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en tous. D'où il concluait que le règne du Fils finirait un jour. Eusèbe n'emploie pas d'autre moyen pour le combattre que d'expliquer le véritable sens de ces passages. Il montre que le premier, tiré de saint Paul, doit s'entendre de la glorification du corps après la résurrection, selon ce que dit ailleurs le même apôtre; que Jésus-Christ transformera notre corps tout vil et abject qu'il est, afin de le rendre conforme à son corps glorieux. Sur celui de saint Jean, il dit que Jésus-Christ ayant assuré les Juifs qu'ils n'auraient point la vie en eux, s'ils ne mangeaient son corps, et s'ils ne buvaient son sang, et voyant que ce discours les avait scandalisés, les avertit que c'est l'esprit qui vivilie, et que la chair ne sert de rien; comme s'il disait: Ne pensez pas que par ce que je vous ai dit, je veuille Vous obliger à manger la chair dont vous me voyez revêtu, ni à boire mon sang d'une manière sensible et corporelle; mais vous n'ignorez pas que les paroles que vous avez ouies de moi sont esprit et vie : ce sont ces paroles qui sont ma chair et mon sang, et qui comme un pain céleste donnent la vie éternelle à ceux qui s'en repaissent. Ne vous scandalisez donc point de ce que je vous ai dit de ma chair et de mon sang; ces choses entendues d'une manière sensible ne servent de rien, c'est l'esprit qui vivifie ceux qui les entendent spirituellement. Eusèbe ajoute à cette explication de vifs reproches à Marcel, pour avoir débité de son chef une circonstance qui n'est point marquée dans l'Evangile; savoir, que JésusChrist adressant ces paroles aux Juifs: Ceci tous scandalise-t-il ? avait touché sa chair en la leur montrant.

Quant au texte de l'Apôtre, qui parle de la sujétion du Fils au Père, il l'explique d'une sujétion libre et volontaire de la part du Fils, qui soumettra à son Père tous ses élus, sans toutefois se dépouiller de son empire, qui doit durer à jamais, ainsi que l'ange Gabriel l'annonça à Marie, et que les pro, hètes l'ont prédit. Il rapporte aux seuls élus ce qui est écrit, que Dieu sera tout en tous; et dit qu'alors eux-mêmes ne seront plus qu'un entre eux, non que leur substance doive être confondue; mais parce qu'ils n'auront plus qu'une même volonté, réglée selon la plus parfaite équité. Il finit en expliquant d'autres passages dont Marcel se servait pour nier l'hypostase du Fils. Il explique celui-ci : Moi et mon Père nous sommes un, par cet autre: Je leur ai donné la gloire que vous m'avez donnée, afin qu'ils

soient un comme nous sommes un. « Par là, dit-il, Jésus-Christ enseigne que son Père est en lui de la même manière qu'il Veut qu'il soit en nous, et non pas que lui et le Père ne sont hypostatiquement qu'un. Ainsi quand il dit qu'il est dans le Père et que le Père est en lui, il le dit dans le même sens que l'Apôtre a assuré plus tard, qu'après la consommation des siècles Dieu sera tout en tous, et ailleurs, que c'est en lui que nous avons l'être, le mouvement et la vie; ce qui ne détruit point l'hypostase

propre à chacun de nous. Enfin, il est écrit que celui qui voit le Fils voit le Père, parce que le Fils est l'image du Dieu invisible, et suivant l'expression de l'Apôtre, la splendeur de sa gloire et le caractère de sa sub

stance. >>

De la vie de Constantin. On convient qu'Eusèbe composa cet ouvrage vers l'an 338, peu de temps après la mort de Constantin. Du reste cela ressort assez clairement d'un passage du premier livre où il dit qu'il va publier en toute liberté les louanges de ce prince, ce qu'il n'avait osé faire jusqu'alors, à cause des changements auxquels nous expose tous l'inconstance de notre nature, et aussi parce que l'Ecriture défend de donner à personne le titre d'heureux dans le cours de cette vie. Il prend son héros dès l'âge le plus tendre, et, comme un autre Moïse, il le montre élevé parmi les ennemis de Dieu, mais sans participer à la corruption de leurs mours, lui qui était spécialement envoyé pour délivrer son peuple de leur tyrannie. Il ne s'attache point à reproduire la suite de ses actions, quelque grandes que le monde les ait jugées; il ne dit rien de ses batailles et de ses victoires, ni des lois qu'il avait faites pour le bien de ses sujets. Son dessein est de le représenter comme un prince pieux et de faire ressortir son zèle pour la religion chrétienne, qu'il avait rendue respectable par sa conduite, protégée par sa puissance, défendue par ses armes, autorisée par ses lois, maintenue par son attention à y conserver intactes la pureté de la foi et la vigueur de la discipline. Enfin, il le pose comme un véritable apôtre par le soin qu'il mit à la propager, non-seulement dans l'empire, mais encore parmi les nations étrangères. Eusèbe s'attache scrupuleusement à l'ordre chronologique dans la reproduction des faits; mais il omet souvent des circonstances importantes et passe trop légèrement sur plusieurs autres qui auraient besoin d'être expliquées avec une certaine étendue. En général, on remarque dans cet ouvrage plus d'empressement et d'affectation à louer Constantin, que d'exactitude à rapporter les choses. Le style, pour être plus orné et plus fleuri que celui de ses autres ouvrages, n'en est ni plus naturel ni plus beau; il est diffus et convient mieux à un orateur qu'à un historien; aussi Socrate et Photius ont-ils donné à cet écrit le titre de Panégyrique de Constantin. Photius surtout, qui en a fait une critique particulière, accuse l'auteur d'avoir usé de dissimulation à l'égard d'Arius et de ses partisans ; et en effet il est difficile d'interpréter autrement son silence.

Commentaires sur les Psaumes. Il est certain qu'Eusèbe a composé des commentaires sur tous les Psaumes. Saint Jérôme les loue comme un ouvrage plein d'érudition, et on en trouve des passages cités dans Théodoret, dans le pape Gelase et dans le septième concile œcuménique. Il y en avait même une traduction latine dès le temps de saint Jérôme. Cette traduction était l'œuvre

d'Eusèbe de Verceil, qui avait pris soin

d'en retrancher tout ce qui pouvait favoriser l'arianisme, mais elle ne s'est point conservée jusqu'à nous. On était persuadé que l'original avait subi le même sort, car depuis Photius aucun écrivain n'en avait fait mention; mais le Père de Montfaucon les a exhumés en 1706, et après les avoir collationnés sur trois manuscrits et sur diverses chaines des Pères, il les a fait imprimer avec une traduction latine et en les faisant accompagner d'une dissertation préliminaire. Du reste, quoiqu'ils ne se retrouvent pas au complet et qu'ils s'arrêtent au psaume EXVIII, il est difficile d'élever des doutes sur leur authenticité. On y remarque l'érudition vantée par saint Jérôme, les passages que les anciens en ont cités, le style d'Eusebe, la même version de l'Ecriture qu'il suit dans ses autres ouvrages, sa doctrine touchant la nature du Verbe, sa méthode de traiter l'Ecriture sainte, des réflexions et des remarques sur certains passages des écrivains sacrés, si semblables avec ce qu'il en dit dans ses autres ouvrages, qu'il paraît, pour ainsi dire, s'être copié dans ces commentaires. Cela se retrouve particulière ment dans la Démonstration, où il a quelquefois expliqué des psaumes entiers. D'ailleurs, il n'y a rien dans ces commentaires qui ne convienne à Eusèbe et au temps où il écrivait. L'auteur y parle comme témoin oculaire de la persécution de Maximin, de la mort des tyrans, et de la paix rendue à l'Eglise. Il dit que de son temps on avait bâti plusieurs églises magnifiques, que l'Evangile faisait des progrès merveilleux, et que les moines n'existaient encore qu'en petit nombre; toutes circonstances qui marquent évidemment un auteur du commencement du Ive siècle.

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Pour ce qui regarde cet ouvrage en luimême, on peut dire que c'est un des plus excellents que nous ayons en son genre: Eusèbe y fait preuve d'une connaissance profonde de l'Ecriture sainte, et on l'y reconnaît aisément pour cet ami du martyr saint Pamphile, qui avait travaillé si soigneusement avec lui à se former dans la science des livres saints. Ses remarques sur l'auteur de chaque psaume, sur le temps auquel ils ont été écrits, sur l'ordre et la disposition qui leur conviendrait davantage, sont autant de critique, qui peuvent servir aux plus habiles. Il entre dans un examen exact de toutes les difficultés, et il n'omet rien pour les éclaircir, soit en recourant à l'histoire, soit en rapprochant les endroits de l'Ecriture qui ont rapport à celui qu'il traite, soit en corrigeant la leçon des Septante, par l'hébreu ou par celle des autres interprètes.

Quand il explique le sens littéral, il est rare qu'il ne réussisse pas; et ses allégories, quoique fréquentes, plaisent néanmoins, parce qu'elles sont naturelles et de bon goût. Il est attentif à accorder jusqu'aux moindres contrarietés apparentes; mais ce qui rend cet ouvrage précieux, c'est le grand usage qu'il y fait des anciennes versions d'Aquila, de

Théodotion, de Symmaque, qu'il rapporte quelquefois de suite sur des psaumes ontiers. Il les préfère en plusieurs endroits à la version des Septante; et il fait une estime particulière de celle de Symmaque, qu'il cite plus volontiers qu'aucun autre, et qu'il appelle souvent un interprète admirable. On voit en confrontant ses explications avec celles d'Origène, qu'il suit communément ce Père, et cela se remarque surtout en les lisant l'un et l'autre dans les chaînes des Pères.

Il y a un endroit de ses commentaires, où Eusèbe parle de quelques miracles qui s'étaient faits de son temps au saint sépul cre de Jérusalem; ce qui semble marquer la manière miraculeuse dont Dieu fit connaitre quelle était la vraie croix du Sauveur, entre celles des deux voleurs, avec lesquelles Hélène, mère de Constantin, la trouva confondue. On appliqua deux croix à un corps mort, dit saint Paulin, sans qu'il s'en suivit aucun effet; mais l'attouchement de la troisième lui rendit la vie ; ce qui la fit reconnaître pour celle où la mort avait autrefois été vaincue d'une façon bien plus glorieuse. Sulpice-Sévère raconte la même chose; mais Rufin, Socrate, Théodoret et Sozomène, ne parlent que d'une femme, milade à l'extrémité, qui fuit guérie par cet attouchement. On rapporte l'invention de la sainte Croix, au voyage qu'Hélène fit dans la terre sainte, vers 327; ainsi Eusèbe ne peut avoir composé plus tôt ses Commentaires sur les Psaumes. Le Père de Montfaucon croit même que ce ne fut que longtemps après, et dans les dernières années de sa vie. En effet, il y parle de l'église que Constantin fit bâtir pour honorer le saint sépulcre, qui ne fut achevée qu'en 335. En ce cas nous ne voyons point ce que pouvait être cette persécution, dont il dit que l'Eglise était attaquée de nouveau, car Licinius, qui recommença à la persécuter, était mort dès 323.

Commentaire sur Isaïe. C'est encore au P. de Montfaucon que nous devons la résurrection de cet ouvrage d'Eusèbe, que l'on ne connaissait presque plus que parce que nous en apprend saint Jérôme. Il le publia en 1707 avec une traduction latine et une dissertation préliminaire après l'avoir collationné sur deux manuscrits et sur diverses chaines également manuscrites des x et XI° siècles. Mais il s'en faut de beaucoup que ce travail soit aussi complet que le premier. On s'aperçoit facilement et à plusieurs vides que ce sont plutôt des fragments ou deş extraits des commentaires d'Eusèbe que ces commentaires eux-mêmes. Mais, à cela près, on peut se féliciter d'avoir recouvré, par les recherches de ce savant religieux, le véritable ouvrage d'Eusèbe. On y retrouve à la lettre les explications citées par saint Jérôme, et il y en a quantité d'autres que ce Père, aussi bien que Procope après lui, lui ont visiblement empruntées en écrivant sur Isaïe. Comme dans la plupart de ses ouvrages, Eusèbe y parle de la

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persécution de Dioclétien, dont il avait été témoin, et de la protection que Dieu avait accordée à son Eglise. Il y cite même sa Chronique, ce qui témoigne qu'il ne les composa qu'après l'an 313 ou même après 325, époque à laquelle il donna une seconde édition de cet ouvrage. Ce qu'il dit des empereurs Romains qui non-seulement s'assemblaient dans l'Eglise avec les fidèles, mais participaient même aux saints mystères, semble marquer qu'il écrivait après la mort de Constantin, et sous le règne des princes, ses enfants, vers l'an 338; car outre qu'il les nomme au pluriel, on sait que Constantin ne reçut le baptême qu'à la mort, et que quand bien même il eût été catéchumène auparavant, il n'avait aucun droit de participer aux sacrés nystères. C'est tout ce que l'on sait pour fixer l'époque de cet ouvrage. Les explications d'Eusèbe sur Isaïe sont à peu près de même génie que ses Commenlaires sur les Psaumes; c'est-à-dire que sans négliger le sens littéral, il donne plus volontiers dans l'allégorie qu'il rapporte presque toujours, ou à Jésus-Christ, ou à l'Eglise, ou à la Jérusalem céleste. C'était le goût des anciens Pères de l'Eglise de tout allégoriser, et le goût ne pouvait absolument passer pour mauvais, puisqu'il leur était venu des apôtres et des plus habiles Juifs. Mais il y a des endroits d'Isaïe qu'Eusèbe n'explique qu'allégoriquement, quoiqu'il eût promis une explication historique de ce prophète. C'est ce qui fait que saint Jérôme lui reproche, qu'oubliant quelquefois son titre, il s'étendait comme Origène dans les sens allégoriques. Ce qui, soit dit en passant, prouve que ce Père n'a pas prétendu condamner les allégories en elles-mêmes, puisqu'elles sont communes dans ses propres ouvrages, et qu'il donne mème des règles pour s'en servir à propos. Il ne faut pas non plus entendre généralement ce que ce saint docteur dit au même endroit; qu'il ne s'était point servi des commentaires d'Eusèbe sur Isaïe, en expliquant ce prophète. Il est visible qu'il s'en est servi, et ce que le P. de Montfaucon a remarqué qu'il en avait tiré, n'en est que la moindre partie. On est surpris, surtout de trouver que quand Eusèbe reconnait tenir telle ou telle explication d'un docteur hébreu, ou en général des Hébreux, saint Jérôme dise la même chose en rapportant la même explication. Il n'a donc pas prétendu en imposer sur une chose qui pouvait être connue de tout le monde. Il avertit seulement que la manière dont il expliquait actuellement un chapitre d'Isaïe, il ne l'avait point pris d'Eusèbe, voulant faire sentir par là que ce serait à tort que ses ennemis voudraient l'accuser d'avoir lout puisé dans les Commentaires de cet évêque, sous prétexte des secours qu'il en avait tirés.

Des quatorze opuscules attribués à Eusèbe. -Nous pouvons dire en général des quatorze opuscules publiés en latin sous le nom d'Eusèbre, qu'il n'en est aucun qu'on ne puisse raisonnablement attribuer à ce Père.

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Non-seulement ils portent son nom dans les deux manuscrits d'où le P. Sirmond les a tirés, et dans un troisième qu'Oudin avait vérifié dans la bibliothèque des Prémontrés de Bellevalle, près de Reims; mais encore presque tous renferment des caractères vénérables d'antiquité qui permettent de les faire. remonter jusqu'au temps où vivait Eusèbe. Dans chacun de ces discours, ou bien l'auteur réfute d'anciennes hérésies comme celles de Sabelnus, ou il déclame contre les superstitions du paganisme, ou il exhorte les fidèles à souffrir avec constance les persécutions des idolâtres. On y reconnaît Eusèbe à sa façon de s'exprimer touchant la nature du Fils, et il y a même des opinions qui paraissent lui avoir été assez particulières, comme dans le sixième, intitulé de l'Ame incorporelle, où il admet l'opinion de certains physiciens de son temps, qui prétendaient que les pierres croissent insensiblement à peu près comme les plantes, opinion du reste qu'il a déjà émise dans son Commentaire sur les Psaumes. Le premier qui est contre Sabellius a beaucoup de rapports, pour la nature des preuves, avec ses livres contre Marcel d'Ancyre, et on ne doute pas que ce ne soit cet évêque même qu'il y attaque sous le nom de Galate, parce que sa ville épiscopale était la capitale de la Galatie. On trouve dans le cinquième une partie des raisons que nous lui avons vu employer si utilement, dans sa Démonstration évangélique, pour établir la vérité de la religion chrétienne; de sorte que quand ce sermon ne serait pas d'Eusèbe, on ne pourrait nier qu'il n'en ait été tiré. La traduction latine de ces différents ouvrages, car l'original paraît en être perdu, est tout entière de la même main; mais il faut peu compter sur les titres qui la plupart ne répondent point à ce qui est traité dans le corps du discours. Nous avons oublié de dire que ces opuscules étaient des sermons. Nous nous abstiendrons de rendre compte par l'analyse de chacun en particulier, ce qui nous entraînerait dans des longueurs que nous devons éviter; mais nous nous appliquerons à donner une idée de l'ensemble et de la doctrine qui s'y trouve contenue.

L'auteur de ces sermons, qui assurément est un ancien et remonte par sa manière aux premiers siècles, enseigne que Dieu est incompréhensible, simple, invisible par sa nature et incorporel; qu'il a une connaissance entière de toutes choses, même de celles qui nous paraissent les plus méprisables. Il confesse clairement les trois personnes : un Père, un Fils, un Saint-Esprit. « C'est, dit-il, la foi de l'Eglise qui est une: c'est le sceau d'un seul baptême. Nous ne sommes point Juifs, nous reconnaissons que Dieu a un Fils; ni Gentils, puisque nous ne disons pas qu'il y ait plusieurs Pères ni hérétiques, puisque nous croyons un Saint-Esprit. » Et encore: « Adorez le Père, et le Fils vous sauvera; adorez le Fils, et par lui le Père vous recevra confessez un Saint-Esprit, et le Fils vous communiquera son esprit. » Il dit que le Père précède le Fils, non par l'espace des temps, mais en honneur et en diguité, c'est

à-dire que, suivant le style des anciens, il naturelle qui convient aux justes, mais il lui attribue principalement la monarchie ou condamne la fausse tendresse des mères, la puissance suprême que le Fils est vrai qui, pour laisser plus de bien à leurs enfants, Dieu; qu'il a pris une chair véritable: qu'il négligent par avarice de les faire instruire. est en même temps Dieu et homme, et que Il témoigne qu'en certaines occasions les dans ses actions, les unes se rapportent à chrétiens étaient tenus de faire hautement le la divinité; les autres à l'humanité qu'il signe de la croix sur le front, et qu'il leur est venu au monde, pour racheter le péché était permis de se trouver dans les repas des d'Adam, auquel nous sommes tous sujets en païens, pourvu qu'ils ne prissent aucune part naissant. aux cérémonies profanes qui s'y pratiquaient. On peut aussi remarquer qu'il donne le titre de martyrs aux saints Innocents, et ce qu'il dit que le baptême de saint Jean ne remettait point les péchés; que saint Pierre fut crucifié la tête en bas; que Caïn tua son frère avec une pierre; que Joseph souffrit deux années de prison de plus, pour s'être recommandé à l'échanson de Pharaon et avoir mis sa confiance en un homme. Il appelle les trois jeunes hommes de Babylone frères de Daniel, et il loue les Mages qui vinrent adorer JésusChrist d'avoir renoncé à l'art de la magie.

Il enseigne que la foi est le premier fondement et la source de toutes les bonnes œuvres: que l'Eglise est fondée sur saint Pierre; et il se glorifie d'être fondé lui-même sur cette pierre bienheureuse; c'est-à-dire, de communiquer avec les successeurs de saint Pierre, montrant ailleurs qu'il n'y a point de salut dans le schisme. Il est témoin en plusieurs endroits que le pouvoir de chasser les démons se perpétuait dans l'Eglise comme une semence que les apôtres y avaient déposée; qu'on voyait des chrétiens garder la continence même dans le mariage; et enfin qu'on rendait un culte particulier aux reliques des martyrs. Il parle exactement de la nature des anges, de l'immortalité de l'âme, de la résurrection générale des bons et des mauvais. Il dit que nous ne pouvons connaître Dieu s'il ne nous éclaire lui-même; qu'il est plus facile à un poisson de vivre hors de l'eau, qu'à une âme de se sauver sans Jésus-Christ; que c'est Dieu qui nous fait désirer de le connaître et qui nous amène à lui, non en nous faisant violence, mais en domptant la résistance de notre volonté. Il ne permet point que les justes restent longtemps dans l'erreur. Pour l'aimer parfaitement, il faut l'aimer pour lui-même; et lui obéir, non par l'appréhension des peines, ce qui ne convient qu'à un mauvais serviteur, ni par rapport aux récompenses, comme le font les mercenaires, mais par un motif d'amour dépouillé de tout intérêt propre.

On y trouve aussi des règles de morale dans le genre de celles que nous citons ici pour exemple. Il n'est jamais permis de dissimuler en fait de religion. Ce qui est mauvais en soi-même est toujours mauvais, soit que nous nous en apercevions, soit que nous ne nous en apercevions pas; la seule différence, c'est que nous sommes doublement coupables, lorsque par de mauvaises habitudes nous nous sommes aveuglés de telle sorte que nous ne voyons plus le mal que nous commettons. On ne doit jamais jurer de peur que venant à s'en faire une coutume, on ne se familiarise insensiblement, même avec le parjure, ce qui montre qu'il ne condamne point le jurement en lui-même, mais à cause des suites fâcheuses qu'il peut avoir; qu'autre chose est de faire mal, et autre chose de ne faire ni bien ni mal; ce qui s'entend par rapport à l'action, qui en elle-même peut passer pour indifférente, c'est-à-dire n'être ni bonne ni mauvaise; mais non pas par rapport à la fin qui doit essentiellement être Dieu. Il ne désapprouve point la douleur d'un père qui a perdu son fils, cette douleur étant l'effet d'une commisération

Canons évangéliques.-Les canons des Evangiles composés par Eusèbe sont très-propres à faciliter l'étude des livres saints. Ce sont des tables destinées à indiquer, au moyen de certains chiffres rangés sur des colonnes parallèles, tous les passages des évangélistes qui ont ensemble quelques rapports et même ceux qui n'en ont point. C'est pourquoi ces tables devaient être placées à la tête des exemplaires des quatre Evangiles. Les mêmes chiffres se trouvaient distribués le long des marges, à côté de chaque verset, avec le nombre du canon auquel il fallait recourir. Le chiffre qui marquait le verset était en noir, et le nombre du canon était en rouge et placé au-dessous. Ainsi, quand le lecteur voulait savoir, si tel verset de saint Matthieu, par exemple, celui où il est dit que Jésus étant descendu de la montagne, un lépreux s'approcha de lui et l'adora, en disant: Seigneur, si vous voulez, vous pouvez me guérir, se trouvait aussi dans saint Marc et dans les autres évangélistes, il regardait d'abord le chiffre placé à côté de ce verset, puis celui qui était au-dessous et qui marquait le nombre du canon ou de la table à laquelle il fallait recourir. Il s'arrêtait dans cette table à la colonne qui était particulière à l'Evangile de saint Matthieu; et y trouvant aussitôt le chiffre qu'il cherchait, il voyait dans les colonnes parallèles des autres Evangiles, si saint Marc, saint Luc et saint Jean, ou quelques-uns d'entre eux auraient dit la même chose. Les tables ou canons évangéliques d'Eusèbe étaient au nombre de dix. La première marquait tous les endroits qui se trouvaient dans les quatre Evangiles. La seconde, ceux qu'on ne lisait que dans saint Matthieu, saint Marc et saint Luc. La troisième, ce qui était rapporté par saint Matthieu, saint Luc et saint Jean. La quatrième, les endroits parallèles de saint Matthieu, de saint Marc et de saint Jean. La cinquième accordait saint Matthieu et saint Luc; la sixième saint Matthieu et saint Marc; la septième, saint Matthieu et saint Jean; la huitième, saint Luc et saint Marc; la neu

vième, saint Luc et saint Jean. La dixième, indiquait en quatre colonnes différentes ce que chacun d'eux avait dit de particulier. On peut voir ces tables à la tête de la Bible de saint Jérôme, dans le premier tome de ses ceuvres, de l'édition de dom Martiani, avec la préface de ce saint docteur sur les quatre Evangiles, dans laquelle il explique au pape Damase, ce que c'était que ces canons évangéliques d'Eusèbe. Car il les avait traduits du grec, et les avait envoyés à ce saint pape, persuadé qu'ils lui seraient d'un grand secours contre le désordre et la confusion qui régnaient alors dans la plupart des exemplaires des quatre Evangiles. Car depuis longtemps on s'était donné la liberté d'ajouter à l'un ce qu'il avait de moins qu'un autre, en quelques endroits, ou qu'il n'avait pas dit dans les mêmes termes, dans la fausse Persuasion que tous les Evangélistes devaient dire la même chose et dans les mêmes termes. Il arrivait de là que l'on trouvait dans saint Mare plusieurs choses qui étaient de saint Luc et de saint Matthieu, et d'autres dans saint Matthieu, qui appartenaient à l'Evangile de saint Marc; sans que le lecteur qui n'était point averti, pût distinguer ce qui était propre à chacun d'eux. Eusèbe adressa ces canons évangéliques à Carpien, par une lettre que l'on a imprimée à la tête de ces canons, dans le Nouveau Testament grec de Robert Etienne, en 1550. Saint Jérôme dit qu'il les composa à l'imitation de ceux d'Ammone. Mais il y avait cette différence entre l'ouvrage d'Amimone et celui d'Eusèbe

Ammone ayant détaché des Evangiles de saint Marc, de saint Luc et de saint Jean, tous les endroits qui avaient rapport à celui de saint Matthieu, en avait fait un discours Suivi; au lieu qu'Eusèbe, sans déplacer les textes des quatre Evangiles, avait indiqué par des chiffres ce qu'ils avaient de commun et de particulier. Cassiodore parle de cet Ouvrage dans ses Institutions.

Sur les contrariétés des Evangiles. Eu sebe avait également composé un ouvrage ans lequel il indiquait la manière de concilier les différents passages des Evangiles qui paraissaient se contredire. Saint Jérôme nous apprend que la question touchant le père de Saint Joseph y était traitée, c'est-à-dire qu'Eusèbe, autant que nous en pouvons conJecturer, y faisait voir comment Joseph était en même temps fils de Jacob selon la nature, et tils d'Héli selon la loi; c'est ce qu'il explique du reste, après Jules Africain, dans le premier livre de son Histoire ecclésiastique. On peut rapporter à cet ouvrage d'Eusèbe sur les Evangiles, les deux fragments qui ont été donnés sous son nom par le P. Combéfis, l'un sur l'heure de la résurrection et l'autre sur les anges qui apparurent aux feumes dans le sépulcre. On voit que le sentiment d'Eusèbe était qu'il y avait deux Madeleines, et que c'était la coutume de on temps de ne rompre le jeune de la Veille de Pâques, que le dimanche au matin, Vers le chant du coq, ou au plus tôt après inuit. Victor d'Antioche a inséré dans ses

Commentaires sur saint Marc, une partie des réflexions qui composent ces fragments, et il en fait honneur à Eusèbe. Nous croyons devoir rapporter à ce même ouvrage un grand nombre d'explications sur divers endroits des Evangiles, particulièrement sur celui de saint Luc, qui se trouvent répandues dans la chaîne des Pères grecs sur cet évangéliste, et dans la Bibliothèque des Prédicateurs du P. Combéfis. Voici ce qu'Eusèbe y dit de plus remarquable: que saint Jean a composé sa narration évangélique des faits qui ont précédé l'emprisonnement de saint JeanBaptiste et que les autres évangélistes ont écrit ce qui s'était passé ensuite: ce qui doit servir à lever les contradictions apparentes qui se trouvent entre eux; que saint Pierre a fondé l'Eglise de Césarée en Palestine; que de son temps l'Evangile de saint Jean était traduit en toutes sortes de langues; que Job descendait d'Esau; que Jésus-Christ a prêché son incarnation aux âmes qui étaient détenues dans les enfers avant sa mort, sentiment qui est commun à plusieurs anciens Pères; que les disciples ne devaient prendre autre chose que leur nourriture de ceux chez qui ils prêchaient l'Evangile, mais qu'en sortant ils pouvaient en recevoir ce qui leur était nécessaire pour la subsistance de tout le jour; que Dieu nous ayant appelés à la foi, il dépend de nous de l'embrasser, en sorte que c'est notre faute si nous n'avons point de part au banquet céleste; que saint Matthieu a écrit son Evangile en hébreu; que le monde a été créé au printemps, et que la fête de Pâques est comme celle de la naissance du monde; que Notre-Seigneur n'a pas fait la pâque avec les Juifs, mais qu'il les a devancés d'un jour; ce qu'il prouve par le passage de saint Jean, où il est dit que les Juifs n'entrèrent point dans le prétoire, parce qu'ils devaient manger la pâque. Il prétend au reste qu'ils auraient dû la célébrer le jeudi, comme fit Jésus-Christ, et qu'ils s'éloignèrent en ce point de ce que la loi leur prescrivait; ce que saint Luc insinue en disant: Le premier jour des azymes auquel il fallait immoler la pâque. Eusèbe ajoute que leurs mauvais des

seins contre le Sauveur étaient comme un voile qui leur couvrait les yeux et les aveuglait au point de ne pouvoir plus discerner ce qui était prescrit par la loi. On assure qu'on avait trouvé dans la Sicile trois livres de l'ouvrage dont il s'agit; mais jusqu'ici personne ne les a fait imprimer. Cave dit, sans en apporter de preuves, qu'il était adressé à un nommé Etienne.

Réponses à Marin. Le traité des Réponses à Marin est reconnu pour appartenir à Eusèbe. On trouve dans une chaîne grecque manuscrite, une de ses réponses sur les contrariétés apparentes des évangélistes, et sur l'histoire de la résurrection. Dans une autre sur saint Jean, Sévère dit qu'Eusèbe a adressé à Marin sur la passion et sur la résurrection, des questions qu'il lui envoie toutes résolues, et il en rapporte une sur l'heure du crucifiement. Le P. Labbe en cite une sur les trois jours de la sépulture

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