Page images
PDF
EPUB

sion, il a paru comme y stipulant les intérêts
de la république, à cause de l'absence de
ceux qui pouvaient y avoir des droits; que,
sur ces mêmes qualités, il a été rendu, le
2 messidor an 3, un jugement contradictoire
entre lui et le mineur Laroche, par lequel
ce dernier a été reconnu pour fils naturel de
Charles de Maupeou; comme tel, héritier
de René; et, en tant que de besoin, envoyé
en possession des biens de la Succession dont
il s'agit; que, si ce jugement contient une
réserve pour les droits des héritiers mater-
nels, cette réserve ne peut intéresser que
les parens républicoles de cette ligne, non
mais nullement le bureau
présens à la cause,
national; 1o parceque les qualités prises par
le bureau, étaient indivisibles, et concen-
traient dans leur acception les droits de l'une
et de l'autre ligne; 20 parceque, pour l'une
comme pour l'autre ligne, les moyens d'ac-
tions et de défenses étaient les mêmes; 3o par-
ceque l'objet du jugement était indivisible
en sa nature, savoir, la reconnaissance d'état
du mineur, laquelle entraînait nécessaire-
ment la qualité d'héritier, et, comme tel,
l'envoi en possession;

» En ce qui touche la preuve demandée audit mineur, de la présentation d'un mémoire préalable à toute citation, conformé ment à la loi du 5 novembre 1790,

» Considérant, en fait, que la présentation de ce mémoire est suffisamment justifiée, soit par l'énonciation qui ressort de diverses pièces de la procédure, soit par la présomption de droit qui résulte des jugemens, lesquels sont toujours censés rendus d'après les formalités requises, lorsque la loi n'en a pas exigé la mention expresse; en droit, que la peine de nullité, prononcée par la loi, pour le défaut de présentation de ce mémoire, n'a pas l'effet d'empêcher que la république ait reçu jugement par son mandataire légal (le bureau national); et que, sur cette peine, il ne peut être statué par voie de tierce-opposition, ni par un tribunal inférieur ou égal à celui qui a jugé; 1o parceque les nullités de plein droit ne sont pas admises, et que, pour la violation des formes dans les jugemens, la loi du 4 germinal an 2 prescrit le recours en cassation; 2o parceque la nullité dont il s'agit, n'est que relative; que le bureau du domaine pouvait seul s'en prévaloir ou y renoncer, sauf la responsabilité prévue par la même loi; 3o parceque le défaut de cette formalité ne peut être opposé au jugement d'appel de Melun, jugement qui, statuant sur le fond, deboute le commissaire national, soit comme intervenant, soit comme adhérent aux conclusions TOME XXXII.

des héritiers maternels, et consacre ainsi, envers toutes les parties, l'état du mineur Laroche et sa qualité d'héritier; enfin, que la requête du pourvoi en cassation contre ce jugement, a été rejetée ;

» Considérant que ces moyens et jugemens en faveur du mineur Laroche, écartent également les prétentions de la république contre Ange-Louis et Aglae-Marie Maupeou; que d'ailleurs, leurs droits sont aussi protégés par des jugemens particuliers en leur faveur;

» Attendu que la remise des biens, résultant du sénatus-consulte du 6 floréal an 10, renferme la condition que les amnistiés resteront soumis, comme la république l'avait été, soit aux actes qu'elle a faits, soit aux jugemens qu'elle a subis; que la loi du 14 floréal an 11 consacre les conventions et jugemens passés en force de chose jugée, par lesquels l'état et des droits des enfans naturels auraient été antérieurement réglés;

» Le tribunal déclare les sieurs de Boniface et Lepelletier, tuteur de Louis-René-Victor de Maupeou, non-recevables dans leur tierceopposition, intervention et demande, et les condamne aux dépens sur le surplus des demandes, met les parties hors de cour ».

Le sieur de Boniface et le mineur LouisRené-Vicior de Maupeou interjettent appel de ce jugement. Mais, par arrêt du 14 mars 1807, la cour d'appel de Paris, « adoptant les >> motifs du tribunal de première instance, >> met l'appellation au néant ».

Le sieur de Boniface se pourvoit en cassation. « Huit moyens de cassation (ai-je dit à l'audience de la section des requêtes, le 29 décembre 1808) vous sont présentés par le demandeur.

» 1o Contravention à la loi du 29 fructidor an 2, en ce que l'arrêt attaqué a fait dériver de cette loi, pour le ci-devant bureau du domaine national du département de la Seine, une qualité suffisante pour représenter le gouvernement dans les jugemens des 2 messidor et 26 fructidor an 3;

» 2o Contravention à l'art. 15 du tit. 3 de la loi du 5 novembre 1790, en ce que le même arrêt maintient des jugemens rendus avec le bureau du domaine national, sans remise préalable d'un mémoire de la part des demandeurs, et sans autorisation de l'administration départementale;

» 3o Contravention aux art. 15, 16 et 17 du sénatus-consulte du 6 floréal an 10, en cc que, par le même arrêt, il est décidé que le gouvernement seul peut exciper de l'omis sion des formes administratives, dans les

38

affaires où il a eu à stipuler les droits des émigrés amnisties;

» 40 Contravention aux lois qui interdisent aux tribunaux toute entreprise sur les attributions des autorités administratives, et à celles qui leur défendent toute rétractation de jugemens rendus en dernier ressort, ou passés en force de chose jugée, en ce que, d'une part, l'arrêt attaqué, par une interprétation des actes du bureau du domaine national et de l'administration centrale du département de la Seine, qui ne pouvait émaner que de l'une ou de l'autre de ces autorités, ou de celle qui leur a été depuis subrogée, décide que le gouvernement a figuré dans les instances dont il s'agit, comme stipulant les droits des parens émigrés de la ligne maternelle, comme les parens émigrés de la ligne paternelle; et que, d'un autre côté, le même arrêt rétracte et rend sans effet la réserve des droits des héritiers maternels

insérée dans le jugement du 2 messidor an 3; »5o Fausse application des lois des 25 bru. maire an 3 et 12 ventose an 8, en ce que, par

le même arrêt, le bénéfice de cette réserve a été restreint aux parens maternels répu

blicoles;

» 6o Contravention à l'art. 1351 du Code civil, en ce que, par le même arrêt, le jugement de Melun, du 16 nivôse an 7, qui n'a été rendu que contre le gouvernement représentant la ligne paternelle du défunt, a été déclaré avoir l'autorité de la chose jugée contre le gouvernement représentant les émigrés de la ligne maternelle;

» 70 Fausse application de l'art. 5 du tit. 27 de l'ordonnance de 1667, et violation des art. 1350 et 1366 du Code civil, en ce que le même arrêt attribue l'autorité de la chose jugée contre les émigrés de la ligne maternelle, aux jugemens surpris par les deux batards adulterins, tandis que le gouvernement n'a figuré dans ces jugemens, que comme représentant les émigrés de la ligne paternelle; et que les deux bâtards adulterins l'ont eux-mêmes reconnu formellement dans la transaction du 7 floréal an 8;

» 80 Fausse application des principes sur l'acquiescement à la chose jugée, en ce que la cour d'appel de Paris a tiré des arrêtés de l'autorité administrative portant mainlevée des séquestres apposés sur les biens de la Succession de René-Ange-Augustin de Maupeou, la conséquence que le gouvernement avait renoncé à toute prétention sur ces biens du chef des héritiers maternels émigrés; tandis que ces mains-levées de séquestres avaient eu lieu au profit des héri

tiers maternels tout aussi bien qu'au profit des bâtards; tandis encore que ces mainlevées de séquestres avaient été la suite necessaire et forcée du jugement de Melun, du 16 nivôse an 7, confirmé par l'arrêt de la cour du 24 vendémiaire an 8; et que jamais on n'a considéré comme acquiescement, l'exécution donnée par une partie condamnée à un jugement en dernier ressort.

n

>> Notre ministère nous appelle à reprendre séparément chacun de ces moyens, et à les discuter l'un après l'autre. Mais nous croyons devoir, avant tout, faire sur leur ensemble une observation générale.

» Le sieur de Boniface a-t-il eu qualité pour intenter l'action sur laquelle est intervenu l'arrêt dont il se plaint; et par suite, a-t-il qualité pour se plaindre de l'arrêt qui l'a déclare non-recevable dans cette action? » Quel était le but de cette action? C'était d'exclure de la Succession de René-AngeAugustin de Maupeou, un neveu naturel et deux enfans adultérins de celui ci, et de partager cette Succession, tant avec les sieurs Anjorrant et la veuve Lerbach, qu'avec les autres parens maternels.

» Cette Succession, à quelle époque s'étaitelle ouverte? Le 14 floreal an 2, c'est-à-dire, à une époque où le sieur de Boniface était inscrit sur la liste des émigrés, de laquelle il n'a été éliminé que par un brevet d'amnistie du 4 thermidor an 10.

» Or, le sieur de Boniface a-t-il pu, dans cet état, succéder, le 14 floréal an 2, à RenéAnge-Augustin de Maupeou? Oui, s'il faut l'en croire, et la raison en est qu'il avait réclamé en temps utile contre son inscription sur la liste des émigrés; que, par cette réclamation, il avait empêché la qualité d'émigré de se fixer sur sa tête; qu'il était resté simplement prévenu d'émigration; et que ce n'était pas aux simples prévenus d'émigration, mais aux vrais émigrés, que l'art. 1er de la loi du 28 mars 1793 infligeait la peine de mort civile.

» Mais il oublie que, par la loi du 12 ventose an 8, tous les individus qui, à l'époque de sa promulgation, étaient inscrits sur la liste des émigrés, et n'en avaient pas été rayés definitivement par les autorités compétentes, ont été indistinctement réputés émigrés, et, comme tels, déclarés incapables d'invoquer le droit civil des Français.

» Il oublie que cette loi a eu pour lui l'effet d'un arrêté du gouvernement, qui, statuant sur sa réclamation contre la liste des émigrés, l'aurait maintenu définitivement sur

cette liste, et aurait décidé qu'il avait réellement abandonné le territoire français à l'époque indiquée par son inscription, c'est-à-dire, en 1792.

» Il oublie que la cour l'a ainsi jugé contre l'héritière testamentaire du sieur MaretsSaint-Pierre, par arrêt du 28 germinal an 12, et contre le sieur Masson, par arrêt du 10 juin 1806 (1.

» Il oublie enfin que c'est parceque, d'après cette loi, il n'était plus simplement prévenu d'émigration, mais définitivement maintenu sur la liste des émigrés, qu'il a été obligé d'avoir recours à la clémence du gouvernement, pour en obtenir le brevet d'amnistie, qui lui a été délivré le 4 thermidor an 10.

» Sous quels prétextes a-t-il donc pu venir, le 22 nivóse an 13, troubler les paisibles possesseurs d'une Succession qui s'était ouverte pendant sa mort civile, et soutenir qu'il avait le droit d'exclure les uns, et de faire avec les autres un nouveau partage? Il faut l'entendre lui-même.

» Premièrement, a-t-il dit, la disposition de la loi du 12 ventóse an 8, par laquelle tous ceux qui, à cette époque, étaient simplement prévenus d'émigration par leur inscription sur la liste, ont été réputés définitivement émigrés, n'a pu avoir d'effet rétroactif: c'est un point jugé par l'arrêt de la cour du 12 mai 1806, dans l'affaire du testament de Jean Meyer. Cette disposition n'a donc pas pu me faire considérer comme ayant été en état de mort civile, lorsque s'est ouverte la Succession de René-Ange-Augustin de Maupeou.

» Secondement, le brevet d'amnistie que j'ai obtenu le 4 thermidor an 10, a effacé toutes les empreintes et anéanti tous les effets de la mort civile, que j'aurais pu, aux termes de la loi du 12 ventóse an 8, avoir encourue par mon inscription sur la liste des émigrés. Je suis donc, par la vertu de ce brevet, replacé au même état que si mon inscription sur la liste des émigrés n'avait jamais eu lieu, Ce brevet m'a donc habilité à succéder le 14 floréal an 2, comme si alors mon nom n'eût pas été inscrit sur cette liste.

» Mais d'abord, comment peut-on dire que la loi du 12 ventose an 8, en assimilant les simples inscrits sur la liste des émigrés aux émigrés réels, n'a pas pu rétroagir sur le passé ? Et comment ne sent on pas que, si elle n'avait pas rétroagi en cela sur le passé, elle eût été absolument insignifiante? Le moyen en effet de changer un simple prévenu d'émi

(1) K. l'article Émigration, §. 6.

gration en émigré proprement dit, sans óter à ce prévenu le droit qu'il tenait de lois antérieures, de faire statuer sur sa réclamation par un arrêté particulier? Et ôter un pareil droit à un simple prévenu d'émigration, n'estce pas rétroagir sur le passé? Sans doute, en disposant ainsi, la loi du 12 ventôse an 8 s'est écartée du principe qui veut que les lois. n'aient point d'effet rétroactif; mais elle y a été forcée par le grand objet, par l'objet vraiment politique et national, qu'elle avait en vue; et il n'y avait pas de milieu: ou il fallait qu'elle adoptat ce parti, pour préparer la voie à l'amnistie générale, qui était, dès-lors, dans la pensée du législateur; ou il fallait qu'elle maintînt l'usage'des décisions individuelles sur chaque réclamation, usage qu'une expérience de plusieurs années n'avait que trop prouvé ne pouvoir jamais obtenir le résultat qu'on s'en était promis.

» Que veut donc dire le sieur de Boniface, et s'entend-il bien lui-même, quand il soutient que la loi du 12 ventôse an 8 n'a pas pu, en le maintenant, malgré sa réclamation, sur la liste des émigrés, le faire considérer comme ayant été, pendant tout le temps de son inscription sur cette liste, qui a précédé la promulgation de cette loi, incapable de recueillir aucune Succession? Pour que la loi du 12 ventôse an 8 eût pu ne pas avoir cet effet, il faudrait nécessairement qu'elle eût laissé au sieur de Boniface un moyen de faire juger si son inscription sur la liste des émigrés était fondée ou ne l'était pas; si c'était à tort ou justement qu'en l'inscrivant sur la liste des émigrés, on l'avait constitué en état de prévention d'avoir émigré; s'il devait être déclaré convaincu de cette prévention, ou s'il devait en être acquitté. Or, il est bien constant que la loi du 12 ventóse an 8 s'opposait à ce que le sieur de Boniface sollicitât et fit rendre désor mais un pareil jugement. Il est bien constant. que, par cela seul qu'elle maintenait définitivement le sieur de Boniface sur la liste des émigrés, elle ne lui permettait plus de solliciter une radiation de justice; qu'elle ne lui laissait plus à espérer qu'une radiation de pure grâce; qu'elle lui fermait toutes les voies qui eussent pu le conduire à une radiation déclarative de son innocence, et, par conséquent, rétroactive au temps de son inscription. En deux mots, la loi du 12 ventôse an 8 a maintenu le sieur de Boniface sur la liste des émigrés, comme l'y eût maintenu précédemment un arrêté du gouvernement qui, d'après l'examen de sa réclamation, aurait jugé son inscription bien fondée; elle a donc, comme l'eût fait cet arrêté, s'il eût été pris

par le gouvernement avant le 12 ventose an 8, décidé que le sieur de Boniface avait été frappé de mort civile dès l'instant de son inscription sur la liste des émigrés; elle a donc eu l'effet qu'aurait eu un pareil arrêté, de déclarer que le sieur de Boniface n'avait pas pu être saisi, le 14 floréal an 2, de la Succession de RenéAnge-Augustin de Maupeou.

» Et vainement le sieur de Boniface cherche-t-il un appui à son système, dans l'arrêt de la cour du 12 mai 1806. Cet arrêt eût été bon à citer de la part de son héritier, si, comme Jean Meyer, il fût mort avant la loi du 12 ventôse an 8, en état de réclamation contre son inscription sur la liste des émigrés. Dans cette hypothèse, l'héritier du sieur de Boniface aurait pu dire, comme l'héritier de Jean Meyer, qu'il était décédé non mort civilement, et qu'une loi postérieure à son décès n'avait pas pu le constituer retroactivement en état de mort civile. Mais le sieur de Boniface a survécu, comme le sieur Marest-Saint-Pierre, comme le sieur Masson, à la promulgation de la loi du 12 ventôse an 8. La loi du 12 ventóse an 8 l'a donc atteint, comme le sieur MaretsSaint-Pierre, comme le sieur Masson; il doit donc, comme eux, être jugé avoir, par le seul effet de son inscription sur la liste des émigrés, quoique suivie de réclamation dans le temps fatal, encouru la peine de mort civile que la loi du 28 mars 1793 attachait à l'émigration.

» En second lieu, il est vrai que la mort civile du sieur de Boniface a cessé par l'am. nistie qu'il a obtenue de la clémence du gou. vernement, le 4 thermidor an 10; mais a-t-elle cesse avec effet rétroactif? Distinguons.

» Le sieur de Boniface a certainement été réintégré par son amnistie dans tous les droits civils qu'il avait acquis avant son inscription sur la liste des émigrés. Ainsi, avant son inscription sur la liste des émigrés, lui avait-il été fait des legs par des testateurs décédés an-, térieurement à la même époque? Il a recouvré, par son amnistie, le droit de réclamer ces legs. Lui était-il échu, avant son inscription sur la liste des émigrés, une Succession quelconque? Son amnistie lui a rendu le droit de la revendiquer sur tous les tiers qui auraient pu l'usurper pendant sa mort civile. Et c'est ce que l'empereur Justinien exprime fort bien dans ses Institutes, titre quibus modis patria potestas solvitur, §. 1 : la pleine amnistie que le prince, dit-il, accorde aux morts civilement, les reintègre à tous égards dans leur ancien état : Sed et si, ex indulgentiá principis, restituti fuerint per omnia, pris. tinum statum recipiunt.

» Mais le sieur de Boniface a-t-il été rappelé par son amnistie, à l'exercice des droits civils qui lui seraient échus pendant sa mort civile, si, à cette époque, il n'eût pas été mort civilement? C'est demander en d'autres termes si, par son amnistie, sa mort civile a tellement cessé, qu'elle soit réputée n'avoir jamais eu lieu; si, par son amnistie, il est supposé avoir vécu civilement dans l'intervalle pendant lequel il était mort aux yeux de la loi. Et sur cette question, la negative est très

constante.

» D'abord le sénatus-consulte du 6 floréal an 10 dit bien, art. 15, qu'une fois amnisties par un brevet du gouvernement, les émigrés jouiront de tous leurs droits de citoyens; mais par cela seul qu'il emploie le pronom possessif leurs, il fait assez entendre que les droits de citoyen n'auront d'effet pour eux, qu'autant que ces droits auront été dans leur patrimoine avant leur mort civile, ou qu'ils y tomberont à l'avenir, et que les droits civils qui n'ont pas pu devenir leurs au moment où ils se sont ouverts, resteront pour eux comme

non avenus.

» Ensuite, en supposant le sénatus-consulte absolument muet sur la question, son silence même équipollerait à une décision positive contre le sieur de Boniface. La loi peut sans contredit feindre que ce qui a été, n'a pas été; elle peut sans contredit effacer, par une fiction, jusqu'à la plus légère trace, jusqu'au moindre effet d'un état qui a existé, et qu'elle fait cesser mais il ne suffit pas qu'elle le puisse, il faut encore qu'elle le veuille; il faut encore qu'elle en manifeste la volonté; des qu'elle ne dit rien à cet égard, elle laisse les choses telles qu'elles sont par elles-mêmes.

» Aussi la cour a-t-elle jugé plusieurs fois que l'amnistie accordée aux émigrés, n'empêche pas qu'ils ne soient considérés comme ayant été morts civilement pendant tout le temps qu'a duré leur inscription sur la liste.

» C'est ainsi que, le 28 germinal an 12, Vous avez décidé que la radiation accordée par forme d'amnistie à la mémoire du sieur Marets-Saint-Pierre, n'avait pas validé le testament qu'il avait fait pendant qu'il était inscrit sur la liste des émigrés.

» C'est ainsi que, le 18 juin 1806, la section civile a jugé que l'amnistie accordée au sieur Masson, n'avait pas rétabli, avec effet rétroactif, entre lui et son épouse, la communauté de biens qui avait été dissoute par son inscription sur la liste.

» C'est ainsi que, le 16 mai 1808, la même section a jugé qu'un mariage contracté entre deux émigrés pendant leur émigration, n'é

tait pas devenu valable par l'effet de leur am. nistie.

» C'est ainsi que, le 28 juin suivant, la même section a jugé, dans l'affaire du sieur Crotat, que le sieur Bellemare-d'Ocquainville n'avait pas recouvré, par son amnistie, le droit de prendre, dans la succession de la veuve Boisroussel, ouverte pendant son emigration, la part qu'il y aurait eue, si, à cette époque, il eút joui de la vie civile.

» Dans toutes ces espèces, il n'était pas question de l'intérêt du fisc; c'est dans l'intérêt des particuliers qui opposaient aux exémigrés leur mort civile aux époques dont il s'agissait dans chacune, qu'il a été jugé que cette mort civile n'avait pas été effacée avec effet rétroactif, par les brevets d'amnistie accordés en exécution du sénatus-consulte du 6 floréal an 10. C'est donc bien mal à propos que le sieur de Boniface vient ici se prévaloir de ce que le fisc ne réclame pas actuellement sa part dans la Succession de René-Ange-Augustin de Maupeou, et conclure de là que ses adversaires sont nonrecevables à lui contester cette part. Ses ad. versaires peuvent lui répondre, et lui répondaient effectivement, tant en première ins tance qu'en cause d'appel: Mort civilement à l'époque de l'ouverture de la Succession de René-Ange-Augustin de Maupeou, vous n'avez pu alors étre saisi d'aucune part dans cette Succession. Si vous y avez eu des droits, ils ont été dévolus au fisc, et le fisc a été bien maitre d'y renoncer. S'il y a renoncé en effet, qu'avez vous à dire? S'il n'y a'pas renoncé, il aurait sans doute pu vous les rendre, en vous amnistiant; mais il ne vous les a pas rendus. Vous êtes donc, sous tous les rapports, sans aucune espèce d'action.

» Pour rendre cette réponse plus sensible, supposons que la Succession de René-AngeAugustin de Maupeou ne se soit ouverte qu'après la loi du 8 messidor an 7, par la quelle il a été dit qu'à l'avenir, la république ne succéderait plus du chef des émigrés en ligne collaterale, et que les Successions collatérales auxquelles des émigrés auraient été appelés, s'ils n'eussent pas été morts civilement, appartiendraient désormais aux parens républicoles. Dans cette supposition, le sieur de Boniface serait-il recevable à réclamer, en vertu de son amnistie, une Succession que les parens républicoles du defunt auraient recueillie à son exclusion pendant sa mort civile? Non assurément; et pourquoi? Parceque la règle, le mort saisit le vif son plus prochain héritier habile à lui succéder, n'aurait pas pu agir en sa faveur pendant qu'il

était incapable de toute Succession; parceque cette règle n'aurait agi et pu agir qu'en faveur des parens républicoles de René-AngeAugustin de Maupeou; parcequ'une fois saisis légalement de la Succession de René-AngeAugustin de Maupeou, les parens républicoles de celui-ci n'auraient pas pu en être dessaisis par la grace que le gouvernement aurait faite au sieur de Boniface, en l'amnistiant.

» Eh bien! Ce que la loi a fait par la loi du 8 messidor an 7, pour toutes les Successions collaterales qui s'ouvriraient à l'avenir, le gouvernement n'a-t-il pas pu le faire, par un acte particulier, pour la Succession de René-Ange-Augustin de Maupeou qui s'était ouverte avant cette loi? Le gouvernement n'a-t-il pas pu abandonner aux héritiers républicoles de René-Ange-Augustin de Maupeou, tous les droits qu'il aurait pu exercer du chef du sieur de Boniface? Et encore une fois, de deux choses l'une ou il les leur a abandonnés en effet, ou il les a conservés. S'il les leur a abandonnés, le sieur de Boniface n'a aucune qualité pour attaquer l'abandonnement qu'il leur en fait. S'il les a conservés, lui seul en a l'exercice; et le sieur de Boniface ne peut pas, sans une cession expresse et spéciale de sa part, être admis à les

exercer.

:

» Voilà, messieurs, l'observation générale que nous avions à faire sur l'ensemble des moyens de cassation du sieur de Boniface ; et yous nous avez sûrement prévenus sur la conséquence qui en résulte c'est que les premiers juges et la cour d'appel auraient pu, en déclarant, comme ils l'ont fait, le sieur de Boniface non-recevable dans sa demande et dans sa tierce-opposition, se fonder uniquement sur son défaut absolu de qualité; c'est que, si les motifs sur lesquels est fondée la fin de non-recevoir prononcée contre le sieur de Boniface, vous paraissaient n'être pas en harmonie avec la loi, vous pourriez, vous devriez même, y substituer le motif que le défaut absolu de qualité du sieur de Boniface offrait aux premiers juges et à la cour d'appel; c'est que vous le pourriez et le devriez d'autant plus, que ce défaut absolu de qualité a été plaidé devant la cour d'appel, comme il l'avait été devant les premiers juges; c'est enfin que nous pourrions nous dispenser de toute explication sur les huit moyens de cassation du sieur de Boniface.

>>

Cependant, messieurs, examinons ces moyens, et voyons si, considérés en euxmêmes, voyons si, abstraction faite du défaut absolu de qualité dans celui qui les

« PreviousContinue »