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c'était un père qui revoyait ses enfans. Déjà de toutes parts se déployaient une activité, une industrie jusqu'alor inconnues aux Elbois. Dès l'arrivée de S. M., son influence s'était répandue sur tout ce qui l'approchait ; on eût dit qu'une autre atmosphère enveloppait l'île ; de belles routes étaient tracées; les rocs commençaient à s'applanir; le palais, les casernes à s'élever. Le souverain seul était partout, présidait à tout. Nombre de ses gueriers s'associèrent de leur plein gré à ses travaux ; ils s'unirent aux ouvriers ; ils érigeaient, ils brisaient le roc avec eux. Semblables aux soldats des consuls et des Césars, à qui nous devons ces belles voies romaines, ces termes, ces aquéducs hardis, dont les débris imposans impriment encore tant de respect au voyageur; ces grenadiers, naguère si terribles, quittant le glaive pour saisir l'équerre, le pic ou le ciseau, se trouvaient dédommagés de leurs fatigues volontaires, par le bonheur,

disaient-ils, de voir plus souvent, d'avoir tous les jours au milieu d'eux, le grand homme qu'ils chérissaient.

Lorsque l'Empereur rencontra la princesse Pauline aux environs de Fréjus, la santé de cette soeur qu'il aimait était tellement altérée, que les médecins, malgré les instances les plus vives, ne voulurent pas lui permettre de s'embarquer avec S. M...

Alors le capitaine anglais s'était engagé à venir plus tard prendre la princesse, pour la conduire à Porto-Ferrajo; le jour avait même été fixé ; mais la frégate ayant tardé vingt-quatre heures, l'impatience de la princesse Pauline ne lui permit pas. d'attendre plus long-temps, et elle profita d'un navire napolitain pour faire la traversée.

Cette première fois, S. M. ne garda que deux jours la princesse sa soeur. Madame mère n'était pas encore arrivée; mais dans les premiers jours d'août, l'Empereur eut le bonheur de posséder Madame mère, et,

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depuis elle demeura toujours auprès de lui.

La fête de S. M., le 15 août, fut célé brée avec dés transports difficiles à décrire. L'empressement curieux, la gaieté peu bruyante des Elbois contrastaient d'une manière piquante avec la joie plus expansive, mieux sentie de ces soldats de la garde, si doux, si tranquilles dans la paix, et contre lesquels jamais une plainte ne s'éleva de la part des habitans.

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Que de ménagemens apportaient ces estimables militaires, pour modérer cette impatience, ce désir inquiet et tourmentant de tout voir, et d'être en quelque sorte dans plusieurs lieux à la fois, qui semblait avoir modifié le caractère naturellement indolent des Elbois! Ce mobile si actif, si puissant dans la jeunesse des deux sexes, acquérait une force nouvelle encore chez ces hommes simples, jusqu'alors peu habitués à des fêtes, à des jeux publics, et pour qui cette solennité offrait un spectacle entièrement neuf.

La ville donnait un bal à l'Empereur et à sa garde; les principaux citoyens, les dames les plus distinguées du pays étaient invités. Sur la grande place de PortoFerrajo, on avait construit une vaste salle élégamment ornée; cette salle fut laissée ouverte de tous les côtés, parce que S. M. exprima le désir que tout le peuple prît part à la fêté.

Un très-beau feu d'artifice avait été préparé par les artilleurs de la garde. Le terrain où l'on devait le tirer étant encombré de constructions, dans la crainte de quelques accidens, S. M. remit le feu d'artifice et la fête qu'elle voulait rendre à la ville, pour l'arrivée de l'impératrice Marie-Louise et du prince leur fils.

Dans le courant de septembre, une frégate napolitaine ramena, pour la seconde fois, la princesse Pauline, qui ne quitta plus alors Madame mère et l'Empereur. Son arrivée fut un jour de fête pour tous les habitans; sa présence une source

d'agrémens et de jouissances pour la cour et les dames de Porto - Ferrajo; de jolis bals, des concerts, la comédie varièrent l'emploi des soirées, et contribuèrent à resserrer encore les liens de devoir et d'affection déjà formés depuis long-temps,

Les journées de l'Empereur s'écoulaient ainsi dans les plus douces occupations ; toutes ses heures étaient remplies. Cette inaltérable activité, qu'en d'autres temps il appliquait aux plus vastes conceptions du génie, il l'employait alors à l'étude, à l'embellissement du séjour qu'il se créait. La santé de S. M. fut toujours parfaite. Le matin elle s'enfermait dans sa bibliothèque; quelquefois, souvent même, elle se levait avant le jour, travaillait depuis trois heures du matin jusqu'à sept ou huit, et se recouchait alors; dans la matinée elle sortait et visitait tous les travaux; presque toujours elle était au milieu de ses ouvriers, qui, comme on l'a vu, comptaient parmi eux beaucoup

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