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DEN

DICTIONNAIRE DE PATROLOGIE.

ceux qui demandaient pénitence, après être tombés dans la persécution. C'est le miracle que Dieu fit en faveur de Sérapion. « Il y avait iei, dit-il, un vieillard fidèle, nommé Serapion, qui, après avoir passé sans reproches la plus grande partie de sa vie, succomba enfin dans la persécution, et consentit à sacrifier aux faux dieux. Dans la suite, il demandait souvent pardon de sa faute, et personne ne voulait l'écouter; mais plus tard, étant tombé malade, il demeura trois jours sans parole et sans sentiment. Le quatrième, revenu un peu à lui, il ap pela le fils de sa fille et lui dit : « Jusques à quand veut-on me retenir ici? Je vous prie, qu'on se hâte et qu'on me laisse promptement mourir. Allez, mon fils, appelez un prêtre. » Et là-dessus il perdit de nouveau la parole. L'enfant courut chercher le prêtre; il était nuit, le prêtre était malade, il ne put venir. J'avais donné ordre que l'on accordât l'absolution aux mourants s'ils la demandaient, afin qu'ils pussent s'en aller avec bonne espérance. Le prêtre remit donc entre les mains de l'enfant une portion de l'Eucharistie, en lui recommandant de la détremper et de la faire couler dans la bouche du vieillard. L'enfant s'en retourna, et avant même qu'il eût pénétré dans la chambre, Serapion, étant de nouveau revenu à lui, lui dit : « Mon fils, vous voilà donc? Le prêtre n'a pu venir, accomplissez promptement ce qu'il vous a ordonné et me délivrez. » L'enfant détrempa la portion de l'Eucharistie, la fit couler dans la bouche du saint vieillard, qui, après un léger soupir, rendit immédiatement son âme à Dieu.» N'est-il pas manifeste, conclut saint Denys, que la Providence le conserva jusqu'à ce que l'absolution de sa faute l'eût fait reconnaître comme fidèle, à cause des bonnes œuvres qu'il avait accomplies. » C'est là tout ce qui nous reste des lettres de saint Denys à Fabius.

Au pape saint Corneille. Cet évêque d'Antioche mourut au commencement de l'année 252, ce qui nous oblige de placer quelque temps après cette époque la réponse que saint Denys fit au pape Corneille, touchant Novatien et ses erreurs, puisqu'il y était fait mention de la mort de Fabius. Le saint patriarche y témoignait encore qu'Hélénus de Tarse et tous ceux qui s'étaient réunis avec lui à Antioche pour faire cesser la division suscitée dans l'Eglise par le schisme de Novatien, l'avaient prié de se trouver au concile qu'ils y tenaient à ce sujet; que Démètre avait été choisi pour remplacer Fabius sur ce siége pontifical, et que saint Alexandre, évêque de Jérusalem, était mort subitement dans la prison où il était retenu pour la foi. Les fragments conservés par Eusèbe ne nous en apprennent pas davantage sur la correspondance de saint Denys avec le pape saint Corneille. Il est probable qu'il lui avait écrit plusieurs autres lettres qui auront été perdues.

Discours sur la fête de Pâques.- Eusèbe nous a donné un assez long fragment d'un

discours que saint Denys fit à son peuple sur la fête de Pâques en 253. Il paraît que la peste qui affligeait l'empire depuis l'an 250 était encore très-violente à cette époque, ce qui n'empêchait pas les chrétiens de passer dans la joie les jours de cette solennité. « Ceux qui ne sont pas chrétiens, ditil, ne sauraient prendre ce temps-ci pour un temps de réjouissance, et véritablement ce n'en est pas un, ou plutôt, il n'y en a jamais pour eux, car les événements même qui leur paraissent les plus beureux sont toujours des malheurs. Partout Con n'entend que eris; tout le monde pleure; la ville entière ne retentit que de gémissements et de sanglots; on regrette en même temps les mourants et les morts. On peut dire avec l'Ecriture, lorsqu'elle parle de la mort des premiers-nés d'Egypte, qu'il s'est élevé un grand cri. En effet, il n'y a point de maison qui n'ait des funérailles; et plût à Dieu qu'il n'y eût qu'un mort dans chaque maison. Cette maladie pour nous a été précédée d'autres disgrâces. On nous a chassés de nos maisons, mais nous n'avons pas pour cela négligé de célébrer les jours de fête. Tous les lieux où nous avons souffert, les champs, les déserts, les vaisseaux, les hôtelleries, les prisons nous ont servi de temples pour y faire nos assemblées, et il n'y en a point parmi nous qui aient célébré la fête avec plus de joie, que ceux dont la charité à été consommée par le martyre et qui ont été admis au festin du ciel. La persécution a été suivie de la guerre et de la famine; nous avions été seuls à supporter le premier de ces fléaux: nous avons partagé les deux autres avec les infidèles et les païens; mais la persécution finie, nous avons été consolés par la paix que le Seigneur nous a donnée. Nous avons respiré un peu de temps avec eux, après que la guerre et la famine eurent cessé; mais alors est arrivée la peste, qui, pour eux, a été de tous les fléaux le plus terrible; jamais catastrophe ne pouvait les effrayer davantage. Pour nous, nous n'y avons vu, comme dans tous les autres maux, qu'un sujet d'épreuve et un nouvel exercice ménagé à notre vertu. Quoiqu'elle semble les avoir décimés de préférence, cependant elle ne nous a pas épargnés non plus. Plusieurs de nos frères, à qui la charité fit oublier le soin de leur propre conservation, sont morts auprès du lit des malades qu'ils assistaient par amour pour Jésus-Christ. En se chargeant des douleurs des autres, ils les ont guéris et ils sont morts eux-mêmes. Parmi ceux qui ont été enlevés de la sorte, quelques-uns étaient prêtres, d'autres diacres, et un grand nombre de pieux chrétiens parmi les hommes du peuple. Ce genre de mort a son mérite particulier, que l'ardeur de la piété et la fermeté de la foi ne rendent guère inférieur à celui du martyre. Après avoir tenu les corps des saints entre leurs bras, leur avoir fermé la bouche et les yeux, les avoir portés sur leurs épaules, les avoir embrassés et brisés, les avoir lavés et parés de leurs meilleurs habits, ils ont regn peu

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de temps après les mêmes devoirs par d'autres qui ont imité leur zèle et leur charité. Les païens ont gardé une conduite tout opposée. Dès que quelqu'un des leurs était frappé de la maladie, ils le chassaient; ils fuyaientjusqu'à la présence de leurs proches, les jetaient à demi morts dans les rues et laissaient leurs corps sans sépulture, dans la crainte de gagner un mal qu'ils n'ont pu cependant éviter. >>

Ecrits contre Népos. - L'Egypte était depuis longtemps infectée de l'erreur des millénaires. Comme nous l'avons dit plus haut, le principal auteur de ce mal était un évêque de cette province nommé Népos, homme d'ailleurs recommandable par la grandeur de sa foi, son ardeur pour le travail, son application à étudier les Ecritures, et l'élévation poétique des hymnes qu'il avait composées à la louange du Seigneur. A force de prendre à la lettre les promesses des saints Livres, il les expliquait d'une manière basse et charnelle, prétendant que Jésus-Christ ne régnerait sur la terre que pendant mille ans, et qu'après ce temps, les saints jouiraient de tous les plaisirs du corps. Il s'appuyait principalement sur l'Apocalypse de saint Jean, et il avait composé sur ce sujet un livre intitulé: La réfutation des allégoristes. Saint Denys d'Alexandrie y répondit par un traité divisé en deux livres, et qu'il intitula : Des promesses. On voit, par le peu de fragments qui nous en reste, que le saint docteur y parlait à quelqu'un en particulier, peut-être même à celui qui l'avait instruit de la division causée par l'erreur de Népos; car quoique cet évêque fût mort, plusieurs étaient restés attachés à ses opinions, et faisaient tant de cas de ses écrits, qu'ils en regardaient la doctrine comme un mystère sublime et profond. Dans son premier livre, saint Denys prouvait la vérité du sentiment catholique; dans le second, il traitait de l'Apocalypse, et faisait voir que Népos l'invoquait à faux pour établir ses erreurs. Il disait entre autres choses: « Je reçois Népos et je l'aime à cause de sa foi, de son amour pour le travail, de son application à l'Ecriture, et surtout à cause des cantiques qu'il a composés et qui font encore aujourd'hui la consolation de nos frères. Je le vénère plus encore depuis qu'il a quitté la vie, mais j'aime et j'honore la vérité pardessus tout. S'il était présent, et s'il n'enseignait que de vive voix, la simple conversation suffirait pour le convaincre; mais en mourant il a laissé un écrit qui semble à quelques-uns très-convaincant, et il y a des docteurs qui, accoutumés à ne tenir compte ni de la loi ni des prophètes, et à ne s'attacher ni à l'Evangile ni aux écrits des apôtres, prêchent la doctrine de ce livre comme un grand mystère. Ils ne permettent point aux plus simples d'entre nos frères d'avoir des pensées hautes du glorieux avénement de Notre-Seigneur, ni de notre résurrection, ni de notre ressemblance avec lui; au contraire, ils leur apprennent à n'espérer, dans le royaume de Dieu, que des jouissances

petites, périssables et semblables à celles de la vie présente. C'est ce qui nous oblige à parler de Népos comme s'il était présent pour nous répondre. »

Saint Denys ajoutait : « Lorsque j'étais dans le canton d'Arsinoë, où, comme on sait, cette doctrine a réussi pendant longtemps à diviser les Eglises, j'assemblai les prêtres et les docteurs, et, en présence des chrétiens venus des villages et des bourgs, je les priai d'examiner publiquement la matière; mais tous me proposaient ce livre comme une forteresse invincible. Je m'assis donc au milieu d'eux trois jours de suite, et du matin au soir je m'efforçai d'analyser cet écrit. J'admirai en cette occasion la droiture de ces frères, leur amour pour la vérité, leur facilité à me suivre, et leur rare intelligence. Avec quel ordre et quelle douceur nous nous adressions réciproquement les objections et les réponses; comme nous convenions de plusieurs points d'une vérité évidente, sans vouloir nous obstiner à soutenir avec contention ce que nous avions une fois jugé vrai. Nous faisions bien des efforts pour appuyer nos sentiments, mais s'ils nous semblaient détruits par des raisons plus fortes, nous n'avions point de honte d'en changer. Nous recevions sans dissimulation et avec des cœurs simples devant Dieu ce qui était établi par les saintes Ecritures. Enfin Coracion, qui était le chef et le docteur de cette opinion, nous protesta, en présence de tous les frères, qu'il ne s'y arrêterait plus, et que bien loin de l'enseigner, il n'en parlerait ni n'en ferait aucune mention, et tous les frères qui étaient présents se réjouirent de cette promesse qui s'accordait si bien avec les sentiments de leur cœur. »

Saint Denys traitait ensuite de l'autorité de l'Apocalypse, le grand point d'appui sur lequel les millénaires établissaient leur doctrine. Quelques-uns de ses prédécesseurs avaient rejeté ce livre, parce qu'ils n'y trouvaient ni sens, ni raisonnement; qu'ils en croyaient l'inscription fausse, et qu'ils la regardaient comme l'œuvre de l'hérésiarque Cérinthe. Pour moi, ajoutait-il, je n'ose rejeter ce livre dont nos frères font tant de cas; mais j'estime qu'il est au-dessus de ma capacité, et je suis persuadé qu'il contient une doctrine cachée et merveilleuse. Car quoique je n'en entende point les paroles, je juge néanmoins qu'elles renferment de grands sens sous leur obscurité et leur profondeur; je ne les mesure pas par ma raison particulière, je donne plus à la foi, et loin de condamner ce que je n'entends pas, ce m'est plutôt un motif de l'admirer. »

Enfin, saint Denys examinait tout le livre de l'Apocalypse, et après avoir montré qu'on ne pouvait l'entendre selon le sens que 1 s paroles présentaient à l'esprit, il ajoutait : « Je ne nie pas que l'auteur de ce livre s'appelle Jean; j'avoue qu'il est l'ouvrage do quelque saint homme inspiré par l'esprit de Dieu; mais je ne demeurerai pas aisément d'accord qu'il ait été écrit par l'apôtre, fils de Zébédée, frère de Jacques, auteur de

l'Evangile et d'une épître canonique. Il rapportait ensuite les raisons qui l'empêchaient de croire que l'Apocalypse fût de l'apôtre saint Jean; il se disait persuadé que le véritable auteur avait pris le nom de Jean par amour pour la personne de cet apôtre, par admiration pour ses vertus, et par le désir d'être comme lui le bien-aimé du Seigneur, comme nous voyons, disait-il, les enfants des fidèles prendre souvent les noms de Pierre et de Paul par respect pour ces grands apôtres. »> On croit généralement que c'est de ces deux livres contre Népos que saint Jérôme a voulu parler lorsqu'il a dit que saint Denys avait écrit contre saint Irénée un ouvrage très-élégant, où il se moquait des fables des millénaires. Il y a toute apparence aussi que Théodoret parle des mêmes livres quand il dit que le saint patriarche avait réfuté Cérinthe, auteur de ces rêveries. Nous ne voyons nulle part qu'Eusèbe fasse mention d'autres livres, et il n'y a point de raison d'en supposer d'autres que ceux qu'il écrivit contre Népos. Apollinaire l'hérésiarque, qui avait embrassé le parti des millénaires, en prit la défense dans deux volumes qu'il composa pour répondre aux écrits de saint Denys sur cette matière.

A saint Etienne, pape. - Dans l'année 256, les Eglises d'Orient s'étant réunies pour combattre le schisme de Novatien, saint Denys en donna avis au pape saint Etienne en ces termes : « Sachez, mon frère, que toutes les Eglises répandues dans l'Orient et dans les autres pays plus éloignés encore, après avoir été longtemps séparées, se sont réunies, et que les évêques, au nombre desquels je vous citerai en particulier Démétrien d'Antioche, Théoctiste de Césarée, Mozabane, successeur d'Alexandre sur le siége de Jérusalem, Marin de Tyr, Héliodore de Laodicée, Firmilien de Cappadoce, et les autres de la même province, éprouvent une joie indicible de la paix qui vient d'être rendue à l'Eglise contre leur attente, et n'ont plus qu'un même sentiment. L'Arabie et la Syrie que vous avez soulagées par vos aumônes et consolées par vos lettres; la Mésopotamie, le Pont, la Bythinie et toutes les provinces, se réjouissent et louent le Dieu de la paix, à cause de l'union qu'il a rétablie entre les frères. »>

Le saint patriarche écrivit encore au même pontife plusieurs lettres sur le baptême des hérétiques, question qui s'agitait alors avec beaucoup de chaleur; mais ces lettres sont perdues, de même que les réponses de Saint Etienne sur le même sujet. Tout ce que nous savons, c'est qu'il y priait le saint pape de traiter avec beaucoup de douceur et de modération une question de cette importance, et de ne pas séparer aisément de sa communion ceux des évêques qui persistaient à rebaptiser.

Au pape saint Sixte. -Nous retrouvons la même recommandation exprimée dans une lettre au pape saint Sixte. « Considérez, je vous prie, lui dit-il, l'importance de cette affaire. J'apprends qu'il a été ordonné dans de grands conciles que les hérétiques qui DICTIONN. DE PATROLOGIE. II.

reviendraient à la foi de l'Eglise seraient d'abord mis au rang des catéchumènes, et qu'ils seraient ensuite lavés de leur venin dans l'eau du baptême. J'écrivis au saint pontife Etienne, en le priant pour eux tous; et ensuitej'en adressai quelques mots à nos chers. confrères, les prêtres Denys et Philémon, qui partageaient son avis, et qui m'avaient consulté sur la même matière; aujourd'hui, je leur écris plus au long. >>

Dans la même lettre saint Denys donnait avis au pape saint Sixte.de la naissance d'une nouvelle hérésie dont l'auteur était Sabellius. « s'est élevé, dit-il, à Ptolémaide dans la Pentapole, une doctrine véritablement impie, pleine de blasphèmes contre Dieu le Père, tendant à détruire la foi à son Fils unique, le premier-né de toutes créatures, et à rejeter l'existence et la divinité du SaintEsprit. On m'a écrit de part et d'autre sur ce sujet; j'en ai conféré avec plusieurs de nos frères qui sont venus m'en parler, et j'ai écrit sur ce point quelques lettres dans lesquelles, avec le secours de Dieu, je crois avoir traité assez dogmatiquement la question; je vous en envoye des copies. »>

Dans une autre lettre, adressée au même saint Sixte, sur la question du baptême, après avoir traité beaucoup de points agités par les hérétiques, il rapporte cette histoire remarquable arrivée de son temps. «< Mon frère, lui dit-il, j'ai besoin de vous consulter sur un cas qui vient de se produire parmi nous, et sur lequel je vous demande votre sentiment, car j'ai peur de me tromper. Un de nos frères, qui passe pour un des plus anciens fidèles, puisqu'il était dans notre communion, dès avant mon ordination, et je crois même avant celle du bienheureux Héracle, mon prédécesseur, ayant assisté depuis peu au baptême de plusieurs personnes, et ayant entendu les interrogations et les réponses qui s'y faisaient, est venu me trouver, puis, se jetant à mes pieds, il m'a juré avec larmes que le baptême qu'il a reçu chez les hérétiques n'est point tel que le nôtre, mais au contraire accompagné d'impiétés et de blasphèmes. Il sentait, disait-il, de grands remords en son âme, et n'osait lever les yeux, tant il était frappé de l'impiété des actions et des paroles qui avaient accompagné son baptême. C'est pourquoi il sollicitait avec instances cette ablution pure qui devait lui ouvrir les portes de l'Eglise et les sources de la grâce. Je n'ai pas osé le faire, ajoute saint Denys; je lui ai dit que c'était assez que depuis longtemps il eût joui de la communion de l'Eglise. En effet, après qu'il a entendu les paroles de l'Eucharistie, et répondu Amen avec les autres ; après qu'il s'est présenté debout à la table, qu'il a tendu ses mains pour recevoir la sainte nourriture, et qu'il a participé au corps et au sang de Notre-Seigneur JésusChrist pendant tant d'années, je n'oserais recommencer à l'initier de nouveau, comme s'il n'avait rien reçu. Mais je l'ai exhorté à prendre courage et à s'approcher avec une foi vive et une ferme espérance de la parti

cipation aux saints mystères. Cependant, il ne cesse point de s'affliger; il tremble de s'approcher de la table sainte, et c'est à peine si on peut lui persuader d'assister aux prières. >> Enfin, de concert avec son peuple, saint Denys adressa encore au pape saint Sixte et à toute l'Eglise romaine, une lettre dans la quelle il traitait au long la question du baptème. Eusèbe ne nous a rien conservé de cette lettre. Il ne dit pas non plus quel était le sentiment de saint Denys au sujet du baptême des hérétiques; s'il suivit le parti de saint Cyprien, comme l'assure saint Jérôme, ou si, comme le dit saint Basile, il tenait pour valide le baptême même des Montanistes et des Pépuzéniens, condamné depuis par le septième canon du premier concile de Constantinople. S'il faut en juger par les fragments qui nous restent de ses lettres, il semble plutôt avoir suivi le sentiment de saint Etienne, mais sans oser condamner celui des autres, et même sans approuver toujours la manière dont ce pape se conduisit à leur égard. Pour exprimer notre pensée, il paraît s'être posé comme médiateur en cette affaire, pour maintenir la paix partout, et faire auprès d'Etienne et de Sixte ce qu'avait fait saint Irénée auprès du pape Victor dans la question de la Pâque.

A saint Denys de Rome. Nous avons vu plus haut que le saint patriarche avait fait réponse aux lettres que les prêtres Denys et Philémon lui avaient écrites sur la question du baptême. Dans celle à saint Denys de Rome, dont il ne nous reste que peu de chose, il l'appelait un homme admirable et d'une grande doctrine, et parlait de Novatien en ces termes : « C'est avec raison que nous l'avons en horreur, lui qui a déchiré l'Eglise, entraîné plusieurs de ses frères dans l'impiété et le blasphème, introduit une doctrine sacrilége en refusant à Dieu le pouvoir de pardonner aux pécheurs; lui qui substitue une dureté impitoyable à l'extrêine bonté de Jésus-Christ, qui rejette et anéantit le bain sacré du baptême, qui ruine la foi à la rémission des péchés par la confession que l'on nous oblige de reconnaître avant de recevoir ce sacrement, et qui chasse pour jamais l'Esprit-Saint de l'âme des tombés, bien qu'il y ait encore quelque lien de croire qu'il est resté en eux, ou tout au moins d'espérer qu'il y retournera bientôt. »

A Philémon. - Eusèbe nous a conservé conservé quelque chose de plus de la lettre à Philémon, entre autre, ce que nous avons dit ailleurs de la vision qu'eut sant Denys à propos des livres hérétiques, et dans laquelle il lui fut dit de lire tout ce qui lui tomberait entre les mains. Il remarque encore que le saint évêque, après avoir traité de toutes les hérésies, ajoutait : « J'ai reçu cette règle de notre bienheureux père Héracle. Il n'admettait jamais à sa communion ceux qui revenaient de quelque hérésie, après s'être séparés de l'Eglise fou en avoir été chassés pour avoir en secret prêté l'oreille aux auteurs des mauvaises doctrines, qu'ils n'eussent auparavant rapporté publiquement

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tout ce qu'ils avaient entendu dire aux en-, nemis de la vérité. Alors il les recevait sans les baptiser de nouveau, ne jugeant pas que cette précaution fût nécessaire, puisque depuis longtemps déjà ils avaient reçu le SaintEsprit. » Eusèbe ajoute que saint Denys, après après avoir amplement examiné la question du baptême, concluait ainsi sa lettre à Philémon: « Ce ne sont pas seulement les Africains qui, de nos jours, out introduit cette coutume: il y a longtemps déjà que l'on a fait des décrets semblables dans les synodes de nos frères, à Icone, à Synnade et en plusieurs autres lieux. Or je ne puis prendre sur moi de perpétuer les disputes et les querelles en renversant leurs sentiments. Car il est écrit: Vous ne remuerez point chez votre voisin les bornes que vos ancétres ont posées. »>

Saint Denys écrivit encore à saint Denys de Rome, au sujet de Lucien, qu'on croit avoir été élu évêque de Carthage, vers l'an 259, mais on ignore entièrement ce que cette lettre pouvait contenir.

Réponse aux calomnies de Germain. — Il nous reste un assez long fragment de sa lettre à Germain, évêque d'Egypte, qui s'était efforcé de jeter de l'odieux sur la conduite tenue par le saint patriarche d'Alexandrie pendant la persécution de Valérien. Il y témoigne en général avoir beaucoup souffert dans toutes les persécutions qui ont sévi de son temps, puisqu'il a été condamné par plusieurs sentences des païens, puisque tous ses biens ont été vendus publiquement, et, qu'après avoir été proscrit, on lui a ravi encore tout ce qu'il avait; puisqu'au lieu des plaisirs et des honneurs du siècle dont il aurait pu jouir, il s'est vu menacé des dernières extrémités. Le peuple a demandé publiquement sa tête; persécuté de tout le monde et obligé d'errer de tous côtés, il a couru les plus grands dangers et enduré toutes les fatigues et toutes les douleurs imaginables. « Et cependant, dit-il, où a été Germain? Qu'a-t-on dit de lui? Mais je m'oublie, et j'ai honte de cet excès de folie dans lequel il me fait tomber; je laisse à mes frères, qui en ont la connaissance, le soin de raconter en détail tout ce qui m'est arrivé. » Nous avons rapporté ailleurs ce que le saint dit dans cette lettre du témoignage qu'il rendit à la vérité, avec quelques chrétiens d'Alexandrie, devant le gouverneur Emilien.

Eusèbe joint à la lettre contre Germain celle que saint Denys écrivit à Damice et à Didyme, et dans laquelle il leur donnait avis que, pendant la persécution de Dèce, des personnes de tout âge et de toute condition, des hommes, des femmes, des enfants, des vieillards, des jeunes filles et des veuves fort âgées, des soldats et de simples particuliers, les uns déchirés à coups de fouets, les autres percés à coups d'épées, un grand nombre brûlés, avaient tous remporté la couronne du martyre. « Un long espace de temps, ajoutait-il, n'a pas été suffisant à quelquesuns pour les rendre agréables à Dieu; je me suis trouvé de ce nombre. Le Seigneur qui

dit: Je vous ai exaucé dans un temps propre, et je vous ai secouru au jour du salut, m'a réservé pour un temps que je ne connais pas. >> Lettres pascales. Outre cette lettre de saint Denys à Damice et à Didyme qui paraissent avoir été deux frères ou au moins deux amis unis de la plus étroite amitié, il leur en écrivit une autre qui contenait un cycle de huit années, et démontrait qu'on ne doit célébrer la Pâque qu'après l'équinoxe du printemps. Il écrivit sur le même sujet à Flavius, mais ces deux lettres sont perdues ainsi que celles qu'il adressa dans le même temps aux prêtres d'Alexandrie et à quelques autres personnes qu'Eusèbe oublie de nommer. La seule qui nous reste de cette époque est celle qu'il écrivit à Basilide, évêque de la Pentapole, qui l'avait consulté sur plusieurs points de discipline. Le principal était de savoir à quelle heure on pouvait rompre le jeûne le jour de Pâques. Quelques-uns étaient d'avis qu'il fallait attendre le chant du coq, après avoir passé tout le samedi sans manger, et tel était l'usage de l'Eglise de Rome. En Egypte, on rompait le jeune plutôt, c'est-à-dire dès le soir du samedi. Avant de répondre, saint Denys pose pour principe que l'on ne doit commencer la fête et célébrer la joie pascale qu'au temps de la résurrection de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Il ajoute qu'il est difficile de déterminer l'heure précise de cette résurrection, soit parce que les Evangélistes ne l'ont point marquée, soit parce qu'ils se sont exprimés différemment sur l'heure à laquelle les saintes femmes se présentèrent au sépulcre. Saint Matthieu dit le soir du samedi; saint Jean, le matin comme il faisait encore nuit; saint Luc, à la pointe du jour; et saint Marc, le soleil étant déjà levé. Il fait voir néanmoins qu'on peut facilement les concilier, puisque tous s'accordent à mettre la résurrection de JésusChrist le dimanche avant le jour. Il répond ensuite: « Ceci posé, nous déclarons à ceux qui veulent savoir précisément à quelle heure, quelle demi-heure, quel quart d'heure il faut commencer la joie pascale, que nous blåmous l'intempérance de ceux qui se håtent trop et qui rompent le jeûne, dès qu'ils voient approcher minuit; que nous louons le courage de ceux qui tiennent ferme jusqu'à la quatrième veille, quoique nous n'inquiétions pas cependant ceux qui se reposent selon leur besoin. Aussi bien. ajoute-t-il, tous n'observent pas également les six jours de jeûne. Il y en a qui les passent tous sans manger; d'autres en passent deux, d'autres trois, d'autres quatre, et d'autres pas un. Ceux qui ont poussé le jeûne le plus loin et qui ensuite se trouvent faibles et presque défaillants, méritent qu'on leur pardonne, s'ils mangent plus tôt. Quant à ceux qui non-seulement n'ont point continué le jeûne, mais n'ont pas même jeûné, qui ont fait bonne chère pendant les quatre premiers jours, et qui, venant ensuite aux derniers, c'est-à-dire au vendredi et au samedi, les passent sans manger et croient

s'imposer un grand sacrifice d'attendre jusqu'à l'aurore; je ne crois pas que leur combat les rende égaux à ceux qui se sont exercés pendant plusieurs jours. >>

Basilide demandait encore, si l'on devait permettre l'entrée de l'église et la participation des saints mystères aux femmes nouvellement accouchées, ou à celles qui souffraient de leurs incommodités ordinaires. Saint Denys répond qu'il ne croit pas qu'une personne de piété ose s'approcher en cet état de la table sainte, ni toucher le corps et le sang du Seigneur, qu'on ne doit recevoir que lorsqu'on est pur et par l'âme et par le corps. Il prescrit sur la continence que les personnes mariées doivent observer en certain temps les mêmes règles que saint Paul. Quant à ceux à qui il serait survenu pendant le sommeil quelque impureté involontaire, il laisse à leur conscience de s'abstenir des saints mystères ou de les fréquenter. Il conclut ainsi sa lettre : « Vous nous avez fait ces questions, mon cher fils, non par ignorance, mais pour nous faire honneur et entretenir ainsi la concorde; et moi j'ai déclaré ma pensée, non en maître, mais avec la simplicité qu'il convient de garder entre nous.» L'humilité le faisait parler ainsi, car en effet son autorité était très-grande en Orient, et par la dignité de son siége, et par son âge, et par la gloire d'une confession qui avait fait également ressortir sa science et sa vertu. Aussi cette lettre a-t-elle toujours été comptée au nombre des canons ou règles de discipline de l'Eglise d'Orient. C'est d'elle que parlent les pères du concile appelé In Trullo, quand il disent qu'ils reçoivent les canons de saint Denys d'Alexandrie.

Autres lettres pascales. Les troubles qui agitaient la ville d'Alexandrie, en 260, étaient si grands que, pour remplir ses devoirs de pasteur, le saint pontife ne pouvait communiquer que par lettres avec les fidèles de sa ville épiscopale. C'est ainsi qu'il écrivit, pour l'an 261, une lettre pascale au peuple d'Alexandrie, comme s'il se fût trouvé relégué dans quelque province éloignée. Nous n'avons plus cette lettre, mais il nous reste quelques fragments d'une autre lettre pascale qu'il écrivit quelque temps après à Hiérax, évêque d'Egypte, pour l'année 262, et dans laquelle il lui décrivait, en ces termes, l'état pitoyable de la ville d'Alexandrie: « Il ne faut pas s'étonner si j'ai peine à m'entretenir par lettres avec ceux qui sont éloignés de moi, puisqu'il m'est même difficile de m'entretenir avec moi-même, et de vaquer à mes propres affaires. Pour parler à mes frères, aux fidèles de mon église, qui habitent dans ma ville, ou plutôt qui sont mes propres entrailles et qui ne font qu'une' seule âme avec moi, il faut que je leur écrive, et que je trouve encore le moyen de leur faire parvenir mes lettres. Il est plus aisé, je ne dis pas de passer aux extrémités de la province, mais de voyager de l'Orient jusqu'au fond de l'Occident, que d'aller d'un quartier d'Alexandrie à l'autre. La grande

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