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de l'île d'Elbe, que le vent mollit, la mer devint calme ; à la pointe du jour on n'avait fait que six lieues, et l'on était encore entre les îles d'Elbe et de Capraïa, en vue des croisières.

Le péril paraissait imminent; plusieurs marins étaient d'avis de retourner à PortoFerrajo. L'Empereur ordonna de continuer la navigation, ayant pour ressource, en dernier événement, de s'emparer de la croisière française. Sa force était de deux frégates et d'un brick; mais tout ce qu'on savait de l'attachement des équipages à la gloire nationale ne permettait pas de douter un instant qu'ils arboreraient le pavillon tricolore, et se rangeraient de notre côté. Le lendemain, vers midi, le vent fraîchit un peu; à quatre heures on se trouva à la hauteur de Li

vourne; une frégate paraissait à cinq lieues

sous le vent; une autre était sur les côtes de Corse, et de loin un bâtiment de guerre venait droit, vent arrière, à la rencontre de la flottille.

A six heures du soir, le brick que montait l'Empereur se croisa avec un brick qu'on reconnut être le Zéphir, commandé parle capitaine Andrieux, officieraussi distingué par ses talens que par son véritable patriotisme. Aussitôt qu'on avait aperçu ce bâtiment on avaitfait quelques préparatifs de combat, mais sans bastinguer; seulement les sabords avaient été ôtés, les pièces chargées. S. M. disait, laissons approcher, et s'il attaque nous sauterons à l'abordage; mais quand on l'eut reconnu on crut devoir parler d'abord, et lui faire arborer le pavillon tricolore ; toutefois l'Empereur ordonna aux soldats de la garde d'ôter leurs bonnets et de se cacher sur le pont, préférant passer à côté du brick sans se faire reconnaître, et se réservant le parti de le faire changer de pavillon, si l'on était obligé d'y revenir. Les deux bricks passèrent bord à bord; le lieutenant de vaisseau Taillade, officier de la marine française, était trèsconnu du capitaine Andrieux, et dès que

l'on fut à portée on parlementa. On demanda au capitaine Andrieux où il allait ; il répondit à Livourne : il demanda à son tour quelle route tenait le brick l'Inconstant; on lui répondit que s'il avait quelque commission pour Gênes on s'en chargerait avec plaisir. Il remercia, s'excusa sur le peu de temps qu'il avait de ne pouvoir se rendre à l'offre qui lui fut faite de communiquer, et finit par demander comment se portait l'Empereur. A merveille, fut la réponse; et les deux bricks, allant en sens contraire, furent bientôt hors de vue, sans que le capitaine Andrieux se doutât de ce que portait ce frêle bâtiment, et quelle voix lui avait répondu.

Dans la nuit du 27 au 28 le vent continua de fraîchir. A la pointe du jour on reconnut un bâtiment de 74, qui avait l'air de se diriger ou sur Saint-Florent ou sur la Sardaigne. On ne tarda pas à s'apercevoir que ce bâtiment ne s'occupait pas du brick.

En route, S. M. avait annoncé à ses

soldats qu'elle décorait de la croix d'honneur tous ceux d'entr'eux, qui, partis avec elle de Fontainebleau, comptaient quatre années de service.

Peu après l'Empereur fit assembler tous les fourriers des compagnies, et leur dicta ses belles proclamations au peuple français et à l'armée. Ensuite tous ceux qui savaient écrire, officiers, soldats, se mirent à les copier. En traçant certains souvenirs, S. M. disait que ses yeux étaient dessillés, et que dorénavant elle verrait clair.

Pendant une partie de la traversée les soldats se demandaient : Allons-nous d'abord à Naples? retournons-nous tout de suite en France? Quand ils virent le brick s'approcher des parages de France, et prendre la routé de la Provence, leur joie ne connut plus de bornes.

Le 28, à sept heures du matin, on découvrit les côtes de Noli; à midi, Antibes. A trois heures, le premier mars, la

flottille entra dans le golfe de Juan.

Près de débarquer, l'Empereur jeta lui-même, et fit jeter à tous les soldats, la cocarde de l'île d'Elbe, et la cocarde tricolore fut arborée aux cris de vive l'Empereur ! vive la France!

S. M. ordonna qu'un capitaine de la garde avec vingt-cinq hommes débarquât avant les troupes qui étaient dans le brick, pour s'assurer de la batterie de côte s'il en existait une. Ce capitaine conçut, de son chef, l'idée de faire changer de cocarde au bataillon qui était dans Antibes. Il se jeta imprudemment dans la place. L'officier qui y commandait pour le roi fit lever les ponts - levis et fermer les portes sa troupe prit les armes; mais elle sut respecter et ces vieux soldats et leur cocarde qu'elle chérissait. Cependant l'opération du capitaine échoua, et les hommes restèrent prisonniers dans Antibes.

A cinq heures après midi, le débar

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