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Juin 1804.

Efforts extraordinai

res pour

ment, pour qu'elle fût en mesure de coopérer avec celle de Toulon.

Cependant la flotte était fort en retard, à cause des efforts inouïs qu'on avait faits pour équiper la flottille. Depuis que celle-ci était prête, on avait reporté tous les moyens de la marine sur l'équipement Rochefort et des escadres. On construisait à force dans les ports

presser l'armement

des flottes

de Brest,

Toulon.

d'Anvers, de Cherbourg, de Brest, de Lorient, de Rochefort, de Toulon. Napoléon avait dit qu'il voulait avoir cent vaisseaux de ligne en deux ans, et sur ce nombre vingt-cinq à Anvers; que c'était dans ce dernier port qu'il mettait ses espérances pour opérer la restauration de la marine française, qu'il trouverait en outre dans ce système de vastes constructions navales une occasion d'occuper les bras oisifs dans les ports. Mais la consommation des matières, l'encombrement des chantiers, l'insuffisance même de la population ouvrière, ralentissaient l'exécution de ses grands desseins. On venait à peine de mettre quelques bâtiments sur chantier à Anvers, les hommes et les matières ayant été dirigés sur Flessingue, Ostende, Dunkerque, Calais, Boulogne, pour les besoins sans cesse renaissants de la flottille. A Brest, on avait seulement armé le dix-huitième vaisseau; à Rochefort, le cinquième. Au Ferrol, l'indigence des ressources espagnoles arrêtait le radoub de la division réfugiée dans ce port. A Toulon, il n'y avait que 8 vaisseaux qui fussent capables de sortir immédiatement, et pourtant l'hiver avait été employé avec une extrême activité. Napoléon stimulait son ministre de la ma

rine Decrès, et ne lui laissait aucun repos. Il avait même ordonné qu'à Toulon on travaillât aux flambeaux, pour que les dix vaisseaux destinés à Latouche fussent équipés en temps utile. Ce qui ne manquait pas moins que les matières et les ouvriers, c'étaient les matelots. Les amiraux Ganteaume à Brest, Villeneuve à Rochefort, Gourdon au Ferrol, Latouche à Toulon, se plaignaient de n'en pas avoir assez. Napoléon, après plusieurs expériences, se confirma dans l'idée de suppléer à

1 Voici deux lettres de l'Empereur à l'amiral Decrès, qui prouveront avec quelle énergie de volonté il s'occupait de la restauration de la marine française.

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Au ministre de la marine.

Saint-Cloud, 21 avril 1804 (1er floréal an XII).

Il me paraît tout à fait convenable qu'une cérémonie imposante soit faite pour mettre la première pierre de l'arsenal d'Anvers; mais il me paraît aussi assez convenable de ne point démolir de bâtiment sous le prétexte de la régularité. Il suffit de ne rien bâtir contre le plan général de régularité. Insensiblement le reste s'établira. Lorsqu'on a à démolir, on démolit ce qui n'est pas régulier; mais je dois vous répéter ce que je vous ai dit dernièrement, je ne puis être satisfait des travaux d'Anvers, puisqu'il n'y a qu'un vaisseau sur le chantier et 500 ouvriers. Je désirerais qu'avant le 1er messidor il y eût au moins trois vaisseaux de 74 sur le chantier, qu'avant le 1er vendémiaire an xã il y en eût six, et avant le 1er nivôse neuf; et tout cela ne peut se faire avec la petite quantité d'ouvriers que vous y avez. Il y a beaucoup d'ouvriers en Provence qui ne sont pas occupés, il va beaucoup y en avoir du côté de Bayonne et de Bordeaux; ainsi donc réunissez 3,000 ouvriers à Anvers. Marchandises du Nord, bois, fer, tout arrive là facilement. La guerre n'est pas un obstacle pour construire à Anvers. Si nous étions trois ans en guerre, il faudrait là construire vingt-cinq vaisseaux. Partout ailleurs cela est impossible. Il nous faut une marine, et nous ne pourrons être censés en avoir une que lorsque nous aurons cent vaisseaux. Il faut les avoir en cinq ans. Si, comme je le pense,

Juin 1804.

l'insuffisance des équipages par de jeunes soldats choisis dans les régiments, lesquels, exercés au canonnage et aux basses manœuvres, pourraient compléter d'une manière avantageuse l'armement des vaisseaux. L'amiral Ganteaume avait déjà essayé cette mesure à Brest, et il s'en était bien trouvé. Il se louait beaucoup de ces marins empruntés à la terre, surtout pour l'artillerie. Seulement il avait demandé qu'on lui donnât non pas des soldats faits, qui se prêtaient avec répugnance à une seconde éducation, mais de jeunes conscrits, qui,

on peut construire des vaisseaux au Havre, il faut en faire mettre deux en construction. Il faut aussi s'occuper d'en mettre deux nouveaux à Rochefort et deux autres à Toulon. Je crois que, ces derniers, il faut les faire tous les quatre à trois ponts.

Je désirerais aussi avoir mes idées fixées sur le port de Dunkerque. Je désire que vous me fassiez une petite note pour savoir combien la mer monte à la laisse de basse mer.

La flottille va bientôt être construite partout. Il faut donc qu'à Nantes, Bordeaux, Honfleur, Dieppe, Saint-Malo, etc., on donne de l'occupation à cette grande quantité d'ouvriers. Il faut donc mettre en construction des frégates, des gabares, des bricks. Il faut, sous le point de vue d'esprit public, que les ouvriers des côtes ne meurent point de faim, et que les départements qui bordent la mer, qui ont été les moins favorables à la Révolution, s'aperçoivent ainsi que le temps viendra où la mer sera aussi notre domaine. Saint-Domingue nous coùtait deux millions par mois; les Anglais l'ont prise, il faut mettre les deux millions par mois rien que pour des constructions. Mon intention est d'y mettre la même activité que pour la flottille, hormis que, n'étant point pressé, on y mettra plus d'ordre. Je ne suis point pressé sur l'époque, mais je demande que l'on commence beaucoup.

Je vous prie de me présenter la semaine prochaine un rapport qui me fasse connaître la situation actuelle de notre marine, de nos constructions, ce qu'il faudrait construire, dans quels ports, et ce que cela coûterait par mois, en partant du principe que j'aime mieux que vous mettiez dix-huit mois à faire un vaisseau et que vous me fassiez le tiers de plus.

n'ayant rien appris, étaient plus aptes à apprendre ce qu'on voulait leur enseigner, et se montraient plus dociles. On les essayait d'ailleurs, et on ne gardait que ceux qui montraient du goût pour la mer. On était ainsi parvenu à augmenter d'un quart ou d'un cinquième la masse totale des matelots.

La France avait alors environ 45 mille matelots disponibles : 15 mille sur la flottille, 12 mille à Brest, 4 à 5 mille entre Lorient et Rochefort, 4 mille entre le Ferrol et Cadix, environ 8 mille à Toulon, sans compter quelques milliers dans

Quant aux vaisseaux, je voudrais les construire sur le même plan, les frégates sur le modèle de l'Hortense ou de la Cornélie, qui paraissent bonnes; pour les vaisseaux, prendre les meilleurs vaisseaux, et partout faire des vaisseaux de 80 et à trois ponts, hormis à Anvers, où il me paraît plus prudent de commencer d'abord par des vaisseaux de 74.

Juin 1804

Au ministre de la marine.

Saint-Cloud, 28 avril 1804 (8 floréal an XII).

Je signe aujourd'hui un arrêté relatif aux constructions. Je n'admettrai aucune espèce d'excuse. Faites-vous rendre compte deux fois par semaine des ordres que vous donnez, et veillez à leur exécution : s'il faut des mesures extraordinaires, faites-le-moi connaître. Je n'admettrai aucune raison valable, car avec une bonne administration je ferais trente vaisseaux de ligne en France en un an, si cela était nécessaire. Dans un pays comme la France, on doit faire tout ce que l'on veut. Il ne vous échappera pas que mon intention est de commencer beaucoup de constructions, hormis à Brest, où je ne veux plus rien construire. Mon intention est d'avoir à l'eau avant vendémiaire an XIV vingt-six vaisseaux de guerre bien entendu que ladite mise à l'eau dépendra surtout du cas où d'ici à ce temps-là nous aurions la paix. Mais désormais tous les vaisseaux de 74 doivent être faits à Anvers. C'est à Anvers que doit être notre grand chantier. C'est là seulement que devient possible en peu d'années la restauration de la marine française.

Avant l'an xv nous devons avoir cent vaisseaux de guerre.

Juin 1804.

Traité avec Gênes

pour créer

dans ce port.

l'Inde. On pouvait ajouter 12 mille hommes, 15 mille peut-être, à cette force totale, ce qui allait porter à 60 mille le nombre d'hommes embarqués. La flotte seule de Brest avait reçu une addition de 4 mille conscrits. On s'en louait beaucoup. Si de telles escadres avaient pu naviguer un certain temps sous de bons officiers, elles auraient bientôt valu les escadres anglaises. Mais, bloquées dans les ports, elles n'avaient aucune pratique de la mer; et les amiraux manquaient en outre de la confiance qu'on n'acquiert qu'avec la victoire. Cependant tout marchait sous l'influence d'une volonté puissante, qui s'efforçait de rendre la confiance à ceux qui l'avaient perdue. L'amiral Latouche ne négligeait rien à Toulon pour être prêt en juillet ou août. L'amiral Ganteaume sortait de Brest, et y rentrait pour former quelque peu ses équipages, et tenir les Anglais dans un doute continuel sur ses projets. A force de les menacer de sa sortie, il devait les jeter dans une incrédulité, dont il pourrait profiter un jour.

Napoléon songeait à un nouveau supplément pour sa force navale, et voulait dans ce but s'approprier une marine la marine de Gênes. Il pensait qu'avec une escadre de sept à huit vaisseaux et de quelques frégates dans ce port, il partagerait l'attention des Anglais entre Toulon et Gênes, les obligerait à entretenir une double flotte d'observation dans cette mer, ou bien à lui laisser l'un des deux ports libres, quand l'autre serait bloqué. Il enjoignit à M. Salicetti, notre ministre à Gênes, de conclure avec cette République

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