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Revue mensuelle

France, 20 francs. Directeur: M. Edmond Demolins.

Étranger, 25 francs.

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La livraison, 2 franes. Redacteur en chef: M. G. d'Azambuja.

Les abonnements partent du 1er janvier

JOURNAL DE L'ÉCOLE DES ROCHES

France et Étranger, 6 francs. La livraison, 2 fr. 25.

Ce journal paraît trois fois par an. Il est servi gratuitement aux abonnés

de la Science sociale, dont il reste cependant distinct.

On peut s'abonner sans frais à ces deux publications dans tous les bureaux de poste. Le montant des abonnements, ou des cotisations, doit être envoyé à M. l'Administrateur de la Science sociale, librairie de Firmin-Didot et Cie, 56, rue Jacob (VIe arrond1). Les dix-sept premières années de la Science sociale, formant 34 volumes, sont vendues au prix de 360 fr.; pour les nouveaux abonnés, 340 fr.

SOCIÉTÉ DE SCIENCE SOCIALE

POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L'INITIATIVE PRIVÉE ET LA VULGARISATION
DE LA SCIENCE SOCIALE

But de la Société. La Société a pour but de propager l'étude de la Science sociale et d'exciter le développement de l'initiative privée.

Moyens d'action de la Société. L'action de la Société s'exerce :

1° Par une Publication périodique: La Science sociale;

2o Par des Ouvrages édités par la Société et formant une Bibliothèque consacrée à l'étude des questions sociales. Ces volumes sont livrés aux membres à prix réduits; 3o Par des Enquêtes entreprises en vue de recueillir des faits précis, de les classer et d'en dégager des enseignements positifs;

4o Par des Réunions d'étude et des Conférences, à Paris et en province;

5° Par la création de Bourses de voyage, ou Missions d'étude, en vue de faire des observations sociales en France et à l'étranger.

Recrutement de la Société.

La Société comprend deux catégories de membres : 1o Les Membres titulaires, qui versent une cotisation de 20 francs (25 fr. pour l'étranger). Ils reçoivent, en échange, la Revue mensuelle La Science sociale (1), et le Journal de l'École des Roches;

2o Les Membres fondateurs de Bourses.

Les membres qui veulent bien souscrire pour une somme de 100 à 300 francs sont fondateurs de partie de bourse, ou de bourse entière. Ces bourses sont destinées à faire faire des voyages d'étude aux jeunes gens qui ont suivi avec le plus de succès l'Enseignement de la Science sociale.

Tout fondateur, individuel ou collectif, d'une bourse entière peut désigner le pays qui doit faire l'objet d'un voyage d'étude.

(1) Les abonnés actuels de la Revue La Science sociale, qui versent déjà un abonnement de 20 francs, sont admis dans la Société, comme membres titulaires, sans autre cotisation.

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Avant de dire une dernière prière pour le prêtre que nous avons tous tant vénéré, le pasteur de cette paroisse me demande, mes frères, de jeter un dernier regard sur cette vie si belle et si humble.

Monsieur l'abbé de Tourville fut élevé par un père qui sut rendre ses fils des hommes tout à fait supérieurs, et tandis que son frère devenait l'homme simple, droit et craignant Dieu, « Homo simplex et rectus ac timens Deum » que vous avez connu et dont il y a un an, presque à pareil jour, on vous retraçait si bien, ici même, les traits dominants, il devenait, lui, le prêtre au cœur fort et très tendre, à l'intelligence d'une pénétration étonnante et en même temps sa piété était touchante de foi vive et simple; il allait lui-même et conduisait les autres tout droit à Dieu; il le voyait et si grand et si bon, et il l'aimait de toutes les puissances de sa belle ame.

A peine ordonné, ce prêtre d'une distinction parfaite se sentait attiré vers les petits et les humbles; et d'ailleurs, frappés de son extrême bonté, ceux-ci venaient d'instinct à lui. Bien avant le jour, très tard le soir, aux rares moments que laisse aux déshérités un labeur constant, le bon abbé de Tourville était assiégé par tous ceux qui souffrent dans leur cœur. Il ne pouvait, il ne savait se dérober; le soin attentif des consciences l'absorbait, et tous emportaient cette très douce confiance en Dieu dont il était rempli et qu'il savait si bien inspirer.

(1) M. l'abbé Desmonts, aumônier de l'Ecole des Roches, a bien voulu nous communiquer ce discours qu'il a prononcé dans l'église de Tourville le 9 mars 1903.

7. XXXV.

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Mais en même temps Dieu le préparait à une mission aussi grande que spéciale. Éminent disciple de Le Play, dont hier encore il prononçait le nom avec admiration, il devait continuer son œuvre avec une compétence que le maître lui-même avait

reconnue.

Déjà, autour de lui, quelques hommes se groupaient et, sous la direction de son esprit scientifique, entraient dans une voie. de recherches méthodiques qui devaient jeter tant de clarté sur les complexes phénomènes sociaux.

Cependant de telles études demandaient du calme et une réflexion prolongée. La charité de l'abbé de Tourville l'aurait attardé dans un ministère trop actif. Dieu sut prendre un moyen radical pour le soustraire aux foules et le conduire dans le désert d'une modeste chambre. Pendant près de vingt ans elle fut tout son horizon. Là, sous la contrainte d'une souffrance prolongée, Dieu illumina son intelligence sans lui demander le sacrifice de la moindre parcelle de son cœur.

O solitudes de Calmont et de Tourville! Combien nous vous sommes redevables des ascensions de ce génie, qui, toujours fixé à la fois sur Dieu et sur les hommes, nous expliquait si bien et ce que doivent être nos rapports avec Dieu, et ce que doivent être nos rapports avec les hommes dans des sociétés que Dieu lui-même veut toujours en progrès, Il laisse, avec sa classification sociale, son chef-d'œuvre, une méthode scientifique féconde pour saisir ces belles lois par lesquelles Dieu conduit les sociétés humaines à travers des milieux si divers.

Bientôt d'autres disciples vinrent de tous les points de la France, et même de l'étranger, demander des leçons à l'humble maître. Quand on l'avait approché, questionné, écouté, on ne pouvait plus s'éloigner; son intelligence et sa forte bonté captivaient; des horizons nouveaux s'ouvraient largement, et l'on emportait, avec une admiration reconnaissante, le goût de ces études de science sociale.

Les travaux des mieux inities affluaient sur la petite table devant laquelle s'asseyait le penseur profond, n'ayant devant lui que son écritoire et un livre de piété, ordinairement le

Nouveau Testament; ou bien, hélas! trop souvent, ces envois s'éparpillaient sur le lit de souffrance où Dieu le retenait. II lisait tout, ses corrections étaient toujours acceptées, et tandis que Henri de Tourville restait ainsi caché aux yeux de tous, les rayons lumineux de sa belle intelligence se projetaient au loin sous l'anonymat de l'amitié et suscitaient dans les vies privées et jusque dans les institutions publiques d'étonnantes transformations. Dieu seul a déjà jugé tout le bien accompli par ce savant modeste.

Il y a quelques années, l'état de sa santé inspira des craintes sérieuses à ses amis et à ses admirateurs; mais l'œuvre n'était pas terminée. Il devait à l'Église ce qu'il avait fait pour les sociétés humaines. Il se remit au travail, et des prêtres, préoccupés des besoins nouveaux de l'enseignement chrétien, et non moins effrayés de certaines tendances aventureuses, vinrent apprendre près de lui comment on doit trouver, dans la fermeté de l'esprit et la pureté de la foi, des règles sûres pour s'adapter aux sociétés humaines sans jamais toucher, même légèrement, au dépôt sacré de la révélation confié par Jésus-Christ à l'Église et à son chef infaillible.

Mais déjà Dieu allait mettre un terme à la mission qu'il lui avait donnée et en même temps aux souffrances qu'un admirable dévouement sut adoucir, souffrances dont on ne connut toute l'étendue que lorsqu'elles furent terminées.

Les derniers rapports de Monsieur l'abbé de Tourville avec les hommes furent, chose étrange, une entrevue avec ce petit enfant charmant (1) que chaque jour il recevait avec une tendresse si remarquée. Une dernière fois il l'embrassa avec effusion, une dernière fois aussi l'enfant l'entoura de ses caresses; il regardait joyeusement cet homme de génie à l'entrée de sa vie éternelle, et l'oncle, avec ce regard pénétrant qui savait si bien lire dans l'avenir des sociétés, s'arrêtait plein d'espérance sur ce jeune enfant à l'entrée de sa vie terrestre. Combien ces deux âmes, si différentes en apparence, se ressemblaient en réalité! Toutes

(1) Le jeune Joseph de Maistre, son petit-neveu.

deux si simples et toutes deux si près de Dieu! « Talium... regnum cœlorum: » c'est bien à de telles âmes qu'appartiennent les grandeurs éternelles.

Aussi la mort était-elle et belle et souhaitable pour celui qui se tenait toujours dans des régions si élevées. Monsieur l'abbé de Tourville la vit venir avec joie, avec une grande joie, comme une chose toute normale et aussi simple que les actes qui remplissent la vie la plus ordinaire. La veille de sa mort, il remerciait Dieu d'avoir pu donner aux autres, en termes précis, l'explication des évolutions compliquées des sociétés, mais aussi, avec ses habitudes de voir plutôt l'avenir que le passé, il s'élançait plein de joie vers Dieu qui lui montrait tout proche le grand avenir éternel. Sentant sa fin prochaine, il demanda l'assistance d'un confrère; ensemble ils consacrèrent les dernières journées à préparer ce « beau départ », comme il l'appelait. Ils firent cette préparation très doucement, à travers les dernières souffrances qui purifiaient cette âme d'élite; et quand Dieu voulut, subitement, l'entretien fut interrompu; Henri de Tourville possédait enfin le Dieu qu'il aimait tant et les grandeurs pressenties qui le ravissaient; c'était bien l'entrée « in gaudium Domini. »

Les chers restes de Monsieur l'abbé de Tourville reposeront à l'ombre de cette église de village, non loin des siens désolés qui appréciaient tant sa forte affection et la sagesse de ses conseils, et à la douleur desquels nous nous associons si profondément; au milieu de cette population attachée par tant de liens à une famille dont les membres se succèdent avec les mêmes vertus et en donnant les mêmes exemples; et, lorsque nous nous retirerons silencieux, nous emporterons précieusement le souvenir bienfaisant du savant modeste et de l'humble prêtre de JésusChrist.

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