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rée, par ces dehors aimables, par ces mots spirituels dont l'effet est toujours certain sur l'imagination des Français, était parvenu à faire oublier ce traité inconsidéré qui livrait aux puissances rivales nos places fortes, nos vaisseaux nos arsenaux, et un matériel de plus de quatre milliards.

Cependant le plus beau jour de la restauration avait lui sur la capitale ; toutes les espérances se pressaient au - devant d'un monarque à cheveux blancs, frère long-temps proscrit d'une auguste victime de ces tempêtes politiques qui de loin en loin bouleversent le monde civilisé; à ses côtés il offrait aux plus touchans souvenirs cette royale orpheline, qui, troublée encore par l'image du passé, s'avançait en frémissant aux bords du cratère mal éteint, au milieu duquel se relevait le trône de Charlemagne et de Louis XIV; des larmes roulaient dans tous les yeux, les coeurs suffisaient à peine aux émotions les plus profondes.

Pourquoi se sont-ils si promptement fanés, ces lis qui jonchaient les rues ; ces fleurs semées à pleines mains devant les coursiers des Bourbons, devant le char qui portait leur chef vénérable? pourquoi les âmes dilatées, les coeurs si promptement épanouis, se sont-ils flétris, resserrés subitement? Qu'on le demande aux conseillers imprudens d'un monarque trop faible sans doute, et dont les intentions paternelles..... Il est des erreurs que le malheur rend sacrées.

L'abus des idées de liberté avait enfanté l'hydre de la révolution; par un abus contraire, l'on voulut remettre en vigueur ces systèmes énervés d'esclavage et de féodalité que les lumières du siècle avaient fait proscrire de la France, et qui, dans peu, disparaîtront de l'Europe entière.

Ce jeune héritier des Czars, qui ne parut au milieu des Français que pour se montrer grand et généreux, l'Empereur de Russie avait dit en plein sénat, qu'il était juste et sage de donner à la

France des institutions libérales, et qui fussent en rapport avec les lumières actuelles; (1) mais ces pensées généreuses n'étaient ni dans les principes, ni dans les intérêts de cette caste privilégiée, rentrée à la suite du souverain, ou ralliée autour de sa personne.

La constitution (2) préparée par le sé

(1) Il s'exprima en ces termes dans l'audience qu'il donna aux grands corps de l'Etat, le 2 avril 1814.

(2) Par l'Acte constitutionnel du 7 avril, la monarchie est héréditaire, et Louis XVIII est rappelé au trône.

La noblesse ancienne reprend ses titres. La nouvelle conserve les siens héréditaires. La Légion d'honneur est maintenue avec ses prérogatives.

Les sénateurs sont nommés par le roi. Leur dignité est inamovible et héréditaire de mâle en mâle, par primogénitare.

Les dotations du sénat à des sénatories leur appartiennent. Les revenus en sont partagés également entre eux.

nat devait être soumise à l'acceptation du peuple français; Louis-Stanislas-Xavier

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Les militaires en activité, les officiers et soldats en retraite, les veuves et les officiers pensionnés conservent leurs grades, leurs honneurs, leurs pensions.

La liberté des cultes et des consciences est garantie.

Les ministres des cultes sont également traités et protégés.

La liberté de la presse est entière, sauf la répression légale des délits qui pourraient résulter de l'abus de cette liberté......

La dette publique est garantie.

Les ventes des domaines nationaux sont irrévocablement maintenues.

Aucun Français ne peut être recherché pour les opinions ou votes qu'il a pu émettre.

Tous les Français sont également admissibles à tous les emplois civils et militaires. La présente Constitution sera soumise à l'acceptation du peuple français, dans la forme qui sera réglée.

Louis-Stanislas-Xavier sera proclamé roi des

ne pouvait être proclamé roi des Français qu'après avoir accepté la Constitution, et juré de l'observer; c'était en prêtant luimême ce serment qu'il devait recevoir le serment de fidélité de son peuple ; une simple charte constitutionnelle est octroyée par le monarque, qui revient sans prendre d'engagemens formels; au lieu de roi des Français, il se fait nommer roi de France; il était rappelé par là 'nation, du moins il était censé l'avoir été, et ses premières ordonnances apprenment à la nation étonnée que, depuis dix-neuf ans que nous avions cru nous être donné des lois, un gouvernement, un souverain de notre choix, le seul roi

Français aussitôt qu'il aura juré et signé par un acte portant: J'accepte la Constitution, je jure de l'observer et de la faire observer. Ce serment sera réitéré dans la solennité où il recevra le serment de fidélité des Français.

(Suivent les signatures de soixante-quatre sénateurs, parmi lesquels plus de dix n'étaient pas français.)

F

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