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de fa charge de Camerlingue, qui répond à celle de Trésorier Général.

Les Barberins effraïés implorerent la protection de la France, & ils l'obtinrent aifément par le Cardinal Mazarin, qui étoit charmé de trouver l'occafion de chagriner le Pape. Le Cardinal Antoine prit la réfolution de fe réfugier dans ce Roïaume'; mais avant de l'exécuter, il laiffa une procuration à fon frere le Cardinal François Barberin, pour exercer en fon absence toutes les Charges & fes Emplois. Il en donna avis an Pape par une Lettre très-refpectueufe & très-foumife. Mais Innocent X n'y aïant aucun égard, difpofa en faveur de fes Confidens & de fes Favoris de ces Charges & de ces Dignités. Il déclara le Cardinal Sforce, qui étoit ennemi mortel des Barberins, Vice-Camerlingue, & pourvut à-peu-près de même à tous les autres Emplois. Le Cardinal François Barberin fut cité à la Chambre Eccléfiaftique, pour y ren-, dre compte du maniement qu'il avoit eu depuis cinq ans, des grandes fommes tirées du château Saint-Ange pour la levée & la fubfiftance des troupes. Quoiqu'il lui fût aifé de fe juftifier, il crut plus prudent de fe retirer en France avec fon troifiéme ftere, qui em-. mena auffi les quatre enfans. Ils furent bien reçus du Cardinal Mazarin, qui les logea quelque temps dans fon Palais : c'étoit au commencement de 1646. Ils porterent en France de groffes fommes d'argent, dont le gouvernement profita pour lever de nouvelles troupes. Le Cardinal Antoine gagna fi

bien la Cour, qu'il fut nommé en 1653 Archevêque de Rheims, & Grand-Aumônier.

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XIV.

Parlement

lic,

Le Pape irrité de la défertion des BarBulle d'In- berins, publia en Février 1646 une Bulle nocent X terrible contre les deux freres Cardinaux. Il y déclarée déclaroit que les Cardinaux qui s'éloigne nulle par le roient fans fa permiffion de l'Etat Eccléfiaftide Paris. Le que, auroient tous leurs biens confisqués; Pape fe ré- que s'ils ne retournoient pas fix mois après, concilie a- ils feroient privés de l'entrée des églifes, & vec les Bar- dépouillés de leurs bénéfices & de leurs emberins. La plois ; qu'en perfiftant dans la défobéillance, guerre dé- ils feroient privés du chapeau, fans qu'ils fole l'Ita puffent être rétablis au Cardinalat que par le Pape, & non par le facré Collège, le Siége vacant. Il vouloit que cette Bulle eût lieu, nonobftant toute raifon ou toute excufe, quoiqu'elle fût proprio motu, Il y déclaroit qu'il dérogeoit à tous les Canons inférés dans le corps du Droit, à toutes les Conftitutions Apoftoliques, à toutes les décifions des Conciles provinciaux & généraux faites & à faire. Le Parlement de Paris fur un beau requifitoire de M. Talon, Avocat-Général, déclara par Arrêt la Bulle d'Innocent X nulle & abufive. Cet Arrêt fut bientôt fuivi d'un autre, qui défendoit d'envoïer de l'argent à Rome pour l'expédition des Bulles, & on nenaça même le Pape de fe faifir d'Avignon. Cette menace fut bientôt fuivie d'un armement de terre & de mer contre l'Italie. Le Pape aiant appris ces triftes nouvelles, changea de ton, & chercha les moïens de fe ré concilier avec la Maifon Barberine. Il rétablit les Barberins dans tous leurs biens & toutes leurs Charges, & déclara qu'il le fai foit à la confidération du Roi très-Chrétien, qui les avoit honorés de fa protection, & qui leur avoit donné retraite dans fon Roïaume,

Cependant les affaires des Efpagnols étoient en fort mauvais état. La guerre que la France leur faifoit, fur-tout en Italie, obligea les Vice-Rois de Naples & de Sicile à furcharger le peuple d'impôts pour en foutenir les frais. C'eft ce qui caufa une révolte générale à Palerme & à Naples. Les rebelles appellerent à leur fecours le Duc de Guife Henri II. C'est lui qui avoit été revêtu du titre d'Archevêque de Rheims pendant quelques années. Il étoit alors à Rome, où il follicitoit la caffation de fon mariage, pour en contracter un autre plus conforme à fes inclinations. Comme il étoit fort courageux, & qu'il croïoit avoir des droits bien fondés fur le Roïaume de Naples, il profita de l'occafion pour l'enlever aux Efpagnols. Avant que de partir pour aller au fecours des rebelles, il voulut fonder fur fon entreprise les difpofitions du Pape, qui n'oublia rien pour enflammer l'ambition du jeune Prince. Le détail de ces affaires temporelles, & de la guerre de trente ans qui agira toute l'Europe jufqu'aux traités de Munster & d'Ofnabrug en 1643, n'eft pas de l'objet de l'Hiftoire Eccléfiaftique. Nous ne dirons rien ici de la part qu'y prit Innocent X, ni de l'affaire des cinq fameufes propofitions que ce Pape condamna. Nous parlerons ailleurs de cette derniere affaire, qui eft la plus importante du Pontificat d'Innocent X, & qui eut les plus grandes fuites.

IX.

XV.

fcandaleufe

Le crédit énorme qu'avoit fur l'efprit de Liaifon ce Pape fa belle-four la fameufe Olympia d'Innocent Maldachini, a beaucoup nui à fa réputation, X avec De& a donné lieu à d'étranges difcours. Cette na Olymfemme également hardie & ambitieuse, pia.

obrenoit du Pape tout ce qu'elle vouloit. Sa liaifon avec ce Pontife étoit ancienne, & alloit au-delà de la bienféance. Innocent X n'entreprenoit jamais rien fans la confulter comme un oracle, & fuivoit en tout les confeils. Elle attiroit à elle toutes les affaires, recevoit les placets, entendoit les plaintes des Cliens, ordonnoit des peines & des récompenfes, faifoit de nouvelles Loix, abrogeoit celles des autres Papes. Elle étoit d'une avarice fordide, & elle fe fervit de tout l'afcendant qu'elle avoit fur l'efprit du Pape, pour enrichir la Maison, & fatisfaire fa vanité. Ses appartemens étoient toujours ouverts aux Joueurs, qui fachant bien qu'il falloit fe laiffer perdre pour lui plaire, ne manquoient pas de lui donner cette fatisfaction, afin de fe maintenir dans fes bonnes graces, & de la difpofer à leur être favorable dans le befoin. Il y eut une occafion, où aïant fait paroître un défir exceffif de s'enrichir, elle s'attira des reproches de la part d'Innocent X. Les Prélats Réguliers en Italie y jouiffent du privilége de pouvoir officier pontificalement comme les Evêques, mais non pas d'y porter la croix d'or à découvert fur la poitrine, comme ils font en Allemagne. Ces Prélats voïant qu'on pouvoit tout obtenir avec de l'argent par le crédit de la belle fœur, offrirent à cette Dame une fomme confidérable, fi elle vouloit leur procurer la prérogative de porter la croix d'or fur la poitrine. Olympia en parla au Pape, qui lui confeilla de leur répondre, qu'elle lui en avoit parlé, mais qu'il avoit été fi offenfé de cette propofition, qu'il avoit résolu pour Jes en punir de les priver des ornemens pon

tificaux. Cette réponse allarma fort les Abbés, qui ne penfant plus à la croix, demanderent à la Dame comme une très-grande

grace, de faire en forte que le Pape ne leur otât pas le privilége dont ils étoient en poffeffion. Afin de l'y difpofer plus efficacement, ils lui donnerent une fomme encore plus grande que celle dont il avoit d'abord été queftion. On dit que la même Olympia vendoit au plus offrant les Charges civiles & Eccléfiaftiques; que par ce trafic criminel elle amaffa des tréfors immenfes, & qu'elle remplit les Diocèfes d'Italie d'Evêques & de Prêtres ignorans & déréglés.

femme

tions at

Cette conduite rendit Olympia l'objet de XVI. l'horreur publique. Le Pape voulant prendre Retraite quelque foin de fa réputation, réfolut d'é- d'Olympia. loigner pour quelque temps fa belle-four. Une autre On ne convient pas fi la difgrace fut entiere prend fa & réelle, ou seulement apparente. Le Cardi- place. Innal de Retz dit dans fes Mémoires, que nocent X l'Abbé Charier qu'il avoit envoïé à Rome condamne pour négocier le chapeau (en 1649) trouva les cinq la face de cette Cour tout-à-fait changée, par propofila retraite plutôt que par la difgrace de la tribuées deSignora Olympia. La Princeffe de Roffane, puis à Janniece du Pape, prit la place d'Olympia, & fenius. attira à Innocent de nouvelles fatyres qui ne pouvoient que le rendre odieux & méprifable. Ce fut en 1653, qu'il donna la fameuse Bulle qui condamne les cinq propofitions attribuées depuis à Janfenius. Les Jéfuites qui avoient des vûes fecrétes & profondes dans cette affaire, crurent beaucoup gagner en engageant le Pape à donner cette décifion. Quand M. de Saint-Amour, que les difciples de S. Auguftin avoient envoïé à Rome

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