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QUESTIONS DU JOUR

QUE FERONS-NOUS DU SAHARA?

Le Sahara est resté longtemps à livrer son secret, et, quand il a commencé à le faire, ne l'a fait que peu à peu. Actuellement encore, on ne peut pas dire qu'il soit entièrement connu. Certaines régions, surtout dans la partie occidentale, demeurent inexplorées. Malgré tout, les itinéraires européens commencent à former, sur la carte de ce « désert », un enchevêtrement respectable, et la mission Foureau-Lamy, en dernier lieu, vient d'apporter de nouvelles lumières sur ce que sont les hommes. et les choses dans cette vaste portion du continent noir.

Or, de tous les voyages d'Européens, et de cette fameuse mission en particulier, une vérité se dégage de plus en plus : à savoir que les hommes, dans le Sahara, sont plus méchants que les choses. Ceux qui ont passé par là en ont fait l'épreuve. «Si quelques-uns de ces hommes entreprenants, dit M. Paul Leroy-Beaulieu, sont morts assassinés, comme Flatters et le lieutenant Palat, on n'a pas entendu dire qu'un seul ait été englouti par le sable ou soit mort de la soif ou de la faim ou de maladies dues au climat (1). » Ce qui tue au désert, ce n'est donc pas le désert; ce sont les gens qui l'habitent. Les voyageurs qui ne sont pas victimes de la race sont épargnés par le lieu. Il y a là, dans la bonne chance des uns comme dans

(1) Revue des Deux-Mondes, 1° octobre 1902.

l'infortune des autres, une double indication de fait qui doit frapper, d'une façon décisive, l'attention des observateurs.

Voici longtemps que les récits de Barth, de Caillé, de Clapperton, de Nachtigall, de plusieurs autres voyageurs sahariens avaient travaillé à déraciner l'ancien préjugé du désert de sable continu. La relation de M. Foureau continue à en faire justice. Le Sahara est décidément une chose plus compliquée et plus hétérogène que ne le concevait notre imagination un peu trop simpliste. Des sables mouvants, il y en a certes, et il y en a toujours trop, mais ce genre de sol n'occupe que la plus petite partie des immensités sahariennes. De sorte que le nom de « steppe pauvre », sous lequel nous les avons toujours désignés en science sociale, paraît préférable, au point de vue de l'effet qu'il produit, à celui de « désert » qui continue, malgré tout, à rendre à l'oreille du public un son effrayant.

On vient de le constater une fois de plus : ce qui rend difficile la traversée du Sahara, ce n'est pas la stérilité du sol, ce sont les instincts pillards de ceux qui l'habitent. La mission Foureau-Lamy, malgré les forces imposantes qui l'escortaient, l'a éprouvé elle-même. L'endroit où elle a rencontré le plus d'obstacles à sa marche n'est autre que l'Aïr, territoire tout spécialement favorisé, où l'on trouve de l'eau, de l'herbe, des troupeaux, des bois, des villages rapprochés les uns des autres. C'est là que, sur les treize mois qu'a duré leur voyage du Nord au Sud, M. Foureau et le commandant Lamy ont été obligés d'en passer huit en marquant le pas. Pourquoi? parce qu'ils étaient obligés de faire de la diplomatic.

Cette particularité achève de nous éclairer, et dès lors nous pouvons poser le problème sur son véritable terrain. La pénétration du Sahara est avant tout une question humaine, une question sociale, et la transformation des lieux elle-même, quand on l'entreprendra, devra être conçue de façon à engendrer, si l'on peut, la transformation des hommes, en agissant tout d'abord, bien entendu, sur les hommes les plus capables de se transformer.

La Science sociale, à plusieurs reprises, s'est déjà occupée

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