Page images
PDF
EPUB

un exposé des considérations qui, sous ce dernier rapport, ont dirigé les mesures des cabinets. Il suffira de rappeler que l'homme, qui, en offrant aujourd'hui de sanctionner le traité de Paris, prétend substituer sa garantie à celle d'un souverain dont la loyauté était sans tache et la bienveillance sans mesure, est le même qui, pendant quinze ans, a ravagé et bouleversé la terre pour trouver de quoi satisfaire son ambition, qui a sacrifié des millions de victimes et le bonheur d'une génération entière à un système de conquêtes, que des trèves, peu dignes du nom de paix, n'ont rendu que plus accablant et plus odieux; (1) qui, après avoir, par des entreprises insensées, fatigué la fortune, armé toute l'Europe contre lui, et épuisé tous les moyens de la France, a été forcé d'abandonner ses projets et a abdiqué son pouvoir pour sauver quelques débris de son existence; qui dans un moment où les nations de l'Europe se livraient à l'espoir d'une tranquillité durable, a médité de nouvelles catastrophes et par une double perfidie envers les puissances qui l'avaient trop généreusement épargné et envers un gouvernement qu'il ne pouvait atteindre que par les plus noires trahisons, a usurpé un trône auquel il avait renoncé, et qu'il n'avait jamais occupé que pour le malheur de la France et du monde. Cet homme n'a d'autre garantie à proposer à l'Europe que sa parole. Après la cruelle expérience de quinze années, qui aurait le courage d'accepter cette garantie? et si la nation française a réellement embrassé sa cause, qui respecterait davantage la caution qu'elle pourrait offrir?

(1) La commission croit devoir ajouter ici l'observation importante que la plus grande partie des envahissemens et des réunions forcées, dont Bonaparte a successivement formé ce qu'il appelait le grand-empire; a eu lieu pendant ces perfides intervalles de paix, plus funestes à l'europe que les guerres même dont elle fut tourmentée. C'est ainsi qu'il s'empara du Piémont, de Parme, de Gênes, de Lucques, des Etats de Rome, de la Hollande, des pays composant la trente-deuxième division militaire. Ce fut aussi dans une époque de paix (au moins avec tout le continent) qu'il porta ses premiers coups contre le Portugal et l'Espagne, et il crut avoir acheté la conquête de ces pays par la ruse et par l'audace, lorsque le patriotisme et l'énergie des peuples de la Peninsule l'entraînèrent dans une guerre sanglante, commencement de sa chûte et du salut de l'Europe.

La paix avec un gouvernement placé entre de telles mains et composé de tels élémens, ne serait qu'un état perpétuel d'incertitude, d'anxiété et de danger. Aucune puissance ne pouvant effectivement désarmer, les peuples ne jouiraient d'aucun des avantages d'une véritable pacification; ils seraient écrasés de charges de toute espèce; la confiance ne pouvant se rétablir nulle part, l'industrie et le commerce languiraient par-tout; rien ne serait stable dans les relations politiques; un sombre mécontentement planerait sur tous les pays, et du jour au lendemain l'Europe en alarme s'attendrait à une nouvelle explosion. Les souverains n'ont certainement pas méconnu l'intérêt de leurs peuples en jugeant qu'une guerre ouverte, avec tous ses inconvéniens et tous ses sacrifices, est préférable à un pareil état de choses, et les mesures qu'ils ont adoptées ont remontré l'approbation générale.

L'opinion de l'Europe s'est prononcée dans cette grande occasion d'une manière bien positive et bien solennelle. Jamais les vrais sentimens des peuples n'ont pu être plus. exactement connus et plus fidèlement interprétés que dans un moment où les représentans de toutes les puissances se trouvaient réunis pour consolider la paix du monde.

TROISIÈME QUESTION.

Est-il nécessaire de publier une nouvelle déclaration?

Les observations que la commission vient de présenter, fournissent la réponse à la dernière question qui lui reste à examiner, elle considère :

1°. Que la déclaration du 15 mars a été dictée aux puissances par des motifs d'une justice si évidente et d'un poids si décisif, qu'aucun des sephismes par lesquels on a prétendu attaquer cette déclaration, ne saurait y porter atteinte.

2°. Que ces motifs subsistent dans toute leur force, et que les changemens survenus de fait depuis la déclaration du 15 mars, n'en ont point opéré dans la position de Bonaparte et de la France, vis à-vis des puissances.

5°. Que l'offre de ratifier le traité de Paris, ne saurait, sous aucun rapport, changer les dispositions des puissances. En conséquence, la commission est d'avis qu'il serait inutile d'émettre une nouvelle déclaration.

Les plénipotentiaires des puissances qui ont signé le traité de Paris, et qui, comme telles, sont responsables de son

exécution vis-à-vis des puissances accédantes, ayant pris en délibération et sanctionné par leur approbation le rapport précédent, ont résolu qu'il serait donné communication du procès-verbal de ce jour aux plénipotentiaires des autres cours royales. Ils ont arrêté en outre que l'extrait du susdit procès-verbal sera rendu public.

Suivent les signatures dans l'ordre alphabétique des cours : Autriche........ Le prince de Metternich, le baron de Wessemberg.

Espagne..

P. Gomez-Labrador.

France......... Le prince de Talleyrand, le duc de Dalberg, le comte Alexis de Noailles.

Grande-Bretagne. Clancarty, Cathcart, Stewart.
Portugal........ Le comte de Palmella, Saldana, Lobo.

Prusse.

Le prince de Hardenberg, le baron de
Humbold.

Russie......... Le comte de Razoumowsky, le comte de
Stakelbberg, le comte de Nesselrode.
Le comte Lowenhielm.

Suède..

Les plénipotentiaires soussignés, approuvant en totalité les principes contenus dans le présent extrait du procès-verbal, y ont apposé leur signature.

Vienne, le 12 mai 1815.

Bavière....

Le comte de Rechberg.

Danemarck..... Le comte Bernstorff, J. Dernstorff.

Hanovre....

Le comte de Munster, le comie de Har denberg.

Pays-Bas....... Le baron de Spaen, le baron de Gagern. Sardaigne...... Le Marquis de Saint-Marsan, le comte Rossi.

Saxe....

... Le comte de Schullenbourg.

Siciles (Deux).. Le commandeur Ruffo.

Wurtemberg... Le comte de Wintzingerode, le baron de Linden.

N° VIII.

Paris, le 16 avril 1815.

A S. Ex. le Prince de Metternich, etc., etc.

Prince,

Le système d'entraves qui s'attache à interrompre toute communication entre la France et les autres gouvernemens, a forcé l'Empereur à faire connaître, par la voie de l'impression, les démarches qu'il a faites pour convaincre tous les souverains de l'intention où il est de maintenir la paix de Paris, et les obstacles qu'on a par-tout opposés à la transmission de ses pacifiques assurances. Ces interdictions ne peuvent pas atteindre la notoriété publique, et la vérité passe à travers toutes les barrières. Votre excellence connaît ainsi inaintenant l'état de la France et les dispositions de l'Empereur. L'état de la France est celui d'un calme parfait dans l'intérieur, d'un dévoûment sans bornes à Sa Majesté, et d'une exaltation démesurée contre toute menace d'intervention étrangère. On pourrait dire que ce dernier sentiment est celui sur-tout qui domine tous les autres; il réunit dans la main de l'Empereur toutes les forces matérielles et morales de la nation. Le vœu sincère de Sa Majesté est de n'avoir pas besoin d'en faire usage, et de conserver la paix à la France, sans qu'il soit nécessaire de l'acheter par aucun sacrifice. Sa Majesté ne peut croire que ce même désir du maintien de la paix ne soit pas aussi dans le cœur de S. M. l'empereur d'Autriche, et c'est cette conviction qui a déterminé son empressement à écrire la lettre dans nos journaux, à défaut de voies plus délicates qui nous sont refusées, auront donné connaisSance à S. M. impériale et royale. Vous aurez vu pareillement, Prince, celle que j'ai eu l'honneur de vous adresser aussi le 4 de ce mois. Une autre lettre non moins importante a été écrite par Sa Majesté à son auguste beau-père, et cette lettre, dont était porteur M. le comte de Flahaut, n'a pu également arriver à sa destination. L'objet en est encore d'une nature plus sensible pour l'âme de Sa Majesté, puisqu'il tient à tout ce qu'elle a de plus cher, son épouse et son fils. Il serait difficile de justifier

par

l'espèce de blocus formé autour de nous, pour séquestrer la France du reste du monde. Cependant, la disparité étrange des événemens du 1er mars, à ceux du 20 du même mois est dans le monde politique un si prodigieux phénomène, que les puissances ont pu être emportées, comme malgré elles et par la force de ces circonstances surhumaines, à des mesures qui sortent de tous les principes du droit, de toutes les règles de l'usage des nations; mais il est une loi plus sacrée que toutes celles établies par les peuples et par les gouvernemens, une loi antérieure à toutes les organisations sociales, la loi de la nature, la loi de famille, et cette loi sacrée, ce n'est point par 8. M. l'empereur d'Autriche, par le meilleur des époux, par le plus tendre des pères qu'elle peut être méconnue. L'Empereur écrit de nouveau à Sa Majesté, et sa lettre sera remise à votre excellence la même personne qui est chargée de celle-ci. Les sentimens de l'Empereur doivent, Prince, vous être maintenant bien connus: il désire le bonheur de la France, il désire le maintien de la paix, il désire le retour de son épousé et de son fils. I ne craint pas de révéler hautement tous ces vœux de son âme, et la nation française s'y associe avec lui. L'accord parfait de la France avec son souverain, l'acceptation trèsprochaine d'une constitution libérale qui va le fortifier encore, en offrant au peuple et au monarque une mutuelle garantie, l'énergie du sentiment national qui en est déjà la suite, et qui double toutes les forces du gouvernement, ne permettent pas de se méprendre sur les motifs du prix que met Sa Majesté à se voir replacée dans les rapports d'une heureuse intelligence avec tous les cabinets, et sur tout avec celui de S. M. l'empereur d'Autriche. Il serait superflu d'en dire plus à la raison éclairée de votre excellence. La sagesse de son jugement ne peut manquer d'apercevoir les résultats qu'un nouveau choc pourrait avoir pour l'ensemble de l'équilibre général.

Je saisis avec empressement cette occasion de vous renouveler, Prince, l'assurance de la haute considération avec laquelle je suis,

De votre excellence,

Le très-humble et très-obéissant serviteur.

« PreviousContinue »