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l'inexpérience, tout le ridicule étaient du côté de la vieillesse, et qu'elle seule présentait le scandale de transports condamnables et de provocations dangereuses.

Au milieu de tant d'affections divergentes, d'intérêts croisés, de passions haineuses, le roi, toujours doux, conciliant; pilote, sans autorité, du vaisseau de l'état à moitié désemparé par la tempête, contrarié sans cesse dans ses manoeuvres par l'équipage même qui devait le seconder; le roi, qui par trop de bonté peut-être manquait de la persévérance, de l'opiniâtreté nécessaires dans un danger si pressant; en un mot, du vou loir royal d'un Charlemagne ou d'un Louis XIV; se fatiguait en pure perte à rapprocher les esprits, à réparer les fautes commises. Il consolait, autant qu'il était én sa puissance, les guerriers impatiens des avanies qu'un jeune duc faisait journellement à des soldats dont il eût dû être l'ami aussi bien que le guide. Avec ces à-propos heureux qui suffisent dans

une bouche royale à la réparation d'un outrage, tantôt en donnant avec la croix de son aïeul des épaulettes de colonel au major à qui les siennes avaient été arrachées, tantôt en rendant une épée, il calmait l'indignation, il satisfaisait à l'honneur blessé.

Efforts superflus! déjà trois partis se prononçaient dans sa cour; déjà les royalistes purs gourmandaient les constitu→ tionnels des bruits avaient circulé qu'on voulait enlever le monarque, le contraindre d'abdiquer, mettre à sa place un prince plus ferme, et qui ferait rentrer l'antique noblesse dans tous ses droits héréditaires.

Des membres en délire d'un parlement anéanti depuis tant d'années, n'avaientils pas porté l'oubli des principes jusqu'à refuser au roi la faculté d'accorder une constitution au peuple français? ne s'étaient-ils pas avisés de protester contre tous les actes du pouvoir souverain? Aveuglés au point d'ignorer encore au commencement du dix-neuvième siècle, que la

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majorité reconnue d'une nation, dans tous les lieux, dans tous les temps, tient de la nature et de l'organisation sociale le droit indestructible, inaliénable, de se donner le gouvernement qui lui convient le mieux. Selon eux, plus d'obstacles, plus de remises. Les chambres dont la session avait été terminée ne devaient plus être assemblées. Les parlemens du royaume allaient reprendre leurs fonctions. Tout rentrait dans l'ordre; et c'était pour le fixer à jamais, que la hainé ou la terreur des partis en présence accréditaient la détermination funèbre de laver dans le sang des forfaits que le ciel n'avait point pardonnés.

Ondes rapides du Rhône, rives longtemps paisibles de la Loire, vous fûtes de nouveau ensanglantées ; et ces sicaires noctambules, dont le fils de Henri ré prouvait le zèle coupable, attachaient à leur association de bourreaux, le nom divin du législateur des chrétiens, de ce Dieu de clémence et de bonté qui ne parla

jamais aux hommes que le langage consolant de l'humanité et de la justice:

Les insensés! dans l'espoir déplorable de reconstruire au sein des ténèbres la nef lourde et gothique des préjugés et des abus, ils arrachaient chaque jour une pierre de l'édifice social réédifié par le génie de la lumière, cimenté par tant de sang; et ils ne songeaient pas que ses dernières assises arrêtaient le char révolutionnaire prêt à rouler sur eux pour les écraser.

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C'en était fait des belles destinées du grand peuple: cette torpeur avilissante que des institutions surannées répandaient depuis si long-temps autour d'elles, se communiquait déjà de proche en proche aux autres classes de la nation. Les hommes énergiques disparaissaient, s'exilaient volontairement. Chaque jour diminuait leur nombre. Dans nos places, à nos prome nades, une autre espèce d'hommes, aux formes plus exiguës, aux cerveaux rétrécis, paraissaient comme récemment

sortis du sein de la terre pour s'emparer de nos riches dépouilles, et se partager les nobles trophées de nos victoires. Leurs affections, leurs idées, leurs mœurs, jusqu'à leur langage, tout était nouveau pour nous. On eut dit qu'une race de pygmées venait de succéder à la race de l'Hercule celtique.

Sous un gouvernement dont les membres n'avaient pu s'élever à la hauteur de leur siècle; sous un ministère inepte autant qu'ombrageux, qui ne travaillait qu'à anéantir les titres immortels de nos victoires, et qui s'occupait sans relâche à ramener les préjugés du 12e siècle chez la nation la plus éclairée de l'Europe, la France était humiliée et semblait perdre sa splendeur. Devenue tributaire des peuples qu'elle avait vaincus, elle était abaissée au point d'être crue incapable d'un élan généreux. Mais il n'est pas aussi facile que quelques gens ont paru le croire, de faire rétrograder l'espèce humaine, Devait-on présumer qu'il fût éteint

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