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séquent à une classification purement artificielle : telles sont la malléabilité, la propriété de décomposer l'eau, et celle d'être oxidables à l'air à une température déterminée, et réductibles par la seule action du calorique à une température plus élevée. On remarque, en effet, des analogies aussi nombreuses que parfaitement caractérisées entre des métaux malléables et décomposant l'eau, et d'autres qui sont privés de ces deux propriétés, l'étain et l'antimoine, par exemple, dans la première série, le fer et le cobalt dans la seconde, etc. A l'égard du dernier caractère, il réunit le double inconvénient de rapprocher des corps qui diffèrent par presque toutes les autres propriétés, comme le nickel et le plomb, ou le mercure et l'osmium, et de présenter la plus grande difficulté lorsqu'on veut déterminer avec certitude les métaux auxquels il appartient, puisqu'il n'est pas sûr que les deux premiers des quatre corps que nous venons de citer offrent en effet cette propriété, et que, d'un autre côté, on ne peut guère, d'après l'observation déjà citée de M. Vauquelin, la refuser à l'argent, quoiqu'on ne le compte pas ordinairement parmi les métaux qui en jouissent. Il est aisé de conclure de ces diverses observations que la nature des combinaisons que l'oxigène forme avec les divers corps simples fournit des caractères plus ou moins importans, qui peuvent servir dans beaucoup de cas, pour les réunir ou les séparer conformément à leurs analogies naturelles; mais que toute classification fondée uniquement sur cette seule sorte de caractère est nécessairement artificielle, et ne peut être pour la chimie que ce que le système de Linné a été pour la botanique. On a abandonné la méthode de ce grand naturaliste sans

que sa gloire en ait souffert, parce qu'avec cet instrument imparfait il a fait faire à l'histoire naturelle des végé– taux plus de progrès qu'aucun de ses prédécesseurs. On pourrait comparer, à plusieurs égards, ses travaux à ceux des chimistes qui ont récemment perfectionné la classification artificielle des corps simples;. leurs méthodes auront puissamment contribué aux progrès de la science dont ils se sont occupés, en disposant tous les faits dans un ordre qui en facilitât l'étude, en conduisant même par là à en découvrir de nouveaux ; mais la marche irrésistible des sciences vers leur véritable but, la connaissance la plus complète possible des lois de la nature, amènera nécessairement l'adoption d'une classification naturelle dans la chimie, comme elle l'a amenée dans les autres branches des sciences physiques.

(La suite à un des Numéros prochains.)

Sur les Combinaisons de l'Azote avec l'Oxigène.

Lu à l'Académie des Sciences le 13 mai 1816.

PAR M. GAY-LUSSAC.

J'ai déjà publié dans le Recueil de la Société d'Arcueil, vol. 11, p. 215 et 235, des observations sur les combinaisons de l'oxigène avec l'azote et le gaz nitreux. Guidé principalement par les analyses de M. Davy et par la loi des combinaisons gazeuses, j'avais essayé de fixer les proportions de l'oxide d'azote, du gaz nitreux, de l'acide nitrique et de la vapeur nitreuse, plus exactement qu'on

ne l'avait fait jusqu'alors. En réduisant en volume les
proportions en poids de l'acide nitrique, données par
M. Davy, j'avais trouvé que cet acide est composé de
100 parties d'azote et de 200 d'oxigène; et comme j'a-
vais reconnu que le gaz nitreux renferme des volumes
égaux de ces deux gaz, j'avais conclu que l'acide qui se
produit par l'absorption de 100 parties d'oxigène et
200 ce gaz nitreux était de l'acide nitrique; et, par
suite, que celui qui se produit par la combinaison de
100 parties d'oxigène avec 300 de gaz nitreux était la va-
peu
nitreuse ou l'acide nitreux. Mais ces résultats ne
son point exacts, et ils ont été critiqués par M. Dalton,
qu, à son tour, a cru assigner les véritables proportions
de acides nitreux et nitrique (New System of Chemis-
try, part. 11, p. 555). M. Davy s'est aussi occupé de nou-
vau des combinaisons nitreuses; et, avant de rapporter
mes observations, il ne sera pas inutile de faire con-
naître l'opinion des deux célèbres physiciens anglais.

M. Dalton admet trois acides formés par. le gaz nitreux et l'oxigène :

1°. L'acide nitrique ordinaire formé, suivant lui, de 100 parties de gaz oxigène et de 180 de gaz nitreux; 2o. L'acide nitreux formé du double de gaz nitreux, . ou de 360 parties;

3o. Un acide nouveau contenant plus d'oxigène que l'acide nitrique, qu'il désigne par le nom d'acide oxinitrique, et qui résulte de la combinaison de 100 parties de gaz oxigène avec 130 de gaz nitreux. (Même ouvrage, p. 364.)

Selon M. Davy, il n'y a que deux acides formés par l'azote et l'oxigène. Il est porté à croire que « l'acide ob

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<< tenu sur l'eau par la condensation des mélanges du gaz << nitreux et de l'oxigène n'est jamais entièrement saturé << d'oxigène, et que le fluide pâle, appelé acide nitri«< que, résulte de la combinaison de l'eau avec 100 par« ties d'oxigène et 133 de gaz nitreux. » (Elements of Chem. philosophy, vol. 1, p. 261.) D'après des expériences qu'il a faites dans des ballons de verre, sans le contact de l'eau, il regarde l'acide nitreux comme composé de 100 parties d'oxigène et 200 de gaz nitreux, condensées environ de moitié; et il assure n'avoir jamaispu obtenir un acide nitreux liquide, fortement coloé, contenant plus de 200 parties de gaz nitreux contre oo d'oxigène, quoique j'aie avancé le contraire (page 26). Ce résultat est évidemment en contradiction avec ceai qu'il annonce à la page 261, que le gaz oxigène pet absorber de deux à trois fois son volume de gaz nitreu:; mais je ne discuterai pas dans ce moment les opiniors de MM. Dalton et Davy; je présenterai d'abord quelques. observations détachées, et j'examinerai ensuite les combinaisons du gaz oxigène avec le gaz nitreux.

On obtient ordinairement l'acide nitrique à son maximum de densité en décomposant le nitre fondu par l'acide sulfurique concentré; mais on peut l'obtenir encore par le moyen suivant : J'ai distillé un mélange de quatre parties d'acide sulfurique et de une d'acide nitrique, dont la densité était 1,3032 à la température de 15o, et le liquide que j'ai recueilli avait une densité égale à 1,499; ce dernier, distillé de nouveau avec la même proportion d'acide sulfurique, a acquis celle de 1,510 à la température de 18°, qui est la plus grande que l'on connaisse à l'acide nitrique.

Dans cet état de concentration, l'acide nitrique se décompose à la lumière, ou même par la chaleur, avec une extrême facilité si on l'étend d'une certaine quantité d'eau, la lumière ne lui fait plus éprouver aucune altération; mais la chaleur, pourvu qu'elle soit suffisamment élevée, le décompose toujours. J'ai exposé au soleil, pendant un mois, de l'acide nitrique dont la densité était 1,3235, et il n'a subi aucun changement : ce même acide est devenu vert en le saturant de nitreux. Un autre acide, dont la densité était 1,4071, s'est décomposé promptement au soleil et est devenu jaune. En général, il n'y a que l'acide nitrique, pouvant devenir jaune en se combinant avec le gaz nitreux, qui se décompose à la lumière; mais les acides les plus faibles peuvent éprouver la même altération lorsqu'on les mêle avec une certaine quantité d'acide sulfurique concentré.

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gaz

On sait qu'en ajoutant de l'eau à de l'acide nitreux jaune, on le fait passer au vert, puis au bleu, et qu'enfin il devient incolore. Je me suis assuré qu'on peut le ramener du bleu au vert et du vert au jaune par l'addition de l'acide sulfurique ou de l'acide nitrique concentrés.

L'action d'une forte dissolution de potasse sur le gaz nitreux m'a présenté un effet très-remarquable. Ayant mis ces deux corps en contact sur le mercure, j'ai trouvé, au bout de trois mois, que le gaz nitreux était changé én oxide d'azote, et que la potasse avait formé des cristaux irréguliers, qui, à ce qu'il m'a paru, contenaient de l'acide nitreux. 100 parties de gaz nitreux ont laissé 25 parties d'oxide d'azote; ce qui prouverait que l'acide nitreux formé était composé de 100 parties d'azote et de 150 d'oxigène.

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