire qui 'ordonnait l'enquête; et, d'autre part, parce que, après avoir entendu les premiers témoins, le conseiller-commissaire ne pouvait, de son chef, permettre d'en assigner de nouveaux ; il devait en référer au tribunal, et le tribunal seul pouvait prononcer sur ce point, d'après l'art. 280 du Code de procédure civile.

Par arrêt du 8 juin, l'audition du 29 mai a été annullée; mais celle du 5 juin a été déclarée valable; attendu que la nullité proposée contre l'enquête du 29 mai, ne peut frapper que sur cette enquête; que l'ordonnance du juge pour entendre les témoins, et le procès-verbal d'ouverture de l'enquête subsistent sans être frappés de nullité; que le délai pour la clôture de l'enquête, ne part que du jour de l'audition des premiers témoins, et qu'elle

doit être parachevée dans la huitaine; que si l'on considère comme premier terme l'audition des témoins entendus le 29 mai, l'enquête du 5 se trouvera faite dans le délai de huitaine; que si l'on n'a pas d'égard à l'audition des témoins du 29 mai, pour fixer le délai de l'enquête, il en résultera que le délai ne devra partir que du jour où les premiers témoins ont été entendus, et que l'on devra regarder comme premiers témoins ceux entendus le 5 juin; que le juge-commissaire est le maître de fixer le jour de l'audition des témoins, et que, pour la seconde enquête, il y a eu ordonnance du commissaire, et assignation dans les délais compétens. »

Pourvoi en cassation, pour violation des articles 257 et 280 du Code de procédure.

L'article 257 veut que l'enquête soit commencée dans la huitaine du jour de la signification du jugement à avoué.

L'art. 25g porte: « L'enquête est censée commencée, pour chacune des parties respectivement, par l'ordonnance qu'elle obtient du juge-commissaire, à l'effet d'assigner les témoins aux jour et heure par lui indiqués. >>

Les témoins entendus le 5 juin n'ont pas été appelés par l'ordonnance du 25 mai précédent; c'est en vertu de l'ordonnance du 1er juin qu'ils ont été assignés; c'est en vertu de cette ordonnance qu'ils ont été entendus; c'est donc le 1er juin que l'enquête faite le 5 du même mois a commence. Mais alors il s'était écoulé un délai de plus de huit jours depuis la signification du jugement faite à l'avoué, puisque cette signification était du

22 mai.

Dira-t-on que l'enquête a commencé par l'ordonnance du 25 mai, et qu'elle a ainsi commencé dans la huitaine du jour de la signification du jugement à l'avoué? Mais il est impossible de prendre pour point de départ cette ordonnance, puisqu'elle n'a servi, ni à faire entendre les témoins qui ont déposé le 5 juin, ni à les appeler.

D'ailleurs, c'est par cette ordonnance que l'enquête à commencé; l'enquete a été finie par l'audition des témoins entendus le 29; alors, les pouvoirs du juge-commissaire avaient cessé. Ce n'était donc point à lui, c'était au tribunal, qu'en vertu de l'art. 28o, appartenait le droit de proroger le délai pour faire enquête.

On dirait en vain que, suivant l'article 278, les délais pour achever l'enquête, sont de huitaine du jour de l'audition des premiers témoins; que les premiers témoins ont été entendus le 29 mai, et les seconds le 5 juin, et qu'ainsi l'enquête a été achevée dans les délais de la loi.

Il est incontestable que l'audition des témoins qui ont été entendus le 29, est irrégulière. Comment un acte radicalement nul pourrait-il servir de terme de point de départ, auquel le délai fixé par l'art. 278 devait commencer. Pour admettre cette supposition, il faudrait du moins que les témoins entendus le 5 juin eussent été appelés en vertu de l'ordonnance du 25 mai; peut-être alors serait-il permis de rattacher leur audition à celle des témoins entendus le 29. Mais les témoins entendus le 5 juin ne sont pas ceux qui ont été appelés par l'ordonnance du 25 mai; ils ne l'ont été que par celle du 1er juin.

Tous les délais prescrits par le Code de procédure, a répondu le défendeur, ont été rigoureusement observés. L'enquête a été commencée dans la huitaine, puisque la signification du jugement à l'avoué est du 22 mai, et que l'ordonnance pour entendre les témoins, est du 25 du même mois. On s'est donc conformé à l'art. 275, qui veut que l'enquête soit commencée dans les huit jours de la signification du jugement à l'avoué.

L'art. 278 détermine aussi le délai dans lequel l'enquête doit être achevée. Ce délai est également de huit jours; mais il ne court pas du jour où l'enquête est réputée commencée, c'est-à-dire du jour de l'ordonnance; il court seulement du jour de l'audition des premiers témoins.

Or, les premiers témoins ont été entendus le 29 mai; les seconds l'ont été le 5 du mois suivant : les seconds témoins ont donc été entendus dans la huitaine de l'audition des premiers.

On dit en vain que l'audition des premiers témoins étant nulle, on ne doit pas la prendre en considération, et qu'elle ne peut pas servir de terme pour faire courir le délai prescrit par l'art. 278.

Mais, d'une part, cet article n'exige pas une audition régulière des premiers témoins; d'autre part, ou cette audition est nulle, ou elle ne l'est pas. Si elle est régulière, les seconds témoins ont été entendus dans la huitaine de l'audition des premiers. Si elle est nulle, le délai pour achever l'enquête n'a couru que dès le 5 juin, du jour où les seconds témoins ont été entendus. Mais l'enquête ayant été terminée le même jour, on n'a pu commettre aucune contravention à l'art. 278.

ARRÊT.

LA COUR,-sur les conclusions de M. Henry Larivière, avocat général; -ATTENDU que l'enquête a été commencée le 29 mai, jour de l'audition des premiers témoins, et par conséquent dans la huitaine de la signification à avoué de l'arrêt interlocutoire, faite le 22 du même mois;-ATTENDU que le conseiller-commissaire n'a pas accordé de prorogation de délai, mais seulement permis de faire entendre de nouveaux témoins dans le délai de huitaine, à dater de la première audition, qui, quelque pût être la validité ou l'invalidité des dépositions, n'en avait pas moins eu lieu le 29, et que cette deuxième audition a eu lieu le 5 juin, dans le délai de huitaine; qu'ainsi cette enquête est revêtue de toutes les formalités voulues par les art. 257, 278 et 280 du Code de procédure civile ;- REJETTE.

Du 5 décembre 1815.-Section civile. M. Brisson, président.-M. le conseiller Porriquet, rapporteur.-MM. Dupont et Roger, avocats.

RENONCIATION A LA COMMUNAUTÉ.-DÉLIBÉRATION DU CONSEIL DE FAMILLE.-HOMOLOGATION.

La délibération du conseil de famille, qui autorise le tuteur à renoncer à la communauté conjugale, doit-elle étre homologuée en justice? Rés. nég. En 1781, contrat de mariage du sieur Groux et de la demoiselle Rouillard, dans lequel la communauté conjugale est établie.

En 1784, les mariés achetèrent plusieurs portions de terre.

La demoiselle Rouillard mourut en l'an 9, laissant deux enfans mineurs. Nul inventaire ne fut fait au moment de son décès.

Ce ne fut qu'en l'an 13, que le sieur Groux fit procéder à l'inventaire, non des biens qui existaient au moment du décès de sa femme, mais des biens qu'il possédait au temps de l'inventaire. Il fut prouvé par cet inventaire que les dettes du sieur Groux excédaient sa fortune.

Dans cette situation, le sieur Groux convoqua un conseil de famille, pour le faire délibérer si le subrogé tuteur devait renoncer àla communauté, ou l'accepter au nom de ses enfans.

Par une délibération du 2 thermidor an 13, le conseil de famille autorisa le subrogé tuteur à renoncer à la communauté.

Cette renonciation fut faite le 6 du même mois.

Le sieur Worbe, créancier du sieur Groux par des titres postérieurs à la mort de la demoiselle Rouillard, se pourvut, en expropriation forcée, contre son débiteur. Il obtint, en 1806, l'adjudication des biens compris dans la

saisie.

Décès de l'un des enfans du sieur Groux.

Michel Groux, l'autre enfant, étant parvenu à sa majorité, fit assigner son père et le sieur Worbe, pour faire déclarer nulle la délibération du conseil de famille du 2 thermidor an 13, et, par suite, la renonciation à la communauté conjugale, et pour faire procéder au partage des biens de

cette communauté.

Il soutint que le juge de paix qui, d'après l'art. 416 du Code civil, était membre essentiel du conseil de famille, n'avait pas délibéré avec les parens, et qu'ainsi la délibération était nulle; que, suivant l'art. 458 du Code civil, toute délibération du conseil de famille qui autorise une aliénation d'immeubles, doit être homologuée en justice; que la renonciation à la communauté est une véritable aliénation; que la délibération qui autorise la renonciation à la communauté, doit par conséquent être homologuée; que c'est ainsi que le pense M. Pigeau, dans son Traité de la procédure civile, tom. 2, pag. 372; que d'ailleurs cette renonciation avait été faite pendant sa minorité, qu'il en éprouvait une lésion, et qu'il pouvait s'en faire relever. En conséquence, des biens dont le sieur Worbe avait obtenu l'adjudication, il demandait sept seizièmes quant aux biens de la communauté, et sept huitièmes quant aux biens propres à sa mère.

Le 4 juillet 1810, jugement du tribunal de Dreux, qui rejeta la demande de Michel Groux, soit parce qu'il ne justifiait pas que les biens qu'il reclamait eussent été propres à sa mère, soit parce que la renonciation faite par son subrogé tuteur, ne lui permettait pas de reclamer aucun bien de la

communauté.

Sur l'appel, arrêt de la Cour royale de Paris, du 27 août 1813, qui confirma le jugement de première instance, sur le fondement qu'il n'est pas justifié que les biens reclames soient propres à la mère, ou qu'ils aient fait partie de la communauté, et que d'ailleurs il n'y a point d'identité entre les biens demandés et ceux qui sont compris dans le contrat d'acquisition de 1784.

Pourvoi en cassation de la part du sieur Michel Groux, pour contravention à l'art. 1402 du Code civil, qui est ainsi conçu: « Tout immeuble est réputé acquêt de communauté, s'il n'est prouvé que l'un des époux en avait la propriété ou possession légale, antérieurement au mariage, ou qu'il lui est échu depuis, à titre de succession ou donation. »>

En confirmant le jugement de première instance, la Cour d'appel ne s'est point déterminée par les motifs exprimés dans ce jugement; et pourquoi ne les a-t-elle pas adoptés? C'est parce qu'elle a jugé, comme elle devait le faire, que la délibération du conseil de famille du 2 thermidor an 13, devait être homologuée en justice, et que la nullité de la renonciation à la communauté conjugale, était une suite nécessaire de l'inobservation de cette formalité.

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Si elle a rejeté la réclamation du demandeur, c'est parce qu'il n'a pas prouvé, ou que les biens qu'il revendiquait fussent des biens propres de sa mère, ou qu'ils fissent partie des acquêts de la communauté.

En admettant que le premier motif, concernant les biens propres, soit exact, le second motif n'en contient pas moins une contravention formelle à l'art. 1402 qui vient d'être cité. Suivant cet article, tout immeuble est réputé acquêt de communauté, s'il n'est pas prouvé qu'il était propre à l'un des époux. Le demandeur n'avait donc aucune preuve à faire, la présomption établie en sa faveur lui tenant lieu de preuve; c'était au sieur Worbe à prouver que les immeubles dont il avait obtenu l'adjudication, étaient des biens propres à son débiteur.

Si l'on pensait pourtant que la Cour d'appel eût jugé que la renonciation à la communauté était valable, alors son arrêt serait en opposition avec l'art. 458 du Code civil, qui ordonne l'homologation en justice de toutes les délibérations du conseil de famille, lorsqu'une vente d'immeubles est autorisée par ces délibérations.

¡Le défendeur a répondu que l'arrêt dénoncé, en confirmant la décision des premiers juges, avait par conséquent jugé comme eux, que la renonciation à la communauté était régulières et que la délibération du conseil de famille qui avait autorisé cette renonciation, n'avait pas dû être homologuée.

Pour soutenir que cette homologation était nécessaire, le demandeur se prévaut en vain des articles 458 et 467 du Code civil, qui prescrivent cette formalité à l'égard des ventes d'immeubles et des transactions faites au nom des mineurs. D'après l'art. 461, un tuteur peut renoncer à une succession échue, sans qu'il soit nécessaire que la délibération qui l'autorise à renoncer, soit homologuée en justice. Par une conséquence naturelle, fondée sur une parité de raison, la délibération qui autorise la renonciation à la communauté, n'est pas sujette à la formalité de l'homologation.

Ainsi, l'arrêt attaqué par le demandeur se trouve justifié dans toutes ses dispositions. Michel Groux ne pouvait pas former sa demande, quant aux biens propres, puisqu'il ne prouvait pas que, parmi les biens qu'il réclamait, il y en eût de propres à sa mère; alors sa demande était repoussée par l'art. 1402 du Code civil qu'il invoque, et qui veut que tous les biens qui ne sont pas justifiés propres à l'un des époux, soient réputés acquêts de la communauté.

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