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au prix des baux existans lors de la mutation; il décerna contrainte en conséquence. Sur l'opposition, il fut ordonné une expertise, sur la demande des héritiers Lascarie qui pretendaient que ces baux étaient excessifs et ne pouvaient servir de guide. Le jugement était motivé et fondé sur l'art. 5 de la loi du 5-19 décembre 1790 et l'art. 10 de celle du 14 thermidor an 4. Sur le pourvoi en cassation de la part de la régie, la cour a rendu l'arrêt sui

vant :

» Ouï le rapport de M. Schwendt...,

» Vu les art. 15 et 19 de la loi du 22 frimaire an 7;

» Considérant que ces dispositions n'admettent l'évaluation par expertise, qu'à défaut de baux courans et autres actes qui peuvent constater les revenus des immeubles; et qu'en accordant à la régie la faculté de requérir l'expertise en cas d'inexistence d'actes de cette nature, et d'insuffisance des évaluations faites par les parties, elles ont substitué ce mode à celui porté par les lois antérieures; que, dans l'espèce, la régie se fondait sur un bail existant;

» La cour casse le jugement rendu le 21 fructidor an 13 par le tribunal civil de Nice.... ». (Bulletin civil de la cour de cassation).

III. L'envoi des héritiers présomptifs d'un absent en possession provisoire de ses biens, donne-t-il ouverture aux mêmes droits d'enregistrement qui seraient dus en cas de décès légalement constaté?

L'art. 12 de la loi des 29 septembre-9 octobre 1791 avait prévu cette question; et voici comment il la décidait :

« Pour les héritiers des absens, le délai de >> six mois ne commencera à courir que du jour » qu'ils auront pris la Succession; et en cas » de retour de l'absent, les droits seront res» titués ».

Mais cet article étant compris dans l'abrogation générale que prononçait l'art. 73 de la loi du 22 frimaire an 7, de toutes les dispositions des lois antérieures sur le droit d'enregistrement, la question s'est trouvée absolument indécise.

Voici un arrêt de la cour de cassation, du 27 avril 1807, qui, dans cet état de la législation, l'a jugée pour l'affirmative, mais dans une espèce particulière.

<< Par jugement du 26 frimaire an 14, le tribunal d'Espalion avait jugë qu'il ne suffisait pas que Pierre Nayroles et Catherine Nayroles, femme Teyssèdre, se fussent mis en possession de la Succession de leur frère absent, mais que, pour exiger les droits de mutation,

la régie de l'enregistrement devait établir' d'une manière légale, le décès de la personne absente. Violation de l'art. 24 de la loi du 22 frimaire an 7. L'arrêt qui a cassé ce jugement, est ainsi conçu :

» Ouï le rapport de M. Doutrepont....; » Vu l'art. 24 de la loi du 22 frimaire an 7....;

» Attendu que, par le contrat public du 3 messidor an 10, les défendeurs ont suffisam ment annoncé qu'ils s'étaient mis en possession de la Succession de leur frère, absent; or, selon l'article cité, le délai de six mois, pour faire la déclaration de cette Succession, à l'effet de payer les droits de mutation, court du jour de la mise en possession; et conséquemment ces droits sont dus dès ce jour, soit Nayroles, absent, soit ou ne soit que Guillaume ainsi, le jugement attaqué a violé l'art. 24 de pas décede; la loi du 22 frimaire an 7;

» La cour casse et annulle.... ». (Ibid).

Le 22 juin 1808, autre arrêt qui a jugé la même chose, mais encore dans une espèce particulière.

«Par jugement du 19 février 1807, le tribunal civil de Mont-de-Marsan avait accueilli la contrainte de la régie, quant aux droits de mutation, à titre d'usufruit seulement, et il l'avait rejetée à l'égard du droit de muta. tion de propriété. Il s'était fondé sur ce que, d'après l'art. 129 du Code civil, Pierre et Antoine Delbois, absens depuis plusieurs années, et du chef desquels la défenderesse tenait les biens, étaient présumés vivans; conséquemment que la propriété de leurs biens ne pouvait passer à la défenderesse, qu'après l'expiration de leur centième année de naissance; mais qu'il n'en était pas ainsi relativement à l'usufruit, parceque le Code civil autorise l'héritier présomptif à se mettre en possession provisoire des biens de l'absent, et même à faire tout ou partie des fruits siens, selon les circonstances. Ce jugement a été cassé en ces termes :

» Ouï le rapport de M. Chasle....;

» Vu l'art. 12 de la loi du 22 frimaire an 7; rempli les formalités prescrites par les art. » Attendu que la défenderesse n'ayant pas 115, 116 et 119 du Code civil, pour faire constater et déclarer l'absence prétendue de Pierre possession provisoire de leurs biens, ne peut et Antoine Delbois, et se faire envoyer en Code qui auraient pu favoriser sa prétention pas invoquer les autres dispositions du même près l'envoi en possession définitive; de n'être sujette aux droits de mutation qu'a

» Attendu que, dans cet état de choses, et

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Aurait-on pu juger de même dans ces deux especes, si l'héritier provisoire de l'absent avait fait tout ce qu'il fallait pour empêcher qu'on ne lui appliquât l'art. 12 de la loi du 22 frimaire an 7, c'est-à-dire, s'il avait rempli, pour se faire envoyer légalement en posles session provisoire des biens de l'absent, formalités que lui prescrivaient, dans la première espèce, les règles de l'ancienne jurisprudence, et dans la seconde, les art. 115, 116 et 119 du Code civil?

Cette question s'est présentée le 15 janvier 1811, à l'audience de la section civile.

Dans le fait, la demoiselle Jossens avait obtenu, au tribunal civil de Gand, le 13 fructidor an 12, un jugement qui déclarait absent Josse Jossens, dont elle était l'héritière présomptive; et le 3 brumaire an 13, un second jugement du même tribunal l'avait envoyée en possession provisoire des biens.

La régie de l'enregistrement lui avait, en conséquence, demandé 220 francs pour le paiement des droits de la succession de Josse Jossens; et le 31 mai 1808, le tribunal civil de Gand avait rejeté cette demande,

<< Attendu qu'aux termes de l'art. 129 du Code civil, les partages des biens de l'absent ne peuvent avoir lieu que lorsque l'absence a continué pendant trente ans, depuis l'envoi en possession provisoire, ou lorsqu'il s'est écoulé cent ans révolus depuis la naissance de l'absent; d'où la conséquence que c'est alors seulement que s'opère la transmission des biens de l'absent aux ayant droit, si d'ailleurs son décès n'est pas prouvé;

» Qu'il résulte d'ailleurs de l'art. 125 du même Code que la possession provisoire n'est qu'un dépôt qui donne à ceux qui l'obtiennent, l'administration des biens de l'absent, et qui les rend comptables envers lui dans le cas qu'il reparaisse, ou qu'on ait de ses nouvelles :

» D'où il suit que l'envoi en possession n'entraine non plus aucune transmission de jouissance ».

La régie de l'enregistrement demandait la cassation de ce jugement.

Voici comment s'est expliqué M. l'avocatgénéral Daniels, en portant la parole sur cette affaire :

«La régie fait résulter son moyen de cassation de l'art. 123 du Code civil, suivant lequel, lorsque les héritiers présomptifs auront obtenu l'envoi en possession provisoire des biens de l'absent, le testament, s'il en existe un, sera ouvert à la réquisition des parties intéressées ou du procureur (du roi) au tribunal, et les légataires, les donataires, ainsi que tous ceux qui avaient, sur les biens de l'absent, des droits subordonnés à la condition

de son décès, pourront les exercer provisoirement, à la charge de donner caution.

» Le trésor public, dit-elle, a une action à exercer au décès de l'absent, pour le paiement des droits d'enregistrement. Il faut donc également lui appliquer le bénéfice de cette disposition. Prétendre que le trésor public en est exclu, ce serait admettre une exception contraire à tous les anciens principes, et qui n'entra jamais dans la pensée des auteurs de la loi nouvelle.

» La régie invoque encore, à l'appui de son recours en cassation, les art. 12 et 24 de la loi du 22 frimaire an 7.

>> Mais il nous semble que l'art. 123 du Code civil ne prouve rien pour la régie, et que les art. 12 et 24 de la loi du 22 frimaire lui sont absolument contraires.

an

7

» L'objet du Code civil n'était, ni de régler la perception des droits d'enregistrement, ni de modifier la loi du 22 frimaire an 7.

» L'art. 12 de cette dernière loi porte, à la vérité, que la mutation d'un immeuble en propriété ou usufruit sera suffisamment etablie, pour la demande du droit d'enregistrement et la poursuite du paiement contre le nouveau possesseur, soit par l'inscription de son nom au rôle de la contribution foncière, et des paiemens par lui faits d'après ce rôle, soit des baux lui passés, ou enfin par par par des transactions ou autres actes constatant sa propriété ou son usufruit; mais la disposition de cet article uniquement fondée sur une présomption légale, n'est plus applicable lorsque celui contre lequel la régie poursuit le paiement des droits de mutation, prouve à l'évidence qu'il n'est que simple administrateur, et qu'il n'a ni la propriété ni l'usufruit de l'immeuble dont il s'agit.

» Ainsi, par exemple, la régie ne peut pas poursuivre celui qui a passé des baux, lors. qu'il prouve qu'il les a passés comme curateur à l'interdiction ou en qualité de mandataire. C'est alors le cas d'appliquer la maxime de droit præsumptio cedit veritati.

» L'art. 24 de la même loi suppose que le décès de l'ancien propriétaire est constant : il a seulement pour objet de fixer les délais pour l'enregistrement des déclarations que les héritiers, donataires, ou légataires auront à passer des biens à eux échus ou transmis par décès ; ce sont les termes mêmes de l'article cité.

» Aussi le délai ne commence-t-il à courir que du jour du décès.

» Le même article ajoute, à la vérité, que le délai de six mois ne courra que du jour de la mise en possession, pour là succession d'un absent; mais il suffit de le méditer dans son ensemble, pour se convaincre qu'il suppose toujours le décès de l'absent.

» Il pose d'abord en principe, que le délai de six mois sera compté du jour du décès, lorsque celui dont on recueille la Succession, est décédé en France. Puis il ajoute que le même délai ne courra que du jour de la mise en possession pour la Succession d'un absent. » Et la raison en est bien simple. Le décès d'un absent peut être ignoré en France pendant les six mois que la loi accorde aux heritiers pour donner leurs déclarations. Il fallait donc le faire courir, non pas à compter du jour du décès, mais de celui de la mise en possession; ce qui suppose toujours que l'ab. sent est décédé, que la Succession est réellement ouverte, et pour nous servir des termes du même article, que les biens sont échus ou transmis par décès.

» Dans notre espèce, il s'agit de l'envoi en possession provisoire; et l'art. 125 du Code civil declare que la possession provisoire ne sera qu'un dépôt qui donnera à ceux qui l'obtiendront, l'administration des biens de l'ab. sent, et qui les rendra comptables envers lui, en cas qu'il reparaisse ou qu'on ait de ses nouvelles. Cet envoi n'opère par conséquent aucune mutation ni en propriété ni en usufruit; et rien ne prouve qu'il donne lieu au paiement des droits qui supposent une mutation.

>> Dira-t-on qu'aux termes de l'art. 123, non seulement les légataires et donataires, mais encore tous ceux qui avaient, sur les biens de l'absent, des droits subordonnés à la condition de son décès, peuvent les exercer provisoirement, à la charge de donner caution; qu'il n'y a aucun motif d'exclure la régie du même bénéfice; qu'elle est seulement dispensée de donner caution?

» Mais il est aisé de concevoir quelles sont les personnes que le législateur a voulu com prendre dans les dispositions de cet article.

» L'absent, par exemple, possède plusieurs immeubles, les uns à titre d'usufruit, les autres en pleine propriété; l'usufruit s'éteint par la mort naturelle ou civile de l'usufruitier. Le propriétaire exercera done, en cas d'envoi en possession provisoire, mais à la charge de douner caution, le droit qui lui appartiendra définitivement, en cas de décès.

» C'est ainsi que la loi, en réglant la manière d'après laquelle les biens de l'absent seront administrés, accorde toujours la préference à ceux qui, en cas de décès, auraient le droit de réclamer les mêmes biens; mais cette disposition, qui n'a pour objet que l'administration, ne nous paraît pas applicable à la régie, qui, du vivant de l'absent, n'a aucun droit sur ses biens, et qui, même après son décès, n'est pas appelée à recueillir ses biens.

» L'héritier seul est tenu de payer les droits de mutation, puisqu'il succède. La régie n'exerce sur les biens du défunt qu'un privilége pour sûreté de ses droits.

» L'art. 124 nous fournit une nouvelle preuve que l'art. 123 n'est pas applicable à la régie. Il n'est pas à présumer que le législateur ait voulu subordonner les droits de la régie à la bonne volonté d'un tiers; et cependant l'art. 124 déclare que l'époux commun en biens peut, en optant pour la continuation de communauté, empêcher l'envoi provisoire et l'exercice provisoire de tous les droits subordonnés à la condition du décès de l'absent. Il faudrait donc dire aussi que la régie peut ou ne peut pas exiger les droits de mutation, suivant que l'époux commun en biens veut ou ne veut pas continuer la communauté ; ce qui serait sans exemple, surtout en matière d'impóts.

» Le legislateur a pourvu aux droits du trésor public en mettant les héritiers dans la nécessité de demander un jour l'envoi en possession définitive.

n Tant qu'ils ne jouissent qu'en vertu de l'envoi provisoire, ils ne peuvent, aux termes de l'art. 128, ni aliéner ni hypothéquer les immeubles de l'absent. Il est donc à présumer qu'on n'omettra jamais de faire prononcer l'envoi définitif; et c'est alors que les héritiers seront tenus de payer les droits de mutation.

>> Nous ne disimulerons pas que cet ordre de choses peut entraîner des inconvéniens; que les héritiers se contenteront quelquefois de l'envoi provisoire qu'ils auront obtenu, et que les receveurs oublieront peut-être d'exiger les droits après trente ans; mais il n'appartient qu'au législateur de faire cesser ces in

convéniens, par une loi qui embrasse cette visoire, la régie devrait, une seconde fois, matière dans toute son étendue.

» L'état actuel de la législation ne permet pas aux tribunaux de condamner au paiement des droits de mutation, des héritiers qui, jusqu'à présent, n'ont ni la proprieté ni l'u sufruit des biens, et qui peuvent être dépossédés, soit par le retour de l'absent, par la preuve qu'à l'époque de son décès, il a laissé d'autres héritiers.

soit

à

>> Dans ces deux cas, les parens envoyés en possession provisoire, ne sont, à la vérité, tenus de rendre que le cinquième ou le dixième des revenus perçus; mais on ne peut l'usupas conclure de là, qu'en attendant, fruit des biens leur appartienne, et que même ils soient tenus de payer pour la totalité, une époque où la propriété ne leur appartient pas, où leur jouissance se borne à quatre cinquièmes, et où peut-être ils seraient tenus de vendre une partie des biens d'un homme encore vivant, pour trouver les moyens de payer. Le bénéfice qu'ils en retiennent, n'est qu'une récompense de la peine que leur a donnée l'administration et la conservation des biens, et peut-être aussi une rétribution pour les frais d'entretien.

» La Succession n'appartient aux héritiers que dans les cas prévus et aux époques déterminées par les art. 129 et 130 du Code. Quel serait donc le motif de les condamner à payer les droits avant ces époques? Il nous semble que ce serait ajouter à la loi et établir un nouveau principe qui, à défaut de tout autre réglement, trouverait de grandes difficultés dans son exécution.

» La régie prétend que le droit est provi soirement exigible, qu'il doit être liquide comme si le décès était constaté, sauf à le restituer dans les cas prévus par les art. 127, 131 et 132 du Code civil.

» Mais d'abord, comment peut-on liquider le droit, lorsqu'il est encore incertain si l'absent aura definitivement un héritier testamentaire ou ab intestat, en ligne directe ou en ligne collaterale?

» En second lieu, quelle serait la loi sur laquelle on pourrait fonder la demande en restitution? L'art. 60 de la loi du 22 frimaire an 7 défend toute restitution quels que soient les événemens ultérieurs, sauf les cas prévus par la même loi; et celui qui nous occupe dans ce moment n'est pas de ce nombre. La régie ne pourrait donc exécuter ce qu'elle offre de faire le paiement serait définitif.

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Il y a plus si l'un des héritiers mourait après avoir obtenu l'envoi en possession pro

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exiger les droits de mutation; et elle ne de-vrait pas davantage les restituer, si l'absent se représentait.

» Ces considérations suffisent sans doute pour établir dans l'état actuel de la léque, gislation, il n'est pas possible d'accueillir la demande de la régie. Nous concluons au rejet ». Conformément à ces conclusions et après un long délibéré, arrêt du 16 janvier 1811, au rapport de M. Cassaigne, par lequel,

« Attendu que l'envoi des héritiers présomptifs de l'absent en possession provisoire de ses biens, n'étant qu'un dépôt entre les mains de ces héritiers, n'opère ni mutation de propriété ni transmission de jouissance, et la loi du 22 frimaire an 7, ni les auque tres postérieures, sur l'enregistrement, n'ont aucune disposition relative à ce dépôt;

» La cour rejette le pourvoi.... ».

Même arrêt à la section des requêtes, dans l'espèce suivante :

Le 19 juin 1809, jugement du tribunal civil de Gand, qui, d'après un autre jugement. par lequel avait été déclarée l'absence de Jean-Louis Vanacker, envoie ses héritiers présomptifs en possession provisoire de ses biens, à la charge de donner caution.

Le 12 mars 1810, contrainte décernée contre Jacques-Antoine Vanacker-Centerick, tant pour lui que pour ses co-héritiers, en paiement des droits d'enregistrement dus à raison de la prise de possession des biens de l'absent Vanacker.

Opposition à cette contrainte; et le 28 mai suivant, jugement qui la déclare nulle.

Recours en cassation contre ce jugement, et par arrêt rendu, le 14 février 1811, sur délibéré, au rapport de M. Lombard-Quincieux,

« Attendu que les héritiers présomptifs de Vanacker ayant rempli les formalités pres crites par les art. 115, 116, 119 et 120 du Code civil, pour faire déclarer son absence et être envoyés en possession provisoire de ses biens, à la charge de donner caution; et que cette possession provisoire n'opérant, aux termos de l'art. 125 du même Code, qu'un depot qui ne donne à ceux qui l'obtiennent, que la simple administration des biens de l'absent, et les rend comptables envers lui, il n'y a pas eu, dans l'espèce, ouverture aux droits de mutation;

» La cour rejette le pourvoi..... ».

L'administration de l'enregistrement a réclamé contre cette jurisprudence.

Consulté par le gouvernement sur sa récla- ́ mation, j'ai d'abord rappelé les conclusions

de M. Daniels, transcrites ci-dessus; ensuite j'ai ajouté:

« Je sens bien qu'il manque, sur cette matière, quelque chose à notre législation, et qu'il répugne que l'héritier provisoire d'un absent ne paie aucun impôt pour une jouissance qui, dans toutes les hypotheses, lui sera personnellement fructueuse, au moins jusqu'à une certaine concurrence.

» Mais cette lacune de notre législation, ce n'est pas aux tribunaux qu'il appartient de la remplir. Ce pouvoir ne reside que dans la main du législateur.

» Il est vrai que, par l'art. 4 de la loi du 22 frimaire an 7, il est dit que le droit proportionnel est établi pour toute transmission de propriété, d'usufruit ou jouissance de biens meubles et immeubles, soit entre vifs, soit par

décès.

» Mais 1o la transmission de la jouissance provisoire qui se fait des biens d'un absent à son héritier présomptif, ne s'opère, ni par le décès de l'absent, puisque l'absent n'est pas encore réputé décédé, ni par un acte entre-vifs de sa part, puisque c'est à son insçu qu'elle s'opère.

» 2o Quand on pourrait regarder cette transmission comme comprise dans l'art. 4, cet article suffirait-il pour l'assujétir au droit proportionnel d'enregistrement? Non : il fau drait encore que la quotité de ce droit fût déterminée par une autre disposition législative. Faute de cette disposition, il n'y aurait dans la loi qu'un principe non organisé, et par conséquent inapplicable. Le moyen, en effet, de percevoir un droit dont la quotité n'est pas fixée? La perception d'un droit d'enregistrement ne peut pas être laissée à l'arbitraire du percepteur. Aussi, après avoir établi le principe que toute transmission de propriété, d'usufruit ou de jouissance, est sujette au droit proportionnel, l'art. 4 de la loi du 22 frimaire an 7 renvoie-t-il à l'art. 69 pour la fixation des quotités de ce droit. Or, dans l'art. 69, on ne trouve pas un mot que l'on puisse appliquer à l'envoi en possession provisoire des biens d'un absent.

» L'administration de l'enregistrement est forcée de reconnaître qu'il serait injuste et contraire à tous les principes, de soumettre définitivement au droit proportionnel, comme mutation de propriété, une mutation qui ne porte que sur la jouissance et n'est que provisoire.

» Cependant il faut, si elle veut être consequente, qu'elle aille jusque-là. Car l'art. 60 élève une barrière insurmontable contre toute demande en restitution que pourrait

faire l'héritier provisoire évincé par le retour de l'absent.

» L'administration a cru parer à cet inconvenient et écarter cette objection, en obtenant du ministre des finances, le 24 fructidor an 12, une décision qui porte qu'il y a lieu à restitution, si les absens reparaissent.

» Mais cette décision ne peut avoir pour tant qu'elle ne sera pas convertie en loi ou les tribunaux aucune espèce d'autorité; et décret, elle laissera subsister, dans toute sa force, l'argument que fournit l'art. 60 contre la prétention de l'administration de l'enregistrement.

» En deux mots, je pense que ce n'est pas de la jurisprudence de la cour de cassation, gistrement doit se plaindre.... ». mais de la loi, que l'administration de l'enre

La lacune que je signalais ainsi dans la législation relative au droit d'enregistrement, n'existe plus; elle est remplie par l'art. 40 de la loi du 28 avril 1816 : « les héritiers, léga» taires ( y est-il dit ) et tous autres appelés à » exercer des droits subordonnés au décès » d'un individu dont l'absence est déclarée, » sont tenus de faire, dans les six mois du » jour de l'envoi en possession provisoire, la » déclaration à laquelle ils seraient tenus s'ils » étaient appelés par effet de la mort, et d'acquitter les droits sur la valeur entière » des biens ou droits qu'ils recueillent ; en cas » de retour de l'absent, les droits payés se>>ront restitués, sous la seule déduction de >> celui auquel aura donné lieu la jouissance » des héritiers; ceux qui ont obtenu cet en» voi jusqu'à ce jour, sans avoir acquitté les » droits de Succession, jouiront d'un délai de » six mois, à compter de la publication de la » présente, pour faire une déclaration et » payer les droits, sans être assujetis à l'a» mende ».

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cle, c'est du jour de l'envoi en possession proIII bis. On voit qu'aux termes de cet artivisoire, que court le délai dans lequel l'heritier ou légataire qui l'a obtenu, doit faire sa déclaration et acquitter le droit.

Cependant on a prétendu que ce délai ne devait courir que du jour où a été fournie la caution à laquelle l'envoyé en possession provisoire est assujéti par l'art. 120 du Code civil (1); et ce système avait été accueilli par un jugement en dernier ressort du tribunal de première instance de Châteauroux, du 19

(1) V. l'article Absent.

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