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XVII.

derniere
maladie.

avec quelques autres Théologiens, conjuroit le Pape de prendre par lui-même connoiffance de cette affaire, il répondoit naïvement : Ce neft pas là ma profession. Je fuis vieux, & je n'ai jamais étudié en Théologie. Il ne laiffoit pas de témoigner hautement dans l'occafion fon refpect pour la doctrine de S. Augustin, difant qu'où étoit S. Auguftin, là étoit l'Eglife. Le Pape aïant éprouvé quelques chagrins Le Pape domeftiques, étant fur-tout affligé de voir rappelle O- fa famille partagée par différentes paffions lympia. Sa de jaloufie & d'ambition qui la déchiroient, commença à regretter l'absence de fa bellefour, qui avoit plus de zéle pour les intérêts de fa Maison, & plus de conduite elle seule pour les bien ménager, que n'en avoient tous les autres enfemble. Il confentit donc qu'elle vint le voir au mois de Mars 1653. Elle cut affez d'adreffe pour regagner fur fon efprit le même empire qu'elle y avoit eu auparavant. Elle fupplanta Aftalli qu'Innocent Xavoit adopté pour fon neveu, & qu'il avoir fait Cardinal & Chef de fa Maison. Ce puiffant Favori eut l'ingratitude de fe lier fecrétement avec les ennemis du Pape. Olym pia l'aïant appris, le fit chaffer du Palais & éxiler dans le Marquifat de fon frere. En même-temps elle travailla à réconcilier les Barberins avec le Pape. Cette réconciliation promettoit de grands avantages aux Pamphiles; mais Innocent X y avoit une extrême oppofition. La chofe réuffit néanmoins par une alliance entre une petite niéce du Pape, & Dom Maffée Barberin alors Abbé, & depuis Prince de Paleftrine. Le Pape voulut encore fortifier fa Maifon, en lui attachant plufieurs perfonnes d'un grand crédit,

qu'il fit Cardinaux : c'étoit en 1654. Comme il fe voïoit accablé de vieilleffe & tourmenté par les cruelles douleurs de la goutte, il quitta l'adminiftration des affaires, pour la laiffer toute entiere à fes Miniftres. Craignant que les Efpagnols n'avançaflent fa mort par le poifon, il se détermina à confier fa vie uniquement à fa belle-four. Elle étoit toujours auprès du lit du Pape, qui ne pou voit plus fe tenir debout. Cette femme ne fe fiant à perfonne, donnoit elle-même à manger à fon beau-frere, aiant fait de févères défenfes de laiffer entrer perfonne dans les offices, qu'elle n'y fût préfente. Souvent elle faifoit porter dans la chambre du Pape une petite table, où elle prenoit fon repas, en même temps que le Pape prenoit le fien.

XVIII.

Il fe trouva très-mal à la fin de Décembre 1654, & les médecins en défefpérerent ab- Sa mort. folument. Perfonne n'ofant lui annoncer la mort, le Cardinal Azzolina y obligea le Confeffeur de fa Sainteté, qui étoit un Théatin. Le Pape donna fa bénédiction à fes neveux & nieces, & fit venir fon Prédicateur, afin qu'il l'exhortât dans fes derniers momens. Aïant apperçu près de fon lit le Cardinal Sforce, il lui dit : Vous voyez où vont aboutir toutes les grandeurs d'un fouverain Pontife. Il fit ou vrir pendant trois jours toutes les portes da Palais,afin que tout le monde indifféremment pût le voir. Il mourut la nuit du 6 au 7 de Janvier 1655 âgé de plus de quatre-vingts ans, dans la onzième année de fon Pontificat. Il avoit fait bâtir à Rome deux églifes magnifiques, & deux Palais fuperbes. Il laiffa beaucoup d'argent, dont on fe fervit utilement pendant la longue vacance du

XIX.

Saint-Siége, & qui fut d'un grand fecours à celui qui lui fuccéda. Quelques Hiftoriens difent qu'il étoit d'une taille fort haute, & d'un port grave & majeftueux ; qu'il avoit un naturel ardent & plein de feu, une ame élevée, un efprit très-ferme & très-actif, une pénétration merveilleufe, un difcernement exquis; qu'il étoit refferré dans les dépenfes fuperflues, & magnifique dans les néceffaires; qu'il aimoit tendrement fes Sujets & plus encore l'honneur de l'Eglife. D'autres Hiftoriens affurent qu'Innocent X étoit l'homme le plus laid & le plus difforme qui füt jamais né fur la terre, qu'il étoit méchant, artificieux, & fort ignorant. Ce qui eft certain, c'eft qu'il y a peu d'Ecrivains François & Italiens qui parlent avantageufement de ce Pape.

X.

Le 18 de Janvier, les Cardinaux entrerent Conclave en Proceffion dans le Conclave. Il dura quaqui fuivit la tre-vingts jours, pendant lefquels il y eut mort d'In- des intrigues d'une nouvelle efpece, dont on

nocent X.

voit le détail dans les Mémoires du Cardinal de Retz, témoin oculaire & digne de foi. Comme il n'y avoit perfonne qui pût fe mettre à la tête de la faction Pamphile, dix Cardinaux réfolurent de faire une profeffion publique en entrant dans le Conclave, de toute forte d'indépendances & de factions & de couronnes. Comme celle d'Efpagne étoit en ce temps-là la plus forte à Rome, & par le nombre des Cardinaux, & par la jonction de ceux qui étoient attachés à la Maifon de Médicis, ce fut auffi celle qui éclata le plus contre cette indépendance de l'Efcadron

:

volant c'eft le nom qu'on donna à ces dix Cardinaux, qui s'appelloient eux-mêmes fort plaifamment la brigue du Saint - Efprit. Le premier pas qu'ils firent fut de s'unir avec le Cardinal Barberin, qui vouloit faire Pape Sachetti, créature d'Urbain VIII. Ceux de l'Efcadron, qui avoient envie de mettre fur le Saint-Siege le Cardinal Chigi, crurent que l'unique moyen d'engager Barberin à le fervir, feroit de l'y obliger par reconnoilfance, & de faire tous leurs efforts pour élever fur le Saint-Siege Sachetti, efforts qui feroient pourtant inutiles par l'évenement, & qui ne ferviroient qu'à les lier fi étroitement avec Barberin, qu'il ne pourroit s'empêcher dans la fuite d'entrer dans les vûes qu'ils fe propofoient. Voilà le grand fecret de ce Conclave. C'étoit une espece de Comédie, où tous les acteurs jouoient parfaitement leur rôle. Les fcènes furent peu diverfifiées; mais les épifodes furent fort curieux. On donnoit deux fois le jour trentedeux & trente-trois voix à Sachetti, & ces voix étoient celles de la faction de France, des créatures du Pape Urbain & de l'Escadron volant. Celles des Efpagnols, des Allemands & des Médicis tomboient fur différens fujets; & ils affectoient d'en ufer ainfi, pour faire paroître leur conduite exempte d'intrigues & de cabales. Mais le public n'en étoit pas la dupe, parce que l'on favoit que l'ame de cette faction étoient les Cardinaux Trivulce & de Médicis, dont les mœurs étoient fort déréglées. Ainfi la faction d'Espagne perdoit chaque jour du terrain, par l'adreffe de l'Efcadron volant, qui ne cherchoit qu'à la divifer, & à affoiblir celle de France, pour fe

Mém. Tom. rendre maître de l'élection. « Nous voulions
V. pag. 122 Chigi, dit le Cardinal de Retz, & nous ne
&fuiv. le pouvions avoir, qu'en faifant tout ce qui
étoit en notre pouvoir pour l'exaltation de
Sachetti; & nous étions moralement affurés
que ce que nous ferions pour Sachetti ne
pourroit réuffir: de forte que la bonne con-
duite nous portoit à ce que nous étions obli-
gés par la bonne foi. Cette utilité n'étoit pas
la feule. Notre manœuvre couvroit notre mar-
che,& nos ennemis tiroient à faux, parce qu'ils
vifoient à faux, & toujours où nous n'étions
pas. Vous verrez le fuccès de cette conduite
après que je vous aurai expliqué celle de Chigi,
& la raifon pour laquelle nous avions jetté les
yeux fur lui... Pour abréger, Chigi fit fi bien par
fa diffimulation profonde, que nonobftant
la petiteffe qu'il ne pouvoit cacher à l'égard
de beaucoup de petites chofes, & fa phyfiono-
mie, qui étoit baffe, & qui tenoit beaucoup
du Médecin, quoiqu'il fût de bonne naif-
fance, il fit fi bien, dis-je,
, que nous crûmes
que nous renouvellerions en fa perfonne, fi
nous le pouvions porter au Pontificat, la
gloire & la vertu de faint Grégoire & de faint
Léon. Nous nous trompâmes dans cette efpé-
rance. Nous ne réufsîmes qu'à l'égard de fon
éxaltation. M. le Cardinal Barberin, qui
avoit dès fon enfance aimé jufqu'à la paffion
la piété, & qui eftimoit beaucoup celle qu'il
croïoit en Chigi, fe rendit avec affez de faci-
lité; & il n'y cut, à dire le vrai, qu'un fcru-
pule, qui fut que Chigi, qui étoit fort ami
des Jéfuites, pourroit donner atteinte à la
doctrine de faint Auguftin.... Je fus chargé
de m'en éclaircir avec lui, & je m'acquittai
de ma commifion, d'une maniere qui ne

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