Page images
PDF
EPUB

Parlement ; mais quand on eut reconnu que les fentimens de cette grande Compagnie y étoient contraires, on paffa outre fans lui en parler davantage, non pourtant fans donner fujet à tout le monde d'en parler fort diverfement. On mit en la place de cette pyramide le refervoir d'une fontaine, dont toutes les eaux ne fauroient jamais effacer la mémoire d'un crime fi horrible »

Le rappel de la Société s'étoit fait fous plufieurs conditions, comme nous l'avons dit. Une entre les autres, étoit « qu'en entrant dans la Société, on prêteroit un ferment entre les mains des Officiers des lieux, de ne rien faire ni entreprendre contre le fervice du Roi, contre la paix publique & le repos du Roïaume; que les actes & procèsverbaux de ce ferment feroient envoïés par les Officiers du Roi à M. le Chancelier, & qu'où aucuns feroient refufans, ils feroient contraints de fortir du Roïaume. » Les conditions, comme on voit, regardent la foumiffion due aux Loix du Roiaume; d'où s'enfuit la défenfe de rien entreprendre au préjudice des Evêques, des Curés, des Univerfités, comme auffi l'obligation de fe conformer en tout au Droit commun. La fuite de l'Hiftoire nous apprendra comment les Jefuites ont été fideles à remplir ces engagemens. M. de Sulli parlant de leur rappel, dit

сс

que jamais il n'auroit eu lieu, fi le Roi ne l'eût ordonné de fa pleine puiffance, tant le Parlement, l'Univerfité, la Sorbonne, plufieurs Evêques & villes de France y étoient oppofés. » Ce que rapporte M. de Sulli eft configné dans les regitres publics les moins altérables, & confirmé par les Hiftoriens les

mieux inftruits. Quand ce Miniftre vouloit empêcher ce rappel, le Roi lui répondoit: Affurez-moi de ma vie. Les Jefuites néanmoins ont voulu faire croire dans le monde qu'Henri IV étoit plein d'eftime pour eux, & que dans fa réponse aux Remontrances du Parlement, il fit de vifs reproches au premier Préfident, & donna de grandes louanges à la Société. Ils fabriquerent & répandirent par-tout une longue harangue de ce Prince. Afin de lui donner plus de cours, ils l'ont inférée depuis dans une Compilation imprimée furtivement fans nom d'Auteur ni d'Imprimeur, fous le titre emprunté de quatriéme volume des Mémoires de Villeroi. Le Pere Daniel la rapporte avec complaifance dans fon Hiftoire. Le célebre M. de Thou, qui avoit été préfent aux Remontrances du Farlement, s'eft attaché à prouver la fauffeté de cette prétendue réponse du Roi aux Remontrances de fon Parlement. Il démontre que cette piéce dans fa compofition primitive & originale étoit en Italien; qu'elle ne parut qu'un an après les Remontrances, & que d'abord on n'ofa la publier que dans le Vivarais. Ce fidele Hiftorien fait voir que cette piéce fe détruit par elle-même, en ce qu'on y fait fortir le Roi de fon caractere, en lui faifant faire au Parlement, des reproches qui ne fortirent jamais de fa bouche. Ce Prince connoiffoit trop le zéle & l'attachement qu'avoit pour fa perfonne cette augufte Compagnie. Comment donc le P. Daniel peut il nous donner cette harangue faite à plaifir pour un monument qui marque qu'Henri IV avoit autant de force & de présence d'efprit que de prudence & de valeur.

Au lieu de chercher dans une fable, des preuves de fon difcernement, nous en trou vons dans des pièces autentiques, qui conf tatent fes vrais fentimens par rapport à la Société. Ce font des Lettres de ce Prince écri vant à fes Ambassadeurs, & leur donnant des inftructions. Elles font dans un livre intitulé: Hiftoire du Cardinal Duc de Joyeuse, à la fin de laquelle font plufieurs Mémoires Let tres, Inftructions, Ambaffades, Relations non imprimées. Par le Sieur Aubri, Avocat en Par lement & aux Confeils du Roi en 1654 avec Privilege. On peut confulter les pages 299 & fuiv. On y voit combien ce Prince connoif foit les Jefuites, & quelle idée il avoit de léur Société.

IV.

IX.

de Trente.

L'Affemblée du Clergé de 1605 fit au Roi des plaintes & des demandes qui ne plûrent Le Clergé point à ce Prince. Jerôme de Villars, Arche- demande la vêque de Vienne, lui préfenta le cahier, & réception porta la parole pour tout le Clergé. Il fit un du Concile long difcours fur les vexations que l'Eglife Le Roi n'a fouffroit de tous côtés, fur l'infâme commerce point égard des bénéfices, les confidences fimoniaques, les à cette Re penfions qu'on païoit aux Laïques, les fréquens quête. appels comme d'abus. Il dit que la caufe de tous ces défordres étoit le refus qu'on avoit fait jufques-là de publier le Concile de Trente; que c'étoit une chofe étrange que les Roïaumes de la terre, qui ne font que comme les élémens du bas monde, fe vouluffent fouftraire à la douce influence de l'Eglife qui eft le monde célefte; & que pour ainfi dire on aff jettit Dieu aux hommes. Le Roi dit que la réception du Concile de Trente ne

1

X.

pouvoit s'accommoder avec les raifons d'Etat, & avec les Libertés de l'Eglife Gallicane. Il ajoûta qu'il fouhaitoit cette réception auffi-bien qu'eux, & qu'il étoit fâché qu'il s'y rencontrât de fi grandes difficultés ; qu'il n'épargneroit ni fa vie ni fa Couronne pour l'honneur & la gloire de l'Eglife. Et à l'égard des fimonies & des confidences, il dit qu'il falloit s'en prendre aux vrais auteurs & non pas à lui; qu'il ne faifoit pas trafic des Evêchés, comme avoient fait les favoris de fes prédéceffeurs, mais les donnoit gratuitement & à des gens de mérite.

V.

Nous marquerons ici en peu de mots les Suite duRe- principales actions d'Henri IV. Il fit la paix gne d'Hen- avec le Duc de Savoie. En échange du Marri IV. quifat de Saluces, il joignit à les Etats la Breffe, le Bugei, les païs de Valromei, & de Gex. Un Gentilhomme de Saintonge com mença en 1604 l'établissement d'une Colonie dans le Canada, aujourd'hui la nouvelle Abr. chr. France dans l'Amérique feptentrionale. Le de l'Hift. de Roi vers ce même temps mit un nouvel ordre dans les finances & dans tous les différens

Fr.

,

corps de l'Etat fe fervant pour cela du Marquis de Rofni, qu'il fit enfuite Duc de Sulli. Il établit des Manufactures de foie, de tapifferies, de faïance, de verrerie; fit conftruire de nouveaux bâtimens, des viviers, des jardins. En 1607, il reconcilia les Venitiens avec le Pape, à l'occafion de l'interdit dont nous avons parlé ailleurs. Il réunit la même année la Navarre & fes autres Etats particuliers à la Couronne. Il engagea dans le même temps les Efpagnols à reconnoître la

fouveraineté de la République de Hollande. Il fit en 1610 de grands préparatifs de guerre pour quelque deffein extraordinaire qu'on n'a jamais bien pénétré, & qui a donné lieu à bien des conjectures. Avant que de se mettre en campagne, il fit couronner la Reine à S. Denis le 13 Mai par le Cardinal de Joïeufe. Elle devoit faire fon entrée dans Paris le 15: on faifoit dreffer des portiques, des arcs de triomphe, des infcriptions & des échaffauts dans les rues par où elle devoit paffer; & on préparoit un fuperbe feftin dans le Palais; ce qui avoit obligé le Parlement à s'affembler aux Auguftins.

сс

XI.

crime.

Le 14, qui étoit un Vendredi, un monftre exécrable nommé François Ravaillac né à Le Roi eft Angoulême, âgé d'environ trente-deux ans, affaffiné. exécuta le deffein qu'il avoit conçu d'aflaffi- Circonftanner le Roi. « Dès fa premiere jeuneffe, dit un çes de ce Hiftorien, les chaleurs de la ligue, les libelles & les fermons de fes Prédicateurs lui Mézerai, avoient imprimé dans l'efprit une très-gran- T. VII. pag. de averfion pour le Roi avec cette croïance; 616&fuiv. qu'on peut tuer ceux qui mettent la Religion Catholique en danger, ou qui font la guerre au Pape..... Ceux qui avoient prémédité de fe défaire du Roi, trouvant cet inftrument propre pour exécuter leur deffein, furent bien le confirmer dans ces fentimens. . . . Ils lui faifoient fournir quelque argent de fois à autre. . . . . . Ils le firent venir d'Angoulême à Paris deux ou trois fois. Enfin ils le conduifirent fi bien à leur gré, qu'ils accomplirent par fa main facrilége la déteftable réfolution de leur cœur. Le Roi alla un peu avant quatre heures du foir à l'Arfenal fans fes gardes, pour conférer avec le Duc de Sulli.

« PreviousContinue »