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de soldats de la garde. Deux architectes italiens, l'un vieux et l'autre jeune, M. Bargili, romain; M. Belarini, toscan, traçaient, d'après les ordres, les plans des constructions arrêtées; mais il leur faisait tellement changer leurs dispositions, d'après ses idées, qu'il dévenait en quelque sorte le créateur de leurs conceptions, et le seul et unique architecte.

Presque tous les jours, quelque temps qu'il fit, S. M. allait se promener à sa maison de campagne de Saint-Martin, aux environs de Porto-Ferrajo. Là, comme à la ville, l'Empereur ne dédaignait pas de s'occuper de l'administration intérieure de sa maison, se faisait rendre un compte exact de tout, et entrait jusque dans les moindres détails d'économie domestique ou rurále.

Souvent, après déjeuner, il passait la revue de sa petite armée. Il exigeait la plus grande régularité dans les exercices et dans les manoeuvres ; il tenait surtout

à ce que personne ne manquât aux devoirs de la discipline la plus sévère.

C'était après cette revue qu'il montait à cheval pour ses promenades du matin. Dans son escorte peu nombreuse, parmi ses principaux officiers on distinguait le maréchal Bertrand et le général Drouot, qui ne le quittaient presque jamais. En route, S. M. donnait audience à tous ceux qu'elle rencontrait. Elle écoutait toutes les réclamations, de quelque nature qu'elles fussent, et ne quittait jamais personne sans avoir satisfait à sa demande. Elle rentrait ensuite dîner. Tous ceux qui étaient admis à sa table étaient reçus avec un air de franchise, de cordialité et d'aisance parfaites. L'Empereur semblait avoir trouvé le secret, sans rien perdre de sa dignité, de devenir simple particulier au milieu des particuliers, et autour de lui la conversation avait toute la liberté et tout l'abandon dont on aurait pu jouir à une table d'hôte.

Lorsque l'Empereur recevait la visite de quelque étranger de marque, ce qui arrivait souvent, il l'accueillait avec la même familiarité et la même grâce, S. M. semblait principalement ambitionper de prouver que les coups de l'adversité ne l'avaient point changée.

· Il parlait aux philosophes et aux savans de l'Institut, de l'Académie royale de Londres, et des découvertes faites de nos jours dans les hautes sciences, la chimie, le galvanisme, l'électricité. Il félicitait les riches propriétaires anglais sur l'excellence de leur agriculture et sur la libéralité des lois de leur pays; enfin il entretenait les militaires des Mémoires historiques qu'il écrivait sur ses campagnes.

Les soirées se passaient en famille. Parmi les personnes de la ville qui étaient le plus habituellement reçues, se voyaient le maire, l'intendant de l'île, le chambellan Vantini.

Les comtes Bertrand, Drouot, les autres

principaux officiers de la garde ou de la maison de S. M., partageaient, sous ses ordres, les diverses fonctions qu'elle leur distribuait; et, pleins de reconnaissance ou d'admiration pour tout ce qu'ils lui voyaient entreprendre de bon, d'utile, s'empressaient de le seconder de tous leurs moyens.

Telle était la manière de vivre de l'Empereur, et elle était connue des moindres habitans de l'île; elle était l'objet de tous les entretiens. Les récits que les plus illustres voyageurs en faisaient dans leurs cours, ce que les journaux étrangers en publiaient, avait contribué, en forçant à admirer la noble simplicité du souverain de l'île d'Elbe, à inspirer à ses gardiens la sécurité la plus absolue..

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Dioclétien, dans son jardin de Salone, Charles-Quint, au monastère de SaintJust, offrirent-ils un plus grand exemple aux méditations des publicistes et des philosophes ?

Ce qui fut entrepris et achevé de travaux

en dix mois est inconcevable : l'imagination a de la peine à se les rappeler tous; et cependant comment se refuser au désir d'en tracer au moins la partie la plus saillante, quelque peu d'ordre qu'il soit possible d'apporter en ce moment à la classification de tant d'objets ?

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Le palais de S. M. était situé sur un rocher, entre le fort Falcone et le fort de l'Etoile, dans le bastion des Moulins. A son arrivée il consistait en deux pavillons principaux, qui servaient de logement aux officiers supérieurs du génie et de l'artillerie.

L'Empereur fit décorer l'intérieur des deux pavillons, et élever le corps-de-logis qui les réunissait. Ce fut lui qui donna les plans, arrêta les distributions inté rieures, régla jusqu'aux détails, jusqu'à la forme des ornemens d'une superbe salle qui tenait tout le milieu. De ses fenêtres il dominait tellement le pays, qu'il voyait tout ce qui se passait dans la ville, et qu'aucun bâtiment, quelque petit qu'il

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