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ser à jamais de la loyauté et de la droiture des vues de Votre Majesté impériale.

Tandis que les momens de Votre Majesté étaient ainsi marqués, et, pour ainsi dire, remplis par une seule pensée, quelle a été la conduite des diverses puissances?

De tout tems les nations se sont plu à favoriser les communications de leurs gouvernemens entre eux; et les cabinets eux-mêmes se sont attachés à rendre ces communications faciles. Pendant la paix, l'objet de ces relations est de prolon ger sa durée pendant la guerre, il tend au rétablissement de la paix dans l'une et l'autre eirconstance, elles sont un bienfait pour l'humanité. Il était réservé à l'époque actuelle de voir une société de monarques s'interdire simultanément tout rapport avec un grand État; et fermer l'accès à ses amicales assurances. Les courriers expédiés de Paris le 30 mars pour différentes cours, n'ont pu arriver à leur destination. L'un n'a pu dépasser Strasbourg, et le général autrichien qui commande à Kehl, s'est refusé à lui ouvrir un passage, même avec la condition de le faire accompagner d'une escorte. Un autre expédié pour l'Italie, a été obligé de revenir de Turin sans avoir pu remplir l'objet de sa mission. Un troisième, destiné pour Berlin et le Nord, a été arrêté à Mayence et maltraité par le commandant prussien. Ses dépêches ont été saisies par le général autrichien qui commande en chef dans cette place.

Je joins ici, sous les n° 4, 5 et 6 (A et B), les pièces relatives au refus de passage que ces courriers ont éprouvé dans leurs diverses directions.

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J'apprends déjà que parmi les courriers expédiés le 5 de ce mois ceux qui étaient destinés pour l'Allemagne et pour l'Italie n'ont pu dépasser les frontières. Je n'ai aucune nouvelle de ceux qui ont été expédiés pour le Nord et pour l'Angleterre.

Lorsqu'une barrière presque impénétrable s'élève ainsi entre le ministère français et ses agens au dehors, entre le cabinet de Votre Majesté et celui des autres souverains, ce n'est plus, Sire, que par les actes publics des gouver

nemens étrangers qu'il est permis à votre ministère de juger de leurs intentions.

Angleterre.

La constitution de l'Angleterre soumet le monarque à des obligations fixes envers la nation qu'il gouverne. Ne pouvant agir sans son concours, il est obligé de lui faire part, sinon de ses résolutions formelles, du moins de ses résolutions probables. Le message adressé au parlement le 5 de ce mois par le prince-régent', n'est pas propre à inspirer aux amis de la paix une confiance bien étendue. J'ai l'honneur de mettre cette pièce sous les yeux de Votre Majesté. (No 7.)

Une première remarque doit péniblement affecter les hommes qui connaissent les droits des peuples, et qui attachent du prix à les voir respectés par les rois. Le seul motif allégué par le prince-régent pour justifier les mesures qu'il annonce l'intention d'adopter, est qu'il s'est passé en France des événemens contraires aux engagemens pris par les puissances alliées entre elles; et ce souverain d'une nation libre semble ne pas même faire attention à la volonté du grand peuple chez lequel ont eu lieu ces événemens! Il semble qu'en 1815 l'Angleterre et sés princes ne se souviennent plus de 1688! Il semble que les puissances alliées, parce qu'elles ont eu un avantage momentané sur le peuple français, aient pu, sur l'acte intérieur qui intéresse le plus toute son existence, stipuler irrévocablement lui et sans lui, au mépris du plus sacré de ses droits!

, pour

Le prince-régent déclare qu'il donne des ordres pour augmenter les forces britanniques, tant sur terre que sur mer. Ainsi, la nation française; dont il tient si peu de compte, doit être de tous côtés sur ses gardes : elle peut craindre une agression continentale, et en même tems elle doit surveiller toute l'étendue de ses côtes contre la possibilité d'un débarquement. C'est, dit le prince-régent, pour rendre la sûreté de l'Europe permanente, qu'il réclame les secours de la nation an glaise. Et comment a-t-il besoin de pareils secours, quand cette sûreté n'est pas menacée ?

Au reste, les rapports des deux pays n'ont point éprouvé d'altération remarquable. Sur quelques points, des faits particu liers prouvent que les Anglais mettent du soin à entretenir toutes les relations rétablies par la paix. Sur d'autres, des circonstances différentes porteraient à une croyance contraire. Des lettres de Rochefort du de ce mois (nos VIII et IX) font mention de quelques incidens qui seraient d'un augure peu favorable s'ils venaient à être constatés, et s'ils ne s'expliquaient pas d'une manière satisfaisante; mais nos informations actuelles n'offrent point encore un caractère qui doive faire attacher à ces incidens une grande importance.

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Eu Autriche, en Russie, en Prusse, dans toute les parties de l'Allemagne, et en Italie, par- tout enfin on voit un armement général.

Autriche.

A Vienne, le rappel de la landwer, dernièrement licenciée, Fouverture d'un nouvel emprunt, la progression chaque jour croissante du discrédit du papier monnaie, tout annonce l'intention ou la crainte de la guerre,

De fortes colonnes autrichiennes sont en marche pour aller, renforcer les corps nombreux déjà rassemblés en Italie. On peut douter si elles sont destinées à des opérations aggressives, où si elles n'ont d'autre mission que de maintenir dans l'obéis sance le Piémont, Gênes et les autres parties du territoire italien, dont les intérêts froissés peuvent faire craindre le mécon

tentement.

Naples.

Au milieu de cet ébranlement de l'Autriche vers l'Italie, le roi de Naples n'a pu rester immobile. Ce prince, dont les alliés avaient précédemment invoqué les secours, dont ils avaient re connu la légitimité et garanti l'existence, n'a pu ignorer que leur politique, modifiée depuis par des circonstances diffé rentes, aurait mis son trône en danger, si, trop habile pour s'abandonner à leurs promesses, il n'avait pu s'affermir sur de meill urs fondemens. La prudence lui a prescrit de faire quelques pas en avant pour observer les événemens de plus près

et le besoin de couvrir son royaume l'a obligé de prendre des positions militaires dans les états romains.

Prusse.

Les mouvemens de la Prusse n'ont pas moins d'activité : par-tout les cadres se remplissent et se complètent; les of ficiers réformés sont obligés de se rendre à leurs corps; pour accélérer leur marche, on leur accorde la franchise de la poste, et ce sacrifice, léger en apparence, mais fait par un gouvernement calculateur, n'est pas une faible preuve de l'intérêt qu'il met à la rapidité de ses préparatifs.

Sardaigne.

Dès les premiers momens du retour de Votre Majesté, un commandant de troupes anglaises, de concert avec le gouver neur du comté de Nice, s'est emparé de la place de Monaco. (Pièces n° X et XI.) D'après les anciens traités, renouvelés par celui de Paris, la France seule a le droit de mettre garnison dans cette place. L'époque où cette occupation a eu lieu indique assez que le commandant des troupes anglaises ne s'y est porté que de lui-même, et qu'il n'avait pu avoir sous ce point d'instruction préalables de son gouvernement. La France doit demander satisfaction sur cette affaire aux cours de Londres et de Turin, Elle doit exiger l'évacuation de Monaco, et sa remise à une garnison française conformément aux traités; mais Votre Majesté jugera sans doute que cette affaire ne peut être qu'un sujet d'explication, attendu que la détermination du gouverneur sarde et celle sur tout du commandant anglais ont été accidentelles, et un effet subit. de l'inquiétude occasionnée par des mouvemens extraordipaires,

Espagne.

Les nouvelles d'Espagne et une lettre officielle de M. de Laval, du 28 mars, n° 12, apprennent qu'une armée doit se porter sur la ligne des Pyrénées. La force de cette, armée sera nécessairement subordonnée à la situation intérieure de cette monarchie; et son mouvement ultérieur, aux déter

minations des autres Etats, La France remarquera que ces ordres ont été donnés sur la demande de M. le duc et de madame la duchesse d'Angoulême. Ainsi, en 1815 comme en 1793, ce sont des princes nés Français qui appellent l'étranger sur notre territoire.

Pays-Bas.

Les rassemblemens de troupes de diverses nations qui ont eu lieu dans le nouveau royaume des Pays-Bas et les nombreux départemens de troupes anglaises sont connus de Votre Ma jesté. Un fait particulier se joint encore aux doutes que ces rassemblemens peuvent faire naître sur les dispositions du souverain de ce pays. Je viens d'être informé (n° XIII et XIV) qu'un convoi de cent-vingt hommes et de douze offieiers, prisonniers français revenant de Russie, a été arrêté par ses ordres du côté de Tirlemont. En me réservant de prendre à cet égard des informations exactes et de demander au besoin le redressement d'un tel procédé, je me borne aujourd'hui à en rendre compte à Votre Majesté, vu la gravité qu'il reçoit de son rapport avec les autres circons tances qui se développent autour de nous. Sur tous les points de l'Europe à la fois, on se dispose, on s'arme, on marche ou bien on est prêt à marcher.

Et ces grands armemens, contre qui sont-ils dirigés? Sire, c'est Votre Majesté que l'on nomme, mais c'est la France que Pon menace. La paix la moins favorable que les puissances aient jamais osé vous offrir est celle dont aujourd'hui Votre Majesté se contente. Quelles raisons auraient-elles de ne plus vouloir maintenant ce qu'elles stipulaient à Chaumont, ce qu'elles ont signé à Paris? Ce n'est donc point au monarque c'est à la nation française, c'est à l'indépendance du peuple, c'est à tout ce que nous avons de plus cher, à tout ce que nous avons acquis par vingt-cinq années de souffrances et de gloire, à nos libertés, à nos institutions, que des passions ennemies veulent faire la guerre : une partie de la famille des Bourbons et quelques hommes qui, depuis longtems, ont cessé d'être Français, cherchent à soulever encore les nations de l'Allemagne et du nord, dans l'espoir de rentrer une seconde fois par la force des armes sur un sol qui les désavoue et ne veut plus les recevoir.

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