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tant l'arme sous le bras. Me voilà, reconnaissez-moi, leur dit-il. S'il est parmi vous un soldat qui veuille tuer son Empereur, il peut le faire. Le cri unanime de vive l'Empereur ! fut leur réponse. Ce brave régiment avait été sous les ordres de S. M. dès les premières campagnes d'Italie. La garde et les soldats s'embrassèrent (1).

Les soldats du 5e. arrachèrent sur-lechamp leur cocarde blanche, et prirent avec enthousiasme et la larme à l'oeil celle tricolore. Lorsqu'ils furent rangés en bataille, l'Empereur dit :

(1) A la revue du 26 mars, aux Tuileries, S. M. devant plus de vingt mille hommes remercia ces braves qui passèrent devant lui :

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« Je dois témoigner ma reconnaissance au brave bataillon du cinquième et à cette compagnie de mineurs qui, placés dans un défilé, vinrent en entier se ranger autour de leur Empereur, qui seul s'offrait à leurs coups. »> (Discours de l'Empereur.)

« Je viens avec une poignée de braves,

» parce que je compte sur le peuple et

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sur vous. Le trône des Bourbons est

illégitime, puisqu'il n'a pas été élevé » par la nation. Il est contraire à la vo>> lonté nationale, puisqu'il est contraire » aux intérêts de notre pays, et qu'il

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n'existe que dans l'intérêt de quelques >> familles.

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» Demandez à vos pères, interrogez » tous ces habitans qui arrivent ici, des » environs ; vous apprendrez de leur pro» pre bouche la véritable situation des

» choses : ils sont menacés du retour des

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dîmes, des priviléges, des droits féodaux, >>et de tous les abus dont vos succès les » avaient délivrés. N'est-il pas vrai, »'paysans? »

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-Oui, Sire, répondent-ils tous d'un cri unanime: on voulait nous attacher >>. à la terre ; vous venez comme l'ange du » Seigneur pour nous sauver. »

Les braves du bataillon du 5° demandèrent à marcher les premiers sur la di

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vision qui couvrait Grenoble : on se mit en route au milieu d'une foule d'habitans qui s'augmentait encore à chaque instant.

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Vizille (1) se distingua par son enthousiasme. « C'est ici qu'est née la révolution, » disaient ces bonnes gens; c'est nous qui, » les premiers, avons osé réclamer les priviléges des hommes; c'est encore ici » que ressuscite la liberté française, et » que la France recouvre son honneur et

» son indépendance.

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Quelque fatigué que fût l'Empereur, il voulut entrer, le soir même (6 mars) dans Grenoble.

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Cependant une garnison nombreuse rassemblée dans cette ville, s'était encore renforcée des 7° et 11e régimens de ligne, プ arrivés de Chambéri, et du 4o de hussards, qui avait quitté sa garnison de Vienne. Quelques tentatives pour engager dans une entreprise à laquelle ceux qui étaient

(1) Bourg à trois lieues de Grenoble.

chargés de donner des ordres ne s'associaient peut-être qu'à regret, furent inutiles. La population entière se portait sur les remparts et dans les lieux publics, entraînée par ses voeux et ses espérances; on ne doutait pas que l'entrée de S. M. n'eût lieu ce même jour.

Elle tardait trop au gré de ses soldats, et ses soldats coururent au-devant d'elle. A quatre heures après midi, le 7o régiment sortit de la ville, ayant à sa tête le colonel Henri de la Bedoyère; profondément navré du déshonneur qui couvrait la France, ce régiment prouvait ainsi, un des premiers, qu'une année d'opprobre n'avait point flétri le coeur des soldats, et que les braves ne reconnaissent pour leur chef que celui qui est capable de les conduire à la victoire.

S. M. était entre Vizille et Grenoble, quand le jeune adjudant - major du septième de ligne vint lui annoncer que le quatrième régiment d'hussards, son colonel en tête, venait à sa rencontre au

pas accéléré; une demi-heure après, ces généreux escadrons doublaient la force des troupes impériales.

La nuit arriva, et le résultat de ces événemens paraissait devoir encore être attendu jusqu'au lendemain. On avait fait rentrer les troupes dans Grenoble, et les portes de la ville furent fermées. Les remparts étaient occupés par le troisième régiment du génie, composé de deux mille sapeurs, tous vieux soldats couverts d'honorables blessures; par le onzième de ligne, les deux autres bataillons du cinquième, et par le quatrième d'artillerie de ligne, ce même régiment où, vingtcinq ans auparavant, l'Empereur avait été fait capitaine; la garde nationale et la population entière de Grenoble étaient placées derrière la garnison.

A huit heures et demie, une avantgarde de lanciers Polonais se présente à la porte de Bonne; presqu'aussitôt l'Empereur fait son entrée dans le faubourg.

La porte de Bonne était fermée; le gé

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