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la maison de campagne de S. M. Au temps des vendanges ils parcouraient les coteaux, et s'informaient, auprès des payà qui les vignes appartenaient. — A l'Empereur. A l'Empereur! ah bien ! ce sont les nôtres ; et ils vendangeaient gaiement à sa place.

S. M., que le comte Bertrand instruisait de tout ce qui se passait, s'amusait beaucoup de ces prétentions comiques, et disait en riant qu'ils avaient raison.

Mais de toutes les visites que recevait S. M., celles qui flattaient le plus son coeur, celles qui devaient bientôt réveiller dans son sein la grande pensée à qui nous devrons la plus belle moitié de son histoire, c'étaient les visites ou plutôt les fréquentes arrivées d'un nombre considérable d'officiers italiens, français,. polonais, qui accouraient lui offrir leurs services. -Je n'ai, leur disaitil, ni places ni grades à vous offrir. - Nous servirons comme soldats. - Je

n'ai plus les moyens de vous payer.

Nous vivrons à nos dépens. Et ils restaient, servant comme grenadiers dans la vieille garde; et ils sont maintenant à Paris, au milieu de nous. Je voudrais pouvoir les nommer tous; qu'il me soit du moins permis de citer le capitaine de cavalerie Folasse, autrefois aide-decamp du général Octave, à Naples, et qui est entré à Paris dans les rangs, portant le havresac comme un simple grenadier.

Que faisait alors en France celte minorité audacieuse dont les chefs s'étaient élancés devant le coursier d'Alexandre, pour lui demander un Bourbon (1)? Que

(1) Des princes faibles, imposés par l'étranger, devenus étrangers eux-mêmes à nos lois à nos mœurs, ont tenté, pendant un interrègne de onze mois, de nous ramener au temps de la féodalité. Ils déguisaient mal leurs vues sous le

faisait cette autre portion plus considé→ rable de la nation, qui s'était rattachée en apparence au parti dominateur? Que faisait surtout cette majorité de citoyens de toutes les classes, amis de la paix, de l'humanité, véritables Français, pour qui tout ordre de choses qui éloignait du territoire les armées dévastatrices des alliés, offrait du moins une compensation, une espèce de bonheur en perspective, enfin le repos après l'orage?

Guerre à la pensée était la devise des premiers; de l'or, des honneurs, le cri des seconds; et le nom de patrie dans la

manteau de quelques idées libérales qui n'étaient que dans leur bouche; mais ce qu'ils n'ont pu déguiser, c'est cette poignée d'hommes attachés à leur cause, minorité effrayante qui les a laissé voir presque seuls, fuyant une patrie qui, pour la seconde fois, les repousse de son sein.

(Lettre du ministre de l'intérieur aux préfets. )

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bouche des autres était déjà proscrit, comme le signal de la révolte contre l'autorité d'anciens maîtres qui venaient de rentrer dans toute la plénitude de leurs droits. L'orgueil, les prétentions, les antiques haines, les vengeances récentes se laissaient voir dans tout le désordre de leur nudité dégoûtante; on ne cherchait plus à se cacher. Tous les yeux étaient dessillés ; la pensée, reportée avec effroi vers l'avenir, la pensée, tourmentée du présent, était ramenée vers l'illusion du passé; et cette illusion s'était évanouie au premier rayon de clarté.

Au nom du peuple entier, un sénat sans pouvoir avait fabriqué à la hâte une espèce de constitution; et tout ce qu'il y avait d'âmes généreuses s'était indigné ou plutôt avait ri de pitié en voyant les pères de la patrie commencer par se faire eux-mêmes leur part de revenus, d'honneurs et de puistant pour eux que pour leurs héri

sance,

tiers (1). Le besoin tout puissant de fermer les plaies récentes de la France imposa un silence religieux aux vrais citoyens. Quelques bases, d'ailleurs, quelques principes d'une vérité incontestable, d'une nécessité absolue, rassuraient les esprits, les raffermissaient contre les apréhensions trop fondées de voir dans peu les promesses royales constamment violées.

Un prince du sang des Bourbons, un prince accueilli, avec une joie immodé

(1) Dans sa séance du 4 avril 1814, le Sénat, après avoir arrêté qu'un gouvernement provisoire serait établi, et nommé les cinq membres qui devaient le composer, adopta pour premier article: Que le Sénat et le Corps législatif seraient déclarés partie intégrante de la Constitution projetée. Et le 7 avril, par un des articles arrêtés, la dignité de sénateur'est déclarée inamovible et héréditaire de male en male par primogéniture. Les dotations du Sénat, des sénatories leur appartiennent. Les revenus en doivent être partagés également entre eux.

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