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Regles pour impofer les Pénitences.

Es Confeffeurs doivent user ici d'une grande prudence, & implorer l'Esprit de Dieu pour impofer des fatisfactions salutaires, convenables & proportionnées, tant au nombre & à la qualité des crimes, qu'à l'état & à la fituation de leurs Pénitens, perfuadés que s'ils les traitent avec trop d'indulgence, fe contentant de leur enjoindre de légeres pénitences pour des péchés énormes, ils fe rendront eux-mêmes participans & refponfables devant Dieu, des crimes de ceux qu'ils conduifent.

Pour s'acquitter d'un devoir fi important, ils auront premierement égard à la qualité des crimes, à l'ef pece, au nombre, & aux circonftances qui les rendent plus ou moins griefs car, généralement parlant, plus les péchés font grands, & plus grand eft leur nombre, plus auffi la pénitence doit être rigoureufe. Ils la proportionneront, autant qu'il leur fera poffible, à la nature du péché. Pour cet effet, ils ordonneront à ceux qui font fujets à l'impureté, des œuvres qui affligent la chair, comme de jeûner, de porter le cilice, de coucher fur la dure, ou de faire quelque autre macération corporelle. Ils prefcriront à ceux qui font des excès de bouche, de jeûner, de ne boire que de l'eau à certains jours, ou d'en mettre beaucoup dans leur vin, d'éviter les feftins & les cabarêts: à ceux qui blaf phêment ou jurent en vain le faint nom de Dieu, de le prier tous les jours à certains temps, de fe profterner le vifage contre terre, de faire

fouvent des actes de contrition : à ceux qui ont pris le bien d'autrui, d'ajouter à la reftitution à laquelle ils font obligés, à titre de justice, des aumônes felon leur pouvoir: aux orgueilleux, de s'exercer à des œu vres humiliantes: aux perfonnes tiédes & indévotes, d'affifter aux divins Offices & aux Inftructions, de faire de bonnes lectures, & de fréquenter les Sacremens.

Ils doivent encore avoir égard à l'état, au fexe, aux forces & à l'âge des Pénitens, afin de ne leur pas impofer des pénitences qui leur feroient impratiquables, ou ne leur conviendroient pas : ainfi, ils éviteront de prefcrire des aumônes confidérables à des pauvres ou à des enfans de famille: d'ordonner des jeûnes à des femmes enceintes, à des nourrices, à des perfonnes d'un tempérament foible, ou à ceux qui ne pourroient fupporter leur travail en jeûnant. On peut imposer des pénitences plus légeres à ceux qui font paroître une douleur extraordinaire de leurs péchés, ou qui ont accompli d'euxmêmes avec ferveur des œuvres laborieufes, pour se disposer à en recevoir l'abfolution.

Il faut auffi compatir à propos à la foibleffe de certains Pénitens qui témoignent un defir fincere de converfion, mais qui courroient rifque de fe décourager, fi on leur impofoit de rudes pénitences; pour lors, il vaudroit mieux en adoucir la rigueur, ou du moins les commuer en d'autres œuvres plus faciles, mais qui leur feroient prefcrites pour un plus long.

all,

temps: on pourroit, par exemple, leur ordonner pour fix mois, pour un ou plus, de faire tous les jours un acte de contrition, de baiser la terre, de réciter le Pfeaume Miferere, de penfer, en fe couchant, à la mort, aux peines de l'enfer, de vifiter le Saint Sacrement une ou deux fois par femaine, de vaquer tous les jours, pendant quelque temps, à la lecture Ipirituelle, de fe confeffer tous les mois ou plus fouvent, de vifiter les hô pitaux où les pauvres malades, de faire de temps en temps des aumônes proportionnées à leurs facultés, de s'abftenir du jeu ou des affemblées, de fe priver dans leur repas de quelque chofe qui puiffe flatter leur goût, ou leur impofer d'autres pratiques femblables & proportionnées à l'énormité des péchés qu'ils ont confefsés.

Lorfquele Confeffeur croira devoir modérer ainfi la févérité de la pénitence, il aura foin d'avertir fon Pénitent que ses crimes en méritent une bien plus rigoureufe, de lui repréfenter les travaux longs & pénibles auxquels l'Eglife affujettiffoit autrefois ceux qui avoient commis de femblables crimes, de l'exhorter à fuppléer par fa ferveur à cette ancienne rigueur de la difcipline, s'efforçant de multiplier fes bonnes œuvres, ayant recours aux Indulgences de l'Eglife dans les difpofitions qu'elle de fire, faifant un faint ufage des peines de fon état, les offrant fouvent à Dieu pour l'expiation de fes péchés, & les uniffant aux fouffrances de Jefus-Chrift.

vertus contraires, ou d'autres œuvres qui puiffent contribuer à les guérir de leurs mauvaises habitudes, ou les obliger à fe tenir fur leur garde. Il ordonnera, par exemple, à ceux qui jurent en vain, ou qui proferent des paroles infâmes, de baiser la terre, ou de faire une certaine aumône toutes les fois qu'ils s'appercevront d'y être tombés à ceux qui ont : coutume de s'enivrer, de fe priver de vin le lendemain ou un certain nombre de jours pour chaque fois : aux impudiques, de aux impudiques, de porter le cilice, ou de faire quelque autre macération corporelle: ils ordonneront pareillement des remedes convenables pour détruire les autres habitudes.

Le Prêtre faifant tout à la fois la fonction de Médecin & de Juge doit imposer des pénitences, qui en fatisfaifant pour le péché, fervent de préservatif pour ne le plus commettre. Pour cet effet, il prefcrira à ceux qui retombent fouvent dans les mêmes fautes des actes des

Les Confeffeurs ne pourront impofer librement aux Pénitens des fatisfactions proportionnées à leurs crimes, ni maintenir l'autorité qui leur eft néceffaire pour remplir les autres devoirs du Miniftere, s'ils n'évitent jufqu'au moindre foupçon d'avarice. C'eft pourquoi il leur eft défendu d'exiger d'eux, à l'occafion de la Confef fion, de l'argent ou quelqu'autre chofe que ce foit, par parole ou par figne, directement ou indirectement, pour eux ou pour leur Monaftere. Il feroit à craindre qu'on les crût intérefsés,s'ils ordonnoient communément de faire dire des Meffes: cependant, il pourroit arriver qu'ils euffent des railons particulieres pour imposer à quelques-uns cette pénitence; & pour lors, ils fe garderont bien de fe les attirer, ou de les procurer à la Communauté dont ils font Membres.

Ils uferont de la même réferve en prescrivant des aumônes, & en ordonnant d'appliquer en œuvres pies des dettes incertaines. Surtout, ils fe fouviendront qu'ils deshonoreroient leur Miniftere par une cupidité fordide, s'ils abufoient de la confiance.

de leurs Pénitens, fains ou malades, les follicitant à difpofer par teftament en leur faveur, ou pour le profit de leur Monaftere. Ils ne doivent pas même confentir facilement de faire par leurs mains les reftitutions auxquelles leurs Pénitens font obligés; & lorfqu'ils croiront devoir s'en charger, ils auront foin de retirer une reconnoiflance par écrit de ceux à qui ils auront payé, pour la repréfenter au Pénitent.

L'Apôtre avertit fon difciple de reprendre devant tout le monde, ceux qui pêchent publiquement, afin que les autres foient retenus par la crainte de la confufion. Pour réduire cet avis en pratique, il faut impofer une pénitence publique & proportionnée au crime, à ceux qui ont commis des défordres fi publics & fi crians, qu'on ne peut douter que ceux qui en ont été témoins, n'en aient été (candalisés & faifis d'horreur. Ces pécheurs font obligés de fe foumettre à cette conduite, pour édifier, par l'éclat de leur converfion, ceux qu'ils ont entraînés dans le mal par leur mauvais exemple.

Il faut néanmoins diftinguer la pé. nitence folemnelle de celle qui eft fimplement publique. On entend par la premiere, celle qui a été pratiquée pendant plufieurs fiecles, & dont il refte encore des veftiges en quelques Diocèfes le jour des Cendres, auquel l'Evêque chaffe les Pénitens de l'Egli

fe, en les tenant exclus jusqu'au Jeudi Saint, auquel jour il leur donne l'ab folution folemnelle. L'Evêque feul peut impofer cette pénitence, auffi bien que celle qui feroit infolite & extraordinaire, comme feroit de re fter à la porte de l'Eglife avec un cierge à la main, d'affifter à une Proceffion les pieds nuds & en habit de Pénitent, &c. Ces fortes de pénitences faifant beaucoup d'éclat dans le public, il feroit dangereux d'abandonner indifféremment ce point de difcipline à tous les Confeffeurs, & elles ne doivent jamais être imposées fans notre confentement exprès, ou de nos Vicaires Généraux.

Quant à la pénitence publique ordinaire,telle que feroit de demander pardon publiquement à ceux qu'on auroit publiquement outragés ou fcandalisés, de marquer en préfence de témains le regret de fa faute, d'en faire une rétractation publique, qui confifte dans la pratique des actes des vertus contraires, &c. tout Confeffeur peut & doit l'exiger des pécheurs publics, & les obliger de réparer par cette voie le scandale qu'ils ont donné. Cette conduite doit même être obfervée à l'égard des malades qui ont fcandalisé le public par leurs défordres, & la feule impuiffance pourroit les difpenfer d'en témoigner extérieurement leur repentir en présence de témoins.

L'IND

Des. Indulgences.

'INDULGENCE eft la rémiffion de la peine temporelle qui refte due pour les péchés déja pardonnés quant à la coulpe & quant à la peine éternelle; rémiffion accor

dée hors le tribunal de la Pénitence, par ceux à qui Jesus-Chrift a laissé la difpenfation du tréfor spirituel de fon Eglife.

Ce tréfor eft formé principalement

de

de la Satisfaction infiniment furabondante de Jefus-Chrift; à quoi l'on ajoute les mérites & les œuvres de la Sainte Vierge, qui, n'ayant jamais commis aucun péché, même véniel, n'a pas eu befoin pour elle des œuvres fatisfactoires qu'elle a faites pendant la vie. Il comprend auffi les fatisfactions des Saints, qui, par leurs pénitences, ont furpassé la peine qui étoit dûe aux péchés qu'ils pouvoient avoir commis; la bonté de Dieu voulant bien, en faveur des plus pieux de fes Serviteurs, fe laiffer Hléchir envers les autres. Ainfi, pour gagner les Indulgences,il faut s'unir en efprit aux larmes, aux gémiffemens, aux mortifications, aux travaux, aux fouffrances de la Sainte Vierge, de tous les Martyrs & de tous les Saints, & fur- tout à l'agonie, aux délaiffemens, enfin, à la Paffion & au Sacrifice de Jefus-Chrift, en qui & par qui feul toutes les fatisfactions & bonnes œuvres des Saints font acceptées par fon Pere.

Il eft de foi que l'Eglife, à qui Jefus-Chrift a donné la puiffance de lier & de délier, a le pouvoir d'accorder des Indulgences. Elle a usé de ce pouvoir dès les premiers temps, & l'ufage ne peut en êrre que trèsfalutaire au peuple Chrétien. De peur néanmoins que la difcipline eccléfiaf tique ne foit énervée par une exceffive facilité, la difpenfation des Indulgences doit être faite avec modération, & pour de juftes raifons. C'est aux Souverains Pontifes & aux Evêques, à qui il appartient d'accorder des Indulgences.

Les Indulgences font ou perpétuelles ou feulement pour un temps, pendant lequel on peut les gagner, & elles ceffent quand il eft expiré. Il eft à remarquer que les Indulgences que les fouverains Pontifes accordent pour fept ans, commenI. Partie.

cent à courir, non pas du jour de la publication des Indulgences, mais du jour de la date du Bref par lequel elles font accordées.

On diftingue encore deux fortes d'Indulgences; les unes font Plé nieres, qui remettent toute la peine temporelle due au péché ; les autres ne font pas Plénieres,& ne remettent qu'une partie de cette peine.

Entre les Indulgences plénieres, celle du Jubilé eft la plus confidérable. Les Souverains Pontifes ne l'accordent que dans certains temps, dans quelques occafions particulieres, & à certaines conditions marquées par leurs Bulles.

Ce feroit une erreur très - dangereufe de croire que l'intention de l'Eglife foit de nous décharger, par l'Indulgence, de l'obligation de fatisfaire à Dieu; au contraire, l'efprit de l'Eglife eft de n'accorder cette grace qu'à ceux qui le mettent en devoir de fatisfaire de leur côté à la Juftice divine, autant que l'infirmité humaine le permet; l'Indulgence ne laiffe pourtant pas d'être fort néceffaire en cet état; puifque, ayant tout fujet de croire que nous fommes bien éloignés d'avoir fatisfait à nos obligations à cet égard, nous ferions trop ennemis de nous-mêmes, fi nous n'avions recours aux graces & à l'Indulgence de l'Eglife. En un mot, l'efprit de l'Eglife, dans la difpenfation des Indulgences, n'eft pas de diminuer le zèle qui doit nous porter à venger fur nous la Justice de Dieu, offensće par nos péchés, mais d'aider les hommes de bonne volonté, & de fuppléer à leur foibleffe.

Les Confeffeurs auront foin de fe fouvenir que la premiere condition. & effentielle pour pouvoir gagner l'Indulgence, même celle du Jubilé, eft d'être vraiment pénitent. Cette grace ne s'accorde jamais, que verè

pænitentibus & contritis. Le Jubilé ne peut donc être un motif fuffifant pour accorder l'abfolution à ceux qui n'ont pas une vraie contrition de leurs fautes; mais les Confeffeurs doivent la leur différer, jufqu'à ce qu'ils les trouvent fuffifamment difposés: pour lors, quoique le temps du Jubilé foit expiré, ils leur en accorderont la grace, avec celle de l'abfolution. Pour ne pas paffer les bornes des pouvoirs qui leur font accordés pendant le Jubilé, ils doivent lire avec attention la Bulle du Pape & notre Mandement, & s'y conformer en tout avec exactitude.

Les Curés inftruiront fouvent les peuples de la vertu des Indulgences & des difpofitions néceffaires pour les gagner; ils tacheront de les faire entrer dans cet efprit de ferveur fi conforme à l'Evangile & à toute l'antiquité; ils travailleront avec zele à déraciner les fuperftitions & les abus qui fe trouvent fouvent au fujet des Indulgences, dans le peuple groffier & peu inftruit; enfin, ils doivent fçavoir qu'il eft très-étroitement défendu à tous Prêtres Séculiers & Ré

guliers, exempts & non exempts, de publier aucune Indulgence fans notre permiffion par écrit.

De l'Abfolution.

'EST particuliérement ici que les Prêtres ont befoin d'une prudence toute célefte, pour ufer de la double puiflance que Jefus-Chrift leur a donnée, de lier & de délier, de retenir les péchés & de les remettre, & pour garder un fi jufte milieu, fuivant les maximes d'un ancien Concile Romain, que les méchans ne puiffent fe louer de l'excès de leur facilité, & que ceux qui font vrai ment pénitens, ne puiffent fe plaindre de leur trop grande févérité.

On ne pourroit donc approuver la dureté immodérée de ceux qui, pour toutes fortes de péchés, differeroient l'Abfolution, lors même que les Pénitens feroient fuffifamment difpofés; qui les rebuteroient par un délai également imprudent & injufte; qui regarderoient comme un ordre de Jefus-Chrift, & comme une obligation fondée fur la nature du péché & de la pénitence, la pratique de faire toujours accomplir, en tout ou en partie, la fatis

faction avant l'abfolution. Mais ont ne doit pas moins blâmer la trop grande facilité de ceux qui fe feroient une loi d'abfoudre prefque indifferemment tous les pécheurs qu'ils entendroient, & qui, par une conduite si relâchée, favoriferoient les rechûtes, & tueroient les ames au lieu de les guérir de leurs plaies.

Voici les principaux cas dans lefquels quels on doit refuser ou différer l'abfolution, conformément aux regles que faint Charles prefcrit dans fes Inftructions aux Confeffeurs.

1o, A tous ceux qui ignorent les principaux Myfteres de la Foi, les Commandemens de Dieu & de l'Eglife, les difpofitions néceflaires pour s'approcher des Sacremens, ou qui ne font point fuffisamment inftruits de la Religion, fuivant leur obligation & leur capacité, & ne font point difpofés à s'en inftruire au plutôt. S'ils promettent d'apporter les foins néceffaires pour s'en faire inftruire, le Confeffeur examinera s'ils n'ont pas

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