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dans les autres coutumes, nous en trouvons six qui, aux yeux de Renusson, chap. 1, sect. 10, adoptent clairement la même jurisprudence; ce sont Bourbonnais, art. 239; Nivernais, chap, 23, art. 31; Sens, art. 277 et 286; Bar, art. 83; Blois, art. 164; et Melun,

art. 225.

Mais Renusson a-t-il bien saisi le vrai sens et l'esprit de toutes ces coutumes? Ce qui nous en fait douter, c'est que, de tous les textes qu'on vient d'indiquer, il n'en est pas un seat qui ne soit placé sous un titre uniquement relatif aux intérêts des époux, et que tous ne parlent que des propres de communauté venclus pendant le mariage.

Du reste, Renusson soutient fortement qu'en général, et indépendamment de toute disposition coutumière, la déclaration de remploi doit subroger le bien acheté au bien vendu dans la qualité de propre. C'est aussi le sentiment de Tiraqueau, de retractu gentilitio, S. 32, no 23.

L'opinion contraire ne manque point de partisans. Loyseau, Traité des offices, liv. 2, chap. 7, n° 54, ya même jusqu'à dire que, « si un office héréditaire, ou une rente cons» tituée, ou un domaine aliéné, propres, » sont rachetés au propriétaire, il ne peut pas » faire en sorte que les héritages qu'il ache»tera des deniers de ces rachats, soient rem» placés en son propre, pour être déférés à » son héritier des propres, à l'exclusion de » celui des acquêts ».

Si, suivant cet auteur, un homme qui souffre malgré lui l'extinction de ses propres, n'en peut pas faire le remploi pour les conserver aux héritiers de la ligne à laquelle il en était redevable, à combien plus forte raison doit-on refuser cette faculté à un homme qui aliene volontairement ?

On cite trois arrêts pour cette opinion, mais ils ne sont pas tous dans l'espèce.

Le premier est du 23 janvier 1625. Plusieurs arrêtistes le rapportent comme ayant jugé qu'une rente acquise par un particulier, avec déclaration expresse qu'elle lui tiendrait lieu de remploi d'un héritage propre qu'il avait vendu, ne laissait pas d'appartenir en succes. sion à l'héritier des acquêts, privativement à celui des propres.

Mais, si l'on en croit Dufresne (Journal des audiences, liv. 1, chap. 37), le motif de cette décision a été le défaut de stipulation de remploi. Bardet, liv. 2, chap. 29, dit au contraire « que, par le contrat de constitution, il était expressément dit et stipulé que la rente était » faite et créée de deniers provenus de la

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» vente de ses propres, voulant l'acquéreur » qu'elle sortit pareille nature ».

Brodeau, sur l'art. 225 de la coutume de Melun, s'explique tout autrement : « suivant » la décision de cet article (dit-il), il a été » jugé, en cette coutume, par arrêt du 23 jan» vier 1625, que, nonobstant que le remploi » cût été stipulé par le contrat de mariage, » ce néanmoins le mari, en vendant ses pro"pres, n'ayant point fait de déclaration, » quoique, huit ans après, en constituant une » rente, il eut déclaré que c'était des deniers » procédans de l'aliénation de ses propres, et » voulait que ladite rente lui sortit pareille » nature de propre, n'ayant point dit et aux » siens de son côté et ligne, cette rente ap» partenait aux héritiers des acquêts, et non » à ceux des propres ».

Le second arrêt, qui est du 14 juin 1633, n'est pas plus décisif sur notre question que le précédent. Bardet, tome 2, liv. 2, chap. 41, en détaille l'espèce fort au long; et l'on y voit très-clairement qu'il ne pouvait pas y avoir de Subrogation, même dans le système que l'on combat ici, puisque la déclaration de remploi n'avait été faite que par un testament pos térieur à l'achat.

Le troisième arrêt est du 16 avril 1671. C'est le seul qui juge la question in terminis. Voici de quelle manière le fait en est rapporté au Journal du Palais :

« Nicolas Bailly, Bourgeois de Paris, décédé sans enfans et intestat, laissa sa succession à partager entre ses héritiers collateraux paternels et maternels.

» Parmi ses biens se trouva une rente de 2,000 livres en principal, et un office de la valeur de 11, 000 livres. Mais comme il avait acquis l'un et l'autre des deniers provenant de la vente de ses propres maternels, avec déclaration dans les contrats qu'il entendait que ces biens acquis tinssent lieu de propres à lui et aux siens de son côté et ligne, cela donna lieu à une contestation entre ces deux sortes d'héritiers.

» Les héritiers maternels prétendirent que cette rente et cet office leur appartenaient comme propres de leur côté et ligne; et les héritiers paternels soutenaient, au contraire, qu'étant de simples acquêts, ils y avaient seuls droit, comme se trouvant les plus proches parens du défunt.

» Le différend porté au châtelet, sentence contradictoire intervint sur appointement, le 12 juillet 1669, qui adjuge aux héritiers paternels les biens dont il s'agit Appel. et le procès distribué à la cinquième chambre des

enquêtes, arrêt qui met l'appellation aunéant avec amende et dépens (1) ».

La raison sur laquelle est fondée cette décision, paraîtra sans doute aussi lumineuse que décisive. Nous ne possédons nos biens que sous l'autorité de la loi; les qualités qu'elle leur imprime ne dépendent que d'elle; ce n'est point à nous qu'appartient le pouvoir de les changer. Or, un bien que nous achetons des deniers provenant de la vente d'un propre, est acquêt par sa nature et par la disposition de la loi ; il ne nous est donc pas possible de le rendre propre.

A cette raison générale s'en joint une autre qui n'est pas moins convaincante. La qualité de propre produit deux effets: le premier est qu'elle rend le bien auquel elle est attachée, indisponible pour une certaine quotité, comme dans la coutume de Paris, ou, en certains cas, comme dans celle de Hainaut; le second, est qu'elle le défère en succession à un héritier plutôt qu'à un autre. Or, il est impossible que ni l'un ni l'autre de ces effets résulte de la déclaration de remploi faite par un acquéreur dans le contrat d'achat.

1o Quant à l'indisponibilité, il est de principe que personne ne peut s'imposer à soimême une loi dont il ne puisse plus s'écarter dans la suite. Nemo sibi legem dicere potest à quá recedere non possit. C'est la décision expresse de la loi 22, D. de legatis 30. Ainsi,

(1) On citait, dans cette affaire, un arrêt remarquable du 22 juin 1607. Voici dans quels termes il est rapporté par Brodeau, lettre S, §. 10:

« Un père vend un héritage féodal à lui apparnant de son propre, et déclare, par le contrat, qu'il voulait et entendait que les deniers provenant de la vente dudit héritage, fussent partagés féodalement entre ses enfans après sa mort, comme eût été ledit béritage.

» Le père acquiert, des deniers procédans de ladite vente, une rente constituée sur l'Hôtel-de-ville de Paris.

» Apres son décès, l'aîné soutient la rente devoir être partagée noblement, tant à cause de la Subrogation, qu'en conséquence de la disposition particulière du père; les puînés, au contraire, que la qualité de noble, féodal ou roturier, est accidentelle; qu'elle est seulement donnée par la loi ou par la coutume: donc la destination ou disposition d'un particulier n'a pu faire qu'une chose, laquelle est roturière de sa nature, se pût partager féodalement entre ses héritiers.....

>> La cour, en confirmant la sentence du bailli de Chartres, du 10 novembre 1605, ordonna, conformément aux conclusions de M. l'avocat-général Le Bret, que la rente dont était question, se partagerait également entre les parties, nonobstant la disposition du père ».

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un testateur a beau renoncer, dans son tes tament, à la faculté de le révoquer, cette renonciation est illusoire et ne produit aucun effet; c'est ce que porte la même loi. Par la même raison, un homme ne peut s'ôter la faculté de disposer d'un bien disponible de sa nature. La loi 61, D. de pactis, le décide formellement. Pour qu'une pareille renonciation fût valable, il faudrait, suivant la loi dernière, C. de pactis inter et venditorem, qu'elle intéressât un tiers, et emptorem qu'il l'eût acceptée. Or, dans le cas de notre question, la déclaration de remploi, et la renonciation qu'elle renferme à la disponibilité du bien, n'intéressent point le vendeur avec qui seul le contrat est passé; elle ne peut donc pas opérer le moindre effet. [[ V. Ï'article Renonciation, §. 1, no 3. ]]

2o Si une telle déclaration ne peut pas rendre le bien disponible, elle peut encore moins l'affecter aux héritiers d'une ligne exclusivement à ceux d'une autre. Les moyens qu'un propriétaire a de changer l'ordre de la succession, sont déterminés par la loi : ce sont les testamens et les donations entre-vifs. Cette

vérité ne peut plus être révoquée en doute, depuis que l'art. 3 de l'ordonnance de 1731 l'a confirmée. Tout autre moyen est inutile et infructueux. Ainsi, une déclaration telle point autorisée par la loi, ne peut pas produire que celle dont il est ici question, n'étant l'effet que l'acquéreur aurait voulu en faire résulter si son intention était de favoriser les heritiers de la ligne dont le propre aliéné était sorti, il devait, ou le leur conserver, ou disposer en leur faveur, par testament ou par donation, du bien qu'il avait acquis par forme de remploi, pourvu que la coutume le lui permit. Il ne l'a pas fait : c'est donc le cas de dire, quod voluit non potuit et quod potuit noluit.

Les moyens sur lesquels se fonde Renusson, ne sont pas difficiles à détruire.

Il critique d'abord le principe fondamental, que la qualité des biens ne dépend pas de la volonté des particuliers; et il apporte pour exemple du contraire les ameublissemens et les stipulations de propres qui se font dans les contrats de mariage. Mais la faveur si justement due à ces actes, a pu autoriser une exception aux principes, sans qu'on puisse la tirer à conséquence (1); et cela est si vrai,

(1) Quod contrà rationem juris receptum est, non est producendum ad consequentias. Loi 14, D. de legibus.

que les qualités fictives attribuées à des biens par un contrat de mariage, n'ont lieu qu'entre les époux. V. les articles Ameublissement et Réalisation.

Le second moyen de Renusson est que le cas proposé équipolle à un échange. On n'a pas fait un échange, dit-il, parceque l'occasion ne s'en est pas présentée; mais on a cuivi une autre voie qui est aussi légitime, et dont l'effet doit être le même. Or, il est certain que la Subrogation a lieu dans l'échange.

Ma réponse est que l'échange n'est pas plus propre, de sa nature, à opérer la Subrogation, que la déclaration de remploi dont il s'agit ici. Si les coutumes ont attribué à ce contrat un effet particulier, celui de conserver au bien reçu la qualité de propre qu'avait le bien donné, c'est une fiction qui, comme toutes les autres, ne peut pas s'étendre au-delà du cas pour lequel elle a été introduite.

On nous opposera sans doute un arrêt du 4 août 1721, rapporté par Denisart, au mot Propre mais il suffit d'en connaître l'espèce et les motifs, pour sentir qu'il ne contrarie nullement notre opinion.

L'espèce, la voici telle que la retrace l'auteur cité :

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<< Le sieur Sauvegrain, qui avait été forcé, en 1714, de recevoir des remboursemens de rentes propres à sa femme, employa les fonds qu'il reçut à cette occasion, en constitution de nouvelles rentes, avec déclaration (acceptée par elle) de l'origine des deniers.

» Après la mort de la dame de Sauvegrain, qui avait fait une légataire úniverselle, celle-ci prétendit que les rentes lui appartenaient, comme acquêts de la dame de Sauvegrain.

» L'héritière, au contraire, soutenait que la déclaration de l'origine des fonds avait conservé aux nouvelles rentes la qualité de propres qu'avaient les anciennes; et par arrêt du 4 août 1721, rendu au rapport de M. Pâris, à la grand'chambre, les rentes furent jugées appartenir à l'héritière comme 'pro

pres ».

Les motifs de cet arrêt sont dans les circonstances sur lesquelles il a été rendu.

1o Le remboursement des anciennes rentes n'avait pas été effectif; il n'avait consisté que dans un arrangement de finance; et il ne s'était fait, à proprement parler, qu'une conversion de deniers en d'autres deniers. On pouvait donc regarder les nouvelles rentes comme subrogées de plein droit aux anciennes, et conséquemment ne pas même exiger de déclaration de remploi. Cependant, et TOME XXXII.

c'est ce qui fait bien voir que rien n'est plus éloigné de l'esprit général des lois, que d'admettre des Subrogations, il y a apparence que, sans cette déclaration, l'arrêt cité eût jugé tout différemment. « En 1698 (dit De»nisart, au mot rentes), il se fit une opéra» tion de finance pareille à celle ordonnée » par l'édit du mois de décembre 1713; et la » déclaration donnée à ce sujet le 16 août » 1698, porte que les rentes nouvellement » constituées sur les aides et gabelles, au » moyen du remboursement des anciennes, » seront réputées acquêts; permet néanmoins, » pour celles qui étaient propres, de les con » server en la même qualité de propres, en » déclarant par les propriétaires que c'est » leur intention, par le contrat de constitu» tion ou par un acte séparé qui sera passé » devant les mémes notaires le jour de l'ac» quisition ». S'il a fallu une loi expresse pour permettre aux particuliers, dans le cas même d'un remboursement forcé, d'attribuer à leurs rentes nouvelles la qualité de propres qui était attachée à d'anciennes rentes qu'un arrangement de finance obligeait indispensa blement de convertir, il est bien clair que la faculté de changer à son gré la qualité de son patrimoine, n'est point dans la dépendance de l'homme.

2o Dans la succession de la dame Sauvegrain, la contestation n'était pas entre un héritier aux propres et un héritier aux acquêts, mais entre un héritier aux propres et un légataire universel; et l'on conçoit aisément la différence d'un cas à l'autre. Dans le premier, la loi opérant seule, la volonté de l'homme n'a rien à faire : c'est de la loi que l'héritier aux propres et l'héritier aux acquêts tiennent leurs droits respectifs; c'est par conséquent à elle seule à les régler. Dans le second cas, au contraire, l'un des contendans tient son legs de la volonté du testateur : il ne peut donc profiter que de ce qui lui est légué expressément; il n'a donc rien à prétendre à ceux des biens du testateur dont il est clair celui-ci n'a

que

pas voulu qu'il profitât. Or, dans l'espèce de l'arrêt du 4 août 1721, la Dame Sauvegrain, avait manifesté bien clairement, par sa declaration de remploi, l'intention qu'elle avait question, dans la classe de ses acquèts; c'en de ne pas comprendre les rentes dont il était était done assez pour les exclure du legs universel.

C'est ce qui a encore été juge par deux arrêts du parlement de Flandre, des 27 mars 1771 et 16 mars 1776, dont voici l'espèce : Le 5 avril 1748, la demoiselle Ballicq, de

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meurant à Cambrai, fait un testament olographe, par lequel elle laisse aux enfans d'Alexandre Canone, son frère utérin, ses rentes et ses meubles qui seront vendus, pour l'argent être placé en rentes. Par le même acte, elle légue au sieur Ballicq, son cousin, mais à charge de substitution au profit des sieurs de Zevallos, tous les immeubles qu'elle possède, notamment une maison située à Cambrai, rue de la porte Notre-Dame, et une autre située au faubourg de la même ville, qu'on appelait la Flamique.

Huit mois après, elle vend la première de ces maisons; mais elle ne la vend point dans l'intention d'augmenter le legs des rentes fait aux enfans du sieur Canone, ni de diminuer le lot du sieur Ballicq; elle la vend moyennant une rente de 1,600 florins en capital, laquelle, dit le contrat, tiendra la même nature que ladite maison.

Le 23 février 1753, la demoiselle Ballicq trouve encore à propos de vendre la maison de la Flamique le contrat porte qu'elle a reçu 1,200 florins, et que les 2,000 florins de surplus restent entre les mains des acquéreurs, pour en former une rente, laquelle tiendra même nature de propre et d'immeuble que le fonds aliéné, le représentera comme un fonds subrogé dans la succession de la demoiselle Ballicq, et appartiendra, après sa mort, à ses parens paternels, conformé ment à son testament, codicille ou autre acte faisant foi de ses intentions.

En 1754, la demoiselle Ballicq, fait un codicille, par lequel elle révoque l'institution qu'elle avait faite des enfans de son frère utérin pour ses héritiers mobiliers, et institue à leur place le sieur Ballicq, son cousin.

Mais en 1757, elle déclare, par un second codicille, que, vu le décès du sieur Ballicq, elle institue derechef les enfans du sieur Alexandre Canone pour ses héritiers mobiliers, et veut encore que ses biens provenant du côté des Ballicq, appartiennent aux sieurs de Zevallos, ses cousins.

La testatrice est décédée en 1759. Dix ans après, le sieur Canone d'Hezèque, l'un des legataires universels des meubles, a formé contre les sieurs de Zevallos, qui, jusqu'alors, avaient joui paisiblement des deux rentes dont on a parlé, une demande en revendication de l'une et de l'autre. Ses moyens étaient que les rentes constituées sont réputées meu. bles par la coutume de Cambresis; qu'ainsi, non-seulement elles appartiennent de droit à l'héritier des meubles, mais encore elles ne peuvent lui être enlevées par une déclaration de remploi, quelle qu'en soit l'étendue, par

ceque jamais un meuble ne peut être subrogé à un héritage. Il ajoutait qu'il ne pouvait pas y avoir de Subrogation dans le cas d'une vente, et que telle était la jurisprudence des arrêts, la doctrine des auteurs, et le cri du bon sens.

Ces raisons n'ont fait ni dû faire aucune impression. Par sentence de l'official-juge ordinaire de Cambrai, du 30 mars 1770, le sieur Canone d'Hezèque a été déclare non-recevable et non fondé dans sa demande. Il en a appelé, mais inutilement; un arrêt du 27 mars 1771 a mis l'appellation au néant, avec amende et dépens. Le sieur Canone d'Hezèque ne s'est point rebuté : il a pris la voie de révision, et encore sans succès. Par arrêt du 6 mars 1776, rendu au rapport de M. Wacrenier, les chambres assemblées, il a été déclaré qu'erreur n'était point intervenue, et le sieur Canone d'Hezèque a été condamné à l'amende et aux dépens de la révision.

On demandera sans doute quels étaient les moyens des sieurs de Zevallos? Les voici tels que leur défenseur (M. Savary) les exposait :

«Ou la clause de remploi est bonne, ou la volonté de la testatrice vous est contraire: au premier cas, les rentes sont censées des biens propres auxquels vous n'avez pas de droit; au second, elles sont censées distraites de votre legs du mobilier, et assignées au sieur de Zevallos, sous la désignation des biens des Ballicq.....

» Il est donc important de connaître ici quelles ont été les intentions de la demoiselle Ballicq.

» Les sieurs Canone n'étaient pas ses plus proches héritiers; ils étaient précédés par leur père qui a profité des propres maternels; pour eux, ils ne sont que legataires universels des meubles; en cette qualité, ils doivent se borner aux meubles et effets qui leur ont été légués, et respecter les intentions de leur bienfaitrice à l'égard des autres biens et envers d'autres personnes.

» Si quelques arrêts ont jugé des déclarations de remploi sans effet, ce n'a été que sur la réclamation et en faveur de l'héritier légal. Il n'y a point d'arrêt semblable qui ait été rendu au profit de l'héritier testamentaire. Loin de là, les arrêts lui ont été contraires, sur ce principe, sans doute, qu'un héritier de volonté doit respecter la volonté même qui l'a gratifiě.....

» De savoir en effet si un legs doit être plus ou moins étendu, c'est une question de volonté. Le testateur a-t-il voulu que son légataire profitât de cet objet, ou qu'il appartînt

à quelqu'autre ? Voilà le moyen de décision. Or, quand le testateur a fait déclaration que telle de ses rentes ne serait pas comprise dans la classe de ses meubles, il est sensible qu'il n'a pas voulu en disposer en leguant ses meu¬ bles. Il n'importe que sa déclaration soit dans un testament ou dans un autre acte; c'est assez qu'il en conste sans équivoque, puisqu'il ne s'agit que de connaître sa volonté ». Voyez ci-dessus la loi 23, D. de adimendis legatis.

[[VII. La question de savoir s'il y a Subro. gation de la chose achetée à celle dont le prix a servi pour l'acquérir, n'a plus aucun intérêt dans les successions ab intestat, ouvertes depuis la loi du 17 nivôse an 2 : car l'art. 62 de cette loi a aboli, pour les successions ab intestat, toute distinction entre les propres et les acquêts, comme entre les meubles et les immeubles. ]]

ART. II. Vente ou acquisition faite par une personne incapable de disposer.

I. Lorsque celui qui vend ou achète, n'est pas maître de ses droits et n'a pas la faculté de disposer, il se fait, dans certains cas, une Subrogation, soit du prix à la chose vendue, soit de la chose achetée à l'objet aliéné, soit enfin de la chose au prix.

Examinons chacune de ces trois espèces de Subrogation.

II. 1o De la Subrogation du prix à la chose vendue par le propriétaire incapable de disposer.

L'art. 94 de la coutume de Paris porte « qu'au » cas que les rentes qui appartiennent à des » mineurs, soient rachetées pendant leur » minorité, les deniers du rachat ou le » remploi d'iceux en autres rentes ou héri»tages, sont censés de même nature et qua» lité d'immeubles qu'étaient les rentes ainsi » rachetées, pour retourner aux parens du » côté et ligne dont lesdites rentes étaient » procédées».

Cette disposition n'est point particulière à la coutume de Paris on la trouve encore dans plusieurs autres, et notamment dans celles d'Orléans et de Normandie, qui ajoutent, art. 351 et 513, que le semblable aura lieu pour deniers procédans de la vente d'héritages des mineurs ou de rachat des héritages qui leur ont été retirés.

Mais doit-on étendre cette disposition aux coutumes muettes?

Le point d'où il faut partir, est qu'on ne trouve ni dans les lois romaines, ni dans les ordonnances du royaume, aucune trace de la

fiction qu'elle établit. La règle que toute succession doit être partagée dans l'état où elle se trouve au moment de son ouverture, est générale. Il n'y a pas de texte dans le corps de droit qui la limite aux successions des majeurs; et l'on sent qu'une pareille restriction ne peut être introduite que par une loi expresse.

C'est ce que Brodeau (sur la coutume de Paris, art. 94, no 19) confirme de la manière la plus positive:

« Cette décision de la coutume (dit-il), comme dans un droit nouveau, n'est que

pour l'avenir et sans préjudice du passé, comme porte le procès-verbal de la nouvelle homologation; et suivant ce, jugé qu'elle n'avait point lieu pour ce qui avait été fait pendant l'ancienne coutume.

» L'espèce de l'arrêt était qu'un père décéde laissant un fils mineur, auquel la mère survivante est élue tutrice; pendant la tutelle, elle reçoit le rachat de deux rentes qui étaient des propres paternels. Six mois après, et avant qu'il y eût aucun remploi fait, le mincur décède. Procès entre l'oncle, heritier des propres paternels, et la mère, heritière des meubles et acquêts. Par arrêt du jeudi 28 juillet 1575, la cause est appointée; et depuis, arrêt confirmatif de la sentence du châtelet de Paris, prononcé en robes rouges par M. le président Séguier, le vendredi 12 mai 1581 les deniers dudit rachat ont été

adjugés à la mère, comme héritiere mobilière, elle déchargée du remploi requis par l'oncle.

» Cet arrêt est aussi rapporté par Bacquet, Traité des Droits de Justice, chap. 21, no 308, où il cite un pareil arrêt, donné au profit de madame la présidente de Vialart; et dit que le contraire ne s'observe que depuis la réformation de la coutume ».

III. L'art. 94 de la coutume de Paris, et les textes des coutumes de Normandie et d'Orléans qui y répondent, ne parlent que des mineurs mais ne peut-on pas les applidémence ou quer aux majeurs interdits pour prodigalité ?

On cite pour la négative, six arrêts du parlement de Paris, des 1er juillet 1686, 17 mars et 1er septembre 1690, 14 mars 1696, 18 décembre 1702 et 30 juin 1738.

Mais l'additionnaire de Renusson, Traité des Propres, chap. 1, sect. 10, prouve assez clairement que les trois premiers sont étran gers

à la question; à l'égard des trois autres, il ne faut, pour en établir le bien-jugé, que rappeler le principe qui nous a servi de boussole sur la question précédente. Il y a bien

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