Page images
PDF
EPUB

14° Le fleuve de la Rencontre s'identifie bien avec le ruisseau de Casamicciola, par son embouchure exposée au nord, par son débit naturel, par la hauteur qui le domine, par ses alentours et sa distance de la ville;

15° Malgré les destructions que lui ont infligées un affaissement et des érosions considérables, destructions qui auraient pu le rendre méconnaissable, le rivage à l'est du ruisseau répond encore au texte par son orientation, et ses rives basses, qui, au moins en certains points, présentent de longs seuils rocheux et des roches dangereuses;

16° Enfin, le « Bouclier», salué par Ulysse à son arrivée du nord-ouest, est reconnaissable dans la silhouette en accolade du mont Zale, à peu près à égale distance de la pointe Caruso et de la pointe Cornacchia.

Nous pouvons donc affirmer sans crainte que la Terre des Phéaciens s'identifie, et de façon à ne pas laisser de doute, avec l'ile d'Ischia par sa situation géographique, par sa physionomie générale, par ses caractères d'ensemble, comme aussi par les détails de sa topographie; en un mot, par tous les traits de la peinture homérique.

Nous allons maintenant rechercher ce qu'était au juste le peuple maître de cette terre.

(A suivre.)

PH. CHAMPAULT.

LE MOUVEMENT SOCIAL

I. TROP ET PAS ASSEZ DE DÉCENTRALISATION

Que devient la grande commission extra-parlementaire nommée, il y a quelques années, pour étudier le problème de la décentralisation?

Nul ne le sait; nul ne cherche à le savoir. La grande commission, avec tant d'autres choses qui furent à un moment des réalités, est entrée dans le domaine des mythes. Est-elle partie à la recherche d'Andrée? Est-elle allée se renseigner sur le fonctionnement des autonomies soudanaises dans la région du Chari ou de l'Oubangui? Mystère et vanité. Qui sait même si quelques-uns des commissaires n'ont pas oublié qu'ils font partie de la commission? Mais, si la chose appelée décentralisation n'est pas encore près de nous être donnée, le mot n'en va pas moins son petit bonhomme de chemin avec tout le succès désirable. Les journaux publient gravement des articles ou des informations sensationnelles, sous ce titre ou cette rubrique « Remarquable tentative de décentralisation. >> Vous lisez, et vous constatez qu'il s'agit de représentations au théâtre d'Orange, ou d'une pièce montée aux arènes de Béziers, ou encore d'une exposition qui s'ouvre à Versailles. Ces locutions paraissent toutes naturelles, et une foule de messieurs graves, hochant la tėte, disent en lisant ces choses : « Effectivement, il y a là d'intéressantes tentatives de décentralisation. >>

Mais alors, la décentralisation, nous l'avons, et plus n'est besoin de la réclamer au gouvernement qui dirige notre «< doux pays ». Votre frère part pour Vichy: c'est de la décentralisation. Votre belle-mère va prendre des bains de mer à Saint-Valéry: elle décentralise. Votre cousin est invité à l'ouverture de la chasse aux environs de Tarascon la décentralisation fait dès lors un pas décisif. Que de solennités inaugurations, concours agricoles, foires, meetings d'orphéons, se passent en province! Tout cela serait donc de la décentralisation! Quand un ministre choisit une ville de province pour déclarer ses vues politiques, il fait acte de décentralisateur, puis

qu'il aurait pu tenir ces discours à Paris, dans son cabinet! Et quand l'Académie délégue un de ses membres pour la représenter à l'érection d'une statue dans quelque sous-préfecture, elle travaille à sa manière à doter la France d'institutions décentralisées!

Pour notre compte, nous avouons ne pas voir la nécessité d'employer dans ce sens ce mot qui tient tant de place dans une phrase, bien que la chose signifiée par lui en tienne si peu dans les préoccupations de nos prétendus hommes d'État. Comme une foule de gens ignorent parfaitement le sens exact du mot, cela peut donner le change, et faire croire à la grande armée des naïfs que la décentralition existe, alors qu'on ne songe pas le moins du monde à la leur donner. Nous en sommes arrivés, chose curieuse, à ce point que les interventions du pouvoir central hostiles à la libre action des localités sont acceptées comme choses toutes naturelles, alors que, si l'on découvre quelque part une morceau de ruine romaine, et que si une actrice de la Comédie-Française se dérange pour aller y déclamer des vers, des milliers de voix s'élèvent, criant : « Voyez donc comme la décentralisation fait des progrès!

[ocr errors]
[blocks in formation]

Nous avons signalé à plusieurs reprises les moyens artificiels, préconisés par les économistes, les financiers, les politiciens, ou même les simples amateurs, pour conjurer le danger de la dépopulation, qui est si menaçant en France.

Dans cet ordre d'idées, il est curieux de mentionner, à titre de document, le projet suivant, que nous trouvons exposé dans la République Française:

<<< Au cours de la dernière séance de l'Académie des sciences morales et politiques, lecture a été donnée d'un très intéressant mémoire visant l'augmentation de la natalité dans notre pays.

« Ce mémoire est l'œuvre d'un officier, le lieutenant-colonel Toutée, sous-directeur de l'École supérieure de guerre; il a été écrit en pleine brousse africaine, sur les bords du Niger.

<«< Dans ce travail, le colonel Toutée ne s'occupe pas du problème qui a pour but la diminution des décès, qui est un des deux facteurs de la question qui l'occupe; ce problème regarde les hygié

nistes. Son affaire à lui, c'est uniquement l'accroissement du nombre des naissances.

Après avoir constaté que les naissances sont surtout rares dans les familles aisées, le colonel déclare avoir trouvé un moyen certain d'inciter ces familles à avoir beaucoup d'enfants, et ce moyen, dit-il. consiste dans l'appât d'héritages d'autant plus importants que le nombre de leurs enfants sera plus grand.

Tout d'abord, l'auteur du mémoire pose en principe le droit qu'a la nation de prendre des mesures contre les familles qui, pour assurer à leur descendance le plus de fortune possible, se gardent contre la venue d'un nombre d'enfants qui les obligerait à disséminer cette fortune. Ce principe établi, il demande tout simplement que l'on intercale, dans le Code 'civil, un article 744 bis, ainsi

conçu :

< Toutes les successions donnent lieu à partage. A chaque héritier sont attribuées, en outre de sa part, autant de parts égales à la sienne qu'il a d'enfants vivants ou représentés.

Tout enfant unique appelé à succéder à ses ascendants reçoit à ce titre la moitié de leur héritage, l'autre moitié allant à celui ou à ceux auxquels la succession reviendrait à son défaut. »

Grâce à la disposition légale qu'il préconise, le colonel compte que, pour avoir un plus grand nombre d'enfants, on se mariera plus tôt qu'on ne le fait actuellement.

«Et ce sera tant mieux, » dit-il.

Que si on lui objecte que son système désavantage les cadets au profit des aînés, il répond en faisant valoir que, si les aînés reçoivent plus que les cadets, les cadets reçoivent à un âge inférieur à celui des ainés et ont par suite plus longtemps à faire fructifier leur part.

Il est ainsi curieux de voir, à travers les siècles, la fameuse loi Pappia Poppea revenir sous des formes diverses. Ce qui est inquiétant pour le projet du colonel Toutée, tout rempli qu'il soit des meilleures intentions, c'est que la loi Pappia Poppaa, l'histoire nous l'apprend, ne produisit pas les heureux effets qu'on espérait d'elle. La combinaison préconisée ci-dessus réussirait-elle mieux? Nous terminons, pour le moment, sur ce point d'interrogation.

[ocr errors]
[blocks in formation]

Il n'est peut-être pas sans intérêt d'extraire quelques chiffres de la statistique des grèves en 1901, publiée par la Direction du travail, au ministère du commerce et de l'industrie.

Il y a eu, en 1901, 523 grèves et 111.414 grévistes. Ces grèves ont affecté 6.970 établissements. Il en est résulté 1.862.050 jours de chômage, dont 174.155 infligés à 10.147 ouvriers non grévistes. La moyenne des jours chômés a été de quinze par gréviste.

Les plus fortes grèves ont été celles des mineurs à Montceau-lesMines, des ouvriers des ports à Marseille, des porcelainiers de Vierzon, des maçons de Grenoble et de Toulouse, des ardoisiers de Rimogne, des mouleurs de Montluçon, des mineurs du Nord et du Pas-de-Calais. Ces huit grèves ont fourni à elles seules les deux cinquièmes des grévistes et les deux tiers des jours chômés.

Dans 353 grèves sur 523, les ouvriers avaient un syndicat; 14 syndicats ouvriers ont été fondés à l'occasion des grèves; les syndicats ouvriers ont assuré des secours réguliers à leurs membres dans 29 grèves.

114 grèves, avec 9.364 grévistes, ont réussi.

195 grèves, avec 44.386 grévistes, ont abouti à une transaction.

214 grèves, avec 57.664 grévistes, ont échoué. La proportion des réussites est un peu plus faible qu'en 1900, celles des transactions beaucoup plus faible, celles des échecs beaucoup plus forte.

Dix grèves ont dure plus de cent jours.

274 grèves ont eu pour cause une demande d'augmentation de salaires; 57 ont été motivées par une réduction de salaires; 134 ont été excitées par des réclamations non relatives au salaire.

Six grèves ont été terminées par conciliation avant toute cessation de travail, neuf ont cessé après le premier acte de procédure d'arbitrage et avant la constitution du comité. L'arbitrage a été réclamé 67 fois par les ouvriers, 5 fois par les patrons et 3 fois par les deux parties. Le juge de paix est intervenu d'office dans 67 grèves.

Trente-trois grèves ont été terminées par l'intervention des préfets, des sous-préfets ou des maires, 'dix par l'intervention des syndicats ou de fédérations professionnelles, trois par l'intervention de personnes diverses et une par le recours aux prud'hommes.

[ocr errors]
« PreviousContinue »