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Catholique avec le Duc de Savoie. Il fut enfuite créé Cardinal-Prêtre, & enfin élu Pape à l'âge de foixante fept ans. Il ne fut que deux ans & quelques mois fur le Saint-Siége, & néanmoins il fit plufieurs entreprises confidérables. Il prefcrivit une nouvelle forme d'élection pour les Conclaves futurs; permettant que chaque Cardinal pût donner secretement fon fuffrage par voie de fcrutin, & ainfi fuivre fes lumieres & les mouvemens de fa confcience: au lieu qu'ils le donnoient auparavant publiquement; ce qui faifoit que les Chefs de factions en entraînoient plufieurs contre leur gré. Il ordonna un Jubilé univerfel pour implorer le fecours de Dieu fur fon gouvernement. Il canonifa Sainte Thérèle, S. Ignace de Loyola, S. François Xavier, S. Philippe de Néri & plufieurs autres. Il contribua avec beaucoup de zéle à la guerre que l'Empereur & le Roi de Pologne foutenoient, le premier contre les hérétiques en Allemagne, & l'autre contre les Turcs Ce fut lui auffi qui érigea l'Evêché de Paris en Métropole, & qui fonda la Congrégation de la Propagation de la Foi. La Mailon Palatine aiant fuccombé en 1622 fous les armes Impériales & Bavaroifes, & le Pape aiant aidé l'Empereur à la ruine de cette puiflante Famille, Maximilien, Duc de Baviere, qui fe voïoit maître d'Heidelberg, donna à Grégoire XV la plus grande partie de la riche Bibliothéque des Electeurs Palatins. Le favant Allatius fut envoïé de Rome pour y apporter ce prétieux butin, & en enrichir ta Bibliothéque du Vatican.

L'année fuivante 1623, la Cour de France forma une ligue contre la Maison d'Autri

duité avec laquelle il s'étoit appliqué dès la jeuneffe, à fe bien acquitter des emplois qu'on lui avoit confiés. Avant que d'être revêtu de fes habits Pontificaux, il fe profterna devant l'autel, & pria Dieu avec larmes de lui ôter la vie, avant qu'il fortît de la chapelle, s'il jugeoit que fon exaltation ne fût pas avantageufe à son Eglife.

Il aimoit les Belles-Lettres, & fe décla roit le protecteur des Savans. Il voulut connoître les plus célébres, & les attira à fa Cour. La poëfie Latine fur-tout avoit pour lui de grands attraits. Il étoit lui-même un des plus célébres Poëtes de fon temps, & fes poëmes ont été imprimés à Paris en papier & en caracteres magnifiques, fous ce titre ; Mapbai Barberini Poemata. Voici ce qu'on en Tom. IV. dit dans les Jugemens des Savans recueillis M.Baillet. »Maffée Barberin a fait de fort par belles poëfies en l'une & en l'autre Langue, (en Latin & en Italien) qu'Urbain VIII ne défavoua pas dans la fuite de fa vie. En effet, on peut dire qu'elles, ne l'ont jamais fait rougir, & qu'elles ne font encore aujourd'hui aucune honte à la mémoire. Quoiqu'il parût avoir des difpofitions égales pour la poëfie Latine & Italienne, il fembloit néan moins avoir plus de talens pour la Latineg & quoiqu'il eût pû réuffir en tous les genres de celle-ci, il aima mieux tourner toutes les inclinations vers le Lyrique, & s'y appli quer plus particuliérement Les plus confidé rables de fes piéces font des paraphrafes fur quelques Pleaumes, & fur quelques Cantide l'Ancien & du Nouveau Teftament, des Hymnes & des Odes fur les fêtes de Notre-Seigneur, de la Sainte-Vierge & de

ques

plufieurs Saints, & des Epigrammes fur divers hommes illuftres.... Il n'a rien fait d'approchant de fes Odes, au fentiment de tout le monde.... Il auroit encore mieux établi fa réputation poëtique, s'il ne fe fût point mêlé de faire des vers Italiens. On peut dire qu'il y échoua, puifqu'il n'y excella point, & que la poefie paffe pour mauvaise, qu'elle ne paroît que médiocre. »

dès

Urbain compofa une fort belle Elégie, que l'on voit à la tête de fes poëmes, pour exhorter les Cardinaux fes confreres à faire des vers chaftes & édifians. Ce deffein eft affurément fort louable; mais il eût encore mieux fait, fi, au lieu de leur donner cet avis en Poëte, il leur eût défendu en qualité de fouverain Pontife, d'en jamais compofer d'autres. Il devoit faire ufage de fon autorité, pour arrêter les défordres qui naiffent de la poëfie, qui étoient dès lors très-communs. Il le fit avec éclat dans une occafion. Un homme aïant eu l'impudence de lui préfenter un Ouvrage indigne d'un Chrétien, & dont un fage Paien même auroit rougi, Urbain l'en reprit avec tant de force, que ce miférable en mourut de confufion. Il avoit un fouverain mépris pour ces impitoïables Ecrivains, qui ont la démangeaifon d'être Auteurs, & qui ne font que fatiguer le public par des productions continuelles. En voici un trait remarquable. Un Archevêque de Rouen, qui étoit dans le cas dont nous parlons, & qui s'appelloit Rufticus, lui aïant dédié un gros Ouvrage, le Pape qui connoiffoit le génie de l'Auteur, lui appliqua fort ingénieufement ce vers de Defpautere: Supprimit Urbanus, qua Rufticus edit ineptè.

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XI.

actions de ce Pape.

Le couronnement d'Urbain fut différé julDiverfes qu'au 29 de Septembre de la même année 1623, à caufe d'une fiévre violente dont'il fut attaqué dans les chaleurs exceffives de la Canicule. Il ordonna des prieres de quarante heures, pour attirer le fecours du Ciel fur fon adminiftration. Il béatifia André Avellin & Gaëtan de Thienne, tous deux Théatins, Felix de Cantalice, Capucin, François Borgia, Général des Jefuites, Magdelaine de Pazzi. Il canonifa Sainte Elizabeth de Portugal & S. Roch. Il bâtit de nouvelles églifes, & en répara d'anciennes qui tomboient en ruine. Il ne fut pas exempt de la paffion qu'ont d'ordinaire les Papes, d'enrichir leurs parens. Il ne donna point d'Etats fouverains aux Barberins; mais il leur fit bâtir un vafte & magnifique Palais près du Quirinal avec des jardins contigus, & leur acheta d'autres Terres de grand revenu, entre autres celle de Paleftrine, dont ils jouiffent encore aujourd'hui, en titre de Principauté. Il fit Cardinaux deux de fes neveux, & les mit en état de vivre en grands Princes. Il releva en faveur du troifiéme de fes neveux la charge de Préfet de Rome, qu'il lui conféra avec un crédit & un pouvoir abfolu. Il fit fortir de l'Ordre des Capucins, un de fes freres qui y étoit Convers, pour le faire Cardinal. Mais celuici conferva toujours de l'inclination pour fon premier état, & ne fit ufage de fes richeffes que pour fonder vis-à-vis du Palais Barberin un Couvent de fon Ordre, où il paffoit la plus grande partie de fon temps avec les anciens Confreres.

Nous ne pouvons entrer dans le détail

de toutes les grandes affaires aufquelles Urbain VIII eut part pendant le cours de fon Jong Pontificat. Nous ajouterons feulement quelques traits à ceux que nous

avons

déja rapportés. Il approuva en 1626 les Conftitutions dreffées par Saint François de Sales pour les Religieufes de la Vifitation, qui commençoient a fe multiplier. Il vint à bout de réunir au domaine du Saint-Siége le Duché d'Urbin, le Comté de Monfeltre, celui de Gubio, la Seigneurie de Pefare & le Vicariat de Sinigaglia. Il profita pour cela de l'extinction de la Maifon de la Rouere, qui avoit poffédé tous ces domaines. On le loue avec raifon de n'avoir donné aucune de ces terres à fa famille. Il s'attacha les Cardimaux, en donnant le titre d'Eminentiffime à ceux qui compofoient alors le facré Collége. Il leur permit même de s'égaler aux Prin ces fouverains. On lui a reproché d'avoir levé de plus gros impôts qu'aucun de fes prédéceffeurs, fur l'Etat & la ville de Rome, particuliérement à l'occafion de la guerre de Parme. La Pafquinade ordinaire étoit ces mors: Quod non fecere Barbari, fecere Barberini. Ce qui y donna lieu, fut fur-tout l'ufage que fit Urbain du bronze qui couvroit l'églife de la Rotonde, lequel aïant été épargné par les Nations barbares, qui ont tant de fois faccagé Rome, fut emploïé par l'ordre du Pape a la fabrique de ce fuperbe baldaquin, qui eft au-deffus de l'autel de Saint Pierre, foutenu de quatre, hautes & groffes colomnes, & enrichi de plufieurs belles figures, le tout formé du bronze de ce toît.

Urbain VIII entendoit fi bien le Grec, qu'on l'appelloit l'abeille Attique. Ce fut lui

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