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toutes les grandes règles des mœurs; à apprendre, soit de vive voix, soit par la lecture, comment les anciens l'avaient expliquée; à savoir les règles de la discipline écrite et non écrite; on se contentait de ses connaissances, pourvu qu'elles fussent jointes à une grande prudence et à une grande piété. » Puis donc que ces connaissances peuvent toutes se puiser dans cet ouvrage, il est évident qu'il renferme celles qui sont les plus nécessaires dans le ministère, et qu'il doit être très-utile à ceux qui s'y disposent, ou qui commencent à l'exercer. Il doit donc aussi être très-utile à ceux qui, par vœu on autrement, sont chargés de l'éducation des enfants cette conséquence suit du même principe. Enfin c'est le jugement qu'en portera, par rapport à elle-même, toute personne religieuse qui observera que dans cet ouvrage il est parlé, 1° des lois qui lui sont communes avec les simples fidèles, 2° des conseils dont elle a embrassé la pratique, et 3° de la corruption d'un monde qu'elle a quitté, et qu'elle serait peut-être tentée de regretter, si on ne lui remettait souvent sous les yeux ses dangers et ses désordres.

III. · Nécessité de cet ouvrage.

Ce cours d'instruction me paraît même en quelque sorte nécessaire pour aider à tarir la source des vices qui déshonorent notre siècle. On n'y connaît point assez, ni la religion, ni la sublimité de ses dogmes, ni la beauté de sa morale, ni la pureté de sa discipline, ni les sens mystérieux de ses prières et de ses cérémonies. Voilà la raison primitive pour laquelle les mœurs y sont si déréglées, les cœurs si corrompus, les esprits si flottants, les offices de l'Eglise si négligés, etc.; c'est l'ignorance de la doctrine chrétienne qui cause tous ces maux.

On pourrait espérer de dissiper les ténèbres de cette ignorance par le moyen d'un catéchisme renforcé, si ceux pour qui on le ferait voulaient y assister; mais où trouver des personnes sorties de l'enfance qui aient cette bonne volonté, ou qui ne soient dans ce faux et presque invincible préjugé, que le catéchisme n'est que pour les enfants; il faut donc leur présenter la même doctrine sous une forme différente, sous une forme contre laquelle ils ne soient point prévenus. Telle est celle des prônes; il n'est personne qui ne l'adopte pour soi, comme il n'est personne qui n'aime un père qui parle en père. Cette manière d'instruire à fond de la religion, est donc nécessaire, et le catéchisme n'y suflit pas. Les exhortations que nous appelons aujourd'hui sermons y suffisent encore moins; elles n'ont aucune liaison les unes avec les autres; elles ne laissent aux auditeurs aucune idée suivie des vérités évangéliques. Qu'at

(5) J'avais d'abord eu dessein d'intituler cet ouvrage Troisième cours d'instructions; je l'avais même, dans deux cours précédents, annoncé sous ce titre au public: aujourd'hui je supprime ce mot troisième : 1 parce que dans l'exactitude il doit être le premier; Paul doit instruire avant Apollon ;

tendre de ces traités disparates, de ces discours isolés, que la confusion des idées ? D'ailleurs quel sermonaire me citerez-vous qui présente au lecteur chrétien tout ce qu'il doit savoir en cette qualité ?

A Dieu ne plaise cependant que j'accuse ici les écrivains ecclésiastiques qui ont précédé. Ils défendaient le dogme que l'hérésie s'efforçait de détruire; ils attaquaient les vices régnants; ils faisaient ce qu'exigeaient d'eux les mœurs de leurs temps; c'est à nous à faire ce qu'exigent de nous l'incrédulité et le libertinage dont aujourd'hui l'esprit et le cœur trafiquent réciproquement; c'est à nous à combattre à droite et à gauche ces deux monstres avec les armes de la justice, dans l'humble confiance que Dieu daignera se servir de vases aussi fragiles que nous pour manifester sa sublime vertu: Ut sublimitas sit virtutis Dei. (II Cor. iv, 7.) L'histoire des Juges nous l'apprend; ceux que l'Eternel appelait autrefois à cette importante fonction, n'étaient ni les plus riches, ni les plus accrédités de la nation; partout Dieu voulait paraître seul, se cachant sous le voile des instruments et des moyens les plus faibles, pour forcer l'homme à reconnaître qu'il était présent et agissant. Ainsi deux femmes, bébora et Jahel, délivrèrent Israël de la tyrannie des Chananéens; Gédéon, à la tête de trois cents hommes sans armes, mit en déroute l'armée innombrable des Madianites; Samgar, avec un soc de charrue, défit les Philistins; Samson, sans épée ni bâton, en tua mille avec une mâchoire d'âne trouvée par hasard. Ces faits de l'Ancien Testament figuraient pour le Nouveau, où la chair et le sang n'appellent point au sacerdoce; et quani l'occasion l'a demandé, Jésus-Christ a, pour ainsi dire, affecté de choisir des instruments qui par eux-mêmes n'étaient que faiblesse, afin que toute la gloire du succès lui demeurât. C'est ce qui me fait penser que je puis publier cet ouvrage, avec d'autant plus de confiance qu'étant moins que le néant, toute la gloire en reviendra nécessairement à Dieu.

IV.
- Plan et division de cet ouvrage,

Je divise ce cours (5) d'instructions comme il suit. Je traite, 1° de la foi, et des objets. qu'elle nous propose; 2° de l'espérance, et des biens qu'elle nous promet; 3° de la charité, et des œuvres qu'elle nous prescrit; 4° des sacrements, et des grâces dont les sacrements sont pour nous les canaux; el 5° des vices, et des vertus que nous devons leur opposer; par conséquent j'observe cette règle de l'éloquence de la chaire selon laquelle un prédicateur ne doit parler que de sujets importants.

2o parce que, depuis la première édition de cet ouvrage, j'ai donné comme second et comme troisième cours d'instructions les deux ouvrages que ju m'étais auparavant proposé de donner sur les Evaugiles d'abord, puis sur les Epitres.

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La première chose nécessaire, au salut, c'est la foi. Sans elle, comment pourrionsnous approcher de Dieu et lui plaire? (Hebr. 11, 6.) On peut, touchant cette vertu, considérer la certitude de ses principes, ses motifs de crédibilité, les sources de ses preuves, l'autorité de sa règle, l'étendue de ses objets c'est ce que j'examine en premier lieu dans l'explication du symbole des apotres, et où je démontre l'existence d'un Etre suprême, la vérité de la religion naturelle la certitude de la révélation qui lui a été ajoutée, et la crédibilité de chaque article révélé. Là je forme un théiste (6), un chrétien, un catholique. Tout cela est nécessaire aujourd'hui; il faut désarmer l'incrédule et l'hérétique partout où on les rencontre, et où ne les rencontre-t-on pas ?

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La seconde chose nécessaire au salut, c'est l'espérance en Dieu. Malheur à celui qui se confie dans les hommes! (Jer. xv, 5.) Les biens qu'elle nous propose sont la vie éternelle et les grâces pour y arriver; les excès qu'elle réprouve sont le désespoir et la présomption; les motifs dont elle s'appuie sont les promesses de Dieu et les mérites de Jésus-Christ; les effets qu'elle produit sont un vif désir du ciel et un détachement parfait de la terre; le moyen dont elle use plus ordinairement pour parvenir à ses fins, c'est la prière : après avoir traité les autres sujets, il faut donc aussi traiter celuic, il faut parler de l'oraison mentale et de a vocale; de l'oraison du Seigneur, et de celles que nous adressons à ses saints; de 'honneur que nous rendons aux reliques de ceux-ci et à leurs images, de ce que nous devons aux corps, et surtout aux âmes des défunts.

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La troisième chose nécessaire au salut, c'est la charité. Sans elle que serions-nous, et à quoi nous serviraient nos meilleures actions? (I Cor. xu.) Le premier objet de la charité, c'est Dieu, et le second, c'est le prochain. Aimer quelqu'un, c'est lui vouloir du bien; le bien que nous devons vouloir à Dieu nous est marqué dans la première table de la loi; celui dont nous sommes redevables au prochain nous est indiqué dans la seconde table. Aux dix commandements renfermés dans ces deux tables, l'Eglise, munie du pouvoir de son divin Epoux, a joint six préceptes principaux qui obligent tous les fidèles sans distinction; à la fin des uns et des autres est la charité.

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tôt il nous la donne indépendamment de tout signe sensible, et tantôt il la fait dépendre de l'application de certains symboles extérieurs auxquels il nous oblige de nous assujettir pour humilier notre orgueil. Ces symboles sont ce que nous appelons sacrements. Ce sont aussi les choses sacramentelles, l'eau bénite, le pain bénit, les médailles bénites auxquelles sont attachées des indulgences, etc. Dans le cinquième volume vous trouverez l'explication de tout cela, ainsi que celle des cérémonies que l'Eglise y a jointes. Le sacrement de l'Eucharistie est le seul dont je n'explique point là les cérémonies, parce que j'ai eu occasion de les expliquer précédemment, en traitant du se-. cond commandement de l'Eglise, et de la meilleure manière d'entendre la messe et les vêpres.

IX. La pratique du bien.

La cinquième chose nécessaire pour obtenir la vie éternelle et voir ses beaux jours, c'est la fuite du mal et la pratique du bien. (I Petr. m.) Le premier de tous les maux. c'est le péché mortel; le second, c'est le péché véniel; le troisième, ce sont les passions, l'envie;... généralement toutes les passions, celle de l'orgueil, celle de l'avarice, celle de lesquelles conduisent toutes du péché véniel au péché mortel. Le bien qu'il faut pratiquer, ce sont les vertus contraires aux passions humaines; c'est l'humilité contraire

l'orgueil, la pauvreté d'esprit contraire à l'avarice, la chasteté et la virginité contraires à l'impureté, la charité contraire à l'envie, la sobriété et le jeûne contraires à l'intempérance, la douceur contraire à la colère, la ferveur contraire à la paresse, ainsi des autres vertus qu'il est nécessaire de substituer aux vices qui les combattent.

Du premier au dernier discours j'ai donc observé cette méthode géométrique qui s'attache à l'ordre des vérités et à leur rapport mutuel; la moindre attention à ce plan que je viens de tracer depuis le numéro IV jusqu'à celuici, en est une preuve. Si on m'objecte que cette méthode exigeait que je parlasse, par exemple, du sacrilege en traitant du premier commandement, du vou en traitant du second, etc., je répondrai que ces sujets sont aussi liés à la doctrine du baptême, de la virginité, etc., et que j'ai pu parler de ceuxlà en parlant de ceux-ci; sic de, etc.

X.-Je n'ai pas suivi moins exactement cette méthode dialectique qui s'accommode aux matières, au temps, aux dispositions et au goût des personnes. Eu égard à la différence des matières j'ai usé d'un style tantôt plus simple, tantôt plus relevé, toujours assez pour ne point blesser la délicatesse des plus éclairés, et toujours assez uni pour être compris des moins instruits. Eu égard au temps, j'en ai observé les abus et les vices dominants; j'ai dirigé (7) contre eux mes réflexions morales, et ceux qui les liront dans le siècle suivant s'y instruiront des désor

(7) Comme les éditeurs des sermons préchés dans le xvir siècle ne se sont en rien écar

dres qui règnent dans le nôtre, ce sont des monuments qui déposeront dans les âges futurs contre l'impiété présente, contre ceux qui m'auront lu ou entendu, sans en devenir meilleurs.

Eu égard aux dispositions des personnes, je me suis souvent rappelé ce que dit saint Augustin (8), « qu'il est difficile de servir les hommes utilement, et de faire des instructious ou des livres qui leur agréent, que ces ouvrages ne leur paraissent pas assez clairs s'ils sont courts, et qu'ils les ennuient s'ils sont longs; » Laborant homines in discendo, et brevia non volunt intelligere, et prolixa non amant legere. Guidé par cette remarque, J'ai tâché d'éviter d'un côté l'obscurité qui naît de la briéveté, de l'autre l'ennui que cause la longueur; pour cela j'ai dit ce qu'il fallait dire, rien davantage. Quintilien, marquant la différence qui se trouve entre Démosthène et Cicéron, pour le style et l'élocution, dit qu'il n'y a rien à retrancher au premier et rien à ajouter au second: Illi nihil detrahi potest, huic nihil adjici. Autant qu'il m'a été possible j'ai tâché de réunir ces denx qualités.

Eu égard au goût de notre siècle, j'ai observé que chaque classe de fidèles a le sien, que ceux qui ont une piété réelle en ont un très-bon, et que ceux qui n'ont qu'une piété apparente en ont un autre très-dépravé; ceux-là sont de ces esprits solides dont parle saint Augustin, qui aiment la vérité que les paroles enveloppent, et non les paroles qui enveloppeut la vérité : Bonorum ingeniorum insignis est indoles, in verbis verum amare, non verba (9) ceux-ci sont de ces esprits superficiels, qui aiment, au contraire, l'enveloppe de la vérité et non la vérité niême, qui sans savoir discerner ni l'excellent ni le médiocre, jugent de l'un et de l'autre, qui s'inquiètent peu que leur cœur soit touché, pourvu que leur imagination soit remuée, leurs oreilles flattées et leurs yeux satisfaits; qui vont entendre un discours évangélique comme ils iraient entendre un discours académique, pour s'amuser une heure agréablement. Les premiers ont un respect profond pour les paroles de l'Evangile et pour celles des Pères; non-seulement ils aiment à les entendre citer, mais on remarque que ces citations font sur eux une impression vive et salutaire. Les seconds, au contraire, sans goût, sans vénération pour la parole de Dieu et de ses saints, permettent à peine que le prédicateur fasse quelque allusion à l'Ecri

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ture sainte; c'est presque une faute à leurs yeux de nommer un Père de l'Eglise et d'en rapporter les expressions. Quelle dépravation de goût ! Instruit à l'école de JésusChrist et de ses apôtres qui ont souvent renvoyé aux anciennes Ecritures, non-seulement je les ai citées, mais j'en ai substitué les paroles aux miennes, ainsi que celles des saints, lorsque l'occasion s'en est présenlée (10). Je frémis encore du souvenir de certains prédicateurs qui affectent de citer souvent les profanes anciens et les littérateurs nouveaux, presque jamais l'autorité de l'Evangile et de ses interprètes légitimes. Ces hommes veulent-ils sincèrement convertir les âines, ou veulent-ils se faire une sorte de réputation? cherchent-ils l'intérêt spirituel du prochain, ou leur intérêt temporel? Laissons au souverain juge le soin de nous découvrir les secrets des cœurs au grand jour.

Mais, me direz-vous, ceux qui fuient le goût des derniers prêchent avec éclat, et on les suit avec empressement. Cela arrive quelquefois, j'en conviens avec vous; mais la foule qui les suit devient-elle meilleure? en voyez-vous au moins quelques-uns qui quittent la voie large pour entrer dans le chemin étroit du salut? Ne peut-on pas dire ici ce que disait Isaïe: Vous avez multiplié le peuple, 6 mon Dieu! mais vous n'avez point augmenté la joie de vos anges par la conversion de ce peuple. (Isa. ix, 3.) Vous donc que ce mauvais goût avait séduits! renoncez-y au plus tôt, et souvenezvous qu'heureux sont les humbles, les petit, les pauvres d'esprit; que c'est à eux que sont révélés les mystères du royaume des cieux. Et nous qui sommes chargés d'annoncer la parole de Dieu, préparons avec soin ce que nous devons enseigner, et cependant, ne mettons aucune confiance ni en nos lu mières, ni dans les discours étudiés; mettons-la toute en Dieu qui se sert des faibles pour confondre les forts, et des insensés pour convaincre les sages. Je le disais plus haut, et je le répète maintenant, c'est dans ce sentiment intime de ma faiblesse extrême que j'ai commencé et fini cet ouvrage : veuille le Seigneur répandre sur lui ses bénédic tions, et le faire servir au salut de ceux qui le liront! Je me recommande à leurs prières, de peur qu'après avoir prêché aux autres, je ne sois un réprouvé : Ne forte cum aliis priedicaverim, ipse, reprobus efficiar. (1 Cor. 1x, 27.)

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DOCTRINE CHRÉTIENNE

EN FORME DE PRONES.

DISCOURS PRÉLIMINAIRE

ου

PREMIÈRE INSTRUCTION.

SUR LA FOI.

Nécessité de connaître la religion quant au dogme.

Audite, coli, et auribus percipe, terra, quoniam Dominus locutus est. (Isa. 1, 2.)

Cieux, écoutez, et toi, terre, prête l'oreille, car c'est le Seigneur qui a parlé,

C'est ainsi, mes frères, que le prophète Isaïe ouvrait sa mission vers le peuple du Seigneur, et c'est ainsi, c'est avec ce style sublime, c'est de ce ton si majestueux et si digne du Dieu vivant, que je commence la mienne vers vous; vers vous, chrétiens, qui conservez encore le beau nom de race choisie, de peuple d'acquisition: J'ai nourri des enfants, continue le prophète, je les ai élevés, et après cela ils m'ont méprisé. Le boeuf connaît celui à qui il appartient, et l'âne l'étable de son maître; mais Israël ne me connaît point, et mon peuple est sans entendement Israel... me non cognovit, et populus meus non intellexit : Malheur à la nation perverse, au peuple chargé d'iniquités, à la race corrompue, aux enfants méchants et scélérats! Væ genti peccatrici! C'est ce qu'ajoutait le prophète pour justitier cette elocution vraiment grande, par laquelle il prenait à témoin le ciel et la terre: Audite, cæli, et auribus percipe, terra.

C'est aussi, mes frères, ce que j'ajouterai, et peut-être avec plus de raison que le Prophète-Royal. Le Seigneur vous a créés; il vous a nourris, il vous élevés, il vous a comblé de ses bienfaits, afin que vous le connussiez; et vous plus aveugles, et vous plus ingrats que ces êtres sans intelligence dont parle le prophète, vous ne connaissez pas ce bon maître, ce bienfaiteur unique: oui, c'est le reproche que vous méritez la plupart; c'est celui que mérite notre siècle, si jamais siècle le mérita. Cet Etre suprême se montre, se rend sensible par toutes ses créatures: Invisibilia enim ipsius a creatura mundi per ea quæ facta sunt intellecta conspiciuntur. (Rom. 1, 20): et on ferme les yeux pour no le point voir; on convient de l'unité de sa nature, et on dispute de la trinité de ses personnes on avoue sa bonté souveraine, et on nie sa justice rigoureuse; on consent à l'adorer, mais à sa mode, et non à celle que prescrit la révélation. Le monde est rempli

d'ignorants qui ne connaissent ni la Divinité ni la religion; les uns, parce que, lisant beaucoup, ils lisent sans guide, sans principe, et par là sans autre fruit que celui de la présomption; les autres, parce qu'ils prêtent trop peu d'attention aux preuves qui établissent les vérités du chrístianisme; et les autres, parce qu'ils en prêtent trop aux sophismes, et aux erreurs favorables à ce penchant qui fait dire à l'impie dans son cœur: il n'y a point de Dieu : Non est Deus. (Psal. XII, 1.,

Sans négliger ces derniers, attachons-nous aux premiers surtout, comme étant plus dignes de compassion; et avant d'entrer dans le détail d'aucun point particulier qui concerne Dieu et sa religion, parlons-leur d'abord en général de la connaissance de l'un et de l'autre c'est, mes frères le sujet important de cet entretien.

Dans un discours préliminaire sur les commandements, je vous ferai voir la nécessité de connaître le christianisme par rapport à la morale. Ici, je vous montrerai la nécessité de le connaître par rapport au dogme principalement.

POINT UNIQUE.

Pour vous parler d'une manière utile de la connaissance de Dieu, et de cette religion qui paye à sa majesté suprême le tribut de gloire qui lui est dû, je vais vous montrer ces trois choses: 1° combien cette connaissance est nécessaire; 2° combien elle doit être étendue; 3° combien de moyens vous avez pour l'acquérir. De ce que je dirai sur ces trois considérations, il vous sera facile de comprendre mon dessein dans le plan d'instructions que je commence aujourd'hui; c'est, mes frères! de jeter en vous des fondements plus solides de la vie chrétienne, de vous en expliquer les éléments, de vous mettre sous les yeux des vérités sans nom. bre que jamais peut-être vous n'y avez aperçues. Quel bien infini résultera de l'exécution de ce plan, si vous daignez le suivre jusqu'à la fin ! Vous serez pleinement instruits de votre religion, et vous pourrez en instruire vos inférieurs, comme le doivent tous les supérieurs; vous l'aimerez, vous en inspirerez le goût, et après un juste intervalle, j'aurai le bonheur d'avoir renouvelé les esprits, les cœurs, les mœurs de cette paroisse. Tel est mon dessein, mes frères ! la seule condition que j'exige de votre part, pour y réussir, c'est que vous m'écoutiez comme un père qui parle à ses enfants,

pour leur être utile beaucoup plus que pour leur être agréable.

Commençons, et voyons en premier lieu combien la connaissance de Dieu et de la religion est nécessaire. J'ouvre d'abord le livre dů Deuteronome pour m'instruire sur ce point, et j'y dis ce commandement : Les paroles et les ordonnances du Seigneur seront gravées dans votre âme, vous les raconterez à vos enfants; vous les méditerez assis dans votre maison, et marchant dans le chemin, la nuit dans les intervalles du sommeil, et le matin à votre réveil ; vous les lierez comme un signe dans votre main ; vous les porterez sur le front et entre vos yeux; vous les écrirez sur le seuil et sur les poteaux de votre porte: Scribesque ea in limine, »etc. (Deut. VI, 6-9.) Ainsi parlait Moïse de la part de l'Eternel, aux enfants d'Israël : quoi de plus précis touchant la nécessité d'étudier, d'étudier toute la vie, toutes les heures et tous Jes moments de la vie, la loi du Seigneur et ce qui peut le faire connaître?

J'ouvre ensuite l'Evangile saint Jean, et j'y lis ces paroles de Jésus-Christ à son Père: Mon père! glorifiez votre fils, l'heure en est venue; glorifiez-le, afin qu'ensuite il vous glorifie, afin qu'il donne à ceux que vous lui avez confiés la vie éternelle, cette vie heureuse qui consiste à vous connaître, vous seul vrai Dieu, et Jésus Christ que vous avez envoyé

Hæc est vita æterna, » etc. (Joan. xvi, 1-3.) Sur ces paroles du Sauveur je fais cette réflexion qui d'elle-même se présente : Une seule chose est nécessaire à l'homme, c'est son salut; c'est cette vie éternelle avec la quelle on a tout et sans laquelle on est privé de tout. Or la connaissance de Dieu, de Jésus-Christ et de ses mystères, est un moyen, un moyen tellement nécessaire pour parvenir à cette vie, que c'est en cette connaissance que le Sauveur l'a fait consister. Combien donc n'est-elle pas nécessaire cette connaissance dont je parle?

Pour me convaincre de plus en plus de sa nécessité, j'ouvre encore ces livres que les premiers pasteurs mettent entre les mains des fidèles, et à la tête, je lis d'abord, « que Dieu m'a créé pour le connaître, l'aimer et le servir, et par ce moyen obtenir la vie éternelle. Voilà donc la première de toutes Les vérités chrétiennes qu'on a gravée, qu'on a dù graver dans votre esprit, dès que votre esprit a pu s'ouvrir aux vérités du salut; c'est que vous n'êtes en ce monde uniquement que pour connaître Dieu, afin qu'en le connaissant vous l'aimiez, afin qu'en l'aimant vous le serviez, afin qu'en le servant vous obteniez la vie éternelle. Ainsi vous demander s'il est, et combien il est nécessaire que vous connaissiez Dieu et sa religion, c'est vous demander s'il est, et combien il est nécessaire que vous remplissiez la première de toutes vos obligations, celle qui suit nécessairement votre être, et que Dieu même n'a pas pu ne point vous imposer. Par la même raison vous demander si vous ne manquez point à ce devoir, c'est vous demander si vous n'êtes pas des monstres dans

la nature. Quels monstres que des créatures qui s'écartent des lois primitives qui leur sont imposées! quel monstre qu'un soleil qui n'éclairerait pas, qu'un feu qui n'échaufferait pas !

Mais, que dis-je les monstres sont rares dans la nature, et au contraire les hommes qui ne connaissent ni Dieu, ni sa religion, sont très-communs dans notre siècle. Je ne l'accuserai pas d'être l'ennemi des sciences en général; je conviendrai au contraire qu'il aime, qu'il protége, qu'il cultive non-seulement les sciences frivoles, mais celles aussi qui sont utiles au commerce, à la société civile; mais quelle n'est pas sa haine pour la première, la principale, la plus intéressante des sciences, la science du salut? quels efforts ne fait-il pas pour l'ensevelir dans les ténèbres, s'il était possible? Pour parler le langage de l'apôtre saint Jean combien d'antechrists ne suscite-t-il pas pour seconder ses desseins? combien d'écrivains impies, de lecteurs oisifs, qui saisissent avec avidité tout ce qui semble favoriser l'irréligion? sans cesse je rencontre de ces écrivains et de ces lecteurs, et toujours je rencontre des hommes constamment occupés de ce qui peut affaiblir la foi, n'examinant, ne voulant jamais examiner les principes qui l'établissent. Quelle injustice! quelle envie de s'aveugler !

Vous servez ces hommes à leur gré, ô mon Dieu! ils préfèrent les ténèbres à la lumière; et vous permettez qu'ils aillent d'erreur en erreur, qu'ils passent de précipice en précipice. Par un de ces jugements que vous voulez que nous adorions, nous les voyons marcher à tâtons, doutant de tout, ignorant si vous êtes, et ce qu'ils sont eux-mêmes. Quelle ignorance profonde de ces hommes qui prétendent au nom de savants de ces hommes qui n'usent de leur raison que pour combattre la raison de ces hommes qui étudient tout, qui veulent tout savoir, excepté ce qu'il est plus nécessaire d'étudier et de savoir, la religion et ses mystères !

Vous convenez de cette nécessité, mes frères! et il s'agit maintenant de vous ouvrir ma pensée sur l'étendue que vous devez donner à votre connaissance en matière de religion. Qu'elle est différente de la vôtre ! A vous entendre toute la science du chrétien se réduit à savoir le Symbole, l'Oraison dominicale, les commandements de Dieu; et la raison que vous m'en donnez, c'est que dans le Symbole sont renfermés les principaux mystères que nous devons croire; dans l'Oraison dominicale sont renfermés les principaux biens que nous devons espérer; dans les commandements sont renfermées les principales œuvres que nous devons ou pratiquer ou éviter.

Je l'avoue avec vous, mes frères et ce que nous devons croire, et ce que nous devons espérer, et ce que nous devons faire, est en substance contenu dans ces trois parties de la doctrine chrétienne; mais aussi, ce que vous devez avouer avec moi, c'est

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