Page images
PDF
EPUB

jugé le contraire dans l'affaire de Grailhe et dans celle de Grimal.

» Nous répondrons que ces deux espèces n'ont rien de commun avec la nôtre.

» Dans l'affaire de Grailhe, comme dans celle de Grimal, il s'agissait de savoir si l'institution éventuelle d'un héritier subordonnée à la condition qu'un tiers n'en choisirait pas un autre, faite avant la loi du 17 nivôse an 2, était annulée par le seul effet de l'art. 42 de cette même loi; et la cour a adopté la négative elle a décidé que, loin d'être annulée, une institution de cette nature était devenue irrévocable, parceque le tiers avait été mis dans l'impossibilité d'exercer son droit d'élection.

» Nous admettons le même principe; nous dirons même que, par la loi du 5 brumaire an 2, la Substitution fideicommissaire de César Timbrune, si elle eût encore existé à cette époque, serait devenue irrévocable; et que, depuis cette époque, la dame de Valence n'avait plus le droit de faire une élection contraire. Mais suffit-il donc, pour réclamer une succession, que le testament sur lequel on veut fonder sa demande, soit irrévocable?

» Ordinairement, et abstraction faite de la faculté d'élire donnée à un tiers, tout testament est irrévocable par le décès du testateur s'ensuit-il que l'héritier institué a toujours le droit de réclamer la succession à l'instant même où elle est ouverte?

>> Pour intenter avec succès la petition d'hérédité en vertu d'un testament, il faut encore que l'héritier institué ou substitué ait été habile à succéder au moment où la condition s'est accomplie; la maxime, le mort saisit le vif, n'en dispense pas, comme elle n'empêche pas de nommer un héritier sous une ou plusieurs conditions suspensives.

Or, les sieurs Grailhe et Grimal étaient habiles à succéder au moment de l'accomplis sement de la condition; le Sieur César Timbrune ne l'était pas. Les sieurs Grailhe et Grimal étaient institués héritiers directs; le sieur Timbrune était seulement heritier fideicomissaire, et les Substitutions fideicommissaires étaient abolies avant l'accomplissement de la condition. Voilà, messieurs, la différence entre ces espèces.

"L'institution de Grailhe et celle de Grimal ont été maintenues, parceque les héritiers légitimes, en les attaquant, ne se fondaient que sur l'art. 24 de la loi du 17 nivôse an 2. La Substitution fideicommissaire et éventuelle faite en faveur du sieur Cesar Timbrune, a été annulée, non pas par application de cet art. 24, mais parceque, par TOME XXXII.

un changement d'état, par son émigration et par la mort civile qui en était l'effet, César Timbrune était devenu inhabile à succéder, et surtout parceque les Substitutions fideicommissaires étaient abolies avant l'accomplissement de la condition, avant que l'héritier fideicommissaire eût eu le droit de réclamer les biens substitues.

Dans cet état, il est facile de répondre aux moyens de cassation que les demandeurs proposent.

» Le premier est tiré d'une prétendue contravention à l'art. 1er de la loi du 18 pluviose an 5, qui veut que les dispositions irrevocables de leur nature, et antérieures à la loi du 17 nívóse an 2, aient leur plein et entier effet, conformément aux anciennes lois.

» Mais en supposant que cet article comprenne même les Substitutions fidéicommissaires, ce que personne ne prétendra sans doute, il suffira de dire que Cesar Timbrune a été repoussé par les anciennes lois, qui, pour la validité d'une institution conditionnelle, exigent que l'héritier (direct ou fideicommissaire, il n'importe) soit habile à succéder au moment de l'accomplissement de la condition.

» Le second moyen est tiré d'une prétendue fausse application de la loi du 14 novembre 1792. Les demandeurs prétendent d'abord que l'institution de César Timbrune n'était pas une Substitution fideicommissaire ; nous avons établi le contraire. Ils soutiennent, en second lieu, qu'à l'époque de la publication de la loi du 14 novembre 1792, César Timbrune avait le droit de réclamer les biens substitués.

» Mais 1o ils ont oublié que, depuis le mois de mai précédent, son nom était inscrit sur la liste des émigrés, et que, mort civilement, il ne pouvait pas avoir le droit de réclamer en France l'effet d'une Substitution; 20 ils ont oublié que, le 14 novembre 1792, le droit d'élire donné à la dame de Valence, subsistait toujours; que par conséquent la Substitution n'était que conditionnelle; que la condition était suspensive, et qu'en matière de dispositions à cause de mort, l'héritier direct ou fideicommissaire n'a ni droit qu'il puisse transmettre à ses héritiers, ni action qu'il puisse exercer avant l'accomplissement de la

condition.

» Enfin, le troisième moyen a été tiré d'une prétendue fausse application de l'art. 23 de la loi du 17 nivóse an 2.

» Mais cet article n'a été appliqué que pour établir la nullité de l'élection faite en l'an 5, par la dame de Valence; et, sous ce rapport, il a été justement appliqué; l'exclusion de César Timbrune est fondée sur d'autres prin

23

cipes qu'il est inutile de répéter, sur son incapacité au moment de l'accomplissement de la condition, et sur l'abolition des Substitutions fideicommissaires.

» Nous estimons qu'il y a lieu de rejeter la demande en cassation, et de condamner les

sieur et demoiselle de Sansac à l'amende ».

Par arrêt du 23 mai 1808, au rapport de M. Pajon,

« Attendu, 1o que le système de la cassation proposée repose sur une erreur de droit de toute évidence, en ce que l'on prétend que César Timbrune fut appelé à la succession d'Emmanuel de Valence par une institution precise, directe et absolue, qui l'aurait saisi de droit de cette succession à la mort d'HonoréMarie de Valence, tandis que, d'après les termes positifs du testament d'Emmanuel de Valence, César Timbrune ne fut véritablement appelé à cette succession que par voie de Substitution pupillaire ou fideicommissaire, dans le cas où la veuve dudit Emmanuel de Valence n'aurait pas usé du droit d'élection qu'il lui conférait; d'où il suit qu'on ne peut appliquer à la cause les arrêts rendus dans les affaires Grailhe et Grimal, dans lesquelles ne se rencontrait point cette circonstance particulière, et qui ont dû par conséquent être jugées par d'autres principes;

» Attendu 2o que la Substitution à laquelle était appelé Cesar Timbrune, n'était pas devenue pour lui un titre irrevocable, à l'époque où la veuve d'Emmanuel de Valence fut privée du droit d'élire par l'effet des lois des 5 brumaire et 17 nivóse de l'an 2, soit parceque le substitué n'est jamais saisi de plein droit, soit parceque le sort de la Substitution dont il s'agissait, dépendait de l'événement d'une condition suspensive de sa nature, soit enfin parceque, avant que cette condition fût accomplie ou eût défailli, déjà était intervenue la loi de 1792, qui avait aboli les Substitutions, et avait fait, par conséquent, rentrer les biens substitues dans la succession ab intestat d'Honoré-Marie de Valence, en faisant œesser l'expectative de César Timbrune, par l'effet de leurs dispositions;

» D'où il suit que l'arrêt attaqué n'a fait qu'une juste application de ces lois, et n'a pu violer, , par conséquent, ni l'art. 1er de celle du 18 pluviose an 5, ni l'art. 24 de celle du 17 nivôse de l'an 2;

» La cour rejette le pourvoi...... ». ]]

SECTION IX. De quel usage sont les conjectures en matière de fideicommis? Quelles sont celles que l'ordonnance de

1747 a proscrites, et celles qu'elle a laissè subsister?

I. La volonté de celui qui dispose, est la loi suprême dans les fideicommis. Voluntas defuncti in fideicommissis maximè valet, dit la loi 95, D. de legatis 30.

Telle est la règle générale : nous la suivons comme les Romains; mais, s'il en faut croire quelques interprètes, elle avait à Rome plus d'étendue que parmi nous; et il faut convenir que bien des textes semblent justifier cette assertion. La loi 7, C. de fideicommissis, laisse entièrement à l'arbitrage du juge la question de savoir si l'intention de faire un fideicommis, est suffisamment annoncée. Les lois 64, D. de legatis 2o, et 57, S. 1, D. ad Trebellianum, portent la même chose; et la première en donne cette raison : c'est, dit-elle, qu'il ne s'agit, en cette matière, que de chercher une volonté purement précaire.

Mais ces textes autorisent-ils indistinctement toutes sortes de conjectures, ou doit-on, comme le pense Ricard (Traité des Substitutions, no 393), les restreindre à ces conjectures violentes qui font connaître clairement que la volonté du testateur a été de substi

tuer fideicommissairement?

Ce dernier parti est sans doute le plus raisonnable; et l'on ne pourra s'empêcher d'en convenir, si l'on fait attention que les fideicommis, quoique favorables sous un certain aspect, renferment toujours des charges onereuses, et que jamais une charge ne s'établit par de légères conjectures.

Aussi l'art. 17 de l'édit perpétuel de 1611 a-t-il confirmé expressément cette opinion. >> Pour obvier (porte-t-il) à toutes disputes que » souventes fois adviennent en ces matières de » Substitutions et fideicommis, nous chargeons » ceux qui en veulent user, es lieux où les » biens sont de libre disposition, d'expliquer » clairement par l'instrument qu'ils en feront » dresser, leurs volontés et intentions, les» quelles voulons être ponctuellement sui» vies ».

Il eût été à souhaiter que cette loi, particulière à la Belgique, eût été étendue, dès le principe, à toute la France: elle eût empêché bien des contestations, qui, pendant près d'un siècle et demi, ont produit une foule d'arrêts diversifiés de toutes les manières, et avec eux la ruine d'une infinité de familles. Le parlement de Paris est presque le seul tribunal du royaume, qui, sans reconnaître la décision des législateurs belges pour loi, s'est toujours tenu ferme dans l'extension qu'il avait cru

devoir en faire, comme raison écrite, aux différentes provinces de son ressort.

II. Enfin d'Aguesseau vint, et, par le préambule de l'ordonnance de 1747, il annonça ouvertement que le vœu du législateur qui s'exprimait par son organe, était de proscrire toutes les Substitutions purement conjecturales. «Notre application (ce sont ses termes) » à prévenir toutes les interprétations arbi. » traires par des règles fixes et uniformes, » ne servira qu'à faire respecter encore plus » la volonté des donateurs et testateurs, en » les obligeant seulement à les expliquer d'une » manière plus expresse ».

L'ordonnance n'est pas entrée dans le détail des conjectures qu'elle avait en vue de rejeter en cette matière: une opération aussi étendue ne pouvait pas s'allier avec la simplicité néces saire à une loi. Mais elle nous a proposé deux exemples, par lesquels on peut juger de son esprit général.

Le premier est relatif aux enfans places dans la condition. Les descendans des grevés avaient toujours paru si favorables, que les archiducs Albert et Isabelle, malgré la décision contraire de plusieurs lois romaines, malgré même leur éloignement manifeste pour les Substitutions conjecturales, avaient déclaré, par l'art. 18 de leur édit perpétuel, que les enfans mis dans la condition, seraient à l'avenir censés dans la disposition, et consé quemment appelés immédiatement après leur père (1). Mais l'ordonnance de 1747, tit. 1, art. 19, en a décidé tout autrement. Voici ses termes : « Les enfans qui ne seront point ap» pelés expressément à la Substitution, mais » qui seront seulement mis dans la condition,

sans être chargés de restituer à d'autres, ne » seront, en aucun cas, regardés comme étant » dans la disposition, encore qu'ils soient » dans la condition en qualité de måles, que » la condition soit redoublée, que les grevés » soient obliges de porter les nom et armes » de l'auteur de la Substitution, et qu'il y ait >> prohibition de faire détraction de la quarte » trebellianique, ou qu'il se trouve des con»jectures tirées d'autres circonstances, telles

[merged small][ocr errors]

1

[merged small][ocr errors]

» ou la qualité et la valeur des biens substitués, ou autres présomptions, à toutes lesquelles nous défendons d'avoir aucun égard, » à peine de nullité ».

"

Le deuxième exemple concerne la représentation. Voici ce que porte là-dessus l'art. 21 du titre cité : « La représentation n'aura point » lieu dans les Substitutions, soit en directe » ou collaterale, et soit que ceux en faveur » de qui la Substitution aura été faite, y » aient été désignés en particulier, et nommés » suivant l'ordre de la parenté qu'ils avaient » avec l'auteur de la Substitution; le tout à » moins qu'il n'ait ordonné, par une disposi» tion expresse, que la représentation y aurait » lieu, ou que la Substitution serait déférée » suivant l'ordre des successions légitimes ». (V. l'article Représentation, sect. 4, §. 6, no 2). » Il ne faut pourtant pas conelure de ces dispositions, ni du préambule de l'ordonnance qui les renferme, que le législateur ait eu l'intention de condamner toutes les conjectures que le droit romain autorisait en cette matièrc. Non; dans notre jurisprudence actuelle comme dans le droit romain, soit qu'il s'agisse d'admettre ou d'étendre un fideicommis, la preuve par induction est admissible; et cette preuve doit être censée faite, toutes les fois que l'induction est évidente et inévitable. C'est ce que l'ordonnance établit elle-même dans le premier des exemples cites, puisqu'elle veut que les enfans placés dans la condition, soient regardés comme appelés (quoiqu'ils ne le soient pas littéralement) dans tous les cas où ils sont chargés de restituer à d'autres. On sent en effet qu'ils ne pourraient pas faire cette restitution, s'ils n'avaient recueilli eux-mêmes : nemo oneratus nisi honoratus.

III. Au reste, il faut bien prendre garde que, si l'édit perpétuel de 1611 et l'ordonnance de 1747 rejettent les conjectures en matière de Substitution, « ce n'est qu'autant » qu'il s'agit de la formation ou de l'exten»sion du fideicommis même. Quant aux » autres cas où il faut interpréter la volonté » du substituant, sans qu'il soit question de » supposer ni d'étendre le fideicommis, la » règle ancienne subsiste: voluntatis quæs» tio in æstimatione judicis est ». Cette observation est due à Thevenot d'Essaule, Traité des Substitutions, chap. 12, S. 4.

Nous reviendrons encore sur les Substitutions conjecturales, dans la sect. 10, S. 4 et 7. SECTION. X. Des diverses sortes de Substitutions fideicommissaires.

On peut en général distinguer six sortes

de fideicommis : le pur, le conditionnel, le tament, et font délivrance des legs qui y simple, legraduel, le particulieret l'universel.

Il n'est point de fideicommis qui ne tombe dans l'une de ces six classes; mais il s'en rencontre souvent qui ont en outre des caractères qui leur sont particuliers.

Ainsi, après avoir parcouru les six espèces, générales, nous parlerons encore de la Substitution réciproque, de la Substitution compendieuse, de la Substitution de ce qui restera, de la Substitution de la famille, de la Substitution de celui de la famille que le grevé aura choisi, de la Substitution linéale et de la Substitution masculine.

Nous ne dirons rien de la Substitution officieuse, parcequ'il en est déjà parlé sous le mot Exhérédation.

sont contenus.

Après la publication de la loi du 17 nivóse an 2, et en vertu de ses dispositions rétroactives, par lesquelles sont annulées toutes les dispositions du testament du sieur Arboré, les sieurs Bernède, héritiers de celui-ci, font

citer ses exécuteurs testamentaires devant le juge de paix de la section de Guillaume Tell, dans l'étendue de laquelle il est décédé, à l'effet de convenir d'arbitres pour statuer sur la demande qu'ils déclarent former en reddition de compte de toute la succession.

Le sieur Etchegoy en comparait seul sur cette citation, et nomme des arbitres. Les sieurs Bernède en nomment également de leur côté.

Le 25 vendémiaire an 3, jugement qui

S. I. Caractère et effets du fideicommis donne acte de ces nominations, et déclare

pur.

I. On appelle fideicommis pur, celui qui n'est suspendu par aucune condition, qui s'ouvre aussitôt que l'acte dans lequel il est écrit commence d'exister avec effet, et qui par conséquent est, dès-lors, transmissible à l'héritier du substitué, si celui-ci vient à 'décéder avant d'en avoir obtenu la délivrance.

Telle serait, aux termes du droit romain, une disposition ainsi conçue : « Je fais Pierre » mon héritier, et je le charge de rendre ma » succession à Antoine ». Il y en a un exemple dans la loi 41, §. 14, D. de legatis 3o. Mais, parmi nous, ce fideicommis serait-il pur?

d'office que celle du sieur Etchegoyen vaudra lans. pour ses co-exécuteurs testamentaires défail

Les sieurs Raynal et Corsange se pourjuges et subsidiairement en cassation, sur voient contre ce jugement en réglement de le fondement que la succession du sieur Arboré ne s'est pas ouverte à Paris, mais à Cadix.

Le 29 frimaire an 3, arrêt de la cour de cassation qui rejette la demande en réglement de juges, et admet la requête en cassation. assignés devant la section civile. En vertu de cet arrêt, les héritiers sont

Le 16 ventose an 4, l'abbé Raynal meurt, sans avoir touché son legs de 30,000 livres,

[[ Cette question a été agitée, avec plu- et sans en avoir disposé au profit de la dame sieurs autres, dans l'espèce suivante.

Le 6 janvier 1792, Joseph Arboré, se qualifiant de Français, né à Sainte-Marie, département des Basses-Pyrénées, demeurant ordinairement à Cadix, de présent à Paris, logé hótel d'Angleterre, rue Coq-Héron, fait, devant notaires, un testament par lequel, après avoir institué, pour sa legataire universelle, la demoiselle Goyenèche, sa nièce, il fait au célèbre abbé Raynal un legs de 30,000 livres, dont je l'engage, dit-il, à disposer en faveur de madame de Kercado, sa nièce. Par une autre disposition, il nomme pour ses exécuteurs testamentaires, l'abbé Raynal, le sieur Etchegoyen et le sieur Corsange. Il meurt le 6 février de la même année.

Le 10 janvier et le 28 juin 1793, la légataire universelle et les exécuteurs testamentaires obtiennent, au tribunal de première instance du deuxième arrondissement de Paris, des jugemens par défaut contre les heritiers, qui ordonnent l'exécution du tes

de Kercado.

Le 23 messidor suivant, arrêt de la section civile, qui, attendu que la contestation est la suite d'une demande qui a son fondement dans les dispositions retroactives de la loi du 17 nivóse an 2, rapportées par celle du 9 fructidor an 3, déclare qu'il n'y a lieu à

statuer.

fait assigner le sieur Etchegoyen, tant comme Le 21 prairial an 12, la dame de Kercado exécuteur testamentaire du sieur Arboré, que comme tuteur des enfans mineurs que lui a laissés son épouse (la demoiselle Goyeneche, nièce et légataire universelle de celui-ci), pour se voir condamner à lui payer le legs de 30,000 livres. Le sieur Etchegoyen demande la mise en cause des héritiers de l'abbé Raynal. Elle est ordonnée par un jugement du 27 germinal an 14.

Les héritiers de l'abbé Raynal n'attendent pas que ce jugement leur soit signifié : ils interviennent d'eux-mêmes, et concluent,

1o contre la dame de Kercado, à ce qu'elle soit déclarée non-recevable, attendu que ce n'est pas à elle, mais à l'abbé Raynal, qu'a été fait le legs de 30,000 livres; 2o contre le sieur Etchegoyen, à ce qu'il soit condamné à leur payer ce legs.

Pour repousser ces conclusions, en tant qu'elles la concernent, la dame de Kercado soutient que la disposition du testament du sieur Arboré, dont elle réclame l'effet, est une Substitution fideicommissaire dont l'abbé Raynal a été grevé à son profit; qu'ainsi, il y a lieu à l'application de l'art. 37 du tit. 1 de l'ordonnance du mois d'août 1747, portant: « Lorsque le grevé de Substitution » aura renoncé à la disposition faite en sa » faveur......, ou qu'il sera mort sans l'avoir » acceptée expressément ou tacitement...., » le substitue du premier degré en prendra >> la place ».

Les héritiers Raynal répondent 1° que les termes dont s'est servi le testateur, je l'engage à disposer, ne constituent pas un fideicom-mis; 2o que, s'il y a eu un fideicommis dans le testament, il a été aboli par la loi du 14 novembre 1792; et que par conséquent, l'abbé Raynal en a été libéré avant sa mort.

La dame de Kercado réplique que, par les mots je l'engage à disposer, le testateur à véritablement grevé l'abbé Raynal d'un fidei commis; et que ce fideicommis portant sur une somme de deniers appartenant à un Espagnol, ou du moins à un Français qui avait perdu son domicile en France, et était mort domicilié à Cadix, n'a pas pu être atteint par la loi du 14 novembre 1762.

Le 17 décembre 1806, jugement par lequel, « Attendu que la demande de la dame de Kercado a été valablement formée contre le sieur Etchegoyen, tant en son nom personnel, comme exécuteur testamentaire de feu Arboré, que comme tuteur de ses enfans mineurs, heritiers de leur mère, décédée legataire universelle dudit Arboré;

» Que les successions mobilières doivent être régies par les lois du domicile du testateur à l'époque de l'ouverture de la succession;

>> Que feu Arboré était, lors de son décès, domicilié à Cadix, ville d'Espagne; qu'en effet, il est établi, par les pièces produites, que ledit Arboré a quitté, à l'âge de seize ans, la patrie où il était né; qu'il s'est retiré en Espagne, où il est resté plus de vingt-cinq ans sans mettre le pied en France; qu'il a formé divers établissemens de commerce dans différentes villes d'Espagne, notamment à Cadix; qu'il y a amassé une fortune considérable; qu'il y avait le siége principal de ses

affaires, et le centre de ses opérations commerciales; qu'il y avait formé une Société avec une des premières maisons de commerce de Cadix; qu'il a lui-même déclaré dans son testament, qu'il était domicilié à Cadix; que les legs considérables portés audit testament, sont presque tous faits en monnaie espagnole; que, si, après une habitation constante en Espagne, pendant une longue suite d'années, il est quelquefois venu en France dans un áge assez avancé, ce n'a ete que comme voyageur, et par suite de ses relations de commerce, sans jamais s'y fixer en aucune manière; qu'il n'y a jamais eu de domicile, ni même de résidence certaine, n'y ayant point de maison, et étant en hôtel garni lors de son décès; que l'abbé Raynal lui-même a soutenu devant le tribunal de cassation, en l'an 8, que la succession du sieur Arboré s'était ouverte en Espagne; que, sur sa demande et celle du sieur Lorsange, co-exécuteur testamentaire du testament sur lequel il s'agit en ce moment de statuer, le tribunal de cassation a annulé les procédures faites jusqu'alors devant un tribunal de France; que les héritiers de l'abbé Raynal, qui le représentent, et sont à ses droits, ne peuvent être admis aujourd'hui à soutenir un système différent de celui de leur auteur; qu'il suit de ces différentes circonstances, considerations, procédures et jugement, que le domicile du sieur Arboré était à Cadix, lors de son décès; et qu'ainsi, sa succession doit être régie par les lois espagnoles;

>> Qu'il est constant et reconnu par toutes les parties, que les lois romaines sont le droit civil d'Espagne; que, d'après ces lois, les Substitutions fideicommissaires sont permises; que les principales règles que ces lois prescrivent dans cette matière, sont que la volonté du testateur suffit pour établir ces sortes de Substitutions; que c'est cette volonté principalement qu'on doit considérer, plutôt que les expressions employées par le testateur; qu'il n'importe qu'il se soit servi, pour l'exprimer, de termes impératifs ou précaires; que le principal caractère auquel on reconnaît le fideicommis, est si le fideicommis est dans l'intérêt du substitué, et non dans celui du legataire;

» Que ces principes des lois romaines s'appliquent parfaitement au legs de 30,000 livres, porté au testament de feu Arboré au profit de feu l'abbé Raynal et de la dame de Kercado; qu'en effet, le testateur prie le sieur abbé Raynal, son ami, et l'un de ses exécuteurs testamentaires, d'accepter cette somme comme une faible marque de sa recon

« PreviousContinue »