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la place du Carrousel; elles occupaient les places Louis XV, Vendôme, des Victoires du Palais-Royal, du Louvre, de la Bastille et de l'Hôtel-de-Ville.

Dès huit heures du matin le combat commença. Ici la tâche de l'historien devient bien difficile; sans ordre, sans point de ralliement, sans chefs, sous les rayons d'un soleil brûlant et par une châleur étouffante, les patriotes se portaient çà et là, par foules confuses, et se battaient tantôt dans un quartier, tantôt dans l'autre, se dissipant devant des forces trop supérieures, se ralliant les uns aux autres sans se connaître, mais toujours d'accord pour repousser l'ennemi.

les

C'est sur la place de l'Hôtel-de-Ville que premiers coups furent tirés ; les Parisiens qui s'en étaient emparés en furent débusqués par les Suisses, l'artillerie et les carabiniers. A neuf heures des décharges générales retentirent dans tout Paris et firent saigner le cœur de tous les citoyens; sur ce point un feu épouvantable dura douze heures sans interruption, pendant lesquelles l'Hôtel-de-Ville fut plusieurs fois pris et repris. Les citoyens maîtres de la rive gauche de la Seine arborèrent un drapeau

tricolore sur les tours Notre-Dame, et sonnèrent le tocsin dans plusieurs paroisses.

La place du Palais-Royal fut bientôt attaquée; le troisième régiment d'infanterie de la garde qui y était en bataille fit des feux de peloton dans toutes les directions, et frappa de ses balles, non-seulement les hommes armės, mais les passans paisibles qui vaquaient à leurs affaires ou rentraient dans leurs mai

sons.

Dans la rue Saint-Antoine, les soldats royaux furent assaillis par une grêle de tuiles et de plâtras; les environs de l'Hôtel-de-Ville devinrent inabordables, les cuirassiers y furent écrasés.

Des pavés lancés du haut de la porte SaintMartin rendirent son approche très-meurtrière.

Peu à peu le combat devint plus régulier; les bourgeois, rendus plus prudens par le danger, se rallièrent davantage, et combinèrent mieux leur attaque. Les élèves de l'école polytechnique, alliant le talent à l'intrépidité, dirigèrent des colonnes avec un ordre étonnant; d'anciens officiers vinrent aussi donner à la fois de bons conseils et de beaux exemples; le

calme et la méthode succédèrent à l'impétuosité irréfléchie.

Si les habitans acquéraient de plus en plus de confiance dans leurs forces, l'armée au contraire, comprenant le rôle odieux qu'on lui faisait jouer dans cet épouvantable drame commençait à réfléchir sur sa position. La garde royale marquait de l'hésitation, la troupe de ligne manifestait hautement son extrême répugnance à tirer sur le peuple. Les officiers de la garde animaient les soldats et les poussaient au combat; ils furent secondés par puissans auxiliaires, l'argent et le vin. Chaque soldat de la garde reçut 35 francs, ceux de la ligne 28 francs, en pièces neuves de 2 francs'.

1

de

Après la prise du château, on a trouvé la pièce suivante, sous le couvert de M. de Lentivy Dereste, capitaine-archiviste de l'état-major général de la garde royale:

GARDE ROYALE.

ÉTAT-MAJOR général.

Ordre du jour.

Le Roi a chargé M. le maréchal duc de Raguse de témoigner aux troupes de la garde et de la ligne sa satisfaction de leur bonne conduite pendant ces deux dernières journées. Sa Majesté n'attendait pas moins du zèle

(Il paraît que la distribution n'a pas pu être faite à tous les régimens de ligne.) Des baquets remplis de vin étaient apportés aux hommes sous les armes, et l'on parvint enfin à lever leurs scrupules. Les Suisses et le troisième régiment montrèrent surtout un acharnement féroce.

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Des détachemens se transportaient d'un quartier à l'autre, faisant feu dans toutes les

rues.

Des combats sanglans furent livrés sur les boulevards, à la Madelaine et à la Halle, les gardes nationaux s'échelonnaient sur les quais des Augustins, Malaquais et Voltaire; soutenaient des rassemblemens établis sur ces divers

et du dévouement de ces braves troupes, et leur accorde
en témoignage de sa satisfaction un mois et demi de
solde. MM. les chefs de corps feront leurs états de solde,
et pourront les présenter demain à l'état-major général
de la garde, où cette gratification leur sera payée.
Paris, le 28 juillet 1830.

Pour le major-général de service et par ses ordres :
L'aide-major-général de service,

Signé Marquis De Choiseul.

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points, et échangeaient des coups de fusil avec les Suisses du Louvre et des Tuileries.

Vers le milieu de la journée le combat était général, la fusillade et le canon retentissaient sur tous les points de Paris, mais tout annonçait la défaite de l'ennemi; le duc de Raguse fit de grands efforts pour s'emparer de l'Hôtel-de-Ville, mais ils furent vains; il ordonna une manoeuvre qui paralysa d'abord l'avantage des citoyens de fortes colonnes accompagnées d'artillerie partirent des environs du château des Tuileries, tous les boulevards intérieurs, depuis la Madelaine jusqu'à la Bastille, furent entièrement balayés par la mitraille et la mousqueterie; des pelotons furent placés devant chacune des rues qui se dirigent vers les barrières, y firent un feu trèsvif, éloignèrent ainsi les assaillans, et coupèrent les communications entre les faubourgs et la ville. Dans les rues une foule de gens paisibles et sans armes furent ajustés et tués par la garde royale; sur les boulevards les cavaliers sabraient indistinctement tous les individus, et pendant ce mouvement ce n'était plus un combat, mais un véritable massacre.

La même manœuvre se fit sur les quais; les

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