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Général avoit défendu d'argumenter fur ces queftions. C'est ce qui s'exécuta le jour de la difpute. Un Bachelier attaqua la premiere These où il étoit dit, qu'il n'y a aucun cas où le Concile foit au-deffus du Pape, & foutint que cette propofition étoit hérétique, parce qu'elle étoit contraire aux décisions d'un Concile œcuménique. Le Nonce qui étoit préfent, fut extrêmement choqué du terme hérétique. Le Préfident s'en apperçut, & dit qu'on auroit pu fe contenter de qualifier la propofition comme fausse & erronée, fans la déclarer hérétique ; qu'au refte il protel toit publiquement, qu'il n'avoit point cu intention de choquer l'Univerfité de Paris qu'il regardoit comme la muere de toutes les autres Univerfités ; qu'il ne traitoit ces fortes de queftions que comme problématiques, & qu'il ne défendroit pas autrement la Thèse que le Bachelier attaquoit, s'il lui étoit permis de répondre. Auffi-tôt le Nonce ordonna qu'on difputât ; & comme le Répondant voulut s'en tenir aux ordres de fon Général, le Président n'y aïant point égard, prit la parole pour défendre la Thèfe. Mais il fut interrompu par une multitude d'Auditeurs des plus diftingués, qui dirent que l'on ne devoit pas fouffrir qu'on traitât ces questions comme problématiques, puifque depuis le Concile de Conftance l'Eglife Gallicane avoit toujours regardé comme de foi la doctrine contraire. Les Magiftrats qui étoient préfens, murmurerent, & quelques-uns difoient qu'il falloit faire lacerer la Thèfe publiquement. Alors le Cardinal du Perron fit defcendre le Syndic des écoutes, & lui demanda pourquoi il avoit laiffé difputer fur ces questions mal

gré la défenfe des Gens du Roi. Richer répondit qu'il avoit permis qu'on attaquât les Thefes, afin de donner lieu au Président de réparer publiquement le fcandale qu'elles avoient caufé. Il allégua les ftatuts de l'Uni verfité homologués en Parlement, portant ordre de punir le Syndic, le Préfident & le Répondant, fi l'on foutenoit quelque Thèfe contraire aux maximes du Roiaume Le Cardinal du Perron ne put répliquer. Il déclara en cette Affemblée qu'il regardoit ces quel. tions comme problématiques. Le Nonce voulut qu'on continuât la difpute. Le Bachelier le fit, & pouffa vivement le Préfident, qui n'alléguoit pour lui que Cajetan. Le Cardinal du Perron fit argumenter für l'Euchariie, pour faire diverfion.

XV.

Le Parle

Le lendemain 28 Mai, les Jacobins afficherent encore des Thèfes le Dimanche pour fuivant, fête de la fainte Trinité. Mais Ni- ment favorife le zéle colas de Verdun, qui avoit été fait tout ré- de Richer. cemment premier Préfident du Parlement par Nouvelles la ceffion d'Achilles de Harlai, ne voulut pas entreprises qu'on difputât un jour de Dimanche, & ne le du Clergé. permit pour les jours fuivans, qu'après avoir fait raïer la Thèfe qui attribuoit au Pape l'infaillibilité & le droit de décider feul des vérités de la Foi. Le Parlement étant infor mé de ce qui s'étoit paffé le 27 Mai, envoïa un député aux Miniftres, pour les en avertir. Les Miniftres renvoïerent l'affaire au pre-. mier Préfident, qui manda le Syndic Richer, pour le féliciter fur le fervice important qu'il venoit de rendre au Roi & à l'Etat. Il lui promit de feconder fon zéle, & l'affura que la Cour reconnoîtroit fon mérite. Il le pria en même-temps de dreffer un procès-verbal

de tout ce qui s'étoit paffé le 27 Mai. Richer obéit, mais avec répugnance, fachant que le Nonce en feroit mécontent. Il fit dreffer l'acte avec toute l'exactitude poffible, & le porta au premier Préfident, figné du Recteur de l'Univerfité, du Syndic de Sorbonne, & des quatre Docteurs qui avoient été temoins de tout ce qui s'étoit paffé. Le premier Préfident témoignant vouloir s'inftruire à fond d'une doctrine fi importante à l'Eglife & à l'Etat, & dont la connoiffance étoit fi néceffaire au Chef du Parlement, pria Richer très-instamment de lui donner par écrit une instruction fur ces matieres. Il l'affura que les, Miniftres lui accorderoient leur protection, & qu'il pouvoit compter fur celle du Parlement. Mais ce Magiftrat ne favoit pas encore ce que le Nonce, le Cardinal du Perron, l'Evêque de Paris & plufieurs autres Prélats méditoient pour le venger de Richer. Malgré la défenfe faite par le premier Préfident d'ouvrir les difputes le Dimanche de la Trinité, ils fe rendirent ce même jour aux Jacobins,& folliciterent les Bacheliers de difputer; mais aucun d'eux ne voulut obéir. Le Cardinal & les Evêques allerent fur le foir trouver le Chancelier & M. de Villeroi, qui gouvernoient fous la Reine Régente, & oferent leur dire qu'il étoit autant permis de douter de l'état du mariage de la Reine & de fes enfans, que de la puiffance du Pape, qui avoit donné au Roi Henri IV la difpenfe pour fe remarier. Les deux Miniftres furent indignés d'un difcours fi infolent & d'une comparaifon fiodicufe: mais ils craignoient la puiffance du Clergé uni avec la Cour de Rome.

Le premier Préfident fit de nouvelles inf

tances

XVI.

que & Poli

tances à Richer, pour l'engager à l'inftruire par écrit des Libertés de l'Eglife Gallicane, Richer témoignant vouloir marcher fur les traces compofe d'Achille de Harlai fon illuftre prédéceffeur. fon livre de la Puiffance Quelques amis de Richer lui confeilloient de Eccléfiaftine pas le fier au premier Préfident, fous prétexte qu'il avoit été élevé chez les Jefuites, tique, à la & avoit obtenu cette Dignité par leur crédit priere du & à la follicitation du Nonce. Les autres ju- premier gerent que ce n'étoit pas une raison suffisan- Président te, pour refufer d'inftruire un Magiftrat qui du Parleparoiffoit avoir un defir fi fincere de connoî- ment. Les nartifans tre la vérité, & qui par état étoit obligé de de ta Cour maintenir en mille rencontres les Libertés de de Rome J'Eglife Gallicane, & de renfermer dans les tâchent de juftes bornes la puissance Eccléfiaftique. Ri- le faire décher fe rendit à tes raifons, & aux vives inf- pofer du tances que le premier Président réitéroit pref- Syndicat. que tous les jours. 11 compofa fon Ouvrage fur les regles de la Théologie pofitive, & l'intitula, De la Puiffance Ecclefiaftique & Politique. Il en tira tous les principes, de fon Apologie de Gerfon, qu'il n'avoit pas publiée. Avant de le préfenter au premier Préfident ; il le fit éxaminer par des Théologiens, & entr'autres par de Gamaches, Profeffeur Roïal. Pendant ce temps-là, le Nonce de concert avec le Cardinal du Perron, l'Evêque de Paris qui defiroit fort le Chapeau, & quelques autres Prélats, réfolurent de faire đéposer Richer du Syndicat, qui alors étoit perpétuel Ils jetterent les yeux fur Filefac, Theologal de Paris & Curé de S. Jean en Grêve, pour le fubftituer à Richer. Filefac rejetta d'abord la propofition, fit l'éloge de Richer, & vanta tous les fervices qu'il avoit rendus à l'Eglife depuis qu'il étoit Syndic Tome X.

L

XVII. Richer donne di

Le Nonce fit fonder plufieurs Docteurs, ordonna aux Mandians d'aller exactement aux Aflemblées, & eut recours à tous les moïens ufités en Italie, & qui ne font devenus depuis que trop communs en France. La brigue ne fe trouva pourtant pas encore affez forte. Le Nonce, en politique délié de la Cour de Rome, arrêta le zéle impétueux de l'Auditeur Scappi & du Docteur Duval, & leur dit que l'affaire n'étoit point affez mûre, & qu'on la feroit avorter en ufant d'une trop grande précipitation.

Cependant Richer préfenta fur la fin de Juillet fon Ouvrage manufcrit au premier Préfident, qui le reçut avec toute la reconvers avis au noiffance poffible, en proteftant de nouveau premier qu'il défendroit hautement l'ancienne docPréfident, trine de l'Eglife Gallicane,& preffant le Syn

dic de lui dire quel bénéfice ou quelle penfion il fouhaitoit qu'il demandât pour lui aux Miniftres. Richer le remercia, en l'affurant qu'il ne defiroit rien, & qu'il vouloit demeurer toujours dans la médiocrité de fon état, s'appliquant de tout fon pouvoir à fervir fon Dieu & fon Roi. Il eut enfuite une conférence fecréte avec le Magiftrat, pour lui faire comprendre l'importance de cette affaire. Il lui prouva que la Cour de Rome en vouloit à la liberté de l'Eglife de France, & à la fouveraineté du Roi ; que les Jefuites depuis la Ligue fe mêloient des affaires du Roïaume, & entroient même dans le fecret des familles ; & que depuis leur rétablissement en France, ils avoient fait de tels progrès à la Cour, qu'infailliblement leur ambition cauferoit un jour la ruine de leur Companie, ou celle de la République Chrétienne.

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