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parité de raison entre les mineurs et pour les
interdits;
mais pour
étendre à ceux-ci la fic-
tion que la coutume a introduite par rapport
aux premiers, il faudrait une loi : quod con-
trà rationem juris receptum est, non est pro-
ducendum ad consequentias.

Il en serait autrement dans les coutumes de Hainaut et de Valenciennes. Ces lois, en adoptant la fiction dont il s'agit, ne la bornent pas aux mineurs : elles en font une règle commune à tous les incapables d'aliéner. Voici ce que porte la première, chap. 122, art. 18 « Tous deniers de rachat d'héritages » ou rentes, nantis en main de justice, à cause » que l'héritier (1) ne serait puissant de les recevoir, devront être remployés pour te»nir la même nature et condition de l'héritage ou rente rachetée; et n'étant remployés, devront être réputés pour héritage tenant la même nature et essence ».

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IV. La defense faite aux époux de s'avanta ger, emportant une espèce d'incapacité d'aliener leurs propres respectifs sans en remployer le prix, il en résulte, pour le cas où le remploi n'a pas été effectué pendant la communauté, une Subrogation légale du prix à la chose dont il provient.

Mais cette Subrogation n'étend pas ses effets aussi loin que celle qui est établie par les articles cités des coutumes de Paris, d'Orléans, de Normandie et de Hainaut : bornée aux époux entr'eux, jamais on ne la considère entre les différens héritiers que laisse un mari ou une femme ; et l'action qu'elle produit, appartient toujours au parent le plus proche, sans égard à la ligne d'où venait le propre aliéné.

V. Pourquoi cette différence ? Le voici : L'espèce d'incapacité dans laquelle sont deux époux d'aliéner leurs propres respectifs, sans en remployer le prix, n'a qu'un seul objet: c'est d'empêcher les avantages indirects et frauduleux qui résulteraient de ces lienations. Du reste, dès qu'ils ont les qualités requises par le droit commun et par la coutume pour aliéner, ils peuvent le faire au prejudice de leurs héritiers. Un mari peut donner ses. propres à un étranger; une femme en peut faire autant avec l'autorité de son mari; et plus forte raison preuvent-ils tous deux changer la nature de leurs biens par rapport à leurs héritiers. Des que l'un ne s'enrichit

(1) Ce mot est ici synonyme de propriétaire. V. l'article Héritier.

pas des biens de l'autre, la loi est satisfaite, elle n'en demande pas davantage.

Il n'en est pas de même de l'espèce d'incapacité dans laquelle les dispositions citées des coutumes de Paris, d'Orléans, de Normandie, de Hainaut et de Valenciennes, placent respectivement le mineur, l'interdit et le veuf avec enfans, de changer la nature de leurs biens. Ce n'est pas seulement en faveur du mineur, de l'interdit, du veuf avec enfans qu'elle est établie; elle l'est encore et elle l'est principalement en faveur des héritiers de celui qu'elle frappe. La subrogation qui en résulte, ne peut donc pas être limitée à sa personne; elle doit donc s'étendre jusqu'à sa

succession.

VI. Mais de là faut-il conclure que la fiction dans laquelle consiste cette Subrogation, est perpétuelle? Non elle s'étend, comme on vient de le dire, jusqu'aux héritiers de l'incapable, mais elle se consomme dans leur personne, et n'a plus d'effet à l'égard des héritiers qu'ils laissent eux-mêmes à leur décès. C'est ce que pensent Brodeau, Lemaitre, Duplessis, Auzanet sur la coutume de Paris, Lalande sur celle d'Orléans, et une foule d'autres auteurs.

Duplessis et Ricard exceptent de cette décision le cas où le mineur a pour héritier un autre mineur. Alors, disent-ils, la Subrogation se continue dans la personne de l'héritier; et les deniers qui en sont l'objet, tiennent, dans la main de celui-ci, la même nature d'immeubles fictifs, que dans celle du défunt. Cette opinion a été adoptée par M. de Lamoignon, dans ses Arrétés, titre Quels biens sont meubles, art. 54.

On cite même deux arrêts qui la confirment l'un, du 2 août 1636, rapporté par mai 1744, par lequel (dit l'additionnaire de Brodeau, lettre O, §. 5; l'autre, du mois de Lebrun, liv. 2, chap. 1, sect. 1, no 79) « il a » été jugé que la fiction de propre se soutient » en la personne du second mineur, et que » son héritier des propres succède au prix du >> remboursement fait au premier mineur ».

Sur quoi peut donc être fondée cette doctrine? C'est, disent Ricard et Duplessis, que « la fiction n'est pas introduite à cause de la » chose, mais de la personne ». Mais cette raison est bien futile. La fiction dont il s'agit, n'a point d'autre objet que d'empêcher la personne de changer la chose de nature. Or, dans la personne de l'héritier mineur, les deniers de la vente que le défunt aussi mineur, avait faite de ses propres, n'ont jamais été que meubles; et en demeurant tels, ils ne

souffrent aucun changement. Comment done pourrait-il y avoir ici lieu à une Subrogation?

« Ce serait (dit le président Espiard sur l'endroit cité de Lebrun) étendre le cas porté dans l'art. 94 de la coutume de Paris, à un cas non exprimé. Ferrière, art. 94, gl. 9, no 10, apporte encore une autre raison, qui est que, quand un mineur succede à de simples deniers, la minorité ne les rend pas immeubles.

>> On sait d'ailleurs que cet art. 94 a été nouvellement ajouté, qu'il est contre le droit commun, et qu'il serait contre toutes les rè gles de lui donner effet dans des cas différens auxquels les réformateurs n'ont jamais pensé, n'ayant eu d'autre vue que d'empêcher que le tuteur, en recevant les rentes des mineurs, ne pût intervertir l'ordre des successions, ce qu'il n'y a pas à craindre lorsqu'un mineur succède à un autre mineur. Lecamus, sur le même art. 94, S. 5, est aussi de ce sentiment ».

VII. Lorsque la personne dont l'incapacité avait donné lieu à la Subrogation, devient capable avant de mourir, par exemple, lorsque le mineur est une fois parvenu à l'âge de majorité, ou que le veuf, en Hainaut, perd tous ses enfans, la Subrogation s'évanouit, les deniers retombent pour toujours dans la classe des meubles, et ils ne peuvent plus être réclamés que par l'héritier mobilier.

VIII. 2o De la Subrogation de la chose achetée, à celle qui a été vendue par l'inca pable.

Tout ce qu'on a dit sur la Subrogation du prix à la chose vendue par l'incapable, reçoit ici une application directe et entière. Il est inutile de nous répéter.

Nous observerons seulement une différence que Duplessis met entre le cas où les deniers provenant de la vente qu'un mineur a faite de son propre, n'ont pas été employés pendant Ja minorié, et celui où l'emploi en a été fait. Dans le premier cas, il convient, avec tous les autres auteurs, que les deniers cessent, à l'instant même de la majorité, d'être réputés propres; mais il prétend que, dans le deuxième, la Subrogation produit un effet perpétuel, tant en majorité qu'en minorité.

Cette assertion méritait bien d'être prouvée; Duplessis l'a cependant laissée sans preuve. Pour moi, je ne vois dans la Subrogation que cet auteur prétend être perpétuelle, qu'une simple fiction introduite en consideration de la minorité, et qui, par cette raison, doit cesser avec elle, suivant le principe, qu'une fiction de droit ne peut recevoir

.

aucune extension au-delà du cas pour lequel elle a été établie.

Je trouve même dans le Journal des Audiences, un arrêt du 1er juillet 1686, qui l'a ainsi jugé. Jacques Chauvel de Tenay n'avait que treize ans, lorsque, par la mort de son père, il tomba sous la tutelle de sa mère. On lui remboursa pendant sa minorité quelques rentes qui lui étaient propres, et sa tutrice en fit aussitôt le remploi en autres rentes. Devenu majeur, il se maria; depuis, il fut interdit pour démence ; et pendant son interdiction, on lui remboursa quelques-unes des nouvelles rentes. Après sa mort, les héritiers des propres réclamèrent les deniers de ces remboursemens, comme provenant de rentes réellement propres. Les héritiers des meubles et acquêts soutinrent, au contraire, que ces deniers étaient meubles, parceque le défunt étant devenu majeur depuis les coustitutions, la Subrogation avait cessé de plein droit; et c'est ainsi que l'arrêt l'a décidé.

Il y a dans le recueil de Pollet, part. 2, §. 76, un arrêt du parlement de Flandre, qui juge quelque chose de semblable pour la coutume de Hainaut. Il s'agissait de savoir si la Subrogation opérée dans un remploi par l'incapacité d'un veuf avec enfans, se consomme dans le premier degré de succession, ou si elle est perpétuelle. L'arrêt a embrassé le premier parti; en voici l'espèce.

Le sieur Desmaisières, veuf avec enfans, ayant reçu le remboursement d'une rente qui lui était propre, et qu'il tenait en fief, parcequ'elle était hypothéquée sur un fief situé à Valenciennes (1), en avait remployé le capital dans l'acquisition d'une rente pour laquelle il n'avait point pris d'hypothèque. A sa mort, cette nouvelle rente était passée à son fils, et celui-ci l'avait transmise en mourant, à Silvain Gonzalez d'Almeda, son neveu, qui en avait disposé par testament au profit de son père.

Le sieur de Voërden, son héritier aux propres, attaqua cette disposition comme contraire à l'art. 1 du chap. 32 des chartes générales qui déclare les fiefs indisponibles par testament. Il disait, pour justifier l'application qu'il faisait de ce texte à sa cause, que la féodale et propre ; et de là il concluait qu'elle rente en question était subrogée à une rente devait suivre la loi des fiefs, et tenir nature de propre dans la succession du défunt.

On lui répondit que la Subrogation introduite par l'art. 18 du chap. 122 des chartes

(1) V.l'article Rente constituée, §. 11, no 1.

générales, était attachée à la condition de la personne à qui l'aliénation était défendue; que son unique objet était de conserver les biens à l'héritier immédiat; qu'elle avait produit tout son effet en faisant passer la rente au fils du sieur Desmaisières; que la condition dont cette fiction était la suite, ne s'étant plus rencontrée dans la personne du fils, la rente ne devait plus être considérée comme procedaut de la succession du père, mais de celle du fils: qu'enfin, la Subrogation n'étant introduite qu'en faveur des héritiers de l'incapable, ce serait choquer les premiers principes que de la tourner à leur préjudice et d'en tirer un moyen de les rendre euxmêmes incapables.

Par arrêt du 28 juin 1709, le sieur de Voërden a été débouté de sa demande.

Il faudrait cependant en décider tout autre. ment à l'égard du remploi que certaines coutumes ordonnent, non par des motifs qui tiennent plus ou moins à la condition de la personne, mais par le seul désir de conserver les propres dans les familles. La Subrogation qui s'opère par ce remploi, etant fondée sur des conditions générales et perpétuelles, il est clair que son effet ne peut, ni être borné à certains cas, ni renfermé dans un espace de temps limité. Ainsi, en Artois et dans les autres coutumes retracées à l'article

Nécessité jurée, le bien acquis par remploi d'un propre aliéné, doit être regardé, dans tous les degrés de succession, comme un propre du même côté et ligne qu'était le bien vendu.

XI. C'est une question si les biens acquis par une personne frappée d'une des espèces d'incapacités qui donnent lieu à la Subrogation, sont subrogés de plein droit et sans stipulation, à ceux qui ont été aliénés auparavant, jusqu'à concurrence du prix des aliénations.

Deghewiet (Institutions au droit Belgique, tome 1, page 298, édition in-12) cite un arrêt du parlement de Flandre, du 10 mai 1690, comme jugeant pour l'affirmative; mais on ne voit dans quelle circonstance a été pas

rendu cet arrêt.

Stockmans, S. 60, en rapporte un rendu en révision au conseil souverain de Brabant, le 16 mars 1653, qui a jugé qu'un héritage acheté par un mari, peu de temps après l'alienation qu'il avait faite, était subrogé à l'héritage aliéné, sur le seul fondement que l'identité du prix et le peu d'intervalle de temps qui s'était écoulé entre la vente et l'achat, faisaient assez présumer que l'intention

du mari avait été de subroger le bien acheté au bien vendu, ainsi que l'enseigne Coquille dans ses Questions, §. 145.

Voici une autre espèce où l'on a encore admis la Subrogation de plein droit. Un la coutume du chef-lieu de Mons, des biens homme qui n'était pas marié, possédait dans nibles. Il en aliéna cependant pour 3000 livres, que sa qualité de célibataire rendait indispoet il fit ensuite des acquêts pour une somme plus considerable, mais sans déclarer que c'était à titre de remploi. Il mourut, laissant pour légataire universelle de ses meubles, la veuve de son frère, et pour héritiers de ses immeubles, ses neveux, enfans de ce dernier. Les neveux prétendirent obliger leur mère de faire, avec l'argent qu'elle avait trouvé dans la succession mobilière, le remploi des propres aliénés par le défunt. La mere soutint que les acquêts faits par celuitrois avocats de Mons; et ils répondirent en ci, devaient servir de remploi. On consulta faveur de la mère, d'après quelques arrêts du ainsi juge (1). conseil souverain de Hainaut, qui l'avaient

régulières et bien conformes aux principes? Je ne le crois pas.

Mais toutes ces décisions sont-elles bien

Pour commencer par le remploi des propres de communauté, Renusson, Lebrun, Duplessis, Lemaître, Bourjon, Christin, Zœzius, Voet, Wesel, à-Sande, Rodemburg, en un mot, tous les auteurs français, flamands et hollandais, conviennent unanimement, et l'art. 242 de la coutume de Bruxelles décide, que les biens achetés pendant la communauté, ne sont subrogés aux biens aliénés précédemment, que lorsqu'il y en a une déclaration expresse dans le contrat d'aliénation et dans celui d'achat encore faut-il, lorsqu'il s'agit d'héritages propres à la femme, qu'elle accepte formellement le remploi. C'est ce qu'ont jugé plusieurs arrêts rapportés par Louet, Leprêtre, etc.; et la raison en est simple les Subrogations ne consistent que dans des fictions; or, des fictions peuventelles, dans les cas où il est permis de les stipuler, être suppléées par des présomptions ou des conjectures? Non, assurément.

On objectera peut-être les lois 26 et 27, D. de jure dotium; mais c'est sans fondement. Pour en bien juger, il faut avoir sous les yeux les termes de ces lois et de la précédente.

25. Si ei nuptura mulier, qui Stichum debebat, ità cùm eo pacta est, pro Sticho quem

(1) Consultations de Waymel du Parcq, page 31.

mihi debes, decem tibi doti erunt, secundùm id quod placuit rem pro re solvi posse, et liberatio contingit, et decem in dotem erunt, quia permutatio dotium conventione fieri potest.

26. Ità, constante matrimonio, permutari dotem posse dicimus, si hoc mulieri utile sit, si ex pecunia in aut re in pecuniam, idque probatum est.

rem,

27. Quod si fuerit factum, fundus vel res dotalis efficitur. Les docteurs se sont mis l'imagination à la torture concilier la dernière de ces lois pour avec une foule d'autres qui décident nettement que l'héritage acheté des deniers proven ant de la vente de biens dotaux, n'est point dotal. Ils auraient épargné beaucoup de papier, s'ils avaient considéré la liaison qui est entre cette loi et les deux précédentes. Dans l'espèce de la loi 25, il se fait une Subrogation avant le mariage par une stipulation entre les futurs époux; et le juriscon sulte en établit la légitimité par cette raison, quia permutatio dotium conventione fieri potest. La loi 26 dit immédiatement après, qu'on peut, de la même manière, échanger la dot pendant le mariage: ità constante matrimonio, permutari dotem dicimus. Le mot ità annonce évidemment que la Subrogation s'opère dans le cas de cette loi, par le même moyen que dans l'espèce de la loi 25. Or, dans celle-ci, elle ne doit son existence qu'à une convention expresse; elle ne s'opère donc pas de plein droit dans la loi 26. V. l'article Dot, S. 10.

A l'égard des propres de succession, il est certain que le remploi n'en peut être censé fait dans les coutumes qui l'ordonnent, qu'en vertu d'une clause expresse et spéciale. C'est ainsi qu'on le juge en Artois, dans la Flandre flamande, et partout où l'aliénation des propres n'est permise que moyennant l'une des trois voies dont on a parlé aux mots Nécessité jurée.

X. Il n'y a qu'une province où l'on suit là-dessus des règles un peu différentes : c'est celle de Hainaut. L'art. 53 de la coutume de Valenciennes et l'art. 18 du chap. 122 des chartes générales veulent que le prix des aliénations faites par des incapables, soit consigné et remploye, sous l'autorité de la justice, en achat d'héritages qui remplaceront les biens aliénés. Il n'est pas douteux que l'observation de cette formule ne donne lieu à la Subrogation de plein droit. La coutume et les chartes générales ne prescrivent pas autre chose. Si une stipulation était nécessaire,

l'une et l'autre n'auraient pas manqué d'en parler; leur silence forme, pour ainsi dire, la meilleure preuve qu'on puisse donner de son inutilité. En effet, à quoi servirait-elle? A manifester l'intention de l'acheteur de remplacer ce qu'il a aliéné. Or, peut-il la manifester plus clairement qu'en observant la forme que les lois ont prescrite pour donner lieu au remploi?

Mais si l'incapable, au lieu de faire consigner par l'acheteur le prix des aliénations qu'il fait, et de le remployer sous les yeux de la justice, le reçoit lui-même et le remploie 'de sa seule autorité, la Subrogation n'aura lieu qu'en vertu d'une stipulation insérée dans l'acte d'aliénation et répétée dans celui d'achat. Il doit en effet se trouver une différence entre le cas où la forme tracée par la loi a été remplie, et celui où elle a été négligée; et puisque la Subrogation a lieu de plein droit ait lieu dans le second sans une stipulation dans le premier cas, il est impossible qu'elle

expresse.

Deux raisons viennent à l'appui de cette conséquence.

peuvent être le fruit d'autres deniers que 1o Les acquisitions faites par l'incapable, ceux qu'il a retirés des aliénations antéprouvé par des déclarations formelles, on rieures; et à moins que le contraire ne soit n'est pas obligé de le croire.

20 Quand même on présumerait qu'il ne fait que remployer le prix d'une vente précédemment faite, cela ne suffirait pas encore, parceque l'identité du prix ne prouve pas que l'intention de l'incapable soit de subroger l'héritage qu'il achète, à celui qu'il a aliéné : il doit savoir que les lois n'opèrent pas ellesmêmes la Subrogation du prix à la chose, ni celle de la chose au prix, et que, pour y déroger, il faut expliquer nettement l'intention qu'on a de le faire ainsi, dès qu'il garde le silence, il est censé adopter la disposition de ces lois, et par conséquent vouloir acquérir un bien dont il puisse disposer, plutôt que remplacer un propre indisponible.

On objecte la loi 5, D. de solutionibus; mais c'est faire une mauvaise application d'un principe juste en lui-même. Cette loi parle d'un homme chargé de plusieurs dettes envers une même personne; et elle dit que, s'il paie sans spécifier la dette qu'il veut éteindre, il est censé vouloir imputer son paiement sur la dette la plus onéreuse, in graviorem causam videri solutum. Dans le cas de cette loi, le débiteur manifeste ouvertement la volonté qu'il a de payer; il n'y a d'incertitude que sur la dette qu'il a en vue. Ainsi, pour

l'appliquer à notre espèce, il faudrait que l'incapable annonçât une volonté générale de subroger, et que la question fût seulement de savoir s'il a voulu remplacer un héritage plutôt qu'un autre.

XI. On a mis en question, dans la coutume d'Artois, si un bien acheté avant la vente d'un propre, mais avec déclaration expresse qu'on entendait le subroger à ce propre qu'on avait dès-lors envie de vendre, pouvait être regardé comme valablement subrogé en vertu de cette seule déclaration.

Maillard, art. 76, no 146, dit qu'un arrêt lu 23 juin 1695 a jugé pour la négative, en infirmant une sentence du conseil d'Artois, du 22 juillet 1693. Par cet arrêt (ce sont ses termes), « la moitié du fief de la Caulerie a » été adjugée aux plus prochains héritiers » des acquéreurs, à l'exclusion de ceux de la ligne de la femme d'où procédait une ferme » sise à Sailli-au-Bois en Artois, que le mari » et la femme avaient vendue après l'acquisi» tion du fief de la Caulerie, sans specifier » dans le contrat de vente, que le fief de la » Caulerie, qu'ils avaient acquis, leur tien» drait lieu de cette ferme qu'ils aliénaient, quoiqu'ils eussent déclaré dans le contrat d'acquisition, que ce' fief leur tiendrait » lieu de la ferme qu'ils avaient envie de

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» vendre ».

XII. 3o De la Subrogation de la chose au prix, dans le cas d'une acquisition faite par une personne qui n'est pas maitresse de ses droits.

Cette Subrogation, la plus singulière de toutes les fictions etablies en ce genre, est expressément admise par l'art. 17 du chap. 122 des chartes générales de Hainaut. Voici les termes de ce texte : « Les héritages et rentes » héritières tenues en alloets et main fermes, » qui s'acquerront par manbours, tuteurs, » baillistes, testamenteurs et autres admi>nistrateurs des deniers procédans de leur » administration ou testament, tiendront na»ture et condition de biens meubliers; et » ceux auxquels lesdits deniers meubles » écherraient, y succederont comme s'ils » étaient en nature; mais après qu'iceux héritages ou rentes héritières seront ainsi » succédés et acceptés par lesdits succédans, » de là en après l'on y succédera comme à » autres heritages et rentes héritières ».

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Cette disposition est absolument particulière au Hainaut. Plusieurs arrêts ont proscrit l'application qu'on avait tenté d'en faire à d'autres coutumes.

En voici un du parlement de Rouen qui est

rapporté par l'auteur des nouvelles notes sur Basnage, tome 2, page 408 : « Une rente » constituée des deniers d'une mineure, ra» chetée pendant son mariage, est un im» meuble dont le remploi est dû sur les » biens de son mari; cela a été jugé par un » arrêt du 3 mars 1740, entre le sieur » Gautier, et le sieur Gohier, plaidans » Mes de Falaises et Le Courtois ».

Le recueil de Desjaunaux, tome 3, §. 78, nous présente un arrêt semblable du parlement de Flandre.

Jean Zivert quitte la ville de Tournai, où il était domicilié, et va s'établir à Gand.

Après sa mort, Nicolas, l'un de ses enfans, tombe en démence; ses parens l'envoient à Tournai, où les échevins lui nomment un curateur: devenu majeur, il s'échappe de cette ville, et s'enfuit à Gand, où il est enfermé jusqu'à sa mort. En ce moment, procès entre Adrien-François Zivert, son frère, et le sieur Delvigne, son neveu. Le premier souréglée par la coutume de Tournai, et qu'en tient que la succession mobilière doit être conséquence elle lui est dévolue tout entière, comme plus proche parent du défunt, la représentation n'ayant pas lieu à Tournai. Le sieur Delvigne soutient au contraire que la coutume de Gand doit seule être considérée, attendu que le défunt étant en démence, n'avait pas pu contracter d'autre domicile que celui qu'avait son père au moment de sa mort; et demande en outre que les immeubles du Tournaisis, acquis par le curateur des deniers et épargnes de l'interdit, soient rangés dans la succession mobilière. Sur cette contestation, arrêt intervient le 12 août 1705, qui ordonne que la succession mobilière sera partagée entre les parties respectives par représentation, conformément à la coutume de Gand, et déboute le sieur Delvigne de sa demande en partage des immmeubles acquis par le curateur, et des deniers du défunt.

J'ai fait juger la même chose dans la coutume de Valenciennes. Voici l'espèce de l'arrêt, telle qu'on l'a rapportée dans la Gazette des tribunaux, tome 12, page 182:

«Le sieur Lejuste et la demoiselle Limal étaient convenus, en s'épousant, que le survivant demeurerait propriétaire de tous les meubles, et de la moitié des conquêts de la communauté.

» Le sieur Lejuste, étant tombé en démence, sa femme fut nommée curatrice à son interdiction, et fit en cette qualité différentes acquisitions d'immeubles situés dans la ville de Valenciennes, domicile des conjoints.

» La dame Lejuste décéda la première, et

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