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respirer librement, en voyant leurs droits sanctionnés pár le traité de Paris. Voilà les titres sur lesquels Bonaparte fonde son droit à la couronne de France, et ses prétentions de la recouvrer: il se voit soutenu par la partie démoralisée de la nation, au plus grand désespoir de la plus saine partie qui soupire après le bonheur de vivre sous le sceptre du juste, du clément Louis XVIII.

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Du moment où les efforts de la fidélité et de la valeur de l'Espagne, aidés par ceux des autres puissances, étaient parvenus à briser les chaines qui m'attachèrent à Valançay, je partis de cet endroit pour me rendre au milieu de mes sujets, comme un père au milieu de ses enfans. Espagnols! au plaisir de me voir au milieu de vous, se réunissaient la résolution et le doux espoir de réparer par une longue paix les maux causés par la guerre la plus dévastatrice et la plus sanglante. Rien ne m'affligeait, si ce n'est la difficulté de l'entreprise. La guerre avait dépeuplé les provinces, converti en déserts les terres les plus fertiles, anéanti le commerce affaibli les arts industriels, corrompu les meurs, porté atteinte à la religion et énervé les lois. Quels objets, de quelle importance, et combien dignes d'occuper l'attention d'un souverain, qui n'est pas venu au monde pour lui-même, mais pour travailler à la prospérité des peuples que la divine providence a confiés à ses soins et à sa vigiTance. Ah! qu'il faut peu de tem's pour détruire l'ouvrage de plusieurs siècles, et combien de difficultés ne trouve-t-on pas à le réparer ! Je m'étais promis de les vaincre toutes à force de persévérance, à l'aide d'une paix durable et par les soins d'un gouvernement paternel protégé par la providence; mais ses suprêmes et incompréhensibles desseins ont permis à Bonaparte de revenir pour troubler l'Europe et pour s'en déclarer l'ennemi, en violant le traité de Paris; ainsi, la nouvelle guerre provoquée par lui a pour objet le maintien des principes éternels de bon ordre, qui justifient les démarches des cabinets et affranchissent les alliés de toute responsabilité.

Le bonheur et les avantages de la France, ainsi que la tranquillité générale, voilà l'objet de ces transactions; c'est pour cela que les alliés avaient, rétabli sur son trône la dy

nastie dépouillée; qu'ils y avaient placé Louis XVIII, le juste, le désiré de ses peuples, le conciliateur, le pacifique ; qu'ils avaient délivré le monde d'un conquérant qui, ne connaissant d'autre gloire que celle de la guerre, avait ruiné la France pour porter la dévastation au sein des nations qu'il a voulu subjuguer.

Enfin la guerre, provoquée par l'agression de Bonaparte, se trouve justifiée, non seulement par l'obligation imposée à tout souverain de maintenir ses garanties et ses alliances, mais encore par les devoirs sacrés que lui impose l'établissement des souverainetés.

La guerre est un mal affreux ; aucun gouvernement ne doit la commencer, si ce n'est pour sauver ses peuples de calamités encore plus grandes que la guerre elle-même. Voilà le cas, Espagnols, où nous nous trouvons. Après son agression contre la France et son souverain légitime, après avoir violé. le traité qu'il avait signé, Buonaparte prétend qu'il n'a fait tort à personne; qu'il a recouvré ses droits légitimes; que les. souverains ne pourront pas mettre ses droits en question; et qu'il veut vivre en paix avec tous le monde. Ce n'est pas la paix que demande cet usurpateur; au contraire, il cherche à se débarrasser de la surveillance des étrangers, pour employer la partie armée de la nation française, contre la partie plus grande et plus saine, mais qui se trouve sans armes. Pour ne négliger aucune espèce d'insulte, il veut qu'on croye que son intention est de travailler à la paix et à la prospérité de l'Europe; comme si l'Europe avait pu oublier que dès le moment où il prit les rênes du pouvoir, elle a vu constamment se renouveler les guerres les plus terribles, s'épuiser les sources de la prospérité publique dans tous les pays. soumis à son influence; où comme si elle pouvait tomber dans l'absurdité de s'imaginer Buonaparte capable d'abandonner les maximes qu'il a invariablement observées.

L'Espagne n'a besoin de demander conseil à personne; elle en a reçu d'assez instructifs, en se détrompant d'une manière si funeste. Buonaparte l'a affligée de deux espèces de guerre; jusqu'à l'an 1808, il l'a fit à la dignité, aux trésors, aux escadres, et aux armées de l'Espagne, en les faisant servir à ses desseins; voilà ce que cet allié exterminateur appela

sen amitié. Et afin que personne ne se fiât aux assurances de sa reconnaissance, il mit en oeuvre la même année, à Bayonne, les machinations bien connues du public; et ensuite pour maintenir l'ouvrage le plus atroce de perfidie et de violence, il répandit la dévastation et le carnage sur les provinces de cette nation, et la traita comme une propriété libre, dont le maître peut disposer en faveur de qui bon lui semble, et à des conditions de son choix. Buonaparte ne s'est pas démenti ; il signale sa nouvelle époque, en sacrifiant à sa vanité le souverain légitime et adoré de la France, ainsi que la liberté de cette puissance, en ce qu'il se met à la tête d'une faction intéressée à ne pas faire cesser les malheurs de l'humanité. Buònaparte, dans la capitale de la France, dit à toutes les nations: vous ne m'avez pas cru; dans les pacifications précédentes vous avez transigé avec vos intérêts les plus précieux, et avec vos devoirs les plus sacrés, pour acheter la tranquillité des peuples, et ceux-ci ont été trompés. Buonaparte dans la rési dence du trône français, dit à tous les souverains : dans d'autres tems, et malgré votre conviction, vous avez reconnu mes droits usurpés; vous m'avez permis de me placer dans vos rangs, et le résultat en a été de nourrir ma vanité et mon ambition. Enfin, Buonaparte dit à tout le monde : Toutes ces complaisances ont été méprisées par un homme sans foi et sans loi; de sorte qu'il n'y a pas de terme moyen entre son extermination et celle du genre humain.

Dans de pareilles eirconstances, personne ne peut hésiter sur le parti à prendre. Toute l'Europe a pris celui qui est le plus sûr, le plus avantageux et le plus honorable. La inéfiance entre les puissances a disparu, leurs intérêts se trouvent associés par le danger commun. La Prusse ne restera pas spectatrice passive des revers de l'Autriche; l'Autriche ne regardera pas avec indifférence le sort de la Prusse. La Russie ne permettra pas que la partie méridionale de l'Europe soit partagée en patrimoines pour nourrir des esclaves couronnés. L'Angleterre persistera à ne plus permettre que le téméraire Buonaparte paraisse au nombre des souverains; ce Buonaparte qui osa faire la loi aux mers, à une époque où tous les navires de la France étaient enchaînés dans ses ports; enfin, les souverains, bien persuadés que

*: générosité n'est pas un correctif pour des âmes d'une cer taine trempe, n'écouteront que les réclamations de la justice et du salut públic, cette loi suprême des gouvernemens.

Espagnols! voilà donc une guerre commandée par cette loi; elle est innocente et parfaitement juste, parce qu'elle est calculée sur le bien des peuples et sur la sûreté des souverains appelés par la Providence et par les lois fondamentales à les gouverner. Elle est aussi sùre, parce que les mesures adoptées, et qui seront adoptées par la suite par les puissances coalisées pour reconquérir la paix de l'Europe, sont conformes à la gravité et à la haute importance de l'entreprise; elle est sur-tout nécessaire, parce que les corps de nation, tout comme les individus, ne sauront point abandonner la loi qui leur ordonne de se conserver, ni transiger sur leur défense contre le perturbateur de la tranquillité du monde.

La nécessité de la guerre ne part pas de ce seul principe; vous en avez, Espagnols! une autre très-impérieuse de lutter contre celui qui forgea le projet impie de détruire l'ouvrage de Jésus-Christ, et de faire tomber, en deux ou quatre ans, ce que, dans ses instructions à Cervelloni, il appela l'édifice de la fourberie et des préjugés. Voilà ce Buonaparte, qui, non content d'être l'origine de toutes les calamités, veut encore qu'on les souffre sans secours sans consolation, sans espérance d'un meilleur sort, enfin sans les secours de l'aimable, de la douce, de la compatissante religion catholique. Ils ne conviennent pas à Napoléon, 'ces dogmes qui prêchent la justice et l'équité; ils ne plaisent pas à l'usurpateur des trônes; enfin ils ne conviennent pas à celui qui soutient que les noms de juste, d'équitable et de vertueux appartiennent exclusivement aux conquérans.

Espagnols! la justice, la prudence, la loi de sa propre défense et la religion commandent cette guerre, pour arra cher la France et son trône du jong de l'oppression sous lequel ils gémissent, et pour conquérir la tranquillité et le repos du monde. Les conseils de l'ambition n'ont exercé aucune influence sur un tribunal si intègre. La France ne

sera pas démembrée, ni dans ses places, ni dans ses provinces. Ses frontières seront religieusement respectées; et, pour que les armées auxiliaires n'y mettent pas le pied, la France n'a qu'à suivre la seule impulsion qui lui commande de réfléchir sur l'outrage qu'on fait à sa dignité nationale, en en faisant un jouet aux factions; qu'une nation commence à devenir esclave, du moment où elle perd les rois appelés par ses lois fondamentales; et que la plus déshonorante de toutes les spéculations est celle de voir avec une indifférence apathique, un roi, père de ses peuples, échangé contre un monstre qui se nourrit de sang humain.

Je connais bien le droit que j'ai de déclarer et de faire la guerre. Je suis persuadé que mes sujets se reposeront avec confiance sur un roi qui fonde sa félicité sur celle de ses peuples, et qui ne commence une guerre qu'avec la douleur de se voir forcé de les défendre. Mais j'ai voulu appeler à mon secours la force de la conviction, afin de confirmer davantage aux yeux des nations ma réputation de juste, afin d'augmenter la bravoure de mes troupes, exciter la générosité des riches, exhorter tous à la résignation dans ces circonstances malheureuses; et afin que, la guerre se trouvant ainsi sanctifiée, tous puissent espérer le secours de celui qui seul accorde des victoires.

Donné de mon palais royal à Madrid, le 2 mai 1815.

Signé FERDINAND.

Contre-signé PEtro Cevallos.

N° XII.

SUISSF.

DECLARATION.

Les puissances appelées à intervenir dans l'arrangement des affaires de la Suisse, pour l'exécution de l'article 6 du, traité de Paris du 50 mai 1814, ayant reconnu que l'intérêt

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