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adressées à l'évêque Geoffroi, ont pour la plupart le même objet que les précédentes. Hi parait que ce prélat trouvait mauvais que le Pape accordât aux abbés l'usage des ornements épiscopaux, et qu'il les exemptât de la juridiction de l'Ordinaire, ce qui fait qu'il les appelait acéphales. Geoffroi lui répondit que le Saint-Siége n'usait pas d'une plus grande indulgence, en accordant aux abbés les ornements pontificaux, que l'on n'en usait envers celui qui est choisi évêque et promu aux ordres sans le mérite d'une bonne vie. «< Au reste, ajoutait-il, nous ne sommes pas acéphales pour cela, puisque nous avons Jésus-Christ pour chef et le Pape après lui; notre monastère l'a eu pour chef dès le commencement, et l'aura, Dieu aidant, jusqu'à la fin. » il rapporte le décret du Pape Urbain II qui annule la profession d'obéis sance que Geoffroi avait faite à Yves de Chartres, et un autre décret du même Pape qui déclare tous les moines de Vendome exempts de la juridiction des évêques. Quelque zèle au reste que Geoffroi ait fait paraitre pour la défense des priviléges de son monastère, il a toujours témoigné un profond respect pour les évêques contre lesquels il les défendait. Il proteste qu'il n'a jamais rien voulu enlever à l'église de Chartres; mais seulement conserver à l'abbaye de Vendôme, la possession de ce qui lui fut accordé lors de sa fondation, et qu'il rendra à l'évêque de Chartres tout ce qu'il s'était réservé alors dans cette abbaye.

Troisième livre. Le troisième livre des lettres de Geoffroi en contient quarante-trois, écrites à différents évêques, particulièrement aux évêques du Mans et d'Angers. - Dans la huitième, adressée à Renaud d'Angers, Tabbé de Vendôme parle d'un moine de Saint-Nicolas, qui avait répondu aux accusations formées contre lui par son abbé, en se servant non de la langue latine, parce qu'il était laique et qu'il ne l'avait point apprise, mais de sa langue naturelle; ce qui prouve que dès le x siècle le latin n'était plus la langue vulgaire, et que les laïques en avaient une autre qui s'appelait la langue maternelle. Cela peut encore nous expliquer comment nous possédons les sermons de saint Bernard en latin et en français. -Nous avons quatre lettres écrites à propos d'un religieux qui avait fui l'abbaye de Vendôme, et que l'évêque du Mans retenait, quoiqu'il eût promis de le renvoyer à son abbé qui le redemandait. Dans les vingt-sixième et ingt-septième lettres, il reproche modeste ment à Hildebert de lui avoir manqué dé parole en n'exécutant pas celle qu'il lui vait donnée, parce que le clergé de Tours sy opposait. Geoffroi regarde cette opposition comme un attentat contre la dignité Hildebert, et une insulte faite à l'Eglise du Mans de la part de ces clercs qui, au épris de toutes les règles, se sont élevés au-dessus d'un évêque qu'il ne leur est pas même permis de reprendre, sinon dans le cas où il s'écarterait de la foi. « L'archevêque de Tours lui-même, ajoute notre abbé,

quoique supérieur de ses clercs, n'aurait aucun droit de vous empêcher de me faire la grâce que je vous suppliais de m'accorder; et s'il avait voulu s'y opposer, vous n'auriez point dù obéir. A la vérité, on doit obéir à son supérieur, non pas précisément dans. tout ce qu'il commande, mais dans tout ce que Dieu commande: car si le supérieur ordonne quelque chose de contraire à ce que Dieu ou les Pères ont preserit, il per l'autorité de commander et on ne doit pas iui obéir, comme les apôtres nous l'apprennent par leur exemple. Ils avaient assurément appris les règles de l'obéissance sous un bon maître, qui leur avait donné cette instruction en parlant des scribes et des pharisiens: Faites tout ce qu'ils vous diront. Cependant, quand, dans la suite, les scribes et les pharisiens leur défendirent de prêcher au nom de Jésus-Christ, ils surent éviter sagement de tomber dans le piége d'une fausse obéissance, en répondant qu'il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes. » — Dans la trente-neuvième lettre, adressée à Pierre, évêque de Saintes, notre abbé prie ce prélat d'empêcher un duel entre un clerc et un moine, ce qui n'était permis ni par les lois ni par les canons. L'éditeur, dans une note curieuse sur cette lettre, rapporte trois exemples de ces sortes de combats : le pre

tier, entre Haimeric, vicomte de Thonords, et Thierry, abbé de Saint-Aubin, au sujet d'une redevance exigée par le vicomte et refusée par l'abbé comme n'étant point due. Le vicomte se désista de sa demande, et le duel n'eut pas lieu. Dans le second exemple, le combat se livra en présence de Hamelin, évêque de Rennes, du comte Conon, de Robert de Vitrey, alors excommunié, etc. La querelle fut accommodée et le combat suspendu. Entin, dans le troisième exemple, le duel s'exécuta entre Etienne, champion dų comte d'Angoulême, et un nommé Guillaume qui défendait une femme accusée de maléfices. Etienne fut victorieux et Guillaume remporté du champ clos, tout brisé des coups qu'il avait reçus. Ainsi, le zèle que témoigne notre abbé contre un usage si contraire à la ' loi de Dieu ne fut suivi d'aucun succès. Plût à Dieu que le duel eût été tellement aboli dès cette époque, qu'il n'en fût resté aucune trace dans les siècles suivants, et surtout dans le nôtre, où, malgré la civilisation des mœurs et ce qu'on est convenu d'appeler la progression des idées, cet absurde et brutal préjugé fait tous les jours encore de nombreuses victimes.

Quatrième livre. Il contient cinquanta lettres écrites à des abbés ou à des moines. La plus remarquable et la seule dont nous rendrons compte est sans contredit cello, qu'il écrivit à Robert d'Arbrissel, fondateur de l'abbaye de Fontevrault. C'est l'épanchement d'un ami qui avertit charitablement son ami que des bruits désavantageux, scanda-. leux même, courent sur son compte, afin que celui-ci se corrige si ce que l'on dit de lui est vrai. Geoffroi a l'air de ne pas croire au fait singulier rapporté dans cette lettre.

Le P. Sirmond se repentit de l'avoir imprimée, d'autant plus qu'elle était démentie par plusieurs auteurs, c'est-à-dire attribuée à d'autres qu'à l'abbé Geoffroi; mais la lettre existe dans les manuscrits de l'abbaye de la Couture du Mans et de la Trinité de Vendôme. Deux moines de Fontevrault, envoyés pour l'enlever dans cette dernière ville, le tentèrent sans succès, n'ayant pu soustraire qu'un seul feuillet du livre, qui est déposé aujourd'hui à la bibliothèque de Vendôme. Il est assez vraisemblable que cette lettre fut écrite dans le temps que Robert allant précher de côté et d'autre, était suivi d'une grande affluence de personnes des deux sexes qui logeaient dans les hôpitaux. Or, on sait combien il est ordinaire au peuple de calomnier les ecclésiastiques lorsqu'ils ont des relations avec les personnes du sexe, fût-ce même pour des raisons de piété et de religion. Qu'on se rappelle ce qui arriva à saint Jérôme, pour avoir persuadé à beaucoup de dames romaines de quitter l'éclat du monde afin de mener une vie cachée en Jésus-Christ. La calomnie n'épargna pas davantage Robert d'Arbrissel, et peu s'en fallut que l'on n'attentât à sa vie. Les écrivains contemporains rendirent un témoignage public à sa vertu. Le Pape Pascal II l'appelait un homme de grande piété ; Robert du Mont un homme propre à gagner les âmes à Dieu; Pierre évêque de Poitiers, un homme apostolique plein de zèle pour la prédication de la parole de Dieu, et qui par le tonnerre de ses prédications avait retiré des dangers du monde un grand nombre de personnes des deux sexes. Geoffroi de Vendôme se convainquit par lui-même de la fausseté des bruits répandus contre la conduite de Robert et de ses disciples. Il entra en société de prières avec la communauté de Fontevrault, dont il parle comme d'une maison composée de filles agréables à Dieu.

Cinquième livre. Il contient vingt-huit lettres. Dans la seizième, Geoffroi enseigne la nécessité de la confession à Guillaume qui avait été son maître. Ce Guillaume prétendait qu'il n'y avait que quatre sortes de péchés que l'on fût obligé de confesser, et que Dieu remettait les autres sans aucun aveu de la part du coupable; il s'appuyait même d'un passage du Vénérable Bède pour soutenir son sentiment. Mais le disciple, plus éclairé et plus habile que le maître, lui expose le vrai sens des paroles de Bède, et lui prouve que la confession et la pénitence lui sont nécessaires pour tous les péchés ; et en effet rien n'est plus certain. - On voit dans la dix-huitième lettre un trait remarquable de la fermeté de Geoffroi et de son zèle pour le bon ordre, qui le faisait passer par-dessus tout respect humain.

Guillaume, duc d'Aquitaine lui ayant demmandé de renvoyer un moine nommé Rainaud dans une obédience d'où il l'avait retiré, et où il était utile au duc et nécessaire à la maison, Geoffroi lui répondit que l'âme de ce religieux dont il rendrait compte au our du jugement, devait lui être plus chère

que tous les intérêts temporels. Il finit sa lettre en le priant de ne point se mêler de ce qui regarde le salut des âmes confiées à ses soins.

Du corps et du sang de Jésus-Christ.- Les lettres de Geoffroi sont suivies de plusieurs opuscules, où il traite avec assez d'ordre et de lumière divers points de doctrine et de discipline ecclésiastiques. Le premier par ordre de date est le traité qui a pour titre: Du corps et du sang de Jésus-Christ, et dans lequel l'auteur établit de la façon la plus claire la présence réelle de Jésus-Christ dans le sacrement de l'Eucharistie. « On met d'abord, dit-il, du pain et du vin sur l'autel; mais de même qu'avant la consécration il n'y a que du pain et du vin, de même après la consécration, il ne reste du pain et du vin que la saveur, l'apparence et l'odeur, et cela, à cause de la faiblesse et de l'infirmité de l'homme; car si la chair glorieuse de Jésus-Christ et son sang sacré paraissaient dans leur nature propre, les hommes n'en pourraient pas soutenir l'éclat et n'auraient plus le mérite de la foi... Croyons donc fermement et sans aucun doute, que ce que les chrétiens reçoivent à l'autel après la con sécration, n'est autre chose que ce que la Vérité elle-même déclare en disant: Rece vez, ceci est mon corps... C'est cette même, unique et véritable chair qui a été conçue par l'opération du Saint-Esprit, qui est née de la Vierge Marie; qui a été attachée à la croix, qu'il a ressuscitée par la toute-puis sance de sa divinité, étant Dieu lui-même. Les méchants le reçoivent, mais comme ils le reçoivent mal, ils en deviennent plus mé chants. Les bons qui le reçoivent avec la charité dans l'âme en deviennent meilleurs.» Ce traité, dans sa brièveté, renferme tout ce que l'Eglise enseigne aux fidèles touchant l'auguste mystère de l'Eucharistie, et renverse tout ce que les novateurs des derniers siècles ont inventé de sophismes pour l'altaquer.

De l'ordination des évêques, etc. - Pierre de Léon, cardinal de l'Église romaine, avait consuité Geoffroi sur les investitures. Cet abbé lui répondit par un traité qui a pour titre De l'ordination des évêques et de l'investiture des laiques. Il y enseigne que comme le baptême fait un homme chrétien, ainsi l'élection et la consécration font un évêque. De même qu'il est impossible d'être chrétien sans avoir reçu le baptême, de même on ne peut pas être évêque sans élection et sans consécration. Ces deux choses sont tellement nécessaires, que l'é lection sans la consécration, et la consécra tion sans l'élection ne suffisent pas. La consécration est nulle si l'élection ne l'a canoniquement précédée. Le clergé tient la place de Jésus-Christ dans l'élection, et l'évêque dans la consécration. Tous les autres peuvent bien demander un évêque; mais pas l'élire ni le consacrer. Ainsi tous ceux qui arrivent à l'épiscopat par une autre voie n'entrent pas par la porte, et doivent être considérés comme des voleurs. Il rejette

Topinion de ceux qui avançaient que tout est permis à l'Eglise romaine, et qu'elle peut faire par dispense le contraire de ce qui est prescrit dans les livres saints.

Cette Eglise, dit-il, n'a pas plus de pouvoir que saint Pierre ni que Jésus-Christ, qui n'est pas venu pour abolir la loi, mais pour l'accomplir. Elle doit donc user de la puissance que Jésus-Christ lui a donnée, non suivant sa volonté, mais suivant la tradition. S'il arrive que le Pape soit averti, par quelqu'un de ses mférieurs, de corriger ce qu'il a fait de mal en excédant les bornes de la justice, il doit recevoir cet avis comme saint Pierre reçut celui de saint Paul.» Quant à l'opinion de ceux qui croyaient que les laïques pouvaient donner l'investiture d'un évèché et autres bénéfices, il la taxe d'hérésie, et soutient qu'elle est simoniaque, puisque les laïques ne la donnent que pour quelque intérêt temporel, c'est-àdire à la condition de recevoir de l'argent, on de s'assujettir les évêques. Sa raison de traiter cette opinion d'hérésie est que l'anneau et le bâton pastoral, par lesquels se confère l'investiture, sont les signes sensibles de la puissance spirituelle de l'évê que, et, par conséquent, appartiennent au sacrement et à l'ordination. C'est sur ce principe qu'il soutient encore, dans un autre traité adressé au Pape Pascal, que l'investiture est une hérésie comme la simonie.

Des investitures accordées aux rois.— Dans le traité suivant, qui se trouve le quatrième parmi ses opusculés, Geoffroi distingue deux sortes d'investitures: l'une qui ajoute le dernier degré à l'ordination de l'évêque; l'autre qui le nourrit. L'une est de droit divin, et l'autre de droit humain, et les rois peuvent l'accorder à l'évêque, après l'élection canonique et la consécration, parce que les biens temporels que l'Eglise possède, el'e les tient de la libéralité des princes. C'est la doctrine de saint Augustin. Mais comment peuvent-ils donner cette investiture? Geoffroi dit qu'ils le peuvent en leur accordant la possession de leurs revenus, leur secours, leur protection, et qu'il importe peu par quel signe les rois accordent cette investiture aux évêques. Il ajoute que Eglise a son règne, sa justice, sa liberté; mais qu'elle doit prendre garde de ne ja mais excéder dans l'usage de ses censures, de peur de rompre le vase dont elle veut seulement enlever la rouille. Il cite un passage de saint Augustin contre Parménien, pour montrer qu'on ne doit pas excommunier celui qui a la multitude de son côté, parce qu'il est plus expédient de pardonner à un coupable, que d'exciter un schisme. On remarque que Geoffroi est le premier qui ait employé l'allégorie des deux glaives, pour marquer les deux puissances. «Notre bon Seigneur et maître Jésus-Christ a voulu, dit-il, que le glaive spirituel et matériel servissent égaleinent à la défense de son Eglise. Si l'un émousse l'autre, c'est contre son intention, c'est ce qui enlève la justice à l'Etat, et la paix à l'Eglise, ce qui cause

les scandales et les schismes qui entraînent presque inévitablement la perte des corps et des âmes. >>

Des dispenses. - Le cinquième opuscule, adressé au même pontife, traite des dispenses. Geoffroi y établit les règles que l'Eglise doit suivre en accordant ces sortes d'exemptions. « Il faut, dit-il, accorder quelquefois des dispenses dans l'Eglise, non par intérêt et par faveur, mais par une pieuse condescendance, en permettant pour un temps quelque chose de moins parfait, plutôt que de mettre la foi en péril, mais avec l'intention de rétablir la règle dans un temps convenable. C'est par cette raison que les apôtres saint Pierre et saint Paul ont quelquefois pratiqué les cérémonies de la Loi, pour empêcher que les Juifs fussent scandalisés. On peut aussi, et on doit même en certains cas, changer les coutumes des églises et des monastères, mais pour y établir un plus grand bien, et pour y faire régner une plus grande perfection. Il ne faut jamais permettre le mal ni le faire, à moins qu'il n'y ait du péril pour la foi, et qu'on ne puisse ensuite corriger ce mal. Car ceux qui font du mal, dans l'espérance qu'il en arrivera du bien, sont condamnés par saint Paul. »

Des qualités de l'Eglise. Il y a un troisième traité, adressé au Pape Calixte, dans lequel Geoffroi établit pour principe, que I'Eglise doit toujours être catholique, libre et chaste; catholique, parce qu'elle ne peut étre ni vendue ni achetée; libre, parce qu'elle ne doit pas être soumise à la puissance séculière; chaste, parce qu'elle ne doit pas être corrompue par les présents. Si une de ces trois qualités manquait à l'Eglise, elle ne pourrait être regardée comme la véritable épouse de Jésus-Christ, qui, en sa qualité de bon pasteur, demande une épouse fidèle, libre et chaste.

De l'arche d'alliance. Geoffroi adressa son septième opuscule à deux de ses disciples, Hamelin et André. C'est une expiication allégorique de l'arche d'alliance et de la sortie d'Egypte. L'auteur entend par l'Egypte, le monde; et par Pharaon, le démon; par le peuple hébreu, les fidèles; et par Moise, Jésus-Christ; par la mer Rouge, le baptême et la pénitence; par le tabernacle, l'Eglise; c'est-à-dire l'assemblée des Justes; par les peaux qui couvraient le tabernacle, la mortification des passions vicieuses. Il expose en peu de mots ce que la foi nous oblige de croire, touchant le mystère de la Trinité; et pour rendre ce mystère croyable, il rapporte divers exemples des choses naturelles, où une même nature et une même substance appartiennent également à trois personnes. La même eau produit une fontaine, un ruisseau, un étang. Continuons son allégorie, il dit : « Nous offrons de l'argent pour la décoration du tabernacle, lorsque par une vraie et sainte confession nous purifions nos âmes de toute contagion du péché. Mais où, à qui et quand se doit faire cette confession? Dans l'Église catholique, à son propre pasteur, surtout

lorsqu'on est en santé, sans attendre qu'on se trouve en maladie et à l'extrémité; parce qu'il est rare que ceux qui attendent au dernier jour pour se confesser, parviennent au salut. L'arche d'alliance renfermait la loi; elle était composée de bois de Sethim, qui est incorruptible; pour nous apprendre que notre âme et notre mémoire doivent avoir présents les commandements de Dieu, les observer assidûment, et rester, pour ainsi dire, l'armoire de la pureté et le sceau de la chasteté. »

Du baptême. Dans le huitième écrit, Geoffroi explique quels sont dans une âme chrétienne les effets du baptême, de la confirmation, et de l'onction des malades. Dans le baptême, on reçoit la rémission de ses péchés par la vertu du Saint-Esprit. Dans la confirmation on invoque le Saint-Esprit, afin qu'il vienne faire sa demeure dans l'habitation qu'il a sanctifiée, pour la protéger et la 'défendre. Ce sacrement est conféré par l'évêque pour marquer qu'il donne la dernière perfection; on le reçoit sur le front, parce que ce sont les parfaits qui font une profession ouverte du nom de Jésus-Christ. Dans l'onction des malades, on reçoit la rémission des péchés par la vertu du Saint-Esprit, atin que la miséricorde du Seigneur ne manque point aux chrétiens, ni pendant la vie, ni à la mort. Enfin, dans la communion du corps et du sang de Jésus-Christ, l'âme chrétienne est guérie de la maladie de ses vices, rétablie dans un état de salut éternel, et fait un même corps avec Jésus-Christ.

Des bénédictions des évêques. Nous les recevons gratuitement; nous devons donc les administrer gratuitement. C'est sur ce principe que Geoffroi enseigne qu'il n'est pas permis à un évêque d'exiger quelque chose pour les bénédictions et les consécrations. Non-seulement c'est une simonie de recevoir de l'argent pour la consécration d'un abbé; mais il y en a encore à l'obliger de faire une profession par laquelle il s'engage envers lui à des choses qui sont contraires à la profession chrétienne. Il trouve dans cette profession extorquée les trois espèces de simonie, que l'on distinguait autrefois dans les écoles. On commet la simonie de la langue, lorsqu'on lit publiquement cette profession; on la commet avec la main lorsque l'on dépose sur l'autel le papier sur lequel elle est écrite; enfin, on la commet de service lorsqu'on rend à l'évêque celui qu'on ne lui a promis que par indiscrétion.

Le onzième écrit est un règlement de discipline monastique, qui prescrit aux religieux la manière dont ils doivent s'accuser et se défendre dans le chapitre.

Dans le douzième, il parle des trois vertus nécessaires aux pasteurs de l'Eglise, pour travailler utilement au salut des âmes qui leur sont confiées, et même pour subvenir aux besoins du corps. Ces vertus sont la justice, la discrétion et la prévoyance. Si l'une ou l'autre manque à un pasteur, il ne fera auun bien. S'il est équitable dans ses jugeents et indiscret dans ses commande

ments, son indiscrétion détruira le bien qu'il pourrait attendre de l'équité de ses commandements.

Le treizième est un entretien entre Dieu qui reproche au pécheur ses crimes et son ingratitude, et le pécheur qui, reconnaissant sa faute, implore la miséricorde de celui qu'il a offensé.

Le quatorzième est aussi en forme d'entretien. Dieu y exhorte le pécheur à reconnaître ses crimes et à en faire pénitence. I lui remet devant les yeux es bienfaits dont il l'a comblé; la patience avec laquelle il a attendu son retour, la bonté qu'il a mise à le rechercher et à le rappeler lorsqu'il s'é loignait de lui. Le pécheur avoue ses cri mes et prie le Seigneur de ne pas permettre qu'il périsse; mais de ui faire la grâce de se reconnaître véritablement pécheur, et de satisfaire à sa justice par de dignes fruits de pénitence, avant que de mourir. Il le prie de lui inspirer une tendre compassion pour ses frères, afin qu'il les reprenne dans leurs fautes avec douceur et charité, et qu'il les corrige sans haine et sans hauteur.

Le quinzième est une confession et un gémissement du pécheur qui déplore son élat en exposant toutes ses misères à Dieu, qui a tout fait pour lui. Après avoir confessé ses crimes et reconnu l'impossibilité où il est d'en sortir par lui-même, il se rassure par la vue de la toute-puissance et de la miséricorde de Dieu qui ne permet pas à un pécheur pénitent de désespérer de son salut. Il espère qu'en confessant humblement sa misère et son impuissance, et en s'appuyant fermement sur la toute-puissance de Dier, il obtiendra le pardon qui fut accordé aux larmes de Madeleine.

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Hymnes. Ces traités sont suivis de quatre hymnes, dont la première est eu l'honneur de la Vierge, Mère de Dieu, et les trois autres sur la pénitence de sainte MarieMadeleine. La première est pour l'office des vèpres, la seconde pour l'office de la nuit, d la troisième pour les Laudes. Sermons. Il nous reste de Geoffroi de Vendôme onze sermons; quatre sur la nais sance de Jésus-Christ; un sur sa résurrec tion; un sur son ascension; deux sur la Purification de la sainte Vierge et ses autres fètes; un sur sainte Madeleine; le dixième sur le bon larron, et le onzième sur saint Benoît. Geoffroi définit la pénitence, l'hum ble satisfaction des péchés passés, et une prévoyante sollicitude pour les éviter à l venir, parce que nous devons tellemen! pleurer nos fautes passées que nous ne commettions.plus dans la suite. Il dit qu'il y en Jésus-Christ trois substances unies ea une personne; la divinité, le corps et l'a Comine le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont trois personnes en une seule substance, de même le Verbe, la chair et l'âme sont trois substances unies en une seule p sonne. On ne doit pas douter que MarieMadeleine ne soit la même que la femne pécheresse qui alla trouver le Sauveur ch Simon le Pharisien, et qui fut la premier

à qui il apparut après sa résurrection. Le bon larron se nommait Dimas, et était crucifié à la droite de Jésus-Christ. La vie mo

un

nastique doit être regardée comme
second baptême, parce qu'en observant les
règles prescrites par ce saint législateur, on
elface les péchés passés, et on se prémunit
contre les péchés futurs, par une force sem-
blable à celle que le chrétien reçoit dans le
sacrement de confirmation.

Commentaire sur les Psaumes.-On a conservé jusqu'à la révolution, dans l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, un manuscrit contenant des Commentaires sur les cinquante premiers psaumnes de David, sous le nom de Geoffroi, abbé de Vendôme. L'ouvrage est plutôt une glose assez étendue qu'un commentaire en forme. L'auteur y donne différentes interprétations morales de certains mots, sans s'astreindre à une explication suivie des versets. C'était le génie de son siècle. Il cite quelquefois les Pères et surtout saint Augustin; ce qui ne l'empêche pas de faire usage des auteurs profanes, mais trèsrarement. Térence, Juvénal, Horace, Lucain, s'y trouvent cependant cités.

L'explication du premier psaume est précédée d'une préface dans laquelle l'auteur donne d'abord la définition de la prophétie en général. C'est, dit-il, une inspiration divine: Prophetia est divina inspiratio. It en distingue de trois sortes: par rapport au présent, à l'avenir et au passé. Il la divise encore en prophétie exprimée par paroles, par vision, ou par action. Le Psautier est une prophétie exprihée par paroles. Selon la méthode des philosophes, il considère dans ce livre la inatère, l'intention et la fin. Deux corps, dont le premier a Jésus-Christ pour chef, et l'autre le diable, forment, selon lui, la matière du Psantier. Ces deux corps se font une guerre continuelle. Celui qui a Jésus-Christ pour chef veut le salut des hommes; l'autre ne cherche qu'à les dévorer. L'intention de l'auteur des Psaumes est de délivrer l'humanité de trois genres de mort, désignés dans l'Evangile, par la mort de la jeune fille ressuscitée dans sa maison; par celle du jeune homme qu'on portait hors de la ville de Naim, et par celle du Lazare. La mort de la jeune fille est une image de ceux qui pèchent par pensées; la mort du jeune homme est l'image de ceux qui à la mauvaise pensée joignent la mauvaise action. Enfin Lazare est la figure de ces pécheurs invétérés qui ont vieilli dans e crime. A l'occasion de la résurrection du Lazare. Geoffroi établit de la façon la plus précise la nécessité de la confession. Il n'est pas moins exact lorsqu'il parle de l'Eucharistie, du piché originel, de la différence des deux alliances, de la force et de la gratuité de la grâce, de la bonne volonté que Dieu donne par miséricorde, etc. La fin qu'il se propose est de nous faire arriver à Jésus-Christ pour lui demeurer éternellement unis. Geoffroi est persuadé que David a composé les psaumes, sans leur donner aucun titre, ni aucun ordre, et que c'est Esdras qui leur

a donné les titres qu'ils portent aujourd'hui, et l'ordre dans lequel ils sont rangés. Du reste cette opinion ne lui est pas personnelle, et se trouve partagée par plusieurs.

L'abbé Geoffroi a toujours été regardé avec raison comme une des lumières de son siècle. Les écrits que nous avons de lui donnent une idée très-avantageuse de sa capacité. On y reconnaît, à première vue, qu'il était très-versé dans la connaissance de l'Ecriture et des Pères, et dans la lecture du droit canon. Il avait un courage ferme et intrépide; sans respect humain, plein de zèle pour la foi, le bon ordre et la discipline; et toujours prêt à en prendre la défense contre quiconque y portait atteinte. Les qualités du cœur répondaient en lui à celles de l'esprit, et sa piété égalait, ou même surpassait sa science. Il était libéral, bienfaisant, ennemi du vice, de la flatterie et de la dissimulation. Par là il s'acquit l'estime des Papes, des cardinaux, des princes et des princesses, des prélats et de tous les grands hommes de son siècle avec lesquels il fut en relation, comme on peut s'en convaincre par ses lettres. Il y en a quelques-unes de fort vives, même parmi celles adressées à des Papes et à des évêques; mais on doit regarder cet e vivacité comme l'effet de son zèle et de l'horreur qu'il éprouvait pour tout ce qui lui paraissait contraire à l'équité, au bon ordre et aux saintes règles. Il y a plus de grandeur d'âme et de noblesse dans les écrits de Geoffroi, que de politesse et d'élégance; mais il s'exprime clairement, avec facilité et avec force. I presse vivement ses adversaires et soutient avec feu ses droits et ceux de son monastère. Le P. Sirmond a publié une édition complète de ses ouvrages en 1610; elle a été reproduite par le Cours complet de Patrologie.

GEOFFROI DE MALATERRA à qui Possevin et Vossius attribuent une origine espagnole, parce que ses OEuvres se trouvent dans la collection des écrivains de cette nation, naquit, selon toutes les apparences, en Normandie. Il dit lui-même qu'il était venu en Pouille d'au delà des Alpes; et la description qu'il fait de la Normandie prouve clairement que ceste province lu avait donné le jour. Il prend en tête de son ouvrage le titre de frère, suivant l'usage de ceux qui faisaient profession de la vie monastique.

Geoffroi entreprit d'écrire l'Histoire des conquêtes des Normands en Italie, par ordre de Roger, comte de Sicile, qui avait enlevé cette île sur les Sarrasins. Elle est divisée en quatre livres dans lesquels il rapporte avec beaucoup d'ordre et d'exactitude les faits les plus mémorables des princes normands en Italie. A l'imitation de plusieurs écrivains de son temps, Geoffroi a intercalé son récit de prose rimée à laquelle il donne le nom de vers. Il mit à la fin la bulle qu'Urbain II fit expédier de Bénévent, le 4 de juillet 1098, en faveur du comte Roger. Baronius la croit supposée, et prétend que ce Pape ne se trouvait point à Bénével

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