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levards et dans les lieux publics. Les uns paraissaient consternés, les autres par leur démarche et l'expression de leur physionomie annonçaient la colère et l'indignation; on se cherchait, on s'abordait, on se parlait avec chaleur tout indiquait l'approche d'un terrible orage.

Les troupes étaient consignées dans leurs quartiers, mais les postes n'étaient pas doublés, et l'on remarquait seulement un grand nombre d'agens de police, surtout dans les cafés et les cabinets littéraires.

Le soir, sur les huit heures, un grand rassemblement se forma dans la galerie neuve du Palais-Royal, vis-à-vis le bureau du Régénérateur, journal rédigé par M. le marquis de Chabannes, qui avait déjà subi deux saisies et distribuait encore une protestation contre le ministère, quand le commissaire, suivi de quelques gendarmes, vint fermer son établissement. Plusieurs fois la foule fut éloignée par les gendarmes, mais elle se formait toujours de nouveau et se grossissait considérablement. Aux cris de à bas les baïonnettes! à bas -les gendarmes ! les boutiques se fermaient de tous côtés. A neuf heures on fit évacuer le

jardin, et le Palais-Royal fut de suite fermé. Cette journée se termina ainsi au milieu de la plus vive agitation, mais sans aucun commencement d'hostilité.

Cependant, tandis que le Roi et son fils, fiers de leur coup d'état, et se reposant sur le dévouement de l'armée, chassaient avec sécurité dans les bois de Rambouillet, plusieurs membres de la Chambre des députés se réunissaient pour aviser au parti à prendre dans ces graves circonstances, et les rédacteurs des journaux s'entendaient pour opposer une résistance commune à la force arbitraire qui suspendait leur publication.

que

La pièce suivante fut rédigée et adoptée : « On a souvent annoncé, depuis six mois, les lois seraient violées, qu'un coup d'état serait frappé. Le bon sens public se refusait à le croire. Le ministère repoussait cette supposition comme une calomnie. Cependant le Moniteur a publié enfin ces mémorables ordonnances, qui sont la plus éclatante violation des lois. Le régime légal est donc interrompu; celui de la force est commencé.

» Dans la situation où nous sommes placés, l'obéissance cesse d'être un devoir. Les citoyens

appelés les premiers à obéir sont les écrivains des journaux ; ils doivent donner les premiers l'exemple de la résistance à l'autorité qui s'est dépouillée du caractère de la loi.

Les raisons sur lesquelles ils s'appuient sont telles, qu'il suffit de les énoncer.

» Les matières que règlent les ordonnances publiées aujourd'hui, sont de celles sur lesquelles l'autorité royale ne peut, d'après la Charte, prononcer toute seule. La Charte (article 8) dit que les Français, en matière de presse, seront tenus de se conformer aux lois; elle ne dit pas aux ordonnances. La Charte (article 35) dit que l'organisation des colléges électoraux serà réglée par les lois; elle ne dit pas par les ordonnances.

» La couronne avait elle-même, jusqu'ici, reconnu ces articles; elle n'avait point songé à s'armer contre eux, soit d'un prétendu pouvoir constituant, soit du pouvoir faussement attribué à l'article 14.

>> Toutes les fois, en effet en effet, que des circonstances prétendues graves lui ont paru exiger une modification, soit au régime de la presse, soit au régime électoral, elle a eu recours aux deux Chambres. Lorsqu'il a fallu modifier la

Charte pour établir la septennalité et le renouvellement intégral, elle a eu recours, non à elle-même, comme auteur de cette Charte, mais aux Chambres.

» La royauté a donc reconnu, pratiqué ellemême ces articles 8 et 35, et ne s'est arrogé, à leur égard, ni une autorité constituante, ni une autorité dictatoriale, qui n'existent nulle part.

>> Les tribunaux qui ont droit d'interprétation ont solennellement reconnu ces mêmes principes. La Cour royale de Paris, et plusieurs autres, ont condamné les publicateurs de l'association bretonne, comme auteurs d'outrage envers le gouvernement. Elle a considéré comme un outrage la supposition que le gouvernement pût employer l'autorité des ordonnances là où l'autorité de la loi peut seule être admise.

Ainsi, le texte formel de la Charte, la pratique suivie jusqu'ici par la couronne, les décisions des tribunaux établissent qu'en matière de presse et d'organisation électorale, les lois c'est-à-dire le Roi et les Chambres, peuvent seuls statuer.

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Aujourd'hui donc le gouvernement a violé la légalité. Nous sommes dispensés d'obéir.

Nous essayons de publier nos feuilles, sans demander l'autorisation qui nous est imposée. Nous ferons nos efforts pour qu'aujourd'hui, au moins, elles puissent arriver à toute la France.

>> Voilà ce que notre devoir de citoyens nous impose, et nous le remplissons.

» Nous n'avons pas à tracer ses devoirs à la Chambre illégalement dissoute. Mais nous pouvons la supplier, au nom de la France, de s'appuyer sur son droit évident, et de résister autant qu'il sera en elle à la violation des lois. Ce droit est aussi certain que celui sur lequel nous nous appuyons. La Charte dit, article 50, que le Roi peut dissoudre la Chambre des députés; mais il faut pour cela qu'elle ait été réunie, constituée en chambre, qu'elle ait soutenu enfin un système capable de provoquer sa dissolution. Mais, avant la réunion, la constitution de la Chambre, il n'y a que des élections faites. Or, nulle part la Charte ne dit que le Roi peut casser les élections. Les ordonnances publiées aujourd'hui ne font que casser des élections: elles sont donc illégales, car elles font une chose que la Charte n'autorise pas.

» Les députés élus, convoqués pour le 3 août,

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