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Humanités pendant deux ans, il profeffa la' Rhétorique avec beaucoup d'éclat & de diftinction. Il enfeigna la Philofophie avec les mêmes applaudiflemens, & fongea enfuite à finir fa Licence. La Faculté fe trouvoit alors dans le plus trifte état, à caufe de la Ligue qui défoloit tout le Roiaume & fur-tout la Capitale. La Sorbonne privée de fes meilleurs fujets, avoit donné depuis quelques mois (au commencement de 1586) cet énorme decret, par lequel elle avoit eu l'infolence de déclarer tous les fujets du Roi dégagés du ferment de fidélité, & les avoit excités à prendre les armes contre lui, fous prétexte de conferver la Religion. Ce decrer avoit été publié dans toutes les églifes de Paris & dans plufieurs Provinces, par les Prédicateurs mendians & par la plupart des Curés mêmes. On refufoit déja tout communément l'abfolution & la communion, & même la fépulture Eccléfiaftique, à quiconque ne promettoit pas de fe révolter contre le Roi Henri III. Enfin il n'y avoit pas quinze jours que ce Prince avoit été la victime de la fureur des Ligueurs, lorfque Richer se fit infcrire pour le Doctorat. Ainfi fe trouvant enveloppé dans les malheurs de la Théologie du temps, il conferva les préjugés où il avoit été élevé, fans que Dieu permit qu'il trouvât quelque perfonne éclairée qui lui ouvrit les yeux La nature des études qui lui étoient prefcrites, lui ôtoit la connoiffance des faints Peres & des Conciles, qui auroient pû produire en lui d'heureux effers, On ne l'appliquoit qu'à la fcolaftique, & on lui infpiroit le plus profond refpect fur-tout pour Bellarmin. On lui faifoit

envifager comme un cinquiéme Evangile pour nous fervir de fes expreffions, les Traités que ce Jefuite, depuis Cardinal, avoit publiés touchant l'autorité abfolue du fouverain Pontife.

Il fallut foutenir des Thèfes conformes à la doctrine de fes Maîtres ; & il s'en acquitta avec tout le zéle d'un jeune Ligueur, difpolé à jurer fur les Ecrits des Efpagnols & des Italiens, & infecté des maximes du Docteur Boucher Curé de S. Benoît, le plus féditieux des Ligueurs, qui dans la fuite fut un de les plus implacables ennemis. Il fe laiffa emporter au torrent qui ravageoit alors toute la Sorbonne ; & le mauvais exemple l'engagea, comme plufieurs autres, à louer le parricide de Jacques Clement, comme une action héroïque, qui devoit procurer la liberté de l'Etat & de l'Eglife de France. Mais Dieu ne voulut pas qu'il demeurât long-temps dans fon aveuglement. Perfonne ne put l'empêcher de faire connoître dans fes dernieres Thèfes, combien il étoit oppofé à ceux qui parloient de faire venir l'Infante d'Espagne en France, pour la mettre fur le Trône au préjudice du Roi de Navarre. Il fit valoir dans la difpute le droit de la Couronne, avec une liberté qui fembloit devoir lui être funefte. Il fit voir combien il est avantageux à un Etat, d'avoir des Rois par fucceffion héréditaire plutôt que par élection ; & de quelle importance il eft pour la Monarchie, que les femmes foient exclues du gouvernement. La crainte d être refufé au Doctorat, l'empêcha alors d'aller plus loin; mais auffi-tôt qu'il eut !reçu le bonnet, il fe porta ouvertement pour Henri IV, & travailla puiffamment dans la

II.

de l'Univer

Faculté à ramener les efprits, & à les faire rentrer peu-à-peu dans leur devoir. Il fe fervoit utilement du crédit que lui donnoient les Charges & les Emplois par où on le faifoit pafler dans l'Univerfité & dans la Maifon de Sorbonne; en forte qu'il le rendit bientôt redoutable aux Ligueurs, & à ceux qui cherchoient à profiter des défordres publics & du relâchement de la difcipline.

eut le

Il porta le même efprit dans la prédiSes pré- cation de la parole de Dieu, à laquelle il dications. s'appliqua très-férieufement depuis qu'il fut Son zéle Docteur. Il évitoit dans cette augufte foncpour le Roi. tion les deux extrémités de la badinerie & de Ses travaux pour le bien Prédicateurs de fon temps. Son grand talent l'emportement, où tomboient la plupart des fité. étoit de développer les principes & les Myfteres de la Religion. Plufieurs envieux tâcherent de le faire paffer pour un Prédicateur fans onction. Mais le fruit que produifirent fes difcours, juftifierent affez fa méthode. Il courage d'infifter fouvent fur la foumiffion & la fidélité que les François devoient à Henri IV leur Roi légitime. De concert avec les Docteurs les mieux intentionnés pour la paix de l'Eglife & le repos du Roïaume, il engagea toute l'Université à reconnoître ce Prince. Il ne travailla pas avec moins de fuccès auprès des Religieux qui font du corps de l'Univerfité; & même parmi les autres Ordres, fi l'on en excepte les Jefuites & les Capucins, qui oferent déclarer folemnellement qu'ils attendoient ce que leur preferiroit la Cour de Rome. Ses travaux pour le bien de l'Univerfité l'empêcherent pas de donner fes foins au rétablissement du Collège du Cardinal le

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ne

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Moine, dont il avoit été nommé Grand-
Maître & Principal. De tous les Colléges
c'étoit celui que la
avoit le plus
dé-
guerre
folé. Sa fituation à l'entrée de la ville, avoit
donné lieu aux foldats de s'y loger, & d'y
introduire toute forte de défordres, dont
le moindre fembloit être l'interruption des
exercices & la défertion des Ecoliers. Les
Bourfiers vivoient dans un déréglenient, qui
ne différoit gueres de la vie oifive des foldats
en quartier d'hiver.

I I.

Richer comprit l'obligation que lui impo

III.

foit fa qualité de Grand-Maître. Il voulut Il rétablit faire revivre la regle; mais il trouva des le College duCardinal obftacles de la part des Bourfiers, qui le regarderent comme un réformateur impor. le Moine. tun. Ils fe prétendirent exempts de fa jurifdiction, & s'oppoferent juridiquement à tout ce qu'il pourroit entreprendre à leur préjudice. L'affaire fut portée au Parlement, qui accorda à Richer les provifions fuffifantes pour rétablir la bonne difcipline dans le Collége, en attendant que le fond du procès fût jugé. Les Bourfiers le décrierent dans des libelles diffamatoires, & oferent attaquer fa réputation dans des vers fatyriques. Mais le Parlement réprima leur infolence, & permit au Grand-Maître de chaffer les fujets rebelles & vicieux. Richer en s'appliquant au bien fpirituel de la Maifon, ne négligeoit pas le temporel, qui avoit été diffipé pendant les guerres civiles. Il fit défricher la cour, rétablir l'églife & les autres édifices, & revenir la plus grande partie des biens, qui avoient été aliénés par la négligence de fes prédécef

IV.

cation à

feurs. Il fit enfuite ouvrir les Claffes, & fuivit en tout point les pieufes intentions du Cardinal fondateur. Ses foins s'étendoient auffi fur les dehors du Collège & même fur tout le quartier, par l'inclination qu'il avoit à faire du bien a tout le monde. Il détruifit près de S. Nicolas du Chardonnet, un égoût qui infectoit les environs. Il vint à bout de le détourner dans la Seine par de grands travaux, ce qui rendit depuis le quartier fort fain & mieux peuplé qu'auparavant. Les Chanoines de S. Victor, le Prévôt de Paris & les Echevins, lui rendirent des témoignages publics de leur reconnoissance. II remédia auffi aux inondations fréquentes de la Seine, qui regorgeoit fous terre tous les hivers dans le grand jardin de fon Collège & dans ceux des Bernardins. Pour les en garantir, il fit élever des chauffées & des terraffes jufqu'au Quai de la porte S. Bernard. Afin d'être en état de fournir à tant de dépenfes, i ménageoit avec une economic admirable les fonds qu'il avoit fait rentrer, & les revenus de fon emploi de Grand-Maître. C'eft ce qui fit remarquer en lui un défintéreffement, une générofité, une grandeur d'ame, que l'on trouve rarement dans ceux à qui ni la naiffance ni l'éducation n'ont pu infpirer ces nobles fentimens.

Après le rétabliffement du Collège & de Son appli- fes exercices, Richer confidérant tous les devoirs d'un Principal, fe crut obligé de tra vailler en particulier pour les Profeffeurs & les Ecoliers. Il chercha les moïens de faciliter aux premiers la véritable méthode d'enfeigner, & aux autres la maniere d'étudier folidement. Il ne fit pas difficulté de partager

former l'efprit & le cœur des

jeunes gens.

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