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pas encore vingt ans accomplis, lorsqu'en 622 Clotaire l'établit roi d'Austrasie, en lui donnant pour principaux conseillers l'illustre Pepin de Landen et saint Arnoul, évêque de Metz. Ce dernier surtout et saint Cunibert de Cologne, son successeur, s'appliquèrent particulièrement à le former à la vie d'un prince chrétien. Tant qu'il suivit les conseils de ces sages ministres, son règne fut heureux ot florissant au point de lui concilier, avec l'amour de ses propres sujets, le respect et l'admiration des nations étrangères. Rien de plus intéressant en effet que de voir un tout jeune prince veiller tuimême à tout et rendre avec un soin infatigable la justice à chacun de ses sujets. Ni les présents, ni la considération des personnes ne pouvaient influer sur sa conscience, qui ne suivait en tout que ce qui lui semblait être selon l'ordre et l'équité. Mais de si heureux commencements furent bientôt flétris par une conduite pleine de scandales. Après la retraite de ses ministres, on le vit se livrer à la débauche, changer de femme sans respect pour la religion dont il blessait la morale, alors même qu'il enrichissait les églises. En effet, malgré ses débordements, Dagobert accorda de grandes libéralités aux églises de Verdun, de Rebais, d'Aumond, d'Aninsole, aujourd'hui Saint-Calais, et principalement de Saint-Denis dont il est regardé comme le fondateur. Il aimait aussi à réunir à sa cour de saints personnages, comme saint Didier de Cahors, saint Eloi, saint Ouen, alors connu sous le nom de Dadon, saint Vandrégisille et plusieurs autres. Si nous faisions ici de l'histoire politique, nous dirions que le règne du roi Dagobert est un des plus curieux à étudier, pour le philosophe observateur qui chercherait à découvrir à son origine, et à suivre dans ses premiers développements, la puissance de ces fameux maires du palais, qui, plus tard, surent porter échec à la puissance même de la royauté. Après plusieurs alternatives de trèves et de combats qui finirent par la paix générale de la France, Dagobert mourut à Epinai des suites d'une dyssenterie le 19 janvier 638, à l'âge de trente-six ans, et fut enterré à Saint-Denis, où jusqu'à la fin du XVIII siècle on a continué de célébrer son anniversaire avec une pompe digne d'un roi. Dagobert mourut regretté, malgré ses débauches et son goût pour le luxe, qui l'engageait à multiplier les impôts. Il portait ce goût si loin, qu'il s'était fait faire un trône d'or massif, dont la matière provenait du commerce extérieur qui prit quelque activité sous son règne. Parmi les cruautés qui souillent sa mémoire, le meurtre des Bulgares est la plus remarquable. Ces peuples, fuyant devant les Huns, furent d'abord accueillis par Dagobert qui, craignant ensuite qu'ils ne se rendissent maîtres du pays qu'il leur avait cédé, les fit égorger dans une même nuit au nombre de dix mille familles. Il avait montré dans le commencement de son règne qu'il cédait à des conseils vertueux; les passions auxquelles il se livra ensuite n'avaient point

triomphé sans combat; il approcnait de l'âge mûr, cherchait et récompensait le mérite; il avait de l'instruction, un esprit aimable; il aimait les arts, avait procuré à la France une paix glorieuse, et tout annonce que s'il eût vécu plus longtemps, la fin de son règne eût fait oublier les malheurs de ses premières années.

Ses lois. Avant toute autre chose, nous devons observer que les lois dont nous avons à rendre compte ici avaient d'abord été rédigées par les soins de Thierri I, roi des Français, puis rectifiées et augmentées par quelques-uns de ses successeurs. Dagobert ne tit que les recueillir, et, après les avoir retouchées, les publia telles que nous les possédons aujourd'hui. C'est sur ce principe qu'on est convenu de les lui attribuer, comme lui appartenant plus légitimement qu'à aucun des rois ses prédécesseurs. Ces lois sont celles des Ripuaires ou Ripuariens, des Allemands et des Bavarois, tous anciens peuples qui habitaient vers le Haut-Rhin. On croit communément que Dagobert les publia vers l'an 630. Mais peut-être serait-on mieux fondé à avancer cette époque de quelques années, et à la fixer au temps où ce prince gouvernait le royaume d'Austrasie, en y faisant régner la justice et l'équité.

La loi des Ripuaires comprend quatrevingt-neuf titres, la plupart subdivisés en plusieurs articles. Elle a beaucoup de rapport avec la loi salique; mais elle participe encore plus des lois romaines. Le style en est beaucoup moins barbare que celui de cette loi primitive, quoiqu'on y trouve encore plusieurs expressions qui se ressentent de l'ancienne rusticité de ces peuples. A cela près, elle tend, comme la loi salique, à réprimer le vol, le meurtre, le rapt et tous les autres crimes, en admettant une distinction entre les hommes libres et les serfs, entre les clercs et les laïques; elle règle également les peines dues aux coupables, et les fait presque toutes consister en amendes ou compositions arbitraires; elle prescrit aux juges les devoirs de leur charge et leur interdit de recevoir aucun présent pour éviter d'ètre corrompus; enfin elle détermine la manière de vider beaucoup de différends entre parties, sans procédure et sans frais. Cette loi, réunie à la loi salique et à quelques autres opuscules, et collat.onnée sur un manuscrit de la ville de Tours à la date du 1x siècle, a été publiée par Eckhard, en un vol. in-fo, à Francfort et à Leipsik, en 1720. Cette édition, enrichie de notes savantes et curieuses, est la meilleure que nous possédions.

2o La loi des Allemands contient quatrevingt-dix-neuf titres presque tous partagés en plusieurs articles ou chapitres. Elle est' beaucoup plus volumineuse que la précédente; elle s'étend particulièrement sur ce qui regarde les clercs et les choses ecclésiastiques, et suppose les peuples auxquels elle est adressée, beaucoup plus policés que les Ripuaires. Elle entre dans un grand tail des injures faites à un évêque, à un prê. tre, à un simple clerc, à un moine, et pro

portionne toujours la peine à la dignité de la personne offensée. Ces peines, au reste, sont des amendes ou des compensations réglées par arbitres comme dans la loi des Ripuariens. Il n'y est question de la peine de mort que pour meurtre commis sur la personne d'un duc. On n'a guère de lois qui relatent avec des détails plus clairs et plus précis les différents sujets de contestation entre parties. Outre les quatre-vingt-dixneuf titres qui composent cette loi dans les premières éditions, le savant critique Baluze a découvert, dans un ancien manuscrit de Reims, deux additions qui y ont été faites, pour en expliquer plus clairement certains points, et les a fait imprimer à la suite. L'une de ces additions comprend quarantequatre articles avec quelques lacunes, et l'autre seulement trois.

La loi des Bavarois (Bajuvariorum) n'a que vingt-un titres, ce qui ne l'empêche pas d'être plus étendue que les précédentes, parce que chaque titre contient plusieurs capitules, quelquefois jusqu'à vingi, et chaque capitule plusieurs articles. Elle est à peu près dans le même genre que les autres, avec cette différence seulement qu'on y a inséré plusieurs articles, qui font le sujet de divers canons de conciles. Tels sont entre autres ceux qui regardent le droit d'asile accordé aux églises, les mariages incestueux, la sanctification du dimanche, l'habitation des prêtres et des diacres avec des femmes. La peine portée contre celui qui tuerait un évèque est tout à fait remarquable. On lui fera une tunique de plomb suivant sa taille, et il en payera le poids en or, ou la valeur sur ses biens. S'ils ne sont pas suffisants, il se livrera lui, sa femme et ses enfants au service de l'Eglise. En général, ces lois, quoique remplies de mots barbares, sont importantes pour faire connaître les usages des anciens peuples. Nous en avons plusieurs éditions faites en divers lieux et en divers temps. Elles se trouvent imprimées avec la loi salique, les lois des Bourguignons et des Saxons, en un petit volume in-16, sans date, sans adresse et sans nom d'imprimeur. On les a également recueillies dans le Code des lois anciennes, qui parut d'abord à Bâle, en 1557, en un volume in-folio, puis dans le même format, à Francfort, en 1613, par les soins de Frédéric Lindenbrog. Enfin, en 1677, Baluze les fit réimprimer à la tête des Capitulaires de nos rois, et les rangea dans l'ordre que nous avons suivi pour en rendre compte. C'est dans cet ordre aussi et d'après cette édition plus correcte que toutes les précédentes, qu'elles ont été reproduites dans le Cours complet de Patrologie.

Autres monuments du règne de Dagobert. Indépendamment de quelques diplômes de Dagobert en faveur de plusieurs églises, on nous a conservé deux autres monuments du règne de ce prince, qui ne laissent pas d'avoir une certaine importance pour l'histoire de saint Didier, évêque de Cahors, et qui sont très-honorables à sa mémoire. Le pre

mier est un manifeste, ou lettres-patentes, pour notifier l'élection de ce prélat, et les motifs qui ont porté le prince à la favoriser. Le second est une lettre à saint Sulpice de Bourges, pour l'engager à aller à Cahors consacrer le nouveau prélat, et à convoquer les évêques de sa province à cette cérémonie. Ces deux pièces sont datées du sixième des ides d'avril, ce qui revient au huit du même mois de l'an 629, huitième du règne de Dagobert. La lettre est passée dans la Collection générale des conciles; et l'auteur de la Vie de saint Didier a inséré l'une et l'autre dans son ouvrage.

DALMACE.-De tous les moines de Constantinople saint Dalmace fut un des plus célèbres par ses vertus. Né d'une famille distinguée, il avait suivi quelque temps le parti des armes et servi sous le grand Théodose. Il se maria sous l'empereur Valens, et il était père de plusieurs enfants, lorsque le désir de servir Dieu avec.plus de fidélité lui fit abandonner ses charges, ses biens, sa famille et entrer avec saint Fauste, son fils, dans un monastère de Constantinople, dirigé par saint Isaac. Bulteau, dans son Histoire monastique d'Orient, dit que Dalmace passa une fois quarante jours sans manger, et qu'il vécut quarante-huit ans dans la solitude du cloitre sans jamais en sortir. Cependant les besoins de l'Eglise l'arrachèrent à sa retraite et le forcèrent à la quitter pour un instant. Dalmace s'était prononcé contre le patriarche Nestorius et correspondait avec saint Cyrille. Voulant détromper l'empereur Théodose prévenu contre le concile d'Ephèse, il résolut de l'aller trouver. Les abbés de Constantinople et tous leurs moines se joignirent à lui. Ils portaient des cierges, chantaient des cantiques, et, suivis d'une foule considérable ils se rendirent en procession au palais. Les abbés y entrèrent seuls. Dalmace présenta à Théodose la lettre du concile. Le prince la lut, y ajouta foi et permit qu'on lui envoyât des députés. Il suspendit même, sur les remontrances de l'abbé Dalmace, la résolution où il était d'exiler saint Cyrille et Memnon qu'il regardait l'un et l'autre comme justement déposés. Indépendamment de cette lettre à l'empereur, le concile en avait écrit une autre à saint Dalmace. Le pieux abbé dans sa réponse témoigne aux évêques d'Ephèse combien il était sensible à leurs maux et aux victoires que Dieu leur avait ménagées dans leurs souffrances mêmes. Il proteste qu'il était prêt à exécuter ce qu'ils désiraient de lui, et que jusque-là il ne s'était jamais refusé à rier de ce qui pouvait leur être utile, parce qu'il était convaincu qu'il s'agissait des intérêts de Dieu. I paraitrait que saint Dalmace écrivit cette lettre avant d'avoir parlé à l'empereur, à moins que par modestie il ait voulu laisser à d'autres le soin d'informer le concile des résultats de l'audience qu'il en avait obtenue. Quoi qu'il en soit, dans une seconde lettre qu'il lui adressait d'Ephèse, le concile reconnaissait que c'était a saint Dalmace et à lui seul qu'on devail d'avoir

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découvert la vérité à 1 empereur. Du reste, les Pères du concile savaient qu'avant même que Nestorius vint à Constantinople, Dieu avait révélé au saint abbé Dalmace ce que ce patriarche intrigant avait dans le cœur, puisqu'il répétait à tous ceux qui l'allaient visiter à sa cellule de se garder de cette bête malfaisante qui devait causer de grands ravages par sa doctrine. Dans cette même lettre, les Pères du concile priaient le saint abbé de continuer ses bons offices à l'Eglise en les aidant à terminer les difficultés qui s'élevaient contre les dogmes les plus sacrés de la foi. A la suite du récit de ce qui se passa à l'audience de l'empereur, on trouve un écrit intitulé: Apologie de saint Dalmace, où nous lisons qu'au sortir de cette audience, les abbés, les moines et le peuple s'étant rendus processionnellement à l'église de Saint-Moce, l'abbé Dalmace monta en chaire, et dit que l'empereur avait lu la lettre du concile et qu'elle l'avait persuadé; qu'il lui avait raconté fidèlement tout ce qui s'y était passé, et ce prince, après avoir rendu gråces à Dieu, en avait approuvé la procédure et permis aux évêques de se présenter. « Je lui ai dit, ajoutait saint Dalmace: Mais on ne leur permet pas de venir. Personne ne les en empêche, m'a répondu le prince. Mais on les a arrêtés, lui ai-je répliqué; leurs adversaires vont et viennent librement, tandis que nous, il ne nous est pas même permis de vous rapporter ce que fait le saint concile. Puis insistant en faveur de saint Cyrille, je lui ai demandé : Qui voulez-vous écouter, six mille évêques, ou bien un seul impie ? J'ai dit six mille en comptant ceux qui dépendaient des métropolitains, afin d'obtenir un ordre de faire venir des évêques qui expliqueraient ce qui s'est passé. L'empereur m'a répondu Vous avez bien dit; priez pour moi. -Je sais, dit encore saint Dalmace que l'empereur est attaché à Dieu et au saint concile, et qu'il n'écoutera plus les hommes pervers. Priez donc pour l'empereur et pour nous. » A ces mots qui terminaient le discours de Dalmace, le peuple s'écria tout d'une voix: Anathème à Nestorius! L'empereur ayant envoyé ordre aux évêques des deux partis de lui députer d'Ephèse qui ils jugeraient à propos, les évêques qui se trouvaient à Constantinople au nombre de sept, firent réponse à la lettre du concile; le clergé de la ville écrivit aussi de son côté une lettre en tête de laquelle saint Dalmace était nommé le premier, ensuite Tigrius, Samson et Maximien comme les principaux parmi les prêtres. Elle porte qu'on avait lu publiquement dans l'Eglise les lettres du concile à l'empereur touchant la déposition de Nestorius; que tout le peuple l'avait approuvée, avec des acclamations à la louange du concile; et que la seule chose qui restait à faire, était d'ordonner un évêque de Constantinople à la place de cet hérésiarque. Saint Dalmace fonda un monastère de son nom qu'il dota de ses biens. Dans les dernières années de sa vie, on lui donna le titre d'archimandrite,

soit parce qu'il avait plusieurs monastères sous sa direction, soit parce qu'il était le doyen des abbés de Constantinople: ce titre de prééminence passa à ses successeurs. Pour reconnaître les services qu'il rendit à l'Eglise dans l'affaire de Nestorius, les Pères du concile lui firent donner la qualification d'avocat du concile d'Ephèse. Il avait alors quatre-vingts ans. On croit qu'il mourut l'année suivante 432. L'Eglise honore sa mémoire le 3 août. Nous ne connaissons de lui d'autres ouvrages que les lettres dont nous avons dit un mot, et le discours dont nous avons reproduit un fragment.

DALMACE, archevêque de Narbonne, fabriqua, vers l'an 1089, une prétendue lettre au pape Etienne VI, pour tâcher de faire avorter le dessein qu'avait alors Urbain Ii de tirer l'église de Tarragone de sa dépendance et de l'ériger en métropole; mais elle n'eut pas l'effet d'en empêcher l'exécution. Son insertion dans la Légende anonyme de saint Théodard, composée aux siècle prouve incontestablement qu'elle ne fut faite qu'après l'époque qu'on vient de marquer, et insinue en même temps qu'elle ne tarda pas à être connue dans la suite; ce qui peut revenir aux premières années du XII siècle. Cette légende, avec la lettre de Dalmace, a été publiée par de Catel et le P. Labbe.

DAMASE (saint), pape. Une inscription de Baronius, rapportée dans ses Annales Ecclésiastiques, nous apprend que le père de saint Damase avait été écrivain, lecteur, diacre et prêtre dans l'église de Saint-Laurent à Rome et qu'il était d'origine espagnole. Le jeune Damase reçut une éducation soignée dans les lettres et la piété. Admis de bonne heure dans le clergé, il fut attaché comme son père à l'église de Saint-Laurent. Il était diacre lorsque le pape Libère fut banni par l'empereur Constance en 355, et avec tout le clergé de Rome, il fit le serment solennel de ne jamais reconnaître d'autre pape tant que Libère vivrait; il eut même la générosité de suivre l'exilé à Béréé en Thrace et demeura toujours fidèlement attaché à sa communion. Le pape Libère étant mort le 24 septembre de l'an 366, Damase fut élu par le jugement de Dieu pour remplir le Saint-Siége; mais son élection fut suivie de près d'un schisme qui causa dans l'Eglise des maux incroyables. Ursin, qui comme Damase avait le titre de diacre, se fit nommer pape par une troupe de séditieux et sacrer par l'évêque de Tivoli, au mépris de toutes les règles qui exigent la présence de trois évêques. Cette ordination illégitime causa dans Rome une guerre si cruelle que les lieux de prières en furent ensanglantés, et que dans la seule basilique du Sicine, on compta jusqu'à cent trente-sept morts pour un jour. Toutefois, le parti de Damase demeura le plus fort, et Ursin fut chassé de Rome, après avoir été condamné par les Pères du concile d'Aquilée en 381. Ce fut à la suite de ces premiers troubles, que l'empereur Valentinien or

donna que l'évêque de Rome jugerait les autres évêques conjointement avec ses collègues. Cependant les partisans de l'antipape Ursin sollicitèrent si puissamment son retour, qu'ils l'obtinrent de l'empereur Valentinien. Il rentra à Rome le 15 septembre 367, mais ayant recommencé à jeter le trouble et la division dans la ville, il en fut chassé de nouveau le 16 novembre suivant, juste deux mois après son retour, et l'empereur fit rendre aux catholiques une église que les séditieux tenaient encore, hors des murs de la ville.

Damase, libre possesseur du Saint-Siége, profita des moments de tranquillité que lui donnait l'exil d'Ursin pour assembler à Rome, en 368, un concile très-nombreux, dans lequel il confirma la foi de Nicée, condamna et chassa de l'Eglise Ursace et Valens avec tous ceux qui suivaient le parti d'Arius. Le concile donna avis de tout ce qui s'était passé aux évêques d'Egypte par une lettre synodale que nous n'avons plus. Saint Athanase répondit au pape pour le remercier de son zèle et lui signaler Auxence, qui par ses déguisements était parvenu à surprendre sa foi et à se faire passer pour orthodoxe. Un second concile tenu à Rome en 370 fit justice de cet usurpateur du siége de Milan, qui s'y vit condamné avec tous ses adhérents, et la foi de Nicée confirmée. La même année 370, il fit publier une loi de l'empereur Valentinien qui faisait défense aux membres du clergé, aux cénobites et à tous les séculiers qui menaient la vie ascétique d'aller dans les maisons des veuves et dans celles des filles qui demeuraient seules, et qui permettait en même temps à leurs alliés et à leurs proches de les dénoncer. Cette loi, qui est un monument des mœurs du temps, leur interdisait encore de rien recevoir de la femme à laquelle ils se seraient particulièrement attachés, sous prétexte de direction spirituelle ou de quelqu'autre motif religieux, ni par testament, ni par toute autre espèce de donation que ce pût être, ni même par une personne interposée, à moins qu'ils ne fussent leurs héritiers naturels par droit de proximité. Ces femmes dont il est question ici n'étaient autres que ces sœurs spirituelles contre lesquelles les conciles s'étaient élevés si fortement et avec tant de justice. Deux hérésiarques, Apollinaire et Timothée, son disciple, qui n'admettaient point d'entendement humaín en Jésus-Christ, mais seulement la substance corporelle, furent condamnés dans un autre concile tenu en 376. Le sage pontife ne se déclara pas avec moins de zèle contre les lucifériens dont il fit envoyer un évêque et un prêtre en exil. Les hérétiques et les schismatiques, voyant qu'ils ne pouvaient attaquer sa foi, répandirent des bruits scandaleux contre sa réputation; mais la calomnie fut confondue, et le pape sortit de cette lutte plus pur et plus respecté que jamais. Saint Damase se vit en butte aux priscillianistes; il refusa de voir Priscillien leur chef lorsqu'il se présenta devant lui pour se justifier de la sentence

du concile de Sarragosse qui l'avait condamné. Les païens le regardaient comme un redoutable adversaire, car il s'opposa fortement au rétablissement de l'autel de la Victoire au milieu du sénat. Il se chargea même, dans cette occasion, de la requête des sénateurs chrétiens qu'il fit présenter par saint Ambroise aux empereurs Gratien et Valentinien, et sa demande eut un heureux succès. Au courage apostolique Damase sut toujours joindre une bienveillante charité, et il n'est personne qui n'ait en part à sa bienfaisance. Zélé partisan de la chasteté, saint Jérôme l'appelle le docteur vierge de l'Eglise vierge et le représente comme un homme d'une vie sainte, d'une foi vive et toujours prêt à s'imposer tous les sacrifices pour conserver intactes les traditions des apôtres. Après avoir gouverné l'Eglise pendant dixhuit ans et quelques mois, ce pieux pontife mourut âgé de quatre-vingts ans, le 11 décembre 384, et eut pour successeur saint Sirice. Il fut enterré dans une église qu'il avait fait bâtir sur le chemin d'Ardée, auprès de sa mère et de la vierge Irène dont il avait fait l'épitaphe. 11 fit aussi la sienne dans laquelle il proteste de son espérance à la résurrection. Il fit rebâtir à Rome, près du théâtre de Pompée, l'église Saint-Laurent, qui porte encore aujourd'hui le nom de Saint-Laurent-in-Damaso, et l'embellit de peintures. Il fit dessécher les sources du Vatican, et établir dans l'église de SaintPierre une fontaine pour servir de fonts baptismaux. Si tous ces monuments lui font honneur au point de vue des arts, son zèle pour la foi, son amour pour la religion, son application à éclaircir les difficultés des Ecritures et à en faire rétablir les textes l'ont rendu vénérable à toute la postérité. Saint Jérôme, qui fut son secrétaire, lui accorde beaucoup de génie pour la poésie et remarque qu'il n'excellait pas moins en prose qu'en vers, comme on peut s'en convaincre par ses lettres dont le style est toujours très-élégant et très-élevé. On peut donc dire que ce saint pontife fut aussi illustre par son savoir que par sa piété.

SES ÉCRITS. Nous avons deux exemplaires de la lettre synodale qu'il écrivit à la suite du concile tenu à Rome en 372; l'un de ces exemplaires est en latin, et adressé aux évêques catholiques d'Orient. Il porte en tête les noms de Damase, de Valérien d'Aquilée et de huit autres évêques qui ne sont pas connus; l'autre, qui est en grec, s'adresse aux évêques d'Illyrie. Cette lettre fut portée en Orient par Sabin, diacre de l'église de Milan et légat, qui déclare l'avoir copiée lui-même sur l'original. On peut voir l'analyse de cette lettre dans le Dictionnaire des conciles.

Lettre à Paulin. - Vital, partisan des erreurs d'Apollinaire, était parvenu à surprendre la bonne foi du pape Damase par une profession de foi qui contenait, sous des termes en apparence très-orthodoxes, tout le venin de l'hérésie; mais averti de sa fourberie, le saint pontife envoya à Paulin

une profession de foi dressée dans le concile tenu à Rome en 379, en l'accompagnant d'une lettre dans laquelle il disait : « Je vous avais déjà prévenu par mon fils Vital que je laissais tout à votre volonté et à votre jugement; plus tard je vous ai exprien peu de mots quelques doutes qui m'étaient survenus sur le compte de Vital au moment de son départ; c'est pourquoi, afin que vous ne fassiez aucune difficulté de recevoir ceux qui voudront se réunir à l'Eglise, nous vous envoyons notre confession de foi, non pas tant pour vous qui professez la nôtre, que pour ceux qui en y souscrivant voudront se joindre à nous. Si donc mon fils Vital et ceux qui sont avec lui veulent ne faire qu'un avec nous, avant toutes choses ils doivent souscrire la foi de Nicée, parce qu'on ne peut remédier aux maux futurs qu'en déracinant l'hérésie qui vient de paraître en Orient, et en confessant que la Sagesse même, le Verbe, le Fils de Dieu a pris le corps humain, l'âme et l'entendement, c'est-à-dire Adam tout entier, tout notre vieil homme en un mot, moins le péché; car de même qu'en disant qu'il a pris un corps humain nous ne lui attribuons pas pour cela des passions humaines, ainsi en disant qu'il a pris l'âme et l'entendement de l'homme, nous ne confessons pas qu'il ait été sujet au péché qui vient des pensées. »> Damase ajoute ensuite divers anathèmes qui composent, pour ainsi dire, toute la profession de foi qu'il voulait qu'on souscrivît. La qualité de Fils qu'il donne à Vital dans cette lettre est une preuve qu'il ne l'avait pas encore condamné lorsqu'il l'écrivit; mais plus tard, ayant su qu'il persévérait dans son schisme et dans ses erreurs, il l'excommunia lui et ses adhérents et condamna sa profession de foi avec anathème.

A saint Aschole, etc. - Pendant que saint Grégoire de Nazianze s'appliquait à rétablir la pureté de la foi dans l'Eglise de Constantinople, Maxime, surnommé le Cynique, s'en fit ordonner évêque par un attentat. Le clergé et le peuple indignés le chassèrent de la ville après l'avoir accablé de malédictions. L'empereur Théodose, baptisé depuis peu par les mains de saint Aschiole, était alors à Thessalonique auprès de ce pieux évêque. Maxime vint l'y trouver accompagné des évêques égyptiens qui l'avaient ordonné, dans l'espoir de se maintenir sur son siége par la protection de l'empereur, mais Théodose le repoussa avec indignation. Aschole et cinq autres évêques de Macédoine, chargés par Damase de veiller sur l'Eglise de Constantinople, ayant appris l'ordination de Maxime, donnèrent avis au pape de tout ce qui s'y était passé. Le saint pontife, vivement affligé de la témérité des Egyptiens qui avaient ordonné un homme qui ne pouvait pas même passer pour chrétien, puisqu'il portait un habit de philosophie et les longs cheveux des païens, contre la défense expresse de saint Paul, gémit d'abord sur les circonstances de cette ordination et sur les calomnies qu'elle ne

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manquerait pas d'attirer à l'Eglise de la part des hérétiques; puis il ajoutait : « Au reste, puisque l'on doit réunir un concile à Constantinople, je préviens Votre Sainteté de veiller à ce qu'on y élise un évêque sans reproches, afin de rétablir une paix durable. entre les pasteurs orthodoxes et d'empêcher de pareilles dissensions de se renouveler dans l'Eglise. J'avertis encore Votre Sainteté de ne point souffrir que, par un motif d'ambition, un évêque passe d'une ville à une antre, ni qu'il abandonne son peuple pour aller gouverner un autre peuple, contre les ordonnances de nos ancêtres; car c'est de ces abus que sont nés les contentions et les s hismes. Dans une autre lettre à saint Aschole pour lui recommander un officier, nommé Rusticius, qu'il avait baptisé à Rome et que Gratien envoyait à Théodose, qui faisait alors de Thessalonique le lieu ordinaire de sa résidence, Damase appelle encore son attention sur l'Eglise de Constantinople en le priant d'y faire placer un évêque catholique qui, avec l'aide de Dieu, puisse rendre la paix aux chrétiens. C'est là tout ce que nous possédons des lettres du saint pontife à saint Aschole, quoiqu'il lui en eût écrit un grand nombre d'autres comme il le témoigne lui-même. Il paraît qu'il avait choisi l'évêque de Thessalonique pour en faire son vicaire dans les provinces de l'Ilyrie, avec pouvoir d'agir en son nom dans toutes les circonstances où il croirait avoir droit de se mêler des affaires de ces églises.

A saint Jérôme. Comme il avait lu dans quelques interprètes grecs et latins diverses explications du mot Hosanna qui ne le satisfaisaient pas, le pape Damase écrivit à saint Jérôme, le priant de lui expliquer ce terme avec netteté et dans son sens naturel, sans avoir égard au sentiment de personne, <«< afin, lui dit-il, que le service que je vous demande me donne lieu de vous remercier, comme je vous remercie de beaucoup d'autres, au nom de l'Eglise dont Jésus-Christ m'a confié le soin. » Nous avons cette lettre et quelques passages d'une seconde dans laquelle il le priait de lui expliquer la parabole de l'enfant prodigue. On voit par la réponse de saint Jérôme que le saint pontife expliquait lui-même cette parabole sur laquelle il demandait des explications. « Votre Sainteté, lui dit-il, éclaircit d'elle-même par avance la difficulté qu'elle me propose; c'est déjà lui donner un grand jour que de l'exposer comme vous faites, car c'est être sage que de savoir sagement proposer une question. » Après l'explication de cette parabole, Damase fut quelque temps sans recevoir de lettres de saint Jérôme; craignant donc qu'il ne se donnât trop de relâche, et qu'appliqué tout entier à la lecture, il ne pensât plus à écrire, il crut devoir le réveiller, et lui envoya pour cela plusieurs points à examiner, savoir: « Comment on doit entendre ces paroles de la Genèse: Celui qui tuera Caïn en sera puni sept fois. Si tout ce que Dieu a fait est bon, pourquoi dans l'Ancien et le Nouveau Testament met-on de la différence

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