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indirecte tout ce qu'il lui ôte de pouvoir les erreurs direct fur le temporel des Souverains. Il exa- de Bellarmine plufieurs exemples des dépofitions des min. Empereurs par les Papes, & il en fait voir l'injuftice & la nullité. Il prouve enfuite que la puiffance indirecte, a les mêmes inconvéniens que la puiffance directe. Il établit que Jefus-Chrift n'a donné à fes Miniftres qu'une puiffance purement fpirituelle, & démontre que l'obéiffance dûe aux Rois eft de droit naturel & divin, dont le Pape ne peut difpenfer. A l'égard des exemptions, Barclai foutient que les Clercs font foumis aux Princes dans tout ce qui concerne le temporel, & que les Princes ont fur les Clercs comme fur tous leurs autres fujets, droit de vie & de mort, ce que Bellarmin prétend être une erreur intolérable. Ce Cardinal n'étant que fimple Jefuite, avoit fignalé fon zéle pour la défenfe des opinions ultramontaines : mais il devint depuis encore beaucoup plus ardent à foutenir les préjugés dont il étoit imbu. Nous avons vû avec quel éclat il le fit dans l'affaire de Paul V avec la République de Venife.

XXV.

Comme il étoit nommément attaqué dans le livre de Barclai, il fit un Traité, pour Réponse de foutenir contre cet Auteur ce qu'il avoit Bellarmin. avancé du pouvoir du Pape fur le temporel des Rois.Pour montrer que fon fentiment n'eft pas fingulier, il rapporté des paffages de plufieurs Théologiens & Canoniftes, de toutes les Nations d'Occident qui ont reconnu ce pou voir. Il y ajoute les exemples des Papes qui ont entrepris de dépofer les Rois ; & les Conciles qui ont autorifé ces dépofitions. Il donne la mauvaife doctrine qu'il foutient comme une doctrine que l'Eglife enfeigne

clairement par fon Chef & fes principaux membres. Ils enfeignent, dit - il, que la Puiffance temporelle eft foumise à la Puiffance fpirituelle, comme le corps l'est à l'ame, ut corpus anima: & qu'ainfi quand la Puiffance temporelle s'égare, elle peut être dirigée, corrigée, jugée & déposée par la Puiffance fpirituelle, qui réfide dans le Pape dans toute fa plénitude. Ce font les propres termes de Bellarmin. Il enfeigne dans le même Livre que les Clercs font exempts de droit humain, parce que les Princes les ont affranchis de leur puiffance; mais que quand les Princes ne l'auroient pas voulu, les Clercs n'en feroient pas moins affranchis de la Puiffance féculiere, parce que le Pape a pu & a voulu les en affranchir, en déclarant qu'ils en font affranchis par le droit divin. Tel eft, dit Bellarmin, le Lentiment des Théologiens & des Canoniftes aufquels jufqu'à préfent il n'y a eu que des hérétiques qui fe foient oppofés. Il n'eft pas furprenant qu'un Livre qui contenoit des maximes fi féditieuses, ait été condamné & flétri en France.

XXVI. Jean Barclai qui avoit publié le Livre de Réplique fon pere, crut qu'il étoit de fon devoir de le de JeanBar- défendre. Il copia dans fa réplique la ré

clai.

ponse entiere de Bellarmin, & le réfuta article par article. Après avoir remarqué que tous les Auteurs cités par Bellarmin font des Auteurs modernes, & la plupart des Théologiens ou des Canoniftes dévoués à la Cour de Rome, il réfute en détail les raifons de ces Auteurs, & fait voir que quelques-uns ne font pas du fentiment de Bellarmin. Venant enfuite aux raisons de ce Cardinal, il mong

tre qu'il n'y a point de fubordination de la Puiffance Civile à la Puiffance Eccléfiaftique en ce qui regarde le temporel : que les Rois font à la vérité foumis aux Papes & à la Puiffance Eccléfiaftique, mais en qualité de Chrétiens & non pas en qualité de Rois; que le Pape a bien quelque autorité fur eux, mais une autorité purement fpirituelle: qu'il peut les punir, mais par des peines fpirituelles, & nullement par des peines temporelles qu'il n'a pas droit d'impofer. Que les Eccléfiaftiques font de même foumis aux Rois dans ce qui regarde les choses temporelles en tant qu'hommes & citoïens, & non pas pour ce qui regarde le fpirituel : que les Rois leur peuvent commander pour ce qui regarde le temporel, & non pas pour ce qui regarde le fpirituel : qu'ils peuvent les punir par des peines temporelles, mais qu'ils ne peuvent pas emploïer contre eux par leur autorité les peines Eccléfiaftiques. Ces deux Puiffances font égales & fouveraines, mais chacune en leur genre; elles ont des fins différentes & des moïens différens, pour y parvenir, c'eft fur ce principe que roulent toutes les réponses de Barclai aux raifons de Bellarmin: mais il entre encore dans le détail des paffages & des exemples allégués par Bellarmin, & fait voir que les paffages cités par fon pere, font mal expliqués par

Bellarmin.

Ce Cardinal ne répondit point à la réplique de Jean Barclai; mais le Jefuite Jean Heureux en publia une dans laquelle il ne manqua pas d'accufer Jean Barclai d'héréfie. Il pouffa même la calomnie, jufqu'à dire que Barclai avoit fait profeffion en Angle

terre de la Religion Anglicanne. Ce favant homme s'infcrivit en faux, & prouva qu'il avoit toujours été bon Catholique, même lorfqu'il jouiffoit en Angleterre de la protection du Roi Jacques I. Il quitta Londres en 1616, & revint à Paris où il fut accueilli par M. du Vair Garde des Sceaux. Il alla enfuite à Rome, & y publia un excellent Livre de controverfe, dans lequel il établit la doctrine de l'Eglife par les raifons les plus convaincantes. Paul V qui étoit alors fur le Saint Siége, & Grégoire XV fon fucceffeur protégerent Barclai, & lui donnerent des marques de leur libéralité. Il mourut à Rome

en 1621.

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Les opinions ultramontaines eurent un autre puiffant adverfaire en la perfonne du célebre Edmond Richer. Le perfonnage qu'il a fait dans l'Eglife eft fi grand, & toutes les affaires aufquelles il a pris part, font une portion fi confidérable de l'Hiftoire Eccléaftique du dix-feptiéme fiécle, que nous avons crû devoir en parler dans un certain détail. La réunion de ces différentes affaires qui fe font paffées dans l'Eglife de France du temps de Richer, rendra l'article fuivant plus étendu que les autres.

ARTICLE

217

ARTICLE IV.

Edmond Richer. Difputes fur l'étendue & les bornes de l'autorité du Pape.

E

I.

voit reçus

des Li

I. DMOND Richer nâquit le dernier de Septembre 1560 à Chource, petite ville du Commen Diocèle de Langres dans le Comté de Cham- cemens de Richer. Il pagne. Ses parens qui étoient pauvres, ne eft reçu Dopouvant le faire étudier, lui laifferent la cteur de la fiberté d'aller à Paris à l'âge de dix-huit ans Faculté de pour y chercher les moïens de fatisfaire l'in- Théologie clination qu'il avoit pour l'étude. Il fe pro- de Paris. Il cura le néceffaire de la vie en rendant quel- renonce ques fervices dans un Collége, & emplora aux préjutout le refte de fon temps à étudier les Lan- gés qu'il a◄ gues. Il s'y appliqua avec tant de zele & de fuccès, qu'en moins de trois ans il fut en gueurs. état de faire fon cours de Philofophie. Deux Vie de Rians après il fut reçu Maître-ès-Arts. Il paffa cher par M. enfuite dans les Écoles de Théologie, où Baillet. l'on ne tarda pas à connoître fon mérite. Un Docteur nommé Etienne Roze, Chapelain de S. Ives, le retira chez lui, & lui fournit tout ce qui lui étoit néceffaire. Richer trouvoit tant de goût à étudier, qu'il y paffoit les jours & les nuits, ne prenant que deux heures de fommeil. Il fut choifi quelque temps après pour profeffer dans l'Univerfité, & il fut ravi que Dieu lui procurât cette occafion, pour ceffer d'être à charge fon bienfaiteur. Après avoir enfeigné les Tome X.

K

à

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