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M. Paul Bureau, dans son cours du 12 mars, à la Société de Géographie, a annoncé en quelques mots émus la perte immense que la Science sociale venait de faire en la personne du créateur de la méthode, a retracé les travaux méritoires de M. Henri de Tourville et a exhorté ses auditeurs à continuer dignement l'œuvre si bien entreprise par cet esprit supérieur.

A Nancy, le mardi 10 mars, au début de son cours de Science sociale à l'Université de cette ville, M. Melin a prononcé les paroles suivantes :

<<< Messieurs,

« Avant de commencer cette leçon, c'est un devoir pour moi de rendre un suprême hommage à la mémoire de M. Henri de Tourville, le savant dont j'ai prononcé le nom bien souvent dans cette salle et qui vient de mourir, à l'âge de soixante ans, le 3 de ce mois, au château de Tourville, dans le département de l'Eure.

« Je n'ai pas à parler ici de l'homme dont seuls quelques rares privilégiés ont pu apprécier la bienveillance, le dévouement, la bonté douce et indulgente.

« Mais du savant il me sera permis de dire au moins quelques mots.

«M. de Tourville est, avec Le Play, le fondateur de la Science sociale. C'est lui qui a perfectionné la méthode d'observation due à Le Play et lui a fait produire les magnifiques résultats que nous connaissons, grâce surtout à ce précieux instrument de travail qu'il a forgé de ses propres mains: la classification des faits sociaux.

« C'est lui qui a été le constant inspirateur de cette revue, la Science soriale, qui comprend aujourd'hui trente-quatre volumes et dont tous les travaux importants ont été poursuivis sous sa direction, suivant un plan et une méthode uniformes, ce qui en fait une œuvre scientifique de premier ordre.

<«< Lui-même a fait usage de la méthode en l'appliquant à l'un des plus grands sujets qui soient : l'étude de la race anglo-saxonne. Et de là cette belle Histoire de la formation particulariste, déjà publiée en articles, bientôt en volume, et qui nous restera comme son œuvre essentielle et fondamentale.

« C'était, Messieurs, un esprit d'une rare puissance que M. de Tourville et auquel il n'a manqué que la santé et les forces pour donner toute sa mesure auprès du grand public.

<< Ses vues étaient larges, lointaines, souvent hardies; elles ne s'égaraient jamais, toujours fondées qu'elles étaient sur le roc de l'observation attentive et minutieuse des faits.

<< Il avait une confiance inébranlable dans l'avenir et croyait au progrès. Aussi son contact était-il souverainement réconfortant. C'était, comme on l'a dit de Gratry, << une âme toute faite de lumière et de paix » ou, comme on le disait hier de Gaston Paris, « un incomparable foyer de chaleur et de lumière ».

<«< Comme un vaillant qu'il était, M. de Tourville est mort en plein labeur, rêvant d'autres travaux, notamment de l'application de la méthode d'observation aux études philosophiques et religieuses.

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«Il est mort après avoir donné le plus bel exemple d'une vie toute consacrée au travail avec un courage, un désintéressement, une modestie, une foi, qu'on ne saurait trop admirer.

<<< Il laisse, parmi ses disciples et ses collaborateurs qui tous étaient ses amis, un vide que rien ne pourra combler. »

II. LA MÉTHODE D'OBSERVATION APPLIQUÉE AU FAIT RELIGIEUX

Bien que les questions religieuses ne rentrent pas dans le domaine de cette revue, si ce n'est par leurs effets purement sociaux, nous ne croyons pas devoir passer sous silence le remarquable effort qui vient d'être tenté pour appliquer aux études de cet ordre la méthode d'observation.

L'auteur du nouvel essai, M. l'abbé Klein, est un des nôtres à beaucoup de titres, et il n'y a pas si longtemps qu'il en donnait encore la preuve en publiant ici même ses intéressantes Notes sur la Lombardie. Dans son livre, Le Fait religieux et la manière de l'observer (1), nos lecteurs retrouveront les procédés scientifiques auxquels ils sont habitués.

(1) Un vol. in-12, librairie Lethielleux, 10, rue Cassette, Paris. Prix, franco: 2 fr. 50.

Quoi qu'on pense de son origine ou de sa valeur, le fait religieux existe et il est observable par l'examen psychologique on peut étudier en soi-même le sens religieux; au dehors l'on peut étudier ce qu'en matière de religion les autres hommes, dans tous les temps, ont accompli et enseigné. Tel est le solide fondement du nouvel ouvrage. Et, en effet, après avoir bien délimité le fait religieux, pour ne pas égarer ses efforts sur des points à côté, l'auteur en analyse avec parfaite rigueur de méthode les deux grandes manifestations: d'une part, le sens religieux, avec sa nature et ses caractères d'universel, d'indestructible, de profitable à l'espèce humaine; d'autre part, les religions, les institutions extérieures et visibles qui, tout le long de l'histoire et en tout pays, correspondent à cette faculté spéciale.

Sur ce dernier point, sur les religions proprement dites, on ne peut que donner, en un premier volume, des indications générales et plutôt des règles d'étude qu'une étude achevée. La pratique des monographies s'impose ici comme en toute science d'observation et les différents cultes devront être étudiés un par un, en commençant par le plus facile à connaître, qui se trouve ètrele catho licisme, plus voisin de nous et plus nettement déterminé. Nous ayant dit par quels procédés d'analyse, de synthèse et de discussion doit être conduite l'étude du catholicisme, et ayant achevé de la sorte ce qu'on pourrait appeler son Discours de la Méthode, l'auteur a cependant jugé bon d'ajouter à son livre un dernier chapitre, qui n'en sera pas le moins apprécié, et où il nous donne, de toutes les doctrines authentiques de l'Église, un résumé bref, mais complet, une synthèse à la fois large et précise, une vue d'ensemble vraiment très satisfaisante et que nous avouons, pour notre part, n'avoir jamais rencontré ailleurs.

Désireux de montrer par une citation comment l'ouvrage est écrit et pensé, nous choisirons un passage du premier chapitre, non qu'il soit plus saillant que le reste, mais parce qu'il donne assez bien l'idée de l'esprit qui anime l'auteur :

« Quelque grands travaux de science religieuse que le passé nous ait légués ou que l'on doive accomplir aujourd'hui et demain, il n'y a pas de raison de prétendre que l'esprit humain devienne jamais incapable d'y ajouter quelque complément. Je ne dis pas qu'il lui appartienne de rencontrer ou de constituer à son gré des faits nouveaux en cette matière, mais toujours il dépendra de lui de s'essayer à mieux connaître les faits existants.

« Les phénomènes de la nature n'ont pas changé non plus, au moins dans leurs lois, et cependant l'on a introduit quelque perfectionnement dans les idées qu'on s'en était faites. Autre chose est

T. XXXV.

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l'objet d'une science, et il peut être invariable; autre chose est la méthode qu'on y emploie, et elle peut comporter des applications toujours plus attentives, toujours plus pénétrantes. La religion supposée fixe, il n'en résulte point qu'il n'y ait pas d'avancement possible en science religieuse.

« On a vu, depuis deux ou trois siècles, le progrès s'accomplir dans les diverses sciences en suivant l'ordre de complexité et d'importance de leurs objets, depuis la physique et la chimie jusqu'à l'histoire et à l'économie sociale. Et il était naturel qu'on n'abordât les phénomènes plus élevés, ceux de l'ordre moral en particulier, qu'après s'être formé, fortifié l'esprit par l'étude des plus simples et des plus matériels. Il faut donc nous attendre à ce que la science religieuse profite à son tour de l'habileté acquise dans l'exploration des autres domaines et reçoive un complément de lumière des vérités partout découvertes. Ce serait s'infliger une tristesse gratuite, de supposer que le phénomène supérieur des relations de l'homme avec Dieu restera le seul qui, dans le progrès universel, n'ira point en s'illuminant; de supposer, faudrait-il plutôt dire, qu'il sera le seul autour duquel relativement s'augmenteront les ténèbres, puisque l'intelligence humaine, devenue, par l'effet de tant de satisfactions obtenues ailleurs, beaucoup plus exigeante qu'autrefois, devrait ici se contenter toujours du même degré d'information. >>

Le livre de M. l'abbé Klein paraissant au moment même où nous mettons sous presse, nous ne pouvons en donner, et encore un peu au hasard, que cette rapide analyse et ce trop court extrait; mais ils suffiront, pensons-nous, à faire apprécier la méthode si intéressante adoptée par notre éminent ami, et à inspirer à tous nos lecteurs le désir de lire l'ouvrage lui-même.

P. B.

III. - PAROLES A MÉDITER

Sous le titre très significatif de « Deux hommes », un journal de langue française rapportait dernièrement les discours prononcées à Washington par le président Roosevelt et par M. Carnegie, à l'inauguration de la 730° bibliothèque fondée par ce dernier.

Nous en extrayons les passages les plus importants que nous livrons aux méditations du lecteur :

<< Monsieur Carnegie, a dit le président, ni vous ni moi ne pouvons faire d'un homme un sage; nous ne pouvons que lui offrir les moyens

d'ajouter lui-même à sa sagesse. Il n'y a d'œuvres philanthropiques, à la longue, que celle qui aide un homme à s'aider lui-même. L'homme qui permet ou demande qu'on le porte, ne vaut pas la peine d'être porté. Un don comme celui-ci esquive par un coup de barre heureux le Charybde du manque d'esprit public et le Scylla du genre d'esprit public qui paupérise. Il échappe aux deux vices radicaux de notre civilisation, endurcissement du cœur ou mollesse du cerveau. » Dans sa réponse, M. Carnegie s'est exprimé ainsi :

«La bibliothèque publique ne connaît pas de distinction de

rang.

« Celui même qui nous honore de son auguste présence, le détenteur de la plus haute charge qui soit au monde, l'élu de la majorité de la race de langue anglaise, titre auprès lequel les postes héréditaires sont insignifiants, n'a pas au dedans de ces murs d'autres privilèges que ceux du plus humble de ses concitoyens. Mais si le président, en tant que président, est ici au niveau des autres, l'homme a dans cette bibliothèque la place qu'il mérite, non pas comme fonctionnaire, mais comme prince de la République des Lettres. Son rang parmi les auteurs qui sont la plus grande gloire du pays, c'est l'auteur Théodore Roosevelt qui l'a depuis longtemps gagné. » Après avoir ajouté qu'il y avait encore 1.100 bibliothèques en projet, M. Carnegie a conclu: « Si je me concentre dans le métier d'entrepreneur de bibliothèques, c'est que j'ai été toute ma vie un homme de concentration. Je n'ai jamais vu de Jean-fait-tout parvenir à un grand succès. »

Quelle belle indépendance de pensée et d'allure dans tout cela! quel sens vrai de la vie! Comme les paroles de ces « deux hommes >>> tranchent sur les discours officiels auxquels nous sommes accoutumės, pompeux, banals, vides d'idées et pleins de servilité. Avec quelle aisance ces purs Anglo-Saxons, gens d'action avant tout, savent s'élever aux conceptions profondes et aux vues d'ensemble! V. MULLER.

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Un de nos amis, dans le courant de février, a eu l'occasion de traverser plusieurs fois la grande terrasse de Meudon.

Et que faisait-on sur cette terrasse?

On brûlait du bois.

Oui, on brùlait du bois, en plein air, comme si l'on avait voulu chauffer les nuages.

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